Italie 2003/04 : présentation

 

La série A1 italienne était en bout de course, et sa dernière édition à six clubs peinait à passionner les foules. Le championnat étant à nouveau dans l'impasse, il n'y avait d'autre solution que l'élargissement. Comme les clubs de série A2 craignaient de se retrouver dans une série B absolument pas compétitive, ils sont montés dans le wagon faute de mieux. On s'est ainsi retrouvé à quinze clubs, tout simplement parce qu'il n'y avait plus aucun autre choix possible. Cela n'est pas sans rappeler la constitution du Super 16 français il y a un an, mais la comparaison s'arrête là.

Même si sa gestation avait été très difficile, le Super 16 s'était inscrit dans un projet sur plusieurs années, dont les principes et la logique motrice avaient été définis. Rien de tout cela pour la nouvelle série A italienne, dont on sait d'avance qu'elle n'est un championnat de transition. La formule actuelle est non viable à long terme, et elle a montré la grande différence avec la France, la faiblesse du réservoir italien, en particulier de la solidité de sa base. Là où on peut trouver quinze clubs français avec un projet clair et des atouts propres, la pêche en série A2 rappelle les conditions de jeu dans cette division : deux des quinze équipes au départ ne disposent que d'une patinoire découverte, de celles qui ne peuvent ouvrir qu'en novembre quand il fait suffisamment froid et doivent fermer fin février. Elles ont été admises par dérogation et ont une patinoire de repli en cas d'intempéries (pluie ou neige), le lieu du match pouvant n'être décidé que le matin. Cela nous ramène plus de vingt ans en arrière en France dans certains clubs de montagne, mais ceux-ci ont depuis lors un toit au-dessus de leurs têtes. En Italie, non. Il faut dire qu'on ne s'y est jamais préoccupé du développement global, focalisé sur l'élitisme et l'élévation du niveau de jeu à l'aide des oriundi.

Les oriundi, parlons-en. On avait beaucoup parlé au printemps d'un camp de détection organisé dans l'Ontario pour découvrir de nouveaux Italo-Canadiens ou Italo-Américains de haut niveau qui constitueraient l'ossature de l'équipe olympique italienne de 2006. La montagne a accouché d'une souris. La fédération n'a laissé filtrer presque aucune nouvelle du camp, visiblement très décevant. Les joueurs qui s'y sont présentés étaient souvent sans grandes références, et ce qu'ils ont montré sur la glace n'a impressionné personne. Ceux qui pensaient qu'ils auraient le niveau international simplement parce qu'ils étaient formés en Amérique du nord en ont été pour leurs frais. Alors que le plan initial prévoyait le débarquement de nombreux oriundi dans le championnat cette année, seuls trois ont finalement été engagés avec Varèse, dont l'un qui a annulé sa venue. Ces deux recrues de ligues mineures ne changeront pas le niveau de la sélection nationale dans deux ans lorsqu'ils pourront y être qualifiés, s'ils restent en Italie d'ici là.

Le salut des Italiens ne viendra donc pas d'outre-Atlantique. Ils devront revoir leur politique, non pas parce qu'ils ont repensé le problème et modifié leur point de vue sur la formation, mais parce qu'ils ont dû admettre que les temps ont changé. L'époque où un Jim Corsi ou un Gates Orlando, des joueurs qui avaient évolué en NHL, pouvaient devenir des stars en Italie et des piliers de l'équipe nationale, est révolue. Même s'il existe des joueurs de ce niveau dont les parents ont émigré de la Péninsule, le championnat italien n'a plus les moyens de se les offrir. Il n'y a plus qu'à faire enfin confiance aux jeunes, qui devraient avoir du temps de jeu dans ce nouveau championnat.

Celui-ci permettra au moins au hockey italien de compter ses petits et de faire une revue d'effectifs. La nouvelle série A est finalement composée des six clubs de A1, de sept des huit premiers clubs de A2 (Bressanone a finalement décliné l'invitation), et du champion de série B, Varèse. Cette formule par défaut a été critiquée de toutes parts. Par les grands clubs comme Milan, bien sûr, déçus de la baisse de niveau, mais aussi par les petits, qui ne sont au départ que pour éviter de se retrouver seuls dans une série B ramasse-miettes. Ils ont entamé le refrain du "Engagez-vous, qu'ils disaient..." avant même de prendre les premières raclées.

Il faut dire que cette première phase à trente journées a deux inconvénients. Pour les grands, elle ne servira pas à grand-chose car les points de bonus attribués à la fin (7 pts au premier, 6 au deuxième, etc) constituent une faible différence. Pour les petits, elle risque d'être très longue, car le nombre de matches est élevé et la récupération physique et mentale difficile pour des joueurs semi-professionnels ou amateurs. Dans un second temps, les huit premiers se retrouveront entre eux, et les autres se disputeront les deux places restantes dans la série A 2004/05, qui repassera à dix clubs. En attendant, le championnat a le mérite d'exister, tout le monde est au départ, et c'est déjà ça.

 

Pour l'instant, Milan a en effet enterré la hache de guerre. Gardant sous le coude la constitution européenne en cas de besoin, il a obtenu que la limite de trois étrangers ne concerne pas les joueurs communautaires, contrairement à ce que les autres clubs avaient convenu. Aux côtés des Canadiens (le défenseur Rob Cowie et le centre Patrice Lefebvre ont été conservés) et du vieux Biélorusse Slava Uvaev, qui devient aussi entraîneur-adjoint, il y aura donc de nombreux Italo-Canadiens (Muzzatti, Beattie, Chitarroni, Peca, Busillo et Felicetti), mais aussi des communautaires, comme le défenseur finlandais Niclas Hedberg, ou l'arrière québécois Marc-André Sarazin, mis à l'essai un mois, et indiqué par le site de Milan comme étant de nationalité portugaise ! Quoi qu'il en soit, les Vipers ont les moyens d'obtenir un troisième titre consécutif, il n'y a pas de soucis sportifs, ni administratifs. Le vrai problème de Milan concerne des dissensions internes. Après les agissements de quelques supporters lors d'un tournoi triangulaire amical à Pinerolo, le président Alvise di Canossa a fait savoir dans un communiqué officiel qu'il condamnait absolument les actes de vandalisme de la minorité en question. Les Ultras, déjà mécontents de la politique du club, par exemple des prix des billets, se sont déchirés, entre ceux qui dénonçaient le manque de soutien de la direction et ceux qui se désolidarisaient des fauteurs de trouble. Résultat de la polémique, le groupe des Ultras Milano, très réputé en Italie voire au-delà, et largement mis en valeur dans le magazine du club, a décidé de s'auto-dissoudre ! L'harmonie entre dirigeants et supporters, qui avaient pris part chacun à leur manière à la renaissance d'un club qui aurait pu mourir, est désormais brisée.

 

Une des origines de la grogne des Ultras, c'est le départ de Maurizio Bortolussi à Asiago. L'attaquant italo-canadien Bortolussi a en effet été le symbole du HCJ Milan, dont il était le capitaine, avec son extrême combativité. Malgré ce transfert-choc, Asiago paraît un ton en dessous de Milan, même s'il est à nouveau le seul club à pouvoir lui contester le titre. Outre Dany Bousquet, parti à Fribourg-en-Brisgau en DEL, il a en effet perdu sa vedette Éric Lecompte, qu'il espérait voir rester. Surtout, il a dû remplacer l'entraîneur qui lui a donné goût au succès, Benoît Laporte. Son successeur est un autre Québécois, lui aussi ancien joueur de l'équipe de France, Paulin Bordeleau. Sa philosophie de jeu fondée sur la possession permanente du palet est attrayante, mais il faudra qu'elle tienne la distance, ce qu'elle n'avait pas fait en DEL. Ce serait une performance, car devant le gardien François Gravel (encore un ancien porteur du maillot bleu), la défense est 100% italienne, alors que ses concurrents ont engagé des étrangers. L'effectif rodé est complété par le défenseur Fabio Armani, qui revient à Asiago après une saison passée dans son club formateur de Fassa, et par les attaquants lettons Vitalijs Galuzo et Vadims Romanovskis. Notons enfin que le meilleur joueur italien (oriundi exclus) de la dernière décennie, Lucio Topatigh, a pris sa retraite, car il a ouvert une boulangerie dans son petit village de Gallio, juste au-dessus d'Asiago. Être aux fourneaux le matin et sur la glace le soir est en effet difficilement compatible.

 

En situation financière délicate, Bolzano a décidé de fixer une limite aux salaires de ses joueurs, et a été sous la menace d'une grande saignée, car ses vedettes l'accusaient d'un manque de reconnaissance. Le club a vécu un été très difficile, plongé dans une véritable crise de conscience et d'identité. Le HCB doit reconnaître qu'il n'est plus aujourd'hui le club fédérateur du Haut-Adige, que les autres clubs de la région veulent lui tailler des croupières, et qu'il ne peut donc plus s'appuyer sur son seul statut de club de la capitale provinciale pour attirer à lui les meilleurs joueurs du Südtirol. L'avantage, c'est qu'il ne peut pas tomber plus bas. Il sera obligé de se pencher sur l'état de son hockey mineur. Et en attendant, il a une carte à jouer car l'exode a été moindre que prévu. Roland Ramoser, encore annoncé un peu partout, est toujours là. Il doit prouver que son talent est intact après une année un peu décevante, et compose une attaque de feu avec le centre suédois Matthias Bosson et avec deux oriundi, les frères Omicioli. Christian Timpone, qui savait que sa femme devait accoucher en septembre, a également été incité par les circonstances à rester casanier. Avec le retour du défenseur canadien Shayne McCosh, Bolzano a toujours une bonne équipe. Le seul départ d'importance est celui d'Armando Chelodi, car le capitaine Martin Pavlu était à 41 ans plus un symbole qu'autre chose. Mieux, alors qu'il se désolait de l'esprit de famille envolé, celui-ci semble être revenu en son absence. L'équipe désormais dirigée par l'entraîneur russe Micha Vassiliev fait preuve d'une combativité retrouvée, d'une volonté de lutter contre le destin. Et si la chronique d'une mort annoncée devenait celle d'une renaissance ?

 

Adepte d'un style très canadien, Fassa est sur la même ligne que Milan concernant les oriundi, mais n'en a plus qu'un seul André Signoretti dans son effectif, car ce sont justement les Vipers qui ont pris l'autre oriundo, Dino Felicetti. Avec Luca Felicetti partiellement formé au Canada, ils viennent s'ajouter aux trois étrangers, les deux Canadiens toujours présents Josh McNevin et Kelly Podapynetz, plus la recrue américaine Aniket Dhadphale (Landshut). Mais Fassa s'appuie aussi sur ses jeunes du cru, et avait ainsi la moyenne d'âge la plus basse l'an passé. Comme ces joueurs sont jugés un peu tendres, on voulait leur adjoindre un peu d'expérience et de "malice", et on comptait pour cela sur les malheurs de Bolzano. Ils ont permis d'attirer un très bon joueur, le centre Armando Chelodi, dont la fiancée habite près de la patinoire de Fassa et qui y a déjà joué, mais un seul. L'opération de harponnage des capitaines de Bolzano et Fassa (Martin Pavlu et Lino de Toni) n'ont pu être happés. Du coup, il ne sera pas si facile à l'entraîneur Ron Ivany d'atteindre l'objectif avoué des demi-finales. La marge d'erreur est ténue, en partie parce que la défense est un peu juste quantitativement après le départ d'Armani.

 

C'est le grand retour à Alleghe du "sergent de fer" Paul Thériault, l'homme qui avait conduit le club à son unique trophée majeur, l'inoubliable victoire en Alpenliga en 1992, et qui a officié l'an dernier à Merano. Pour s'adapter au style de cet entraîneur, on a tiré une croix sur les Slovaques pour s'appuyer sur des Canadiens plus à même de répondre aux exigences de sa poigne de fer. Ce seront le défenseur Marc Hussey (Nottingham) et l'ailier droit de 31 ans Iain Fraser, qui a 94 rencontres de NHL au compteur et que Thériault avait déjà eu sous ses ordres il y a longtemps en junior majeur. En revanche, le troisième, le polyvalent Mike Kolesar, a dû repartir au Canada pour raisons familiales et devra être remplacé. Alleghe a su à nouveau conserver ses joueurs italiens, notamment Daniele Veggiato et les frères De Toni, y compris Lino sur lequel les rumeurs de départ avaient enflé après son absence au premier match amical. Mais au-delà de ces internationaux déjà confirmés, il y a des jeunes talents qui ne se sont pas encore exprimés, et dont Theriault vérifiera la valeur et la volonté.

 

La sixième équipe issue de l'ex-élite, Merano, s'appuie toujours sur une très forte ossature de joueurs locaux, complétés par un seul étranger sur les trois autorisés, l'ailier canadien Rod Hinks (Villach). Même l'entraîneur est un ancien joueur, originaire de la ville, et qui travaillait au sein du club dans le hockey mineur. Il s'agit de Bernhard Lutz, dit "Bax", qui effectue sa première expérience au plus haut niveau, même s'il avait été entraîneur-joueur de Caldaro pendant sept ans avant de revenir dans son club. Cette politique de promotion locale n'empêche pas le club de réussir des coups, comme la signature de l'attaquant italo-canadien Joe Caldarelli, qui était très convoité, et surtout de Martin Pavlu, après vingt-cinq ans chez les rivaux locaux de Bolzano. Mais le grand frère ne s'est pas laissé complètement dépouiller, et les contacts avec Ramoser ou Timpone sont restés vains. Merano est donc à la portée d'équipes ambitieuses et plus dotées en étrangers, et il reste à savoir si la volonté du club résistera à des menaces sur la qualification en play-offs.

 

À un peu plus de deux ans des Jeux Olympiques, Turin a désormais une équipe au plus haut niveau. Mais il a fallu pour cela fusionner moitié-moitié avec le HC Valpellice pour former le "Torinovalpe". Une partie des dirigeants du HCV étaient pourtant contre cette alliance jugée imprudente, et ils auraient préféré que l'on se concentre sur le hockey mineur en attendant l'ouverture de la nouvelle patinoire de Torre Pellice dans le courant de la saison prochaine. Turin a besoin de cette implantation villageoise pour trouver une proximité et se créer un esprit, et il a surtout besoin d'un public introuvable dans la capitale piémontaise. L'équipe jouera donc alternativement à Turin (800 places), à Torre Pellice (2000 spectateurs possibles), où habiteront les joueurs, mais aussi à Pinerolo, dans une patinoire destinée bientôt à être fermée. Selon le lieu des rencontres à domicile, l'équipe jouera soit avec le maillot jaune et bleu de Turin, soit avec le blanc et rouge de Valpellice ! Vous en conviendrez, tout cela est très compliqué. Il s'agit pour l'instant de rassembler toutes les forces du hockey dans le Piémont, mais on peut espérer qu'ensuite cette grande région pourra voir son hockey se développer grâce aux JO, et avoir plus qu'une seule équipe pour la représenter. En tout cas, le "Torinovalpe" devrait être compétitif. En plus des trois étrangers (dont le très attendu gardien slovène Klemen Mohoric, connu des Italiens comme adversaire difficile à passer en Coupe Continentale), le club suit la ligne milanaise et a engagé un Italo-Canadien, en l'occurrence Ralph Marziale qui avait connu la chaleureuse atmosphère du Valpellice en 1999/2000, plus des communautaires. Et il n'y est pas allé avec le dos de la cuiller en engageant quatre Finlandais, plus d'autres à l'essai, comme Ville Reikko, l'ancien défenseur de Vanoise qui ne semble pas avoir le niveau. Ajoutez-y les joueurs de Turin en A2 l'an passé, comme Roberto Bortot ou Max Oberrauch, plus les jeunes de Valpellice, et vous obtenez un effectif qui vise la qualification en play-offs.

 

Après avoir remporté deux championnats et une compétition européenne (la Coupe de la Fédération, ancêtre de la Coupe Continentale) dans les années folles du hockey italien, Varèse veut renouer avec son glorieux passé. Il a essayé de rappeler ses stars italo-canadiennes de l'époque, et si Vezio Sacratini a préféré s'engager à Cardiff, le charismatique Maurizio Mansi a été convaincu. On avait parlé de lui accorder le statut d'entraîneur-joueur, mais la direction estime que c'est incompatible avec le hockey moderne, et a engagé pour tenir le banc un ancien coéquipier de Mansi à Brunico, le Montréalais Tony Martino, qui emmène avec lui de Knoxville (en Atlantic Coast Hockey League, une faible ligue mineure américaine) le gardien Paolo Della Bella, globe-trotter suisse assez difficile à suivre. Une autre légende du club, le gardien Jim Corsi, a fait venir trois oriundi, mais l'un, David Cornacchia, qui avait un peu joué en AHL, a préféré repartir. Les Mastini (mâtins - gros chiens méchants - en français) se contentent donc de l'arrière Carter Trevisani et de l'attaquant Pat Iannone, qui viennent du junior majeur canadien. Pour ce qui est des trois étrangers "légaux" (sans passeport italien), on a gardé ces places en réserve pour renforcer la défense. Le Canadien Cory Murphy est déjà sur place, et le défenseur international ukrainien Oleksandr Zinevych devrait suivre sous peu. Les joueurs italiens manquent bien sûr d'expérience, mais attention à de jeunes talents comme Simone Donati, 19 ans, qui possède également la nationalité suisse et a joué l'an passé à La Chaux-de-Fonds en LNB.

 

Ce nouveau championnat est une chance pour Appiano, double champion en titre de série A2. S'il était impossible de monter dans une élite trop resserrée, le club qui fait ses premiers pas au plus haut niveau se voit tout à fait à sa place dans une compétition majeure à dix clubs. L'objectif sera de s'y qualifier, mais le problème est la perte de Ludek Broz, parti en France à Brest. Le buteur tchèque sera en particulier très difficile à remplacer. C'est sûr, Vaclav Varada n'aurait eu aucun mal à le faire, mais si on a vu le Tchèque des Ottawa Senators s'entraîner avec l'équipe, c'est juste pour se maintenir en forme alors qu'il passait ses vacances dans la petite ville du Haut-Adige entourée de châteaux. Le successeur n'est "que" Stanislav Kacir, venu de Stuttgart en Regionalliga allemande. Même si son frère Marian joue en Extraliga et a déjà porté le maillot de la sélection tchèque, lui est un ton en dessous de Broz. Il faudra donc se répartir les points avec les attaquants américains Cory Cyrenne et Chris Bogas. Même si elle se sait inférieure physiquement à ses adversaires, l'équipe du capitaine Klaus Hofer n'a pas peur et est prête à poursuivre la croissance lente mais sûre du club, qui se construit également un public.

 

L'élargissement du championnat tombe également à point nommé pour Cortina, quinze fois champion d'Italie et club-phare des années 60 et 70. Son "Stadio del Ghiaccio", monument historique des sports d'hiver qui avait accueilli les Jeux Olympiques de Cortina d'Ampezzo en 1956, vient en effet d'être rénové... et enfin doté d'un toit ! Cette patinoire découverte, qui avait été le principal atout du SGC lors de ses grandes années, était devenu son handicap. Avec le retour au plus haut niveau et la modernisation de l'enceinte, le public devrait revenir, alors qu'il ne restait plus que quelques dizaines de passionnés dans les tribunes ces dernières années. Pour encadrer ses jeunes joueurs, Cortina peut compter sur Sasha Meneghetti, qui a préféré le SGC à un retour à Milan, et sur Gianluca Canei, qui avait été la doublure de Fabrice Lhenry puis de Muzzatti à Milan. Mais le reste de l'équipe est totalement inexpérimenté, et là encore, on a appliqué des recettes simples pour la renforcer. D'une part, engager des étrangers bon marché, les attaquants lettons Alexejs Sirokovs et Rinalds Dzirvinskis (le troisième a fait faux bond), et d'autre part, faire appel à des joueurs communautaires, finlandais ou suédois. Si le jeune défenseur Sami Tuominen (Vojens, Danemark) ne connaît pas encore le haut niveau et fait ses preuves tout doucement, les deux attaquants recrutés à Nyköping en Allsvenskan ont de belles références, puisqu'ils ont chacun connu un championnat élite européen. Juho Joenväärä a joué en SM-liiga finlandaise avec le Kärpät Oulu, et Jörgen Rickmo a évolué en Elitserien suédoise avec Västerås et Djurgården. Cortina est censé faire deux saisons d'apprentissage avant de songer à un retour au plus haut niveau, mais les premières rencontres à domicile et le soutien des supporters incitent à l'optimisme.

 

Le SG Brunico est un des clubs qui avaient dû jeter l'éponge après avoir tenté de suivre le rythme de l'ancienne série A1. Il a depuis adopté le nom de HC Val Pusteria, du nom de sa vallée, et paraît avoir des moyens suffisants pour suivre un championnat élite raisonnable, à une dizaine de clubs. Mais le plus difficile sera de s'y qualifier face à des équipes qui recrutent massivement à l'étranger. Le club du Haut-Adige s'appuie en effet principalement sur les forces locales, et n'a ajouté que deux recrues à son équipe de l'an dernier, le jeune Michael Sparber et surtout Alex Gschliesser, qui a déjà joué à Brunico en 1995/96 et devrait y retrouver le chemin du but en première ligne après une saison moyenne à Merano. Dans cette région du Südtirol majoritairement germanophone (où Brunico s'appelle Bruneck, et le Val Pusteria, Pustertal), il est aussi naturel de se tourner vers les voisins du nord, et le nouvel entraîneur est ainsi Mike Shea, un Canadien qui a épousé une Autrichienne et a longtemps joué pour l'équipe nationale d'Autriche. Après sa dernière pige chez le champion Linz, il a définitivement raccroché les patins à 42 ans. Soucieux de ne pas prendre de cartons dans cette nouvelle division, Brunico a soigné sa défense avec le vétéran tchèque Jan Bohacek et a réussi un bonne pêche avec la finesse de jeu du passeur canadien Steve Thornton, qui joue pour l'équipe de Grande-Bretagne et a été élu meilleur joueur du Mondial de division I de Zagreb remporté par la France en avril dernier. Mais l'attaque manque de purs buteurs.

 

Après un an d'absence, Renon revient également au plus haut niveau. Mais il n'a pas été possible de faire revenir le joueur qui, presque à lui seul, lui permettait à l'époque d'accrocher les clubs plus puissants : Roland Ramoser. Ses frères Werner et Florian, deux jeunes arrières, sont par contre revenus. Avec le vétéran Georg Comploi (Turin), ils contribueront à muscler une défense également renforcée par Sean Blanchard (Londres). La mort annoncée de la Superleague britannique a permis aux clubs italiens de récupérer des joueurs, et l'ailier Kent Simpson arrive aussi de Sheffield. L'entraîneur canadien Douglas MacKay comptera sur un troisième compatriote, l'universitaire Chris Sebastian, ainsi que sur un Italo-Américain d'ECHL, Mike Martiniello. Cela donne une équipe physique qui devra donner son maximum et ne rien lâcher pour réussir quelques exploits dans son antre de Collalbo.

 

Si les douze clubs cités peuvent légitimement prétendre à la poule finale à huit, ou tout du moins à se maintenir pour l'an prochain, les trois autres sont là de leur propre aveu en bouche-trou. Caldaro, petit village situé sur la "route des vins", qui a une patinoire en plein air mais peut jouer chez le voisin d'Appiano, est de ceux-là. Il ne se fait pas d'illusions, mais est paré à tenir le choc et à limiter les dégâts en faisant venir une colonie finlandaise. Autour de l'entraîneur Jarkko Piparrinen, ils sont pas moins de cinq, de quoi former une première ligne tout à fait capable. Le meilleur d'entre eux est Tomi-Pekka Kolu, venu de Villard-de-Lans. Mais le reste de l'équipe aura bien du mal à suivre le rythme, malgré l'arrivée d'un ex-international junior, Matthias Lobis, le défenseur de Bolzano.

 

Gherdëina, nom actuel du club de Selva dans le Val Gardena, a un passé glorieux, avec quatre titres de champions. Mais contrairement aux autres anciens vainqueurs comme Varèse ou Cortina, il ne semble pas avoir les moyens de profiter de l'opportunité de cet élargissement pour prendre pied dans la prochaine élite. L'objectif de se maintenir pour peut-être se renforcer l'an prochain, et donc d'éviter une des cinq dernières places, sera difficile à atteindre pour l'entraîneur suédois Per Hånberg, venu d'Egna. L'attaquant tchèque Zdenek Kudrna est rejoint par deux compatriotes, Daniel Trvznik (Ústí nad Labem en 1è ligue tchèque) et le défenseur Miroslav Dvorak, qui jouait à une époque en Extraliga, mais qui après un passage dans d'obscures ligues mineures nord-américaines ne jouait plus que dans un club allemand de troisième zone, Amberg. Ce trio d'étrangers n'est pas en mesure de rivaliser avec ses vis-à-vis, les joueurs italiens pas vraiment non plus, et Gherdëina aura besoin d'enchaîner les exploits.

 

Egna, Neumarkt en allemand, est sans illusion. Le club où jouait l'an dernier Bruno Maynard dispose d'une patinoire en plein air sans plexiglas, et devra se replier à Cavalese, à vingt kilomètres de là, en attendant l'hiver. Avec ses faibles moyens, il préfère se contenter de deux étrangers, mais a quand même engagé une vraie star, le défenseur tchèque Drahomir Kadlec, qui a participé à sept championnats du monde et deux Jeux Olympiques. Même à trente-huit ans, il peut être le pilier de la défense grâce à son expérience et à sa vision du jeu. Le buteur canadien Matt Gorman, meilleur marqueur de Regionalliga NRW avec Herford, peut être un bon coup, mais il faudra qu'il s'habitue à un niveau de jeu différent, comme tous ses coéquipiers. Ivo Visintin, qui s'est mué de joueur en président il y a trois ans, dit penser déjà à l'an prochain et le retour à une série B de bon niveau. Néanmoins, le tout nouvel entraîneur suisse Felix Brunschweiler a été viré après seulement deux journées, et a été remplacé par Ludek Bukac jr, le fils de l'entraîneur de la Tchécoslovaquie championne du monde 1985.

 

Sur quinze clubs, huit viennent de ce Südtirol où l'allemand est la langue parlée usuelle. Cela ne fait que refléter la répartition actuelle du hockey italien, où le nombre d'équipes hors de ces quelques vallées est tout simplement insuffisant. Et il n'y a pas espérer une transition d'un "hockey de montagne" à un "hockey de plaine". Lorsqu'elle a eu lieu en France dans les années quatre-vingts, il y avait déjà des patinoires sur tout le territoire, suite aux Jeux Olympiques de Grenoble. En Italie, ce n'est pas le cas, et il n'est pas dit que les JO de Turin y changent quoi que ce soit. Le hockey italien s'obstine à mettre les charrues avant les bœufs, et s'obstine à vouloir créer les conditions pour lasser place en élite à des clubs puissants, représentant de grandes villes ou de villes moyennes. Mais celles qui ont un club sont rares. Finaliste de la série B contre Varèse, la Lariana de Côme a cessé ses activités pour une durée indéterminée, faute d'intérêt des collectivités locales - obnubilées par le football - ou des sponsors. Le hockey italien vit pour l'instant en vase clos entre une poignée d'équipes. Quant à l'unique club du Frioul, Pontebba, qui voulait profiter du succès des Universiades en janvier denier, il a repoussé d'une année son entrée dans les championnats nationaux.

Marc Branchu

 

 

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