Caen, la glissade

 

Il y a un an, le plus gros sponsor vu ces dernières années dans le hockey français, Bayer, se désengageait presque totalement du Hockey Caen Calvados. Coup dur pour le vice-champion de France et vainqueur de la coupe, qui semblait toutefois réagir rapidement à la situation. Logiquement, la masse salariale était réduite de manière drastique, et on pensait alors que les efforts avaient été faits pour assurer la survie du club.

Douze mois plus tard, il faut se rendre à l'évidence : ce n'était pas le cas. Si la réduction des dépenses a été annoncée sur tous les toits, il est vrai que Caen avait néanmoins recruté des étrangers de bon calibre, probablement trop chers pour ses moyens a posteriori. Parmi eux, des joueurs de talent comme le Finlandais Tuomo Maatta, dont la motivation a semblé toutefois semblé décliner tout au long de la saison. Ne valait-il pas mieux tenter d'attirer des Français désireux de jouer en élite plutôt que de tout miser sur quelques étrangers de bon calibre au détriment de la quantité ? Difficile à dire. Toujours est-il que l'équipe normande a connu une saison ardue, marquée par la grave blessure de Rodolphe Garnier qui l'ont contraint à arrêter sa carrière de joueur et à se reconvertir comme entraîneur, et par une longue litanie de défaites qui a suivi un début pourtant prometteur (victoire au courage dans le premier match à domicile contre Amiens). Le banc était très juste, et il a fallu recourir à des juniors, et même à des cadets, pour compléter les lignes, ceux-ci s'en tirant d'ailleurs plutôt bien, de quoi regretter de ne pas avoir fait confiance aux jeunes du cru plus tôt, ce qui aurait permis d'éviter le plongeon financier.

Le constat en fin de saison était sans pitié : une ambiance de plus en plus morose et, pour finir, une douloureuse élimination en play-offs ponctuée par un humiliant 1-10 à domicile contre Reims, à l'issue de laquelle on a parlé d'une vengeance des Finlandais contre Rodolphe Garnier, qui avait succédé sur le banc à Jarmo Kuusisto, qui avait commencé la saison comme entraîneur-joueur. Mais surtout, le HCC bouclait le championnat avec un déficit de 700 000 francs.

Le club demande alors une subvention exceptionnelle à la mairie. Celle-ci, qui apporte sa contribution à hauteur de deux millions de francs, semble plutôt privilégier la piste d'un nouveau départ en division 1, option qui a d'ailleurs l'appui du capitaine Jean-Christophe Filippin : "J'ai signé un pré-contrat de deux ans à Anglet. A mon avis, Caen ne pourra pas redémarrer en Elite, ou en tout cas avec des salaires très bas. Or il n'y a plus beaucoup de joueurs sur le marché. Peut-être serait-il profitable de redescendre en N1 et d'y avoir une équipe compétitive, d'autant que pour la saison 2002-2003 nous devrions passer à une Elite élargie, intégrant les clubs de N1." La commission sportive nationale ne cesse d'accorder délai sur délai au HCC pour présenter les pièces nécessaires qui se font désespérément attendre. Les déclarations du président Jean-Jacques Hascoët, chirurgien de son état, qui annonce tabler sur un budget de 4,8 millions de francs, ont de quoi surprendre au regard de la situation financière du club ; elles ne convainquent en tout cas pas les autorités du hockey français, pas plus que la municipalité, qui ne reconduit pas sa subvention. C'en est fini pour les rêves d'élite. Hascoët produit alors un budget tout aussi étonnant de 3,8 millions de francs pour la N1, assez disproportionné pour cette division, avant de présenter sa démission.

Mais il est de toute manière trop tard, car la division 1 a déjà présenté son calendrier et est au complet. Les espoirs caennais baissent alors de nouveau d'un cran : reste la division 2, élargie à 24 clubs et qui peut repêcher deux clubs sur dossier. Cette décision semble alors être faite sur mesure pour offrir une porte de sortie au HCC.

Mais l'assemblée générale se déroule dans la confusion : l'ex-président Hascoët ne vient pas s'expliquer de ses erreurs, les statuts sont bafoués à plusieurs reprises, et le président par intérim Ohlund continue finalement sans qu'une élection ait lieu, une nouvelle AG étant promise pour septembre. L'expert-comptable du club juge les comptes flous et un commissaire aux comptes refuse de les certifier.

Une candidature pour la division 2 est alors présentée avec un budget de 2 millions de francs encore une fois bien au-dessus de la moyenne de cette division. Le dossier est rejeté dès le premier examen, la commission sportive nationale rendant son verdict en ces termes : "les seuls éléments présentés résident dans un budget prévisionnel très détaillé jusqu'en 2006 qui laisse apparaître une volonté de retrouver l’élite sous 5 ans. Le dossier ne traduit pas d’autre motivation sportive réelle et laisse planer de nombreuses incertitudes tant sportivement que dans le domaine financier."

C'est donc, après un nouveau dépôt de bilan du club, qui avait déjà connu la même mésaventure en 1992, en division 3 que se situe l'avenir immédiat du club caennais. Il semble pourtant qu'avec un peu de prudence financière, cette dégringolade aurait pu être évitée, et que le déficit aurait pu être absorbé (ou même contrôlé en amont avec un budget plus strict dès cette saison). Heureusement, il semblerait que Rodolphe Garnier et Jean-Marc Soghomonian soient prêts à être les fers de lance d'une reconstruction et qu'on puisse encore envisager l'avenir du club du Calvados avec un relatif optimisme, même si cette glissade "progressive" en quelques mois de l'élite à la division 3 laisse un goût amer.

Mais pourront-ils reconstruire une équipe ? En effet, la plupart des joueurs se sont sortis sans trop de dommages de ces évènements et ont trouvé un nouveau club : Rémi Caillou de retour à Amiens où Brice Chauvel retrouvera son frère Luc, Jean-Christophe Filippin à Anglet, Balmat et Lehmusvuori à Angers, Maatta et Galmiche à Mulhouse, Jouni Lahtinen à Riessersee en Bundesliga 2, Bertrand Pousse à Briançon, Olivier Vandecandelaere à Tours et le jeune Loureiro à Besançon, alors que l'on attend encore de connaître la destination définitive de Nicolas Leroy.

Quelques signes pourraient rendre plus pessimiste et retarder la nouveau départ du hockey caennais. Le principal problème est que le dépôt de bilan, tout inévitable qu'il soit, n'a toujours pas été prononcé à la mi-août. Le temps perdu par l'ancienne équipe dirigeante sera peut-être difficile à rattraper : aucune réinscription n'a donc pu être effectuée, et le hockey mineur pourrait ne recommencer le championnat qu'en octobre ou novembre. Quant aux seniors, le risque d'une année blanche n'est du coup pas écartée.

Marc Branchu

 

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