Briançon cosmopolite et ambitieux

 

La saison passée, avec sa finale de Coupe de France et sa cinquième place en saison régulière, a donné des envies aux supporters briançonnais. Les Diables Rouges rêvent de revivre des grands moments, de se mêler à la lutte pour le titre, de faire trembler les grands clubs de la plaine. Mais ont-ils les moyens de progresser encore.

Financièrement, le club continue d'augmenter son budget, comme c'est d'ailleurs le cas pour tous les clubs de Magnus. La perte d'une partie des subventions du conseil général, rééquilibrées avec Gap après qu'Alain Bayrou a perdu son fauteuil présidentiel, a pu être digérée. Car entre-temps, il est redevenu "simple" maire de Briançon. Entre-temps, le soutien s'était déjà accentué de la part de la municipalité, qui avait voté une rallonge de subvention de quarante-cinq mille euros. Le budget des Diables Rouges s'inscrit donc dans la continuité, il est encore celui d'un outsider majeur.

Cependant, l'équipe qui a pu être constituée l'an dernier ne reflétait pas uniquement les moyens mis en œuvre, mais aussi un contexte favorable. À l'automne dernier, le lock-out approchant avait complètement bouleversé le marché. Les joueurs de qualité devenaient plus abordables, sans compter la possibilité de faire appel à un renfort de NHL, ce que Briançon fit avec Mark Rycroft. Au coup d'envoi de la saison, les Diables Rouges étaient un peu démunis par la suspension de Grossi et cherchaient encore des pistes offensives pas convaincantes (Lund) avant de trouver l'international slovène Edo Terglav, puis un peu plus tard de récupérer Rycroft afin de constituer deux grosses lignes offensives.

La situation aujourd'hui peut sembler similaire. Certains joueurs ont été écartés à l'issue de leur période d'essai. Il s'agit des défenseurs Tim Donnelly, joueur moyen d'Oberliga allemande, et Lukas Frank, venu d'Avignon en D1 et au niveau trop juste pour la Ligue Magnus. Leur échec n'a rien de surprenant en soi, mais, si un joker n'est pas à exclure puisque l'on peut recruter jusqu'au 15 novembre, il n'est pas évident que l'on puisse encore trouver des gros calibres cette année. Certains clubs européens - notamment en Allemagne - attendent encore de boucler leurs effectifs en espérant récupérer des recalés des camps de NHL, mais ils savent qu'il n'y en aura pas pour tout le monde, c'est pourquoi les rares très bons joueurs disponibles s'arrachent actuellement. Or, Briançon a dû reconstruire la majeure partie de son effectif, souvent avec des joueurs d'un niveau un peu moins sûr.

Le secteur qui a le moins évolué est celui des gardiens, puisque le n°1 de l'an dernier a été conservé. Bien que ses placements soient souvent peu orthodoxes, Frédérik Beaubien a fait une bonne saison en trouvant la bonne harmonie avec sa défense qui écartait ses rebonds et en se chargeant de faire valoir sa très bonne mitaine lorsqu'il le fallait. Il aura désormais comme doublure un Italien du Val d'Aoste, Michaël Favre. Comme Damien Angella est resté au club, les Diables Rouges sont couverts à ce poste.

Par contre, devant eux, les gardiens trouveront une défense qui a perdu - outre l'international français Nicolas Pousset - ses deux piliers tchèques Kramny et Divisek. Pour les remplacer dans un registre physique, leur compatriote Waldemar Pelikovsky arrive de Dijon. L'expérience et la solidité des deux Tchèques aurait pu aussi être retrouvée chez Trevor Burgess, qui a été suivi un temps, mais Briançon a finalement jeté son dévolu sur Chris Lyness, un plus jeune joueur qui a plutôt un style de défenseur offensif, dans la même veine que Jodoin, mais qui possède aussi un gros gabarit.

S'il y a un petit peu moins de densité physique, il y a peut-être plus de défenseurs capables d'appuyer leurs avants. Miroslav Dvorak sait le faire à l'occasion. Le Tchèque a énormément bourlingué, en Autriche, aux États-Unis, en Allemagne, en Italie et dernièrement en Suède, et il est même déjà passé en France où il a été un des jokers médicaux de Mont-Blanc lors de la fin de saison chaotique de D1 en 2004. Cependant, ce n'est pas un choix aveugle. Il a été recruté parce que Luciano Basile l'avait déjà eu sous ses ordres lorsqu'il entraînait Amberg en Regionalliga allemande en 2001/02. Il s'agissait alors de son meilleur joueur, qui tournait à plus d'un point par match en tant qu'arrière.

Les trois départs principaux ont été compensés, mais d'autres éléments restent à remplacer (Gélinas, Borgnet, Vandecandelaere). Et c'est là que les joueurs testés de prime abord n'ont pas été convaincants... Finalement, après l'expérience réussie avec Terglav, les Briançonnais se sont tournés vers la Slovénie, un pays tout de même moins réputés pour ses défenseurs. Ils ont d'abord mis à l'essai Ziga Svete, de l'Olimpija Ljubljana, avant de se rabattre sur Jakob Milovanovic, un tout jeune joueur qui arrive d'un petit club slovène, le Triglav de Kranj (qui a perdu sa patinoire depuis trois ans et joue depuis en exil à Bled).

Toujours pour amener de la profondeur de banc, il est intéressant de constater que Briançon, dont le hockey mineur est un peu dépeuplé, est parvenu cette année à faire revenir des joueurs formés au club : Alexandre Rouillard, après deux saisons en D2 à Chambéry, et Cyril Arnaud, qui était parti au pôle d'Amiens. C'est d'ailleurs aussi le cas en attaque avec Nicolas Chevalier qui avait dû rejoindre Gap en cadets.

L'ennui avec cette défense, c'est qu'il ne reste que deux éléments de l'an dernier, Jodoin et Levêque. Tous les réglages seront donc à reprendre, pour les arrières entre eux mais aussi entre les défenseurs et leur gardien.

L'attaque, en revanche, a au moins pu conserver son duo de la première ligne, Filip-Terglav. L'intelligence de jeu de Martin Filip est la clé de voûte offensive de Briançon, et malgré son petit gabarit, il sait aussi s'investir dans la conservation du palet et se placer utilement quand il ne l'a pas. Son allié slovène Edo Terglav est un attaquant complet qui fait tout ce qu'il faut en zone d'attaque avec volonté, maîtrise et vivacité. Ils devraient sans doute être accompagnés par Jiri Hubacek, qui a joué un temps en Extraliga tchèque avant de se muer en gros pointeur au niveau inférieur, en 1. Liga, et plus encore l'an passé en série B italienne.

C'est que l'arrêt de Blais et le départ de Boldron ont privé Briançon de leaders offensifs français, surtout que l'épaule de Lionel Orsolini est encore un gros point d'interrogation. Par conséquent, pour retrouver deux premières lignes fortes, il a fallu augmenter le nombre d'étrangers et en prendre six en attaque. Il est toujours utile de s'appuyer sur une valeur sûre de Ligue Magnus qui connaît bien le championnat. Julien Desrosiers, l'homme qui avait inscrit le plus de buts en saison régulière, est parti à Rouen... C'est donc Rob Millar, l'homme qui a inscrit le plus de buts en play-offs, qui le remplace. Il devrait produire encore beaucoup de points, comme à Villard et à Tours. Il sera accompagné par Anders Dahlin, un centre qui arrive de l'élite norvégienne, comme Mika Kannisto il y a deux ans, mais avec des références tout de même inférieures. Le troisième homme sera Tomas Baluch, diplômé en kinésiologie à l'université de Moncton (ça veut simplement dire kinésithérapie au Canada, à ne pas confondre avec la technique para-sectaire dont deux adeptes ont été poursuivis en justice en mai dernier à Quimper après le décès par malnutrition de leur bébé). Ce Slovaque qui a passé neuf saisons en Amérique du nord. Dahlin et Baluch sont arrivés un peu tardivement, l'avant-saison étant toujours un peu bousculée à Briançon.

Chez les Français, on comptera en particulier sur Yannick Maillot et sur Mickaël Perez, qui revient de Gap. Le hargneux Arnaud Blanchard et le rapide Sébastien Rohat - seul junior directement intégré en senior dans la période récente - complèteront l'effectif, en attendant que Giusti revienne de blessure.

Avec sept nationalités différentes, dont six rien qu'en attaque, Briançon affichera l'équipe la plus cosmopolite de la Ligue Magnus. Trouvera-t-il dans la diversité des sources et des parcours le meilleur compromis pour poursuivre sa marche en avant ? Les clés sont maintenant dans les mains de Luciano Basile qui devra reformer un groupe avec un effectif remanié. Même s'il a encore été assemblé tard, Briançon ne s'en soucie guère car le début de calendrier abordable, avec deux promus pour commencer, lui permet de se ménager une période de rodage empiétant sur la saison.

Marc Branchu

 

 

Départs : Muret, Blais (arrêt), Desrosiers (Rouen), Divisek (Trencin, SVK), Rycroft (NHL), Trabichet (Morzine-Avoriaz), Pousset (Amiens), Kramny, Vandecandelaere (Caen), Boldron (Caen), Borgnet (arrêt), Gélinas (arrêt).

Arrivées : Favre (Turin, ITA), Hubacek (Settequerce, ITA), Dahlin (Bergen, NOR), Lyness (Saint-Hyacinthe, LNAH), Baluch (Université de Moncton, CIAU), Pelikovsky (Dijon), Millar (Tours), C. Arnaud (Amiens II), M. Perez (Gap), Chevalier (Gap jr), Rouillard (Chambéry), Dvorak (Tingsryd, SUE), Milovanovic (Triglav, SLO).

Effectif

Gardiens : Frederik Beaubien (CAN, 30 ans), Mickaël Favre (ITA, 22 ans), Damien Angella (21 ans).

Défenseurs : Chris Lyness (CAN, 25 ans), Miroslav Dvorak (TCH, 28 ans), Jean-François Jodoin (CAN, 34 ans), Waldemar Pelikovsky (TCH, 26 ans), Jakob Milovanovic (SLO, 21 ans), Gary Levêque (24 ans), Alexandre Rouillard (24 ans), Cyril Arnaud (19 ans).

Attaquants : Martin Filip (TCH, 33 ans), Edo Terglav (SLO, 25 ans), Jiri Hubacek (TCH, 30 ans), Rob Millar (CAN, 29 ans), Anders Dahlin (SUE, 31 ans), Tomas Baluch (SVK, 26 ans), Yannick Maillot (23 ans), Mickaël Perez (22 ans), Arnaud Blanchard (24 ans), Sébastien Rohat (20 ans), Lionel Orsolini (34 ans), Emmanuel Giusti (28 ans).

Entraîneur : Luciano Basile (ITA/CAN, 45 ans).

 

 

Retour à la rubrique articles