Kazakhstan 2004/05 : présentation

 

Avec le coup d'éclat du Torpedo Kazzinc d'Oust-Kamenogorsk en Coupe Continentale, c'est l'occasion de poursuivre notre tour d'Europe des championnats de hockey... en allant en Asie ! Le club-phare du Kazakhstan vient donc une fois de plus de prouver que le hockey de ce grand pays d'Asie Centrale était inoxydable. Malgré un isolement géographique, le hockey kazakhstanais répond toujours présent au plus haut niveau.

L'équipe nationale s'est maintenue l'an passé aux championnats du monde et disputera donc le Mondial de Vienne où elle affrontera au premier tour l'Allemagne, la Suisse et la République Tchèque. Pour les qualifications olympiques, le Kazakhstan passera par le tournoi de Klagenfurt en Autriche en février prochain contre l'Autriche, l'Ukraine et une autre équipe sortie des pré-qualifications, peut-être la France. Les filles sont également dans l'élite mondiale. Elles participeront aux championnats du monde en Suède à Linköping et Norrköoping dans la poule du Canada, de la Suède et de la Russie. Et pour aller à Turin, la route des Kazakhstanaises passera par l'Allemagne, à Bad Tölz, pour les qualifs contre l'Allemagne, la Lettonie et la Slovénie. Les juniors masculins sont eux en D1, à chaque fois dans la poule de la France. Les moins de 20 ans seront en Angleterre à Sheffield (les aciéries ne vont pas les dépayser...), et les moins de 18 ans se rendront à Maribor, en Slovénie.

Et dans toutes ces compétitions, le Kazakhstan ne sera jamais un adversaire à prendre de haut. Les Français s'en sont aperçus l'an passé. La preuve de la solidité du hockey kazakhstanais est donc venue la semaine dernière de Lettonie. Pour le deuxième tour de la Coupe Continentale, l'éternel champion du Kazakhstan, le Torpedo Kazzinc Oust-Kamenogorsk, s'est imposé à ses trois adversaires sur la glace de la patinoire Siemens ledus halle du Riga 2000. Les Kazakhstanais ont débuté très forts en "tapant" d'entrée le club local 3-2. Ensuite, le Torpedo a écarté les Bélarussiens du Iounost Minsk 3-2 avant de conclure en beauté contre les Roumains du SC Miercurea-Ciuc 8-1. Et voilà donc le Torpedo en route pour les demi-finales du 19 au 21 novembre en Norvège, où ils seront attendus par les locaux des Dragons de Storhammar, les Italiens de Milan et les autres "résistants" du hockey post-soviétique, les Ukrainiens du Sokil (les faucons) de Kiev.

Le Torpedo est donc une fois encore la figure de proue du hockey kazakhstanais. Champion national onze fois en douze éditions, le club n'a raté le titre en 1999 qu'en raison... de sa non participation au championnat du Kazakhstan. Cette année-là, c'était le club du Boulat Termitau qui avait profité de l'aubaine. Le Torpedo était déjà du temps de l'URSS le principal club de la république. À l'indépendance, rien n'a changé, à part que le club a accolé à son nom, celui de son financier "Kazzinc", et que le nom d'Oust-Kamenogorsk a été "kazakhifié" en Öskemen.

La saison passée, le Torpedo a une fois encore dominé le championnat national en devançant le Gorniak de Rudny et le Kazakhmis de Karaganda. Dans l'effectif 2004-2005, du Torpedo on retrouve une foule d'internationaux kazakhstanais dont certains sont des piliers de la sélection comme les attaquants Andreï Trotchinsky (passé par Magnitogorsk, Katowice en Pologne et l'AHL, et frère du capitaine du Dynamo, Alexeï), Anatoli Filatov (passé par l'élite russe à Novossibirsk, Oufa, au Spartak ou à Nijni-Novgorod), Roman Kozlov ou les frères Kommissarov (Anton et Maxime). Mais le Torpedo 2005 compte également des défenseurs passés par la Superliga : Vitali Tregoubov (Cherepovets, Nijni-Novgorod, Khabarovsk), Artiom Argokov (Novokouznetsk, Togliatti et Khabarovsk), Oleg Kovalenko (Omsk, Oufa, Togliatti), Andreï Savenkov (Novossibirsk) ou encore Evgueni Kouzmine (Khabarovsk, Perm, Novossibirsk, Nijnekamsk).

La nouveauté désormais, c'est que des joueurs au passeport russe viennent jouer au Kazakhstan. L'effectif du Torpedo en compte huit. Parmi ces "exilés" en provenance de la poule orientale de la Vyschaïa Liga russe, deux défenseurs, Alexeï Savchenko (Barnaoul) et Mikhaïl Oukraïntsev (Kourgan) et trois attaquants, Igor Kravets (Kedr), Alexeï Lopatine (Barnaoul) et Mourat Mourametov (Kemerovo). Le hockey kazakhstanais vit donc d'allers et de retours entre le pays et l'étranger, comme les autres nations de l'ex-URSS. Cette année par exemple, le Torpedo voit le retour au bercail de l'attaquant Alexandre Rojnev qui revient de Zeltweg en Autriche.

Mais si 28 joueurs de l'effectif du Torpedo sont kazakhstanais, un seul est d'ethnie kazakhe. Il s'agit de l'international junior Talgat Jaïlaiouv, dix-neuf ans. Les autres sont des descendants des colons russes venus dans cette ville industrielle de l'est du Kazakhstan du temps de l'URSS. Le hockey kazakhstanais est donc fortement ethniquement marqué par les Russes. Cette saison encore, le Torpedo évolue d'ailleurs, parallèlement au championnat national, dans la poule orientale de la D1 russe, la Vyschaïa Liga. Et ça marche, car en ce début de saison, le Torpedo est en tête de la poule...

Aller le plus loin possible en Coupe Continentale, remporter le titre national pour la douzième fois et battre les Russes dans leur propre championnat, ce sont les hautes ambitions du Torpedo cette saison. Mais attention, car pour la première fois, la concurrence sera vive.

Un autre club kazakhstanais a décidé de frapper fort cette saison. Le Kazakhmis Karaganda sème également la terreur en tête de cette poule de Vyshaïa Liga, alors que l'an passé le club se traînait en fin de tableau. Il faut dire que l'on a tout bouleversé à l'intersaison au Kazakhmis. Comme les meilleurs joueurs du pays sont tous à Oust-Kamenogorsk (il faudrait s'habituer à dire Öskemen...), les dirigeants du Kazakhmis n'ont pas fait les choses à moitié en recrutant... 21 joueurs russes ! Des joueurs qui arrivent des autres clubs de cette poule est de Vyschaïa Liga comme Kourgan, Seversk, Barnaoul, Orsk, Tioumen, ou les deux clubs de Chelyabinsk, le Mechel (ouh !) et le Traktor (ouais !), mais également avec une expérience de l'élite russe comme le défenseur Vladimir Kniazev (Nijnekamsk), ou l'attaquant Andreï Tarassenko (Togliatti, Novossibirsk, Nijni-Novgorod).

Pour compléter l'effectif et faire "couleur locale", le Kazakhmis est également allé chercher des joueurs du Torpedo comme l'attaquant Oleg Eremeïev. Deux joueurs formés à Karaganda puis partis faire fortune (?) en Russie reviennent dans leur ville, il s'agit des attaquants Ildar Souleïmanov (ex Magnitogorsk) et Alexandre Fillipov (ex-Khabarovsk). Ces deux joueurs avaient débuté à l'époque où le club avait le nom bien soviétique de Stroïtel ("maçon" ou "ouvrier en bâtiment"). Désormais, le club porte celui de Kazakhmis et évolue avec un maillot ressemblant fortement à celui de l'équipe nationale : bleu et or avec l'emblème national représentant un rapace s'envolant devant le soleil... mais rien n'a vraiment changé et c'est toujours le russe, la langue du hockey à Karaganda, ville du centre du Kazakhstan sur la route entre l'ancienne capitale Almaty et la nouvelle Astana.

Du coup, l'effectif du Kazkhmis de l'an passé, qui se morfondait en queue de tableau du championnat russe et n'avait pas réussi à faire mieux que troisième du championnat national, se retrouve désormais en équipe réserve, mais il est engagé également en championnat du Kazakhstan... à la place de l'équipe jeune d'Oust-Kamenogorsk "Oustinka"...

Deuxième du championnat du Kazakhstan l'an passé et désormais troisième force du pays, le Gorniak Rudny. Une ville du nord du Kazakhstan, près de Koustanaï. Une ville évidement industrielle, riche en minerai de fer, tout près de la Russie, pas loin de l'Oural, de Magnitogorsk et Chelyabinsk. Une équipe du Gorniak qui joue également dans le championnat russe, mais au troisième échelon, en Pervaïa Liga (la première ligue). Pour évaluer le niveau des "Bleus" du Gorniak, signalons que cet été ils ont disputé des matches amicaux à Orsk, une ville de l'Oural qui évolue en Vyschaïa Liga. Les Kazakhstanais ont été étrillés par le Ioujni Oural d'Orsk 9-0, mais ils ont fait jeu égal avec la réserve du club russe : 7-7 et une victoire 8-7. Ce qui prouve bien que le niveau de Rudny est bien celui du troisième échelon russe.

Quatrième l'an passé, le club de l'ancienne capitale du Kazakhstan, le Yenbek Almaty, est un habitué... des matches contre les Brûleurs de Loups. Cela fait trois ans que les deux clubs se rencontrent et les Grenoblois se sont imposés pour la première fois en pré-saison, 5-1 au tournoi de Homel au Bélarus. Les Bleus et Jaunes qui évoluent au Palais des Sports Bolvan Sholak d'Almaty espèrent cependant ce mêler à la lutte pour la troisième place derrière les deux intouchables. Le Yenbek est d'ailleurs en forme actuellement avec trois victoires consécutives et une belle deuxième place au classement, même si, par rapport à ses rivaux, il manque de matches, puisqu'il n'évolue pas en championnat russe.

D'une capitale à l'autre. Si Almaty était la capitale (sous son nom russe d'Alma-Ata) de la République Socialiste Soviétique du Kazakhstan du temps de l'URSS, puis de la République du Kazakhstan les premières années de l'indépendance, c'est désormais Astana la capitale du pays. Une décision de l'autocrate du coin, Noursultan Nazerbaïev, qui trouvait (à juste titre) qu'Almaty, tout au sud du pays, était totalement excentrée, et qu'il valait mieux prendre pour capitale une ville plus centrale. Il a donc choisi une toute petite ville pour en faire la "Brasilia kazakhstanaise". Or, comme le nom de la ville choisie, Akmolinsk (ou Aqmola) signifiait en kazakhe "la tombe blanche", ce qui ne faisait pas très "marketing", le maître l'a débaptisée pour la nommer Astana, qui en kazakh signifie tout simplement la capitale. Et dans cette capitale, il y a une équipe de hockey sur glace, le Barys Astana, cinquième l'an passé. Les Léopards, qui jouent en bleu et blanc (a-t-on déjà vu un léopard bleu ?), veulent également une place plus en rapport avec leur nouveau standing d'équipe de la capitale. Ils viennent d'ailleurs de le prouver en battant 1-0 le Kazakhmis de Karaganda.

Septième équipe de ce championnat du Kazakhstan, l'Irtysh Pavlodar. C'est le club d'une ville de l'est du pays, pas loin de la frontière russe (de toute manière, les villes au Kazakhstan sont presque toutes près d'une frontière, vu que le centre du pays est une immense steppe désertique...), en direction de la Sibérie (Barnaoul à l'est et Omsk au nord). Une ville industrielle (encore !) avec des mines de charbon, une usine d'aluminium, une autre de pétrochimie... bref, de quoi alimenter les caisses de la ville en argent du tourisme.

L'Irtysh est un revenant. Le club avait jeté l'éponge en plein milieu de la saison 2001-2002 au bout de dix matches en championnat du Kazakhstan. Le retour est un peu difficile avec deux défaites 5-0 et 4-0 contre le Torpedo, mais un bon match nul 1-1 face au Yanbek. En début de saison, Pavlodar avait d'ailleurs obtenu un bon match nul 0-0 contre les "voisins" du Motor Barnaoul, pilier de la poule orientale de la Vyschaïa liga russe. Parallèlement au championnat du Kazakhstan, l'Irtych est engagé en championnat russe de Pervaïa Liga, dans la poule de Sibérie orientale avec les réserves du Torpedo et du Kazakhmis.

Enfin, huitième et dernière équipe engagée, le CSKA Termitau. Une ville proche de Karaganda, sur la (longue...) route qui mène à Astana. Et la route qui mène au succès est encore plus longue pour le club de la seule ville à avoir été championne du pays lorsque le Torpedo boudait. Le CSKA se traîne en queue de classement avec quatre défaites en autant de rencontre et un goal-average terrifiant de moins 58. Bon, le club n'a rencontré que le Torpedo et le Kazakhmis...

Pourtant l'équipe évolue avec le même maillot que le CSKA Moscou ! Véridique ! Est-ce le fait que le club vénère Tikhonov ? Est-ce que l'armée kazakhstanaise n'a pas les moyens de se payer un jeu de maillot pour son club ?

Les relations entre le hockey kazakhstanais et russes sont telles qu'il paraîtrait que le Kremlin envisagerait de recréer le championnat d'URSS ! Evidement, cela ne s'appellerait pas comme cela, mais les Russes souhaiteraient que les clubs kazakhs, ukrainiens, lettons et bélarussiens reviennent dans le "giron". Les clubs seraient certainement favorables, car cela les ferait progresser. Sauf que, politiquement, cela me semble impossible. Cela serait évidement perçu comme une revanche impériale de la Russie. Il faudrait au minimum que les championnats nationaux ne disparaissent pas et continuent à se dérouler en parallèle, et surtout que cela ne soit pas organisé par la fédération russe. Quant aux clubs de Superliga russe, ils se moquent comme de l'an quarante du Sokil Kiev, du Riga 2000 ou du Torpedo d'Öskemen. Même si c'est Vladimir Poutine qui leur demande ?

Bruno Cadène

 

 

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