Bilan des championnats du monde 2002

 

Si l'éloignement des sites a fait débat (la compétition sera d'ailleurs recentrée sur deux sites maximum à l'avenir), l'organisation de ce Mondial a été très bonne, mais a souffert d'un gros point noir. Après le succès populaire de l'an passé en Allemagne, ces championnats du monde organisés dans un grand pays de hockey sur glace ont en effet été un fiasco du point de vue de l'affluence. Même les matches de la Suède au premier tour ne se sont pas joués à guichets fermés. Les raisons en sont multiples. D'une part, la communication faite autour de la compétition était clairement insuffisante, et les championnats n'ont fait l'évènement dans aucune des villes-hôtes. D'autre part, les prix des billets étaient beaucoup trop hauts, ce qui a finalement conduit l'organisation à baisser les tarifs de certains matches en cours de tournoi ou à distribuer des invitations aux scolaires pour remplier les gradins lors du tour de relégation. Enfin, il faut bien constater que la passion suédoise pour le hockey n'est pas exempte de suffisance. Les Suédois ont souvent tendance à considérer que l'Elitserien se suffit à elle-même et manifestent peu d'intérêt pour ce qui peut se passer ailleurs, ce qui les a conduit à provoquer la mort de l'EHL et à témoigner peu d'attention pour ce tournoi mondial.

Le déséquilibre des forces, qui a fait que nombre de matches étaient vite pliés, a aussi contribué à cette désaffection. De plus en plus de voix, à l'image de celles des Tchèques ou des Canadiens, se sont ainsi élevées pour réclamer un retour à l'ancienne formule à douze équipes, qui aurait le double mérite de diminuer le nombre de matches d'une compétition souvent jugée trop longue et de ne laisser que des matches de haut niveau. L'IIHF a fait savoir qu'aucun changement de formule ne serait possible avant deux ou trois ans.

Mais les surprises qui se sont longtemps fait attendre sont finalement arrivées à partir des quarts de finale, et ont abouti à ce qui est peut-être la finale la plus inattendue de l'histoire des championnats du monde, entre deux nations exclues du carré des favoris supposés. Cela n'a pas empêché de voir un très beau vainqueur, comme quoi le hockey a triomphé malgré tout.

 

Bilan équipe par équipe

Premier : Slovaquie. Seulement trois mois après le désastre de Salt Lake City, la Slovaquie a remporté le premier titre mondial de sa jeune histoire. Un succès qui la conforte dans ses prétentions de transformer le "Big Six" mondial (qui comprend Russes, Canadiens, Suédois, Tchèques, Finlandais et Américains) en un "Big Seven". La Slovaquie a pu évoluer presque au complet, et les adjonctions des derniers grands absents Palffý et Stumpel lors des quarts de finale ont achevé d'en faire une machine à gagner. Sa faiblesse chronique au poste de gardien n'en était plus une car Lašák a enfin tenu le choc au plus haut niveau. Dès lors, plus rien ne pouvait empêcher le jeu offensif flamboyant des Slovaques, qui disposaient de deux blocs de très haut niveau mondial (Bondra-Stumpel-Palffý et Bartecko-Handzus-Šatan), d'accéder enfin à la consécration qui s'était refusée à eux il y a deux ans. Comme à l'époque, Miroslav Šatan a terminé meilleur marqueur du tournoi en jouant au sommet de ses capacités, et il a été parfaitement secondé. Même si elle a connu des moments d'absence tout au long du tournoi, la Slovaquie avait assez de cordes à son arc pour les compenser. C'est tout un pays qui est en liesse : tous les avions depuis l'aéroport voisin de Vienne ainsi que les charters spécialement affrétés pour la finale étaient complets et le chef de l'état avait lui aussi fait le déplacement pour ce jour historique du hockey slovaque, suivi avec passion au pays. Maintenant, l'entraîneur Ján Fílc pourrait choisir de quitter son poste en pleine gloire pour prendre un poste dans la section marketing de la fédération.

Deuxième : Russie. Cette médaille d'argent est une grande victoire pour Boris Mikhaïlov. Considéré comme un vestige de la vieille école soviétique, peu apprécié par les stars de NHL, il a réussi à triompher sans elles et sans la confiance du public (ni celle du président Poutine, qui a nommé il y a quelques semaines comme ministre des sports Slava Fetisov, l'homme qui l'a évincé de son poste d'entraîneur national à l'occasion des derniers Jeux Olympiques). Seuls trois renforts d'outre-Atlantique étaient présents, Afinogenov, Kalinin et Lyatchenko, qui ont bien fait leur travail sans cependant être au-dessus du lot. Mikhaïlov n'a pas voulu ruiner l'équilibre de son équipe pour des renforts d'outre-Atlantique, et quand Alekseï Yashin a fait savoir qu'il voulait rejoindre la sélection, mais à condition d'être capitaine, il s'est vu apposer une fin de non-recevoir par les responsables fédéraux, qui lui ont rétorqué qu'ils en avaient déjà un... Heureusement pour l'image du hockey, pourrait-on dire, cette Russie vaillante mais limitée n'a quand même pas gagné. Sa place en finale relevait déjà du hold-up, obtenu grâce à une défense de fer et surtout à un excellent Maksim Sokolov, qui a d'abord gagné sa place de gardien titulaire devant Podomatsky avant d'écśurer les attaquants tchèques et finlandais en quart et en demi. Ce système de jeu ne relevait pas de principes tactiques de son entraîneur, mais en quelques sorte d'un aveu d'impuissance. Le formidable jeu collectif de l'équipe d'URSS ne peut pas être recréé entre des joueurs qui ne se côtoient que trop peu, et appartient donc désormais aux livres d'histoire. Mikhaïlov s'est rendu compte que la Russie n'a plus les moyens d'autrefois, et il a donc essayé d'inculquer une discipline défensive qui a fini par payer. Tant pis pour le spectacle, mais la Russie a ainsi pu renouer avec un podium mondial qu'elle n'avait plus connu depuis 1993.

Troisième : Suède. Hardy Nilsson et ses joueurs auraient bien aimé leur en montrer. A ces journalistes à la plume assassine qui ne font pas dans la finesse quand il s'agit de commenter les échecs de l'équipe nationale. A ces entraîneurs qui, arrivés de toute la Suède pour un colloque, ont fait peu de cas de la solidarité du corps de métier et ne se sont pas gênés pour critiquer le système de leur collègue. Mais la Suède s'est contentée, comme l'an dernier, de la médaille de bronze, et la presse ne s'est pas gênée, le journal Aftonbladet qualifiant même Nilsson de "plus mauvais entraîneur de l'équipe suédoise depuis les années 50". Ses prédécesseurs à la tête de la sélection, Leif Boork et Curt Lundmark, ont réclamé son départ en affirmant que ses choix tactiques étaient responsables de la défaite. En l'occurrence son "hockey-torpedo", désormais connu de toute la planète hockey depuis une leçon donnée au Canada aux JO et aujourd'hui si décrié dans son pays. Précisons d'ailleurs que ce n'est pas la version pure et dure du 2-2-1 inventé par Mats Waltin et mis en place par Nilsson à Djurgården, car il n'est pas pratiqué par toutes les lignes, uniquement par celles qui en ont les moyens. On s'attendait à ce que la Suède connaisse des problèmes face à ses voisins finlandais, qui semblaient être capables de contrer ce système. Mais en fin de compte, paradoxalement, la Suède a été battue par une équipe aussi offensive qu'elle, la Slovaquie. Encore une fois, elle estime donc avoir tout donné et ne rien avoir à se reprocher. Quand deux équipes atteignent ce niveau, il faut parfois s'en remettre à la réussite. Et celle-ci n'est décidément pas du côté des Scandinaves. Comme d'habitude, on se contentera donc de dire à la bande aux trois couronnes que ce sera peut-être - enfin - pour la prochaine fois.

Quatrième : Finlande. Cette équipe finlandaise sans stars aura pourtant étincelé de mille feux pendant le premier tour. L'appelé de dernière minute de la sélection olympique, Niklas Hagman, s'est transformé en un leader inattendu, Timo Pärssinen a montré qu'il n'a rien perdu de sa valeur, profitant de son entente avec Niko Kapanen et le "petit nouveau" Antti Miettinen (qui doit rappeler des souvenirs à ses compagnons de ligne puisqu'il vient lui aussi de l'HPK Hämeenlinna). Mais c'est surtout le bloc collectif finlandais, si habile dans ses passes et impressionnant en défense, qui a fait sensation. Cependant, il avait reçu un premier avertissement en match de poule en ne parvenant à battre les Russes que 1-0 malgré une domination écrasante. Le retour de bâton a été brutal en demi-finale. Le match a pris la même physionomie mais l'inefficacité prenait un caractère fatal. Les Finlandais rencontraient donc la Suède dans ce qui était leur finale rêvée, mais l'enjeu était uniquement la troisième place. En d'autres temps, ils auraient lutté bec et ongles pour cette médaille. Mais la Finlande s'est trop habituée aux honneurs et c'est sans doute pour cela que, pour avoir laissé échapper un avantage de trois buts, elle rentrera chez elle sans la moindre breloque, pour la première fois depuis cinq ans.

Cinquième : République Tchèque. Il y a seulement six mois, ils étaient triples champions du monde, doubles champions du monde juniors et champions olympiques en titre. Depuis, ils ont tout perdu. A chaque fois au stade des quarts de finale, et à chaque fois à cause d'un problème d'efficacité. La réussite qui leur a fait glaner tant de titres les a fuis soudainement, leur jeu de puissance était brutalement impuissant et incapable de profiter des moments décisifs. Le succès ne peut pas durer éternellement. La République Tchèque saura-t-elle se remettre de ce cauchemar ? La question est uniquement d'ordre psychologique, car le potentiel est indéniablement toujours présent. L'équipe alignée au premier tour avait fière allure, c'est d'ailleurs la seule formation à avoir fixé ses lignes avant la compétition et à ne jamais les avoir changées tant l'évidence de leur entente s'imposait. Le bloc de Jágr faisait trembler les défenses, celui de Patera, Procházka et Moravec leur faisait tourner la tête, et Ujcík et Cajánek ont très vite retrouvé leurs marques. Seul Výborný a paru plus en retrait, un peu déçu, eu égard à ses capacités, de se retrouver dans une quatrième ligne moins remarquée. Le danger venant de presque partout, qu'a-t-il donc manqué aux Tchèques ? Sans doute de n'avoir pas rencontré plus tôt des rivaux plus forts, ce qui leur aurait permis d'être plus exigeants avec leur jeu. Ils sont tombés plus que de raison dans la facilité en voyant qu'il leur suffisait d'accélérer de temps en temps pour venir à bout de n'importe lequel de leurs adversaires du premier et du deuxième tour. La Russie, en grosse difficulté durant les premières phases, a au moins pu mettre au point sa défense. On a vu le résultat en quarts de finale : une équipe a su élever son niveau de jeu, pas l'autre.

Sixième : Canada. Les deux champions olympiques ont été plutôt à la hauteur : le capitaine Ryan Smyth a été remarquable de ténacité et le défenseur Eric Brewer a parfaitement exploité son imposant physique, même s'il s'est parfois un peu reposé sur ses lauriers. Les McDonald, Heatley, Whitney ont également effectué un tournoi convenable, mais la performance globale n'est dans l'ensemble pas digne de l'effectif présenté. On répète année après année que le Canada a du mal à se trouver un collectif, mais plus encore, c'est la régularité qui leur a manqué dans ce tournoi. Ils ont parfois complètement étouffé leurs adversaires grâce à une forte présence physique (Lettonie, Italie, Allemagne) et ont parfois péché dans ce même domaine en grappillant des victoires chanceuses et minimalistes (Etats-Unis, Suisse) ou même en recevant une leçon de hockey (République Tchèque). Il n'est donc pas étonnant que cette équipe si inconstante ait tout perdu en cinq minutes contre les Slovaques, dans un match où ils menaient certes de deux buts mais où ils étaient privés de palet et ne s'appuyait que sur leurs contre-attaques.

Septième : Etats-Unis. Voilà une équipe qui est à sa place, comme le Canada, à la différence qu'elle n'a pas à le regretter car il lui était difficile d'espérer beaucoup mieux avec l'effectif proposé, mais les Américains ont comme depuis deux ans fait honneur à leur maillot. Lou Vairo, qui agit comme coach et dynamiseur et laisse à ses adjoints la fonction d'entraîneur proprement dit, a encore montré le bien fondé de sa philosophie, qui consiste à ne compter que sur des joueurs qui ont vraiment l'envie de jouer pour leur pays et à leur laisser prendre du plaisir à évoluer ensemble. C'est ainsi que cette équipe d'inconnus - à qui il faisait inscrire leurs noms sur leurs casques pour les reconnaître les premiers jours ! - a encore réussi à devenir une équipe. Après Robert Esche en 2000, un gardien universitaire qui a fait toutes les étapes du programme de formation américain a fait sensation : Ryan Miller. Il a gagné sans discussion sa place de titulaire, ce qu'Esche n'avait pas fait, et peut sans doute viser beaucoup plus haut. On devrait le voir gardien n°1 quelque part en NHL dans les trois prochaines années.

Huitième : Allemagne. Cela fait trois compétitions que l'Allemagne termine à cette position dans la hiérarchie. D'autres équipes (moins nombreuses que Zach le prétend, ceci dit) la surpassent en talent, mais la combativité de ses joueurs et son système défensif parfaitement appliqué font la différence. Avec quatre lignes équilibrées, elle est bien armée pour digérer le départ de son capitaine Jürgen Rumrich, d'autant que ses centres germano-canadiens Len Soccio et Wayne Hynes pourraient différer leur retraite internationale. Si l'on ajoute Ustorf et Abstreiter, l'Allemagne reste donc très bien fournie à ce poste, et tant pis pour ceux qui patientent au portillon (encore et toujours "l'exclu" Robert Hock, que Zach aura cependant l'occasion d'observer de près l'an prochain à Cologne). Les jeunes joueurs allemands ont de toute façon montré que l'avenir était assuré et qu'on entendrait encore parler d'eux dans la décennie à venir. L'ouverture progressive de la DEL aux joueurs allemands révèle chaque année de nouveaux joueurs restés dans l'ombre : Andreas Morczinietz, dont la ligne avec Kathan et Soccio a été la meilleure, en est le parfait exemple. Pour sa toute première saison en DEL, il en est devenu le meilleur espoir avant de gagner un statut semblable avec l'équipe nationale. Les autres "jeunots" Patrick Köppchen, Eduard Lewandowski et Boris Blank n'ont pas été en reste. Si Zach, dont le contrat vient d'être prolongé jusqu'en 2004, ne se "Kruegerise" pas, l'Allemagne a de beaux jours devant elle.

Neuvième : Ukraine. J'avais été audacieux en parlant de quarts de finale dans ma présentation de la compétition, je n'ai finalement pas été si loin de la vérité. En effet, si l'Ukraine a obtenu la meilleure place de son histoire, elle est aussi passée très près d'une plus grande performance encore. Battue de peu par la Slovaquie (4-5), remontée par les Russes (3-3) qui ne l'ont devancée qu'à la différence de buts pour l'attribution du dernier billet pour les quarts, elle peut regretter d'être tombée dans le groupe le plus difficile du tour intermédiaire, celui d'où sont sortis les quatre demi-finalistes. Cette occasion unique de faire un tour de grand huit se représentera-t-elle ? Difficile à dire, car cette équipe est assez âgée et certains cadres sont sur le point de la quitter. A trente-neuf ans, le vétéran Valeri Chiriaev (qui avait évolué en défense aux côtés de Fetisov dans l'équipe d'URSS aux championnats du monde 1989) a ainsi d'ores et déjà annoncé sa retraite internationale.

Dixième : Suisse. Plus que jamais, au pays des Helvètes, il y a les pro-Krueger et les anti-Krueger. Les premiers vous rappelleront que l'homme qui avait conduit Feldkirch à un incroyable titre de champion d'Europe est considéré comme un des meilleurs entraîneurs sur le continent. Ils feront la leçon à ceux qui vouent trop facilement aux gémonies celui qu'ils ont encensé la veille, cet homme dont les méthodes de motivation sont largement respectées. Son livre "Teamlife" n'est-il pas un best-seller ? N'est-il pas recherché par des entreprises pour qu'il tienne des séminaires de management à 7000 euros l'intervention ? Pourtant, ses détracteurs affirment que l'homme a atteint un point de non-retour en ne se remettant jamais en question. Ses déclarations satisfaites et ultra-optimistes après la difficile victoire contre le Japon les ont laissés abasourdis. Eux ont vu une équipe complètement inefficace à force de s'être privée (volontairement ou non) de tous ses créateurs et ses buteurs, une équipe trop juste physiquement en défense alors que les imposants Salis ou Bezina étaient laissés à la maison. Surtout, ils constatent que le système Krueger s'effrite à vue d'śil. Un des derniers joueurs de Davos à ne pas avoir décliné la sélection (par solidarité avec leur coéquipier Von Arx comme beaucoup le prétendent), le gardien Lars Weibel, a déclaré qu'il serait désormais "titulaire ou rien". Au vu des qualités du portier n°1 Martin Gerber, c'est une façon détournée de s'auto-exclure de l'équipe nationale. Krueger ne peut maintenant plus compter que sur un dernier cercle de fidèles, dont le valeureux capitaine Mark Streit. Même son adjoint Bengt-Åke Gustafsson le quitte, officiellement pour se concentrer sur son club de Färjestad. Pourtant, on l'annonce déjà à la tête de l'équipe d'Autriche... Entre les pro-Krueger et les anti-Krueger, il faut donc choisir son camp. La fédération suisse l'a fait en lui renouvelant une énième fois sa confiance. Il faut dire que le juteux contrat de l'entraîneur qui court jusqu'en 2006 - et donc le dédit qu'elle devrait payer si elle le cassait - constitue un argument de poids.

Onzième : Lettonie. La Lettonie s'est facilement évité les frayeurs de l'an passé en balayant l'Italie, mais ce succès qui lui a assuré le maintien a aussi été le seul du tournoi. C'est dans les dernières minutes du match contre l'Allemagne, décidément sa bête noire, contre laquelle son rêve de phase finale olympique avait déjà pris fin il y a trois mois, qu'elle a perdu tout espoir de se qualifier pour les quarts de finale. Elle n'a jamais surclassée, concédant les courtes défaites frustrantes d'une équipe à la fois si proche et si loin des meilleures. Pour réduire cet écart, il faut avoir pour objectif les championnats du monde à domicile en 2006 (enfin, on l'espère, si l'imbroglio autour du financement de la construction attendue de la nouvelle patinoire de Riga - un journal letton a dénoncé un effet d'annonce et des investisseurs fantômes - parvient à se résorber avant que l'IIHF ne se décide à retirer l'organisation). Mais bâtir à long terme n'est pas vraiment dans la culture locale. L'entraîneur Curt Lindström, pour l'instant contraint d'utiliser énormément les principaux vétérans car il est sous la pression du résultat à court terme, a un difficile challenge qui l'attend : réussir à garder son poste tout en imposant une politique plus raisonnable. Avant même d'en arriver là, un obstacle imposant l'attend l'an prochain : un "groupe de la mort" face à la Suède, au Canada et au Belarus, désireux de prendre sa revanche sur sa relégation de l'an passé.

Douzième : Autriche. Elle est passée si près de l'enfer contre la Slovénie que ce résultat ne peut constituer qu'un soulagement. Au vu de la vie dure qu'elle a menée à nombre d'équipes, l'Autriche n'aurait sans doute pas mérité de descendre, même s'il est difficile pour elle d'enchaîner beaucoup de performances à très haut niveau, sans doute parce que son jeu défensif et rugueux est très exigent physiquement. L'entraîneur canadien Ron Kennedy vient de boucler un cycle de six ans à la tête de cette équipe, et il peut s'estimer satisfait du travail accompli, car il n'était pas évident a priori de faire de l'Autriche une nation stable du groupe A. Son successeur devra essayer de conserver cette base défensive tout en instaurant une meilleure discipline pour diminuer les trop nombreuses pénalités et en permettant à des joueurs du calibre de Brandner de mieux s'exprimer offensivement. Tâche pour le moins délicate...

Treizième : Slovénie. La bonne surprise de ces championnats du monde, elle a obtenu son maintien, pas évident de prime abord, de façon absolument méritée. Elle a en effet joué crânement sa chance pour son arrivée dans l'élite mondiale, se permettant de mener au score face à la Suède et de pousser l'Autriche dans ses derniers retranchements. Loin d'être abattue d'avoir laissé passer sa chance en se faisant remonter et dépasser par les Autrichiens, elle a parfaitement géré son tour de relégation. Aux côtés des anciens, de jeunes joueurs se sont brillamment révélés, comme le gardien Stan Reddick ou l'attaquant Marcel Rodman. Rendez-vous l'an prochain, où il faudra sans doute réussir à prendre sa revanche sur l'Autriche pour réussir encore à se maintenir.

Quatorzième : Pologne. La Pologne a connu la première phase la moins glorieuse de tous les engagés, ne réussissant pas à inquiéter ses adversaires une seule seconde. Pourtant, avec le renfort de son second joueur de NHL, Mariusz Czerkawski, elle a réussi un coup d'éclat en ouverture du tour de relégation en battant largement l'Italie. Son attaque a enfin pu se libérer, sa défense a pu prendre ses aises face à une équipe pauvre offensivement, et son portier Tomasz Jaworski a retrouvé son niveau de l'an dernier, où il avait élu meilleur gardien de son groupe de division I à Grenoble. La Slovénie n'ayant battu que petitement le Japon 4-3, les Polonais se trouvaient alors en position de force. Se sont-ils vus trop beaux ? Peut-être pas, puisqu'ils ont su éviter le piège japonais, mais ils sont tout simplement tombés sur plus forts qu'eux avec la Slovénie. Pour ne pas retomber dans l'anonymat (dont elle n'est certes pas vraiment sortie), il faudra que la Pologne profite d'un groupe facile l'an prochain pour remonter aussitôt.

Quinzième : Italie. Voilà, c'est fini... Le dernier rescapé de l'élargissement du Mondial A à douze équipes en 1992 a quitté l'élite après une décennie de présence ininterrompue. L'Italie retrouvera au niveau inférieur les trois nations qui l'avaient accompagnée à l'époque (Norvège, France et Pologne). Maintenue sous perfusion par quelques vieux naturalisés, elle n'a fait que retarder l'échéance inéluctable. Elle n'a pas pu se sauver sur un match comme les années précédentes et n'a remporté "comme d'habitude" qu'une seule victoire, mais c'était pour l'honneur contre le Japon. Mike Rosati était-il vraiment fatigué de sa longue saison à Mannheim ? C'est en tout cas ce qu'avait estimé Pat Cortina, qui le remplaça par Brunetta contre la Pologne avec le résultat que l'on sait. Mais le problème de l'Italie est, outre son habituelle indiscipline, un manque criant de créativité offensive. Elle va donc rejoindre sa "vraie" place sur la hiérarchie internationale, au milieu de la division I, avec l'espoir de rebâtir sur de nouvelles têtes, comme son meilleur marqueur dans cette compétition, Christian Timpone. Compte tenu du travail à abattre, l'échéance des Jeux de Turin, en 2006, paraît presque trop proche.

Seizième : Japon. Une performance remarquable face à des Tchèques suffisants, voilà ce que le Japon devra garder de ce tournoi. Pour le reste, le bilan est toujours identique : zéro victoire. Malgré des adversaires plus abordables que d'habitude en poule de relégation, le Japon n'a même pas pu prendre le moindre point. L'IIHF a de plus en plus de mal à justifier sa qualification d'office, le sujet est d'ailleurs tabou, et, lorsqu'on l'évoque, il est savamment esquivé. L'apport de cette politique au développement de fond du hockey japonais est inexistant, et le seul projet en cours est de continuer à augmenter le nombre de Canadiens naturalisés pour tenter de s'approcher du niveau de l'élite. Tout à l'envers de ce qu'il faudrait faire : se jauger à l'aune d'adversaires de son niveau pour faire progresser les jeunes joueurs locaux.

Marc Branchu

 

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