Dijon à la force des bras

 

À son arrivée en Super 16, Dijon avait fait le pari de faire confiance aux jeunes Français, encadrés par une poignée d'étrangers. Mais aujourd'hui, il n'arrive plus à convaincre les espoirs tricolores, qui préfèrent le prestige des gros clubs ou des expériences aventureuses à l'étranger. Il n'y a plus qu'une équipe qui parvienne à attirer les jeunes Français, c'est Morzine-Avoriaz, le petit club qui monte. Mais à tous se retrouver au même endroit pour suivre la mode, il risque d'y avoir embouteillage. Et pendant ce temps, les Dijonnais se sont tournés vers d'autres filières, étrangères celles-là. Ils ont recherché le meilleur rapport qualité/prix, et on ne s'étonnera donc pas de voir débarquer huit Slovaques.

Outre Antoine Amsellem, qui était sans club depuis sa mise à l'écart controversée à Anglet, les seuls espoirs qui arrivent, Sébastien Rousselin, Martin Jeannette et Kévin Dugas, présentent la particularité d'avoir tous été formés à Viry-Chatillon, comme c'était déjà le cas de l'aîné des Dugas et de Thomas Guéguen. Les Ducs ont même failli devenir une vraie succursale de Viry, puisque le gardien canadien Francis Larivée et l'attaquant Cédric Gassiot étaient sur le point d'être engagés en provenance de l'Essonne. Mais l'ex-Dijonnais Gassiot a eu l'opportunité de commencer sa reconversion post-hockey en devenant le directeur de la patinoire de Champigny-sur-Marne. Finalement, les deux postes recherchés, celui de second gardien et celui de responsable du hockey mineur, ont été attribués "deux en un" au Clermontois Fabien Chardon.

Si l'on fait la liste des joueurs de champ de l'effectif, on constate que, en plus des cinq Castelvirois, Amsellem (ACBB), Gillet (Meudon) et Brodin (Français Volants) sont tous issus de la région parisienne. Le grand club francilien de Ligue Magnus ? Il est à Dijon !

Patinoire bricolée

La nouvelle équipe sera compétitive, à n'en pas douter. Mais la structure n'est pas à la hauteur du niveau du club. Si le développement sportif est indéniable, Dijon peine à franchir un cap après les promesses nées de l'arrivée en Magnus. Face au retour en force du football, il reste un peu le parent pauvre des sports de la ville, avec des affluences qui plafonnent et - c'est peut-être lié - des infrastructures pas toujours adoptées. Le nouveau filet d'une curieuse couleur verte, pas vraiment idéale pour la visibilité, qui protègera les tribunes, est un exemple supplémentaire d'équipement ajouté de façon désordonnée. Certaines mises en conformité ont eu lieu dans la patinoire dijonnaise ces dernières saisons, mais un plan d'ensemble et des garanties d'avenir se font attendre. Le match amical annulé contre Épinal à cause d'une lame de surfaceuse enfoncée dans la glace n'est qu'une péripétie de plus due à la vétusté des installations.

Idem pour les heures de glace. Conscient de l'absence de joueurs formés au club en équipe senior (un espoir local, Yassine Fahas, sera tout de même intégré cette année), le club tente de développer le hockey mineur et vient d'ouvrir une section sport-études avec un collège et un lycée. Mais il n'a pas obtenu de créneaux supplémentaires, et le projet d'envoyer les moustiques dans le championnat suisse n'a pas pu voir le jour.

Les infrastructures défaillantes finissent forcément par rejaillir sur le plan sportif. Cette année, le recrutement avait été bouclé dès le mois de juin, signe d'un progrès notable dans son organisation. Et pourtant, il a fallu s'activer à nouveau en août. Eamon del Giacco, un des deux Américains de l'université de Colgate recrutés en plus des Slovaques, est en effet vite reparti, un peu effrayé de l'impression de bricolage laissée par certains équipements. Son remplaçant suédois, Henrik Ivarsson, a eu le même sentiment en découvrant cette vieille patinoire trop petite et en ne sentant pas de soutien populaire. Même s'il n'était pas spécialement au-dessus de ses nouveaux coéquipiers, Daniel Maric était prêt à le garder, mais le Scandinave n'était pas prêt à rester. Ce sont finalement les Slovaques qui pardonnent le mieux le cadre pas toujours formidable du moment qu'ils reçoivent leur chèque sans délai. Et c'est l'un d'entre eux, Miroslav Sucko, qui sera le dernier défenseur.

Réputation précoce

Ces essais successifs en défense restent un détail. Ils sont loin d'égaler ceux de l'été précédent au poste de gardien, autrement plus crucial. Daniel Maric a cette fois décidé d'engager en connaissance de cause un joueur qu'il connaît pour l'avoir eu face à lui depuis la D1, Vladimir Hiadlovsky. Et il a annoncé son intention de canaliser le gardien slovaque qu'il n'a pas embauché pour ses acrobaties et ses singeries, mais pour son talent.

La discipline sera également requise en défense, avec l'arrivée de l'homme aux 130 minutes de pénalité l'an passé en Magnus, le défenseur tourangeau Anton Poznik, qui dispose d'un physique imposant et d'un gros slap. Les deux arrières français, Sébastien Rousselin et Aymeric Gillet, évoluent eux aussi avant tout dans un registre physique. Sucko complètera cette base solide.

Pour les relances et le jeu de transition, on se reposera principalement sur Milan Tekel, le cadre affirmé de la défense dijonnaise, et sur Andrej Mrena, qui a beaucoup apporté à Clermont en tant que joker la saison dernière.

Un certain équilibre est donc respecté, mais cette équipe dijonnaise qui compte également des joueurs à fort tempérament en attaque (Amsellem et Brodin) a déjà réussi à se forger une mauvaise réputation dès le mois d'août. Il a suffi pour cela d'une petite tournée dans les Alpes et de deux victoires écrasantes face aux deux promus qui ne s'attendaient pas à une opposition aussi rugueuse et qui ont quasiment crié au massacre. En plus de Poznik, les Dijonnais auraient-ils récupéré l'image sulfureuse de la formation tourangelle ? Ont-ils franchement décidé de tout miser sur un jeu très rugueux ? On le saura vraiment en championnat. Car si un engagement à la limite est de nature à impressionner les adversaires les moins solides, c'est contre les favoris que l'on jugera vraiment de son impact. Pour vraiment être un trouble-fête, ce sont eux qu'il faut accrocher. Et les quatre grands, à l'exception éventuelle d'Amiens, ne paraissent pas inférieurs physiquement si jamais les Ducs ont l'intention de mener les débats sur ce terrain-là.

Qui sera le nouveau Pazak ?

L'attaque dijonnaise a longtemps été synonyme de Miroslav Pazak, mais il a finalement cédé à l'attraction d'Amiens qui le convoitait depuis plusieurs années. Cependant, regardez ce qu'on trouve comme nouvelle recrue : un ailier droit slovaque de gabarit moyen, récent international junior, prénommé Miroslav et déjà doté de quelques références en Extraliga... Cela ne vous rappelle pas quelqu'un ? La ressemblance s'arrête là, ce n'est pas le même type de joueur et il n'a peut-être pas les qualités de pur buteur de Pazak, mais pourquoi ne pas songer à une carrière semblable en France pour ce nouveau Miroslav, Kristin ? Il a réussi pendant plusieurs saisons à se faire une place de titulaire chez le Dukla Trencin, est revenu la saison dernière chez son club formateur Dubnica, nettement largué en Extraliga. Il y a quand même inscrit onze buts, plus cinq autres en barrage de relégation.

Martin Drotar est un autre jeune ailier slovaque, qui était plus sur la pente descendante. Après deux très bonnes saisons en 2002 et 2003 à Kosice, il a peiné l'année suivante et s'est retrouvé lui aussi à Dubnica. Il a vraiment eu du mal (six points marqués) dans un petit club "à la ramasse" où il faut conserver la motivation malgré les défaites. C'était peut-être ce contexte particulier qui avait empêché Erik Bochna de réussir son premier séjour en France, avec Dunkerque. Il revient aujourd'hui mieux entouré, après s'être ressourcé un an à Presov et avoir prouvé qu'il vaut toujours un point par match en 1. Liga slovaque.

Les plus gros espoirs en attaque sont quand même fondés sur Rastislav Palov, car, outre ses qualités techniques, il amènera son expérience à une équipe toujours assez jeune. Il peut se prévaloir, tout autant que ses confrères, de sélections en juniors ou d'une saison à trente points en Extraliga, mais il présente l'avantage d'avoir déjà une expérience à l'étranger, puisqu'il a amené Guildford à la victoire dans la British National League (disparue cet été) avec plus d'un point par match et une réputation d'honnête travailleur. Cependant, il faut remarquer que sa réussite anglaise s'est faite sur une ligne 100% slovaque et que c'est surtout Melicherik qui tirait ses coéquipiers vers le haut.

Si Bochna devrait être un ton en dessous des trois autres, difficile donc de dire quel sera le Slovaque à suivre dans l'attaque dijonnaise. Cela dépendra de l'alchimie qui se formera dans le groupe bourguignon. En tout cas, les adversaires devront apprendre à ne plus surveiller qu'un seul joueur, comme avant avec Pazak.

Quatre clubs semblent se dégager pour l'accession directe aux quarts de finale de la Ligue Magnus. Dijon aurait eu la place de s'y qualifier avant la nouvelle formule des play-offs. La donne est un peu changée avec l'introduction d'un tour supplémentaire, mais la fin de saison pourrait réserver de bonnes surprises à un des principaux outsiders du championnat.

Marc Branchu

 

 

Départs : Bjennmyr, Duranceau (Courbevoie), Kevorkian (Morzine), Pazak (Amiens), Mille (Morzine), Pelikovsky (Briançon), Fougère (arrêt), Konsti, Suuronen (Nordic Vikings Pékin, CHI), Allison, Mazzone (Garges-lès-Gonesse), Bergamelli (Lyon), Gentilleau (Angers).

Arrivées : Rousselin (Angers), Palov (Guildford), Kristin (Dubnica, SVK), Bochna (Presov, SVK), Hiadlovsky (Tours), Mrena (Clermont), Poznik (Tours), Jeannette (Clermont), Drotar (Dubnica, SVK), K. Dugas (Viry), Chardon (Clermont), Thomas (Colgate University, NCAA), Amsellem (Anglet), Sucko (Presov, SVK).

Effectif

Gardiens : Vladimir Hiadlovsky (SVK, 26 ans), Fabien Chardon (27 ans).

Défenseurs : Milan Tekel (SVK, 30 ans), Andrej Mrena (SVK, 24 ans), Anton Poznik (SVK, 24 ans), Miroslav Sucko (SVK, 27 ans), Sébastien Rousselin (23 ans), Aymeric Gillet (25 ans).

Attaquants : Rastislav Palov (SVK, 30 ans), Miroslav Kristin (SVK, 23 ans), Martin Drotar (SVK, 23 ans), Thomas Gueguen (23 ans), Stephen Dugas (28 ans), Dave Thomas (USA, 23 ans), Mickaël Brodin (22 ans), Erik Bochna (SVK, 28 ans), Antoine Amsellem (24 ans), Julien Tiphaigne (27 ans), Martin Jeannette (21 ans), Kévin Dugas (20 ans).

Entraîneur : Daniel Maric (48 ans).

 

 

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