Autriche 2004/05 : présentation

 

Révélation des derniers championnats du monde, l'Autriche a récolté les fruits du travail effectué depuis plusieurs années. Une génération de jeunes joueurs a profité de la remise à plat du championnat national il y a quatre ans pour faire ses armes en élite et se développer à un niveau jamais atteint par ses devancières. Si l'on ajoute à cela l'apparition d'un talent hors cadre (Thomas Vanek), on comprend que le monde du hockey devait tôt ou tard se rendre compte de la percée autrichienne, ce qui fut fait à Prague. Mais ce moment où les progrès de fond deviennent visibles pour tout un chacun ne marque-t-il pas la fin du cycle qui les a enclenchés ?

Pour l'instant, tous les voyants sont au vert. Deuxième sport collectif du pays derrière le football, le hockey sur glace a toujours été bien plus populaire en Autriche que chez ceux qui étaient autrefois considérés comme ses concurrents comparables (Italie, France, Norvège). Même s'il n'y a toujours que dans une région, la Carinthie, où il est vraiment sur le devant de la scène, il se développe un peu partout, y compris médiatiquement, avec une bonne couverture de la presse régionale et nationale. Pendant que la DEL allemande s'engageait dans un bras de fer avec la chaîne payante Premiere sur les montants des droits de diffusion (qui ont finalement été en baisse après accord, mais pas de moitié comme la chaîne le souhaitait initialement), le championnat autrichien avait gardé toute sa valeur, certes bien plus faible au départ. Les clubs ont ainsi obtenu de cette même chaîne Premiere d'être désormais dédommagés pour les pertes de recettes dues à l'organisation d'un match en semaine le jeudi soir - jour choisi pour la retransmission télé hebdomadaire - au lieu du vendredi soir.

Les affluences sont en hausse constante, et le championnat est plus passionnant et plus incertain que jamais. Mais c'est justement là que le bât blesse, car il faut voir quel a été le prix à payer pour cette compétitivité. Si toutes les équipes se tiennent, c'est que tous les "petits clubs" avaient baissé pavillon plutôt que de continuer à fréquenter une élite engagée dans une invraisemblable escalade salariale (près de 25% de hausse par an). Il ne reste plus que les gros entre eux. Et si le suspense sportif est intenable, la situation des entraîneurs l'est aussi. Tout le monde ou presque veut être champion, et personne ne veut être dernier. La compétition n'est pas féroce que sur la glace. Pour arracher un joueur à une autre équipe, on n'hésite pas à lui proposer un salaire doublé voire triplé. Certains clubs recrutent des joueurs de DEL... en les payant plus cher qu'en DEL, tout simplement ! Impensable dans un petit pays comme l'Autriche, où trop de gens ont eu les yeux plus gros que le ventre.

Conséquence, alors qu'il espérait revenir à huit équipes, le championnat autrichien repart encore une fois à sept malgré la promotion de l'ambitieux Salzbourg. En effet, Feldkirch a connu une nouvelle faillite, quatre ans après la précédente. La dernière fois, elle avait été la rançon d'ambitions démesurées, et d'un titre de champion d'Europe acquis à crédit. Mais ce coup-ci, il a suffi de deux petites saisons en Bundesliga autrichienne pour que le club rende gorge financièrement. Son omnipotent président, l'entrepreneur en bâtiment Walter Gau, a réussi à creuser une dette de 600 000 euros - emprunts bancaires non compris - en seulement deux ans. C'est à peine le quart de la dissimulation fiscale reprochée à feu le VEU Feldkirch champion d'Europe, mais c'est un résultat impressionnant en un si court laps de temps car cela représente le tiers du budget. Le nouveau club espérait faire affluer les spectateurs en faisant revenir les anciens vainqueurs de l'EHL, mais le résultat a été une équipe de vétérans trop lente qui s'est peu à peu retrouvée à court de jus, de motivation et de public.

La course à l'armement va-t-elle s'arrêter ? Les clubs vont-ils redevenir plus sages, à l'image de Linz, le club-référence de ces dernières années, celui qui s'était le mieux développé depuis la refondation du championnat, qui a bien failli connaître le même sort que Feldkirch ? Rien n'est moins sûr. Tous n'ont pas été aussi sensibles aux alarmes. Les recrutements à tout va continuent. Et plus aucun autre club ne semble pouvoir monter dans cette élite autrichienne engagée dans une spirale infernale. Avant qu'il n'ait fallu repartir de zéro et recréer un championnat présumé viable en 2000, il ne restait plus que deux clubs dans l'élite autrichienne. A-t-on vraiment retenu les leçons du passé, comme certains l'espèrent ? C'est de cela que dépendra la poursuite du développement du hockey autrichien, qui a tous les atouts pour poursuivre sa croissance s'il n'est pas frappé par un retour de bâton nommé escalade financière.

 

 

Les clubs de Bundesliga

Torpedo. Ce système est mort et enterré en Suède, et ses cendres ont été dispersées au vent maintenant que Hardy Nilsson a été débarqué de son poste de sélectionneur national. Mais son inventeur, l'ancien défenseur international Mats Waltin, a gagné en renommée. Quand le champion en titre Klagenfurt l'a engagé, les supporters se sont régalés d'avance du style offensif qu'il pourrait apporter. La venue d'un nouvel entraîneur est en effet le changement majeur au KAC qui repart avec une équipe presque inchangée.

La seule entorse à cette stabilité désirée, c'est que les joueurs autrichiens sont subitement très courtisés à l'étranger, par un soudain effet de mode ou par un réveil tardif des observateurs. Le duo d'espoirs Koch-Welser n'a échappé à personne aux derniers championnats du monde, et si Daniel Welser a finalement prolongé à Klagenfurt, Thomas Koch a en revanche signé en Elitserien à Luleå. Il était une pièce maîtresse du dispositif du KAC où il alimentait en palets Tony Iob, et sera difficile à remplacer.

Pour le reste, pas de révolution. Contrairement aux habitudes qu'ont souvent les entraîneurs scandinaves, Waltin n'amène pas de compatriotes et gèrera les cinq Canadiens de l'équipe, moins le défenseur Chris Bartolone qui a été vite écarté car jugé trop faible. Le point fort reste dans les cages avec Andrew Verner, considéré comme le meilleur gardien du championnat, il reste maintenant à Mats Waltin à donner l'impulsion offensive pour pallier le départ de Koch. L'équipe est très expérimentée, mais peut-être un peu vieillissante à l'image du capitaine Emanuel Viveiros dont l'état de forme sera suivi à la loupe après sa blessure de l'an dernier.

 

L'entraîneur Jim Boni a assez rapidement été adopté à Vienne, et s'il n'avait pas pu imposer ses systèmes l'an passé, il a remodelé l'équipe avec des joueurs réceptifs à ses options tactiques. Il y a eu pas moins de quatorze départs, mais les portefeuilles ont été de sortie avec une liste impressionnante de recrues. Les cinq Canadiens semblent en particulier être le meilleur contingent étranger du pays. On y recense Frédéric Chabot, gardien expérimenté passé par la NHL et la DEL, et le lunatique Bob Wren, un des joueurs les plus doués techniquement du championnat allemand, qui est arrivé dès les derniers play-offs, et qui a signé pour deux ans dans la capitale autrichienne alors qu'il était convoité en DEL.

De plus, une des stars du hockey autrichien, le fils du président de la fédération Dieter Kalt, qui avait pourtant une offre russe et qui avait annoncé qu'il ne jouerait nulle part ailleurs que dans son club Klagenfurt s'il revenait au pays, a opté pour Vienne à quelques mois des championnats du monde qui y auront lieu, et pour lesquels sa compagne est membre du comité d'organisation. Les investissements viennois visent clairement le titre, mais il reste un net point faible au niveau de la densité défensive avec le départ d'André Lakos. Le rude géant est un des Autrichiens qui a signé un contrat "two-way" avec une franchise NHL cet été, ce qu'il enjoint donc à retourner en AHL, à Syracuse, où il évolue avec son compatriote Trattnig.

 

La ville co-organisatrice des Mondiaux 2005, Innsbruck , a imité sa complice viennoise et animé très tôt le marché des transferts. Comme chaque année, le HCI a investi pour s'inclure dans la liste des favoris. Cela va-t-il enfin fonctionner cette année ? Certes, l'effectif n'a pas les capacités techniques et créatives de ses rivaux, mais il est dense et homogène. Le nouvel entraîneur Tommy Samuelsson a amené avec lui plusieurs Suédois et peut s'appuyer sur une défense solide, renforcée par le retour de DEL de l'international autrichien Gerhard Unterluggauer, pour appliquer une tactique défensive à l'affût de l'opportunité d'une longue passe. Un jeu moins ambitieux que celui de son compatriote Waltin à Klagenfurt, mais le jeu de contre-attaque pourrait être efficace, plus qu'avant en tout cas du fait de l'arrivée de buteurs patentés comme l'expérimenté Patrik Zetterberg, le physique Henrik Nordfeldt et le brièvement international tchèque Zdenek Sedlak.

On ne pourra plus dire qu'Innsbruck néglige la formation car il a pris comme entraîneur du hockey mineur Greg Holst, ancienne légende du club qui s'occupait ces deux dernières années de l'équipe nationale junior autrichienne.

 

Club le plus riche du championnat ces dernières années, Linz a créé un choc cet hiver en révélant ses problèmes financiers, après plusieurs saisons de progression constante qui l'avaient amené en peu de temps au pinacle du hockey autrichien. À l'image de Rouen à une certaine époque, les Black Wings étaient "obligés" d'atteindre la finale pour équilibrer leurs comptes : les recettes aux guichets de ces rencontres avaient été budgétisées, mais également les revenus indirects comme des primes versées par des sponsors en cas de qualification. Or, le champion en titre a perdu en demi-finale contre Villach, et comme des dépenses imprévues étaient déjà venues se greffer (indemnités de licenciement de Veli-Pekka Ketola, fameux en son temps comme joueur mais peu convaincant comme coach), la situation financière était au bord du désastre.

C'est juste à temps que le club s'est repris pour changer son fusil d'épaule. Lui qui avait l'effectif le plus complet a été contraint de réduire son nombre de joueurs professionnels, mais il a créé une réserve qui évoluera en deuxième division, afin d'aguerrir les joueurs locaux et de rebâtir une équipe avec eux à terme. Les joueurs étrangers ne sont pas du même calibre que ceux des rivaux, mais ils sont tous concentrés à l'arrière ! Les quatre défenseurs importés devraient donc former un vrai rempart devant le gardien tchèque Pavel Nestak, qui a montré des faiblesses la saison dernière en étant plus sollicité que d'habitude. En attaque, on comptera sur l'envie d'attaquants autrichiens qui ont pour la plupart une place à gagner ou à défendre au sein de l'équipe nationale en proie à une concurrence accrue avant les championnats du monde à domicile.

 

Après cinq participations consécutives à la finale, Villach aura du mal cette fois à poursuivre la série. L'équipe désormais confiée à l'entraîneur Blair MacDonald, qui avait terminé sa carrière de joueur dans le championnat autrichien dans les années 80, s'est tournée par tradition vers le Canada. Mais l'utilisation faite du lock-out masque en partie les faiblesses de certains autres choix. Grand bruit a été fait cet été (à une époque où le débarquement de joueurs de NHL en Europe était encore limité) autour de la fausse arrivée de Mike Cammalleri, un raté qui n'a pas entamé la détermination de Villach à engager un attaquant pendant la "pause" de la NHL, qui a finalement été Jason Krog, attaquant polyvalent et créatif d'Anaheim.

Mais ce grand nom est l'arbre qui cache la forêt. Tous les joueurs canadiens ne sont pas de ce niveau-là, et on pense en particulier au défenseur au grand gabarit Dean Malkoc, qui n'a pas joué de hockey professionnel depuis trois ans et qui est trop lent et trop peu doué techniquement. Quant à l'arrivée tardive du gardien Reinhard Divis, premier Autrichien à avoir joué en NHL, elle indique surtout que Villach s'est enfin rendu compte des limites de Gerd Prohaska, indéboulonnable n°1 dans les cages depuis quatre ans. Ceci dit, les erreurs sont faites pour être corrigées, et le VSV a l'expérience nécessaire pour se sortir d'une passe difficile.

 

Promis à la dernière place, Graz a surpris tout le monde l'an passé en prenant longtemps la tête, ce qui lui a permis d'être le garant de la compétitivité d'un championnat serré. Mais ses deux pièces maîtresses sont parties. Dave Chyzowski, dont l'entraîneur Mike Zettel avait su exploiter le talent si souvent gâché car peu travaillé au cours de sa carrière, a rejoint le concurrent Vienne. Et surtout, l'international slovène Ivo Jan, meilleur marqueur et joueur-phare du championnat, est parti retenter sa chance en DEL. Il faudra donc compter non plus sur quelques individualités, mais sur un effectif plus homogène.

L'attraction est constituée par les deux gardiens, qui avaient déjà été coéquipiers à Zell am See il y a quelques années. Patrick Machreich, qui a su s'imposer face aux gardiens étrangers avec qui il avait été mis en concurrence la saison passée, et Walther Bartholomäus, qui a maintenu un pourcentage d'arrêts de plus de 93% en 17 matches joués avec Vienne, sont deux des très grands espoirs du hockey autrichien, et l'un contre l'autre peuvent rêver d'une révélation au grand public au printemps prochain.

 

Les quotas différenciés sont une méthode éprouvée en Autriche, elle a d'ailleurs bien aidé Graz l'an passé. Le même système est donc mis en place pour le promu Salzbourg, qui aura le droit à sept étrangers contre cinq à ses rivaux. Il devrait donc rapidement trouver sa place dans la division, surtout avec un sponsor aussi puissant que Red Bull pour le soutenir. Les moyens financiers sont là, et le club s'est par exemple permis de faire venir quatre Suédois et Finlandais en mai pour des tests physiques. Comme entraîneur, on a engagé rien moins que le champion en titre avec le KAC, Jorma Siitarinen, qui comme son assistant Lindqvist a une excellente réputation aussi bien dans la motivation ou dans l'expérience tactique que dans le développement des jeunes joueurs.

C'est un point que Salzbourg veut aussi travailler en créant une équipe-réserve en Nationalliga. En plus d'un tremplin pour les jeunes, elle a aussi servi à recaser l'attaquant canadien Sheldon Moser, un des artisans de la montée qui a été conservé mais n'a pas pu s'adapter au niveau de la Bundesliga, comme d'ailleurs toute l'équipe qui a commencé par une série de défaites. Il a été remplacé au bout de quelques semaines par le joueur de NHL Éric Chouinard, au moment où Salzbourg avaient déjà commencé à goûter à la victoire. Il reste tout de même un point faible dans les cages avec Michael Suttnig, même s'il est bien protégé avec quatre arrières étrangers.

 

 

Un petit mot de la Nationalliga

 

Après deux faillites en trois ans, comment Feldkirch peut-il encore être crédible vis-à-vis des créanciers qu'il a lésés ? Pourtant, il semble cette fois avoir fondamentalement changé de politique en proposant de repartir sur des bases plus sages et en se fixant comme objectif de jouer les cinq prochaines années en Nationalliga, deuxième niveau autrichien. On se démarque au maximum des erreurs du passé, en repartant uniquement avec les joueurs formés au club. L'équipe ne sortira plus son chéquier pour récupérer des joueurs d'autres régions, et les forces vives du club, de tous âges (du très expérimenté Michael Lampert au prometteur attaquant de 17 ans Marco Ferrari), seront encadrées par des renforts slovènes, Boris Pretnar et David Rodman. L'entraîneur sera Konrad Dorn, celui dont le licenciement en novembre 2002 - alors que Feldkirch tout juste promu caracolait en tête du championnat - avait sans doute été le premier signe de la folie du président Gau. L'admission de Feldkirch a fait débat, même si les clubs de Nationalliga l'ont finalement approuvée. Si on tend la main aux clubs qui viennent de déposer le bilan, n'est-ce pas un signe de laxisme et une incitation à recommencer encore et encore ?

Après la mésaventure de Feldkirch, qui peut encore reprocher à Lustenau son retrait volontaire de l'élite ? Il apparaît comme une sage décision prise puisque le club aurait sans doute explosé à suivre un championnat fermé où, faute de relégation, il a juste à temps sauté du wagon de son plein gré. Battu par le futur vainqueur Salzbourg en demi-finale l'an passé, Lustenau est cette fois le favori avec une équipe homogène et presque inchangée. Seul le défenseur finlandais Sami Siltavirta est parti pour la France et Villard-de-Lans, remplacé par Arris Tsilichristos (ex-Bregenzerwald). L'attaque sera toujours menée par l'international slovène Nik Zupancic, mais le voisin et rival Dornbirn n'est pas en reste offensivement en ayant conservé sa ligne Foster-Vanhanen-Myrrä.

Avec ses quatre clubs dans la division (Lustenau, Dornbirn, Feldkirch et Bregenzerwald), le Voralberg, petite région de la pointe occidentale de l'Autriche, se retrouve plus que jamais au centre de l'attention en Regionalliga. Seul Zell am See et sa très forte défense bâtie autour de Shayne McCosh paraît en mesure d'amener le titre ailleurs.

Sans avoir les ambitions de ses voisins, même le petit club de Bregenzerwald est parvenu à faire la une des médias en recrutant Tommy Pettersson, un joueur très reconnu de MoDo. C'est un saisissant effet secondaire du lock-out que de voir un joueur de cette qualité céder sa place à des renforts de NHL et se retrouver dans un petit club de deuxième division autrichienne, qui joue qui plus dans la seule équipe qui joue dans une patinoire découverte ! Mais Pettersson a déclaré au journal suédois Sportbladed que cette perspective de jouer en plein air avait un côté "back to the roots" et était une vraie aventure. Découvrir le niveau de ses coéquipiers en sera une autre...

Le duel interne à la Styrie n'aura pas la même résonance que tous ces derbys de l'ouest. Kapfenberg, avec un effectif quantitativement limité mais assez équilibré, devrait y avoir le dessus sur Zeltweg, qui a tout misé sur Jiri Cihlar et Robert Vavroch. Le duo tchèque devra marquer beaucoup de buts, ce qu'il n'est pas vraiment parvenu à faire l'an dernier à Dijon. Outre les deux réserves, Salzbourg II et Linz II, cette Nationalliga est complétée par le W-EV. Le club viennois continue de former des joueurs, mais aussi d'en perdre lorsqu'ils se font remarquer, et il devra donc compter sur de nouvelles révélations.

Marc Branchu

 

 

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