Mulhouse, crise de croissance évitée ?

 

Troisième saison parmi le gratin du hockey français pour les Scorpions de Mulhouse. Après un premier acte d'initiation-découverte en 2001, les Alsaciens ont prouvé l'année dernière qu'ils comptaient occuper une part non négligeable du paysage français. De l'ambition qui les a amenés sur la troisième marche du podium, en avril dernier, cette belle récompense arrive assez vite quand on repense au parcours des pensionnaires de la patinoire de l'Illberg, depuis 1997, alors qu'ils n'étaient qu'en N3.

Cette saison a, de nouveau, été préparée sérieusement par l'entourage administratif du club, et fin juin, on savait déjà presque tous ceux qui partaient, ou arrivaient, avant que n'arrive le petit "contretemps" de l'affaire du dépassement de la masse salariale. Pas la peine de s'y appesantir, Mulhouse aura à cśur de faire amende honorable et de prouver que cela n'altérera en rien ses objectifs pour cette saison à venir.

Devant les filets

Fabrice Lhenry est fidèle au poste pour la troisième année consécutive. Récompensé meilleur gardien en fin de saison dernière pour la troisième fois de sa carrière, l'ultime rempart des Scorpions sera, de nouveau, une pièce maîtresse du dispositif de Christer Eriksson.

Pour le seconder, deux juniors, à savoir d'un côté, Benjamin Jubien (dans ses valises, des matches avec les seniors à Saint-Gervais, Dijon et Angers), et de l'autre, un jeune Alsacien, Gilles Beck, formé à Strasbourg puis Reims, avant de partir tenter sa chance deux saisons dans le championnat junior tchèque, au Kometa Brno. Ces deux recrues ont déjà été testées lors des matches amicaux puisque Lhenry s'est blessé à la cheville, laissant le soin à ses deux coéquipiers de montrer leurs qualités.

Le bloc défensif

Reconnu pour sa solidité, l'effectif s'est pourtant effrité en fin de saison dernière, avec le départ de quatre nordiques, Ollila, Strandberg, Åblad et le décevant Wikström. En échange, la pioche semble pourtant alléchante grâce à l'arrivée de deux internationaux français.

Allan Carriou a baigné dans les Années Dragons depuis 1993, saison à partir de laquelle, à dix-sept ans seulement, il portait officiellement le même chandail que les Lemoine, Poudrier, Rihijarvi et autres Perez ou Woodburn. De prestigieux noms qui ont forcément donné des ficelles à ce joueur, auquel une partie des supporters rouennais reprochait, pourtant, une certaine nonchalance. On ne doute pas qu'Allan aura à cśur de prouver qu'on ne joue pas en équipe de France depuis trois-quatre ans, ainsi qu'au sein du dernier effectif champion de France, sans réelles dispositions.

Mathieu Mille est aussi, et déjà, un abonné aux sélections : lors de l'unique titre amiénois, en 1999, à dix-huit ans, il évoluait déjà avec les Pousse, Richer ou Reierson, tout en étant le capitaine de l'équipe gothique junior, future championne de France l'année suivante, ainsi qu'avec l'équipe de France des moins de vingt ans... tout en étant surveillé, déjà, par Heikki Leime. Pour lui aussi, on trouvait quelquefois, au Coliséum, qu'il était un peu moins prometteur que prévu. À la suite de son excellente saison à Anglet, les ambitions mulhousiennes l'ont convaincu de venir officier boulevard Stoessel.

Troisième arrivée, celle de Patrick Scibran, solide joueur slovaque ayant évolué dans l'Extraliga de son pays, essentiellement à Spišská Nová Ves, Poprad et Košice, avec des statistiques relativement discrètes, mais son travail n'est pas non plus de marquer de buts.

On y ajoutera les trois "rescapés" : Dušan Brincko, dont l'acclimatation au niveau du S16 s'est relativement bien passée, avec semble t-il pour les récents matches amicaux une plus grande assurance dans son jeu. Reste aussi Miikka Ruokonen, de retour après une grave blessure à l'épaule qui l'avait privé de Poule Magnus. C'est l'un des "meubles" de la formation mulhousienne (trois saisons), toujours dangereux en supériorité par son slap puissant. Il reste enfin le "doyen" assistant-capitaine de l'équipe, Lilian Prunet, un excellent élément qui est enfin reconnu pour son jeu, sobre mais très efficace... après avoir été, lui aussi, mis sur la sellette le long de l'île Lacroix... Tout le monde peut se tromper.

Devant

Beaucoup de départs : celui du "chouchou", le marqueur Juraj Faith, qui officiera à seulement 50 km de Mulhouse, mais de l'autre côté du Rhin, à Fribourg-en-Brisgau, néo-promu de DEL. Petite cerise sur le gâteau que ce nouveau challenge pour le Slovaque, qui avait signé avant la promotion de son nouveau club.

Exit aussi Aimonetto, après une saison correcte (mais sans plus, malgré de belles choses, peut-être un peu trop épisodiques) et surtout un départ en eau de boudin, ou soupe à la grimace, tout dépend si l'on se situe du côté des dirigeants mulhousiens ou du joueur susnommé, qui avait signé un contrat de deux ans assez controversé. Exit aussi les Larroque, Lindgren et Yahata-Larsson, excellents gratteurs de palets, qui ne sont pas des meneurs d'équipe mais qui ont beaucoup de hargne et de disponibilité, à l'instar de Larroque qui assura, avec réussite, l'intérim de Ruokonen en défense. Parti enfin Thomas Bergamelli, qui n'aura eu que très peu de temps pour montrer ses talents, suite à une vilaine et longue blessure, dès le deuxième match amical de pré-saison contre Thurgovie.

Pour les remplacer, Christer Eriksson a d'abord choisi la filière de l'est : l'ailier slovaque Pavol Segla, frère de l'ex-défenseur des champions de France rémois, Michal Segla. Septième marqueur, la saison précédente, en élite slovaque, avec Poprad, après quelques saisons plus anonymes, toujours en Extraliga, à Prešov ou Košice, on pourra le considérer comme l'attraction à suivre. Une bonne rapidité, un excellent sens du jeu, ainsi qu'un physique qui peut le prémunir d'intimidations, ce sont les quelques impressions laissées lors des matches amicaux, tout en notant que les Fribourgeois et les Suisses d'Ajoie l'ont constamment tenu à l'śil.

Arrivée aussi de Maxime Schuchewytsch, qui officiait depuis de nombreuses années à Strasbourg. Une belle promotion pour le travail assidu, au Wacken, du Franco-Belge, qui montre déjà une bonne adaptation au niveau supérieur.

Le banc s'approfondit de très jeunes pousses. D'abord un nouvel ex-Rouennais, qu'Eriksson a côtoyé dans les rangs mineurs, le long de la Seine : Luc Tardif junior, pour le distinguer de son père, ancien grand buteur du championnat de France au tournant des années 70 et 80. Le fiston débarque d'une saison en Finlande (Hämeenlinna) avec un physique à conforter mais déjà beaucoup de volonté. Arrivée aussi d'un autre Normand, Jérémy Bigot, formé à Caen et qui a connu quelques matches en Élite avant de partir, au moment du naufrage bas-normand, à Nice pour deux saisons d'apprentissage.

Suite à "l'affaire" du dépassement de la masse salariale, l'attaquant letton Janis Tomans, initialement prévu, ne fut pas sélectionné. Néanmoins, constatant un manque de profondeur de son banc, l'entraîneur a quand même pris à l'essai deux attaquants, auquel ont été proposés des contrats avec l'ADHM, qui est la section du hockey mineur des Scorpions. Le premier est un junior suédois, Björn Odot-Andersson, venant de Mora. C'est un petit gabarit, très rapide et relativement doué de ses mains. Le deuxième joker n'est pas un inconnu puisqu'il s'agit de Juho Jokinen. Après quatre saisons effectuées à Angers (c'était le meilleur pointeur de l'équipe), le petit Finlandais, formé au TPS Turku, semble être une jolie pioche pour le club, c'est en effet un excellent passeur qui, malgré son petit gabarit, arrive à se faire sa place sur la glace. C'est donc un atout de poids pour la distribution des palets, associé à Coqueux et Segla pour le moment.

Restent les Coqueux, Bilbao, Chassard, Michou, Croz, Bringuet, Ballet et Catil, toujours présents dès qu'il s'agit de gratter dans les coins, ou d'attendre la passe lumineuse (Michou notamment).

Premières impressions

À l'annonce de ce recrutement, beaucoup salivaient sur cette base défensive : de la carrure, du poids, des capacités éprouvées depuis quelques saisons dans les clubs de l'Hexagone... La défense de la saison à venir semblait suivre la même ligne de conduite que celle des Ollila et Strandberg. Pourtant, on a pu noter une certaine inertie à se mettre en route, les premiers matches amicaux montraient quelques carences à ce niveau, à mon avis, au niveau de la compréhension entre les joueurs. La victoire à Ajoie semble être le signe d'un net mieux à ce niveau, le retour de Lhenry dans les cages n'y est peut-être pas étranger non plus.

Beaucoup aussi, et notamment chez les supporters mulhousiens, s'interrogeaient sur la réelle valeur de l'attaque, constatant un nombre départs assez importants. Les retouches apportées avec Jokinen et Odot-Andersson, rassurent un peu plus, notamment en cas de blessures. On se souvient que la saison dernière, malgré quatre lignes devant et trois derrière, les Scorpions avaient été considérablement gênés par une série de blessures qui tombaient bien mal, juste avant les play-offs. Aussi, la perspective de ne jouer qu'avec neuf avants, plus deux remplaçants, pouvait faire frémir. Il n'en sera rien, et les jeunes que sont Tardif, Bigot, Odot-Andersson, Catil et Ballet (qui a montré encore pas mal de ténacité durant cette pré-saison) ont bien l'intention de montrer qu'ils ne seront pas là que pour la figuration.

Le système de jeu proposé ne semble pas déroger à celui proposé la saison dernière, à savoir une rétention de la défense qui enverra vers un attaquant de pointe. Certains s'offusqueront d'un manque de risque, d'un attentisme chiantissime. Une nuance quand même, la première ligne du moment semble être là pour jouer autre chose que ce genre de tactique. Le travail en supériorité est encore à parfaire, malgré une certaine efficacité dans les premiers matches, on cherche peut être encore à trop bien faire, en voulant chiader les passes.

Les ambitions... Généralement, on essaie de faire aussi bien que la saison précédente. Si au niveau de la poule est, la qualification ne semble pas un but infranchissable, il sera intéressant de regarder la compétitivité face à Grenoble, qui semble être le favori du groupe. Pour la suite, on verra en fonction des résultats de l'autre poule, encore dite "de la mort".

Stéphane Rault

 

 

Départs : S. Burnet (Amiens), Ollila (Kempten, ALL), Strandberg (Duisburg, ALL), Åblad, Wikström (Halmstad, SUE), Larroque (Saint-Sébastien, ESP), Yahata-Larsson (Manchester, GBR), Lindgren (Halmstad, SUE), Aimonetto (Amiens), Faith (Fribourg-en-Brisgau, ALL), Bergamelli (Dijon).

Arrivées : Beck (Kometa Brno, TCH), Jubien (Angers), Carriou (Rouen), Mille (Anglet), Scibran (Košice, SVK), Segla (Poprad, SVK), Jokinen (Angers), Schuchewytsch (Strasbourg), Tardif (Hämeenlinna, FIN), Bigot (Nice), Odot-Andersson (Mora, SUE).

Effectif :

Gardiens : Fabrice Lhenry, Benjamin Jubien, Gilles Beck.

Défenseurs : Miikka Ruokonen (FIN), Allan Carriou, Patrick Scibran (SVK), Mathieu Mille, Dusan Brincko (SVK), Lilian Prunet.

Attaquants : Juho Jokinen (FIN), Olivier Coqueux, Pavol Segla (SVK), Guillaume Chassard, Lionel Bilbao, Steve Michou, Vincent Bringuet, Étienne Croz, Maxime Schuchewytsch (FRA/BEL), Luc Tardif jr, Francis Ballet, Björn Odot-Andersson (SUE), Jérémy Bigot, Jérôme Catil.

 

 

Retour à la rubrique articles