Bilan de la Ligue Magnus

 

La page du championnat de France 2008/09 de Ligue Magnus

 

Premier : Grenoble. La saison dernière, la sérénité affichée en début de saison par les Brûleurs de Loups s'était évaporée dans les moments importants. Cette année, ce fut le contraire. La gestion des grands rendez-vous a été parfaite et les Grenoblois ont fait le plein de victoires : Trophée des champions, Coupe de la ligue, Coupe de France et Ligue Magnus. Un quadruplé historique.

Pourtant, un tel dénouement n'avait rien d'évident, lorsque Martin Jansson, auteur d'excellents débuts, s'est blessé après un mois de championnat. En octobre, Grenoble était battu à domicile par ses deux rivaux pour le titre et avait méchamment tendance à ne pas savoir gérer un match, en se faisant sans cesse remonter par des équipes plus faibles alors que le match aurait dû être tué. Et pourtant, le remplaçant de Jansson, le discret Jan Hammar, s'est révélé un attaquant défensif très actif en play-offs.

Les aléas de l'automne n'ont en effet que peu d'importance. C'est dans les phases finales que le gardien Eddy Ferhi a trouvé de la constance, et que les défenseurs ont montré leur meilleur visage. Avec les bien connus Baptiste Amar et Viktor Wallin et l'épatant Alexandre Rouleau, les BDL avaient déjà trois des meilleurs arrières du championnat. Ils en ont trouvé un quatrième en play-offs avec Calle Bergström, parfois poussif dans la saison mais aussi efficace dans son slot que de la ligne bleue en séries. Le quatuor magique s'est montré décisif en se chargeant même de la majeure partie des buts en finale. Quatre étoiles pour quatre trophées...

 

Deuxième : Briançon. La meilleure attaque, la meilleure défense, le meilleur marqueur du championnat (Dufour), la première place en saison régulière et donc l'avantage de la glace en finale : cette fois, les Diables rouges avaient mis tous les atouts de leur côté. Leur équipe était bâtie pour le titre, elle comptait quatre lignes et avait renversé l'avantage du banc sur Grenoble. Mais ce qu'elle n'avait toujours pas, c'est la confiance dans les grands rendez-vous.

Alors que Grenoble avait remporté les deux coupes, Briançon avait vécu une nouvelle déception à Méribel et avait subi une élimination coupable à Dijon en Coupe de France. Une élimination sans même que Luciano Basile ne verse une larme, minimisant la portée de la compétition. Des déclarations qui ont provoqué des remous au sein même du club, et des défaites qui ont fait plus mal qu'on ne voulait l'avouer. Même si Briançon trônait en tête du classement, certains supporters manifestaient leur mécontentement à l'occasion. L'international hongrois Balazs Ladanyi a dû affronter les sifflets parce qu'on lui reprochait de fuir le contact alors qu'il jouait avec le pied cassé. Des cris de "Dufour sur le banc" avaient également visé le Canadien pendant qu'il avait pris le capitanat par intérim lors de la blessure de Terglav.

Les sombres pressentiments se sont confirmés en play-offs. Encore une fois, Briançon a été victime du piège grenoblois. Et le dénouement était comme préparé. Avant que les séries ne commencent, Jean-François Dufour avait déjà signé un contrat à Grenoble : un transfert démenti par le staff isérois, mais que Luciano Basile confirmait à la moindre occasion. Une manière de stigmatiser la vilenie du rival honni, mais aussi de placer le joueur concerné en face de ses responsabilités. Opération manquée. Dufour n'était plus décisif, le joker Dany Roussin non plus, au moment même où les adversaires élevaient leur niveau. Les nerfs du gardien Tommi Satosaari et de ses défenseurs craquaient. La défaite en finale fut aussi implacable que la domination briançonnaise sur la saison régulière.

 

Troisième : Rouen. Le meilleur, les Dragons l'ont montré lors de la Coupe Continentale, en se surpassant avec un effectif réduit pour battre les vainqueurs slovaques de Martin, une formation d'un calibre bien supérieur au leur. En produisant un hockey magnifique, les Rouennais ont failli faire oublier par ce week-end de rêve les tristes soirées sur l'île Lacroix, celles des défaites sans gloire devant des visiteurs (Villard, Épinal, Morzine...) infiniment moins pourvus mais beaucoup plus décidés à jouer et à gagner.

La parenthèse européenne l'avait prouvé, la valeur des Rouennais ne dépendait pas de la présence d'un seul joueur, fût-il le meilleur. En l'occurrence, Carl Mallette, absent trois mois pour une déchirure abdominale qui lui avait initialement valu une pénalité pour simulation, une décision arbitrale rentrée dans la légende de l'île Lacroix. Après plusieurs essais peu concluants, il n'a pu faire sa vraie rentrée qu'en demi-finale. Il n'imaginait pas alors qu'il n'y aurait que trois rencontres à jouer. Aucun Normand n'aurait pu croire à une élimination aussi cinglante contre Grenoble.

Le retour de Mallette a encore plus incité ses coéquipiers à se reposer sur lui. Les autres membres des "quatre Fantastiques" de la saison précédente, capables d'évoluer à très haut niveau quand ils veulent (contre Minsk et Martin), sont retombés dans leurs travers. Ils ont choisi leurs soirées au point qu'on se demande s'ils ne choisissent pas aussi leurs années, expliquant les ratages rouennais dans les années impaires.

On avait rarement vu une mise à l'écart d'un entraîneur semblable à celle d'Alain Vogin. Le manager Guy Fournier a en effet reconnu sans ambages que la seule raison pour laquelle il avait évincé le coach et pas les joueurs est que ces derniers étaient encore sous contrat pour l'année suivante. Au lieu de jeter toute la faute sur Vogin, ce qui aurait été la solution de facilité, les dirigeants rouennais ont clairement pointé du doigt ses compatriotes canadiens de l'effectif qui, eux, restent. Ceux-ci sont mis en face de leurs responsabilités avant même d'être confiés au futur duo Pouget-Garnier. Ces entraîneurs de fort caractère devront reformer de vrais Dragons à partir d'une équipe de... Barons.

 

Quatrième : Angers. Il y a toujours deux façons d'interpréter une saison du plus stable des clubs français. Le verre d'eau à moitié plein, c'est que les Angevins se sont installés avec fermeté et conviction dans le dernier carré. Le verre d'eau à moitié vide, c'est que l'ASGA n'arrive toujours à monter sur le podium et doit se contenter de sa place juste derrière les meilleurs.

Le principal regret, c'est d'être passé à côté de la demi-finale de Coupe de France à domicile face à Dijon (3-6) et d'avoir ainsi gâché une belle occasion de retourner à Bercy. Ce fut le seul rendez-vous manqué. Pour ce qui est des play-offs, en effet, les Angevins n'ont rien à se reprocher. Ils se sont qualifiés contre Amiens malgré les absences conjointes de leurs deux meneurs offensifs, Jonathan Bellemare suspendu pour un coup de tête et Éric Fortier rentré au Canada après le décès tragique de son beau-frère dans un accident de plongée.

Deux absences préjudiciables ensuite pour essayer d'aller chercher une manche à l'extérieur à Briançon. Mais même menés deux manches à zéro, les Ducs ont obtenu deux victoires sans appel à domicile et ont fait trembler le favori réputé invincible chez lui en menant 3-0 après le premier tiers. Jamais les Angevins n'auront été aussi près d'une finale. Le gardien Ville Koivula n'a cependant pas tenu ces performances jusqu'au bout et l'ASGA a fini par craquer.

 

Cinquième : Amiens. "En rouge et noir, mes luttes mes faiblesses / Je les connais, je voudrais tellement qu'elles s'arrêtent"... Il y a un an, les Gothiques en ont eu assez d'écouter cette même chanson en boucle. Ils ont voulu changer de disque. La révolution fut moins sonore que visuelle : un maillot dont le coloris n'était plus un vestige du siècle précédent mais une mode sportive du nouveau siècle qui eût été impensable il y a dix ans. Bref, les Amiénois ont voulu entonner "la vie en rose". Mais on ne transforme pas Jeanne Mas en Édith Piaf d'un simple coup de baguette magique. Il faut d'abord passer par une longue rééducation vocalo-capillaire.

Le nouveau dégradé de rose arboré sur les tenues représentait la couleur de l'audace. Et quelle meilleure rupture que l'arrivée d'une nouvelle ligne canadienne, pour ramener le goût du but en terre picarde ? L'objectif a été atteint, sans le moindre doute. Lorsqu'une équipe augmente son nombre de buts en saison régulière de 69%, il faudrait vraiment faire la fine bouche pour bouder son plaisir...

Le spectacle proposé par le trio de choc fut pourtant ambigu. Il fut intermittent, à l'image de Pierre-Luc Émond que ses adducteurs ont trop rarement laissé jouer tranquille. Il fut ambivalent, à l'instar de Matt Amado, troisième buteur de la ligue mais aussi deuxième joueur le plus pénalisé. Il a grandement contribué à faire d'Amiens l'équipe la plus sanctionnée de la Magnus, une indiscipline qui cadre rarement avec une équipe capable d'aller au bout.

La ligne la plus constante, ce fut donc le trio Pazak-Mortas-Sadoun. c'est pour cela que la blessure au pied d'Anthony Mortas autorisait peu d'espoirs pour la fin de saison. En plus, les Gothiques devaient aussi terminer le championnat sans leur international Vincent Bachet, sérieusement touché au genou. Les Gothiques avaient pris la couleur "rose pansement", celle d'une équipe rafistolée dont la défense déjà limitée en nombre était parfois décimée. Avec une infirmerie aussi souvent remplie, la cinquième place et l'élimination au cinquième match d'un quart de finale houleux contre Angers n'ont aucune raison de faire monter le rouge aux joues amiénoises.

 

Sixième : Épinal. Les Vosges n'ont jamais été un terrain de recrutement très prisé pour les grands clubs français. On tenait pour acquis que le club spinalien se fourvoyait souvent dans ses transferts, et que Poissompré ne réussissait qu'aux enfants du pays ou à quelques vedettes destinées à rester locales (un Mysicka par exemple) et incapables de réussir pareillement dans un environnement de plus haut niveau. Même lorsque certains joueurs faisaient l'unanimité, tel le pointeur Jan Plch, il n'était pas tenté de quitter le microclimat vosgien où il se plaisait tant.

Les récents succès d'Épinal ont cependant changé la donne. Le défenseur canadien Stéphane Gervais dégainera désormais son slap sous les couleurs briançonnaises. Mieux encore, l'attaquant de deuxième ligne Ilpo Salmivirta a été recruté par Rouen. Après une demi-saison d'adaptation, le Finlandais s'est rendu indispensable dans le slot par ses rebonds, écrans ou déviations. Il a été si constant pendant sa seconde année spinalienne que l'équipe a marqué un coup d'arrêt en milieu de championnat pendant sa blessure à l'épaule.

Les deux années qui viennent de s'écouler sont sans doute les meilleures de l'histoire d'Épinal, et le mérite en revient en partie à Shawn Allard. En se consacrant uniquement au coaching cette année, le Canadien a pu exprimer pleinement des qualités de meneur d'hommes. Ses choix furent parfois critiqués, notamment l'alternance systématique imposée pendant trois mois entre les deux gardiens. Le joker finlandais Eero Väre, si introverti qu'il semblait se désintéresser du match lorsqu'il était sur le banc, ne pourra jamais remplacer Stanislav Petrik dans les cœurs, mais sa venue a permis une émulation qui a maintenu la vigilance du vétéran slovaque et a contribué à une saison exceptionnelle.

Pour comprendre pourquoi Épinal se sépare de Shawn Allard malgré ces performances, il faut se souvenir qu'il disposait de prérogatives bien plus élevées que celles généralement dévolues aux entraîneurs de l'ICE. En particulier, il avait une marge de manœuvre unique dans le recrutement, puisqu'il disposait d'une enveloppe pour payer à la fois son propre salaire et celui de plusieurs joueurs. Or, pour une bonne trouvaille (Gervais), ses filières de recrutement se sont perdues en venues avortées (Centomo), en oiseaux de passage (l'éphémère Myrho) ou en hockeyeurs au CV aussi obscur que leur contribution sur la glace (Caicco, Paulson). Ces mauvais choix expliquent aussi que les Dauphins ne soient toujours pas arrivés à composer une troisième ligne digne de ce nom.

Les dirigeants ont donc décidé que le prix d'Allard n'en valait pas la chandelle. Cette sixième place historique laisse la barre très haut pour une équipe lorraine qui a pris goût à la victoire. Plus rien ne lui fait peur depuis ces deux succès face à Rouen (dont un en coupe de la ligue), même si les Normands ont corrigé l'impertinence vosgienne en quart de finale de la Ligue Magnus.

 

Septième : Strasbourg. En Alsace, aussi, c'est la meilleure saison de l'histoire, et de loin. C'est fou comme tout devient plus simple quand les Canadiens restent jusqu'au bout de la saison. Cette fois, le recrutement de Daniel Bourdages a mis dans le mille. Yannick Riendeau, toujours efficace mais plus constant, Benoît Martin, le faiseur de jeu naturel, et David Cayer, le complément idéal, ont formé la meilleure ligne jamais vue à l'Étoile noire, avec la complicité du quatrième Canadien, le joker Steve Pelletier, animateur de vestiaire qui a tout pour se faire apprécier : le slap et la tchatche.

Cette équipe strasbourgeoise avait du ressort. Bob Millette, l'entraîneur de Tours, pensait qu'elle serait un adversaire abordable qui valait la peine d'être "choisi" en play-offs. Il espérait qu'il suffirait de museler ses compatriotes. Mais quand la première ligne a été placée sous haute surveillance, la deuxième ligne (Lehtisalo-Marcos-Devin) a su prendre le relais. Les lignes arrières ont aussi été très complètes toute la saison, avec la cinquième défense du championnat.

Les joueurs du Centre de Formation, qui se traduit par un nombre de plus en plus élevés d'internationaux juniors, commencent aussi à se faire une place en senior, c'est à cela qu'aura servi la Coupe de la ligue. Petit à petit, une profondeur de banc inédite voit le jour. À l'instar de sa vedette Riendeau, Strasbourg a gagné en volume de jeu et pris une autre dimension cette saison.

 

Huitième : Morzine-Avoriaz. Le modèle morzinois a toujours été spécifique et unique. Connaissez-vous un autre endroit au monde où les pingouins ont des dents ? La crise économique mondiale a cependant frappé jusque dans le Chablais. Le HCMA avait progressé en développant fortement ses partenaires privés, mais ceux-ci sont maintenant moins nombreux et il faut s'adapter à la récession.

La politique 100% française n'aura donc été qu'une parenthèse qu'un an. Le club en est revenu, non pas par dépit envers les joueurs tricolores majeurs dont il salue respectueusement le départ, mais parce qu'il ne voyait rien venir de l'aide promise par la fédération pour les clubs embauchant des internationaux, n'en percevant que les contraintes. Cette aide a en fait pris forme en mai, tard pour le HCMA qui a peiné à clôturer son bilan en l'absence de ce point-clé.

Certains souhaitaient la perte ou la réussite de cette équipe bleu-banc-rouge, afin de soutenir l'une ou l'autre thèse. Finalement, elle n'a aura pas servi les idéologues en se contentant d'être moyenne. Elle a eu les qualités des joueurs français, une vitesse de patinage bien exploitée en contre-attaque, mais aussi leurs défauts, un manque d'efficacité devant la cage. Le malheur de la saison de Morzine-Avoriaz est que les performances ont été meilleures à l'extérieur, avec la victoire à Rouen notamment, qu'à domicile, ce qui faitque le reflux du public s'est joint à celui des sponsors.

 

Neuvième : Villard-de-Lans. En cinq ans de Ligue Magnus, les Ours n'ont accédé qu'une fois aux quarts de finale, bien qu'ils aient toujours réussi des performances honorables en milieu de tableau. Cette année, marquée par la double victoire historique sur Rouen, n'aura pas fait exception, et c'est avec une pointe de frustration que les Villardiens ont dû s'incliner lors du tour préliminaire de play-offs face à une équipe morzinoise plus expérimentée.

Du métier, Villard-de-Lans peut en compter avec son entraîneur Stéphane Barin... y compris sur la glace ! Alors qu'il avait raccroché les patins la saison dernière, il les a rechaussés plus souvent qu'à son tour lors de ce championnat pour pallier des blessures ou la suspension de Millerioux qui avait bousculé un arbitre. Barin, qui nous confiait pouvoir jouer à "tous les postes sauf gardien et ailier droit", a si bien comblé les manques que l'équipe de France lui a demandé de jouer le même rôle de "joker médical", celui du remplaçant du blessé Bachet pour la qualification olympique.

Pas de miracle cependant, le petit prince d'Albertville n'aura pas été le sauveur offrant le billet vers les JO de Vancouver 18 ans plus tard. Le "retraité" aura tout de même porté au passage son total à 245 sélections, devançant Arnaud Briand d'une cape pour s'offrir le troisième total français.

Pour en revenir au Vercors, si Barin pouvait aisément s'auto-placer ici ou là sans bouleverser l'équilibre d'ensemble, c'est que Villard-de-Lans avait l'effectif le plus homogène du championnat. Aucune autre équipe n'a un meilleur marqueur avec un total de points aussi faible (de nouveau Cyril Papa, 60e avec 22 points). Le renfort étranger à l'offensive n'était pas un individualiste capable de faire la différence à lui seul, mais un joueur de collectif : c'est ce qui a permis à Tomi Sykkö de se fondre aussi bien dans le décor, avec un toucher de palet et une combativité qui ne lui ont valu que des louanges.

L'autre bonne surprise iséroise est la bonne saison du jeune gardien Romain Farruggia, arrivé comme numéro deux et qui a pris la place de titulaire au coeur de l'hiver, même si Pascal Favarin a récupéré son poste au bénéfice de l'expérience avant les play-offs.

 

Dixième : Tours. Le plus grand bouleversement d'effectif de l'histoire du hockey français aura entraîné des turbulences bien plus fortes que prévu. Bob Millette avait voulu reconstruire totalement une équipe qui lui convenait, il a même obtenu le joker qu'il souhaitait (Dominic Périard) au moyen d'un chantage à la démission. A posteriori, pourtant, il a fait son mea culpa en admettant avoir "raté son recrutement".

L'objectif qu'il poursuivait en s'écartant des hockeyeurs de l'est était de bâtir l'équipe sur des joueurs de caractère... Les Canadiens individualistes qu'il a embauchés n'avaient souvent pas de caractère collectif. Quand ils n'ont pas quitté le navire comme Filion, ils continuaient à attaquer sans défendre et n'étaient plus du tout impliqués dans les résultats du club. Seul le duo Romano-Kaye a surnagé dans le marasme. Le seul Canadien qui était connu et donc "sûr", Dominic Noël, aura beaucoup manqué par sa longue blessure à l'épaule.

La meilleure illustration de la déconfiture tourangelle est venue du gardien Adam Russo. Durant les premières semaines, il a réalisé des exploits et masqué un peu les défauts de sa défense. Mais au fil du temps, il a été désabusé d'être abandonné à son sort par ses coéquipiers et a paru s'énerver de plus en plus de la situation. Le staff tourangeau n'explique pas ce déclin par le mental, mais par la préparation physique. En clair, Millette a dénoncé la prise de poids de Russo au cours de la saison, une critique mal vécue par l'intéressé.

Le manque de solidarité dans l'équipe a fini par rejaillir sur les résultats, avec une accumulation de défaites piteuses à domicile. Pour la première fois à Tours, la majorité du public a franchement grogné, le match volontairement perdu contre Neuilly pour choisir son adversaire en play-offs ayant été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase des frustrations.

Plus inquiétant encore, la trésorerie est dans le rouge, le club ayant eu son autorisation de découvert supprimée. On en revient toujours au même point. De gré ou de force, Bob Millette semble toujours obtenir une enveloppe pour le recrutement qui finit par dépasser les capacités du club. Quatre ans après 2006, le club va encore devoir passer l'été à s'expliquer auprès de la commission de contrôle, même s'il espère que le changement de composition de celle-ci effacera au moins un passif, celui de la méfiance.

 

Onzième : Chamonix. C'est une particularité du climat montagnard que les conditions climatiques peuvent vite se retourner. Mi-novembre, la météo était à l'orage. Les Chamois avaient subi un 1-8 contre Épinal et avaient ressenti en quittant la glace la colère du public, qui n'épargnait ni le coach Alan Jacob, accusé de faire jouer toujours les mêmes, ni son protégé Sami Heinonen. Derrière une équipe qui avait baissé les bras, le gardien finlandais avait réalisé ce soir-là sa pire prestation et Chamonix partageait la dernière place avec sa voisine l'Entente et trois points de retard. Mais bientôt, Heinonen se révélait décisif et la situation changeait du tout au tout, grâce à une série de trois victoires conclue par un incroyable succès en prolongation à Tours (7-6). Les Chamoniards avaient retrouvé l'envie, et lorsqu'Épinal fit son retour au pied du Mont-Blanc en play-offs, ce n'est plus la même équipe qu'il lui fallait affronter. Chamonix prenait sa revanche 5-2, avant de faire très peur aux Dauphins dans les Vosges. Deux minutes ont alors séparé le CHC d'une prolongation potentiellement qualificative pour les quarts de finale : une performance inespérée avec les moyens du bord.

La politique des essais de joueurs, cependant, n'a pas apporté les fruits escomptés. Les dépenses engagées (transferts internationaux...) n'ont pas été justifiées par un retour sur investissement. Il n'y eut pas de trouvaille méconnue, et les derniers arrivés ne faisaient pas mieux que les précédents. L'ultime joker, le lent Estonien Kaupo Kaljuste, fut ainsi le plus décevant de tous. Les piliers de l'équipe furent donc des têtes connues, de Torgersson en défense à l'éternel Aimonetto en attaque, avec l'appui de Thibaut Geffroy auteur d'une bonne seconde moitié de saison. Ni les juniors ni les jokers n'ont su se révéler.

La satisfaction sportive du maintien a bien failli être contrebalancée par un avenir obscurci. Avec un trou dans le budget de 180 000 euros, le club était en plein désarroi et le conseil municipal décida d'arrêter les frais en l'état, en se prononçant en faveur d'une fusion avec le Mont-Blanc, un choix qui ne faisait pas l'unanimité car beaucoup à Chamonix déploraient la perte d'un patrimoine local. Trois mois plus tard, la situation a, là aussi, changé du tout au tout. Si la fusion a capoté, ce n'est pas du fait de Chamonix. Le CHC ressort de cette situation avec une image intacte et a pu mobiliser autour de lui. Le doyen des clubs français en activité garde une chance de prouver qu'il peut encore se montrer digne de sa légende.

 

Douzième : Dijon. La cerise sans le gâteau, tel peut être le résumé lapidaire de la saison 2008/09 en Bourgogne. On sait que les Ducs forment une équipe de "coups", mais ils ont poussé cette caractéristique jusqu'à l'excès. Sur un match, ils étaient toujours capables de grandes choses. Ils ont su battre Briançon et se qualifier à Angers avec le second gardien Julien Roullier dans les cages pour s'offrir les honneurs d'une finale de Coupe de France à Bercy, en drainant derrière eux 1200 supporters et leur maire. Ils ont aussi
 failli éliminer Amiens des play-offs, au cours d'une séance de tirs au but retournée par l'ancienne star du club passée dans le camp picard, Miroslav Pazak.

Mais entre ces performances de choix, ce fut le désert. Pour le second été consécutif, Aymeric Gillet sera le seul joueur conservé en défense alors que tous ses collègues seront remplacés. Jamais Dijon n'avait encaissé autant de buts (4,8 par match). Le seul joueur qui a fait preuve de constance, c'est Martin Balcik : joueur le plus pénalisé de la saison régulière, joueur le plus pénalisé du premier tour de play-offs, systématiquement en retard, le défenseur tchèque a collé à l'image qu'on pouvait craindre de lui, jusqu'à la caricature. Il a symbolisé l'indiscipline qui a caractérisé une saison ratée.

En dépit de quelques vrais bons moments, Dijon a en effet été loin du niveau attendu et en a parfaitement conscience. Daniel Maric a dénoncé sa "plus mauvaise saison" depuis qu'il est en Bourgogne. Il s'agit donc de repartir, sans les éléments les moins sérieux, mais avec les autres. Il y a en effet eu un motif d'espoir dans le marasme : la progression du talent local Anthony Guttig, devenu aujourd'hui un des meilleurs joueurs français du championnat mais fidèle à son club où il peut désormais prendre des responsabilités importantes tel un meneur offensif.

 

Treizième : Saint-Gervais/Megève. Triste saison... L'Entente l'a passée perpétuellement en queue de peloton et a paru incapable d'exploiter un potentiel que l'on pressentait pourtant par moments. La longue absence de Sébastien Subit, blessé aux cervicales, a entamé un potentiel offensif déjà limité. À un moment, il a semblé que le joker Tuomas Mikkonen pouvait être le joueur-clé, mais il n'était pas en mesure de faire la différence à lui seul. Les renforts finlandais ont dans l'ensemble été inconstants, et le gardien Radek Lukes l'a été plus encore. Cela a profité au jeune gardien Guillaume Richard qui lui a pris la place de titulaire et est le seul "vainqueur" de ce championnat. Christian Pouget aurait espéré une meilleure saison finale à sa fabuleuse carrière, mais l'essentiel avait été assuré avec le maintien.

Le HC Mont-Blanc pouvait encore croire à ce pour quoi il avait été créé, la fusion aboutie entre les trois clubs de la vallée. Chamonix n'y faisait plus obstacle et était prêt à rejoindre Saint-Gervais et Megève. Compte tenu des passés et des passifs respectifs, ce mariage "de raison" posait des questions, et les sceptiques prédisaient qu'il cèderait tôt ou tard à des intérêts divergents. Ce fut pire que ça : les querelles de clocher ont fait avorter le projet avant même sa naissance !

Les bureaux des clubs concernés avaient trouvé un accord, les derniers opposants s'étant mis en veilleuse. Il restait un "petit" détail, le terrain politique, qui s'est révélé paradoxalement beaucoup plus glissant que le champ de jeu glacé des hockeyeurs...

Principale pierre d'achoppement, la répartition des rencontres. La Ville de Chamonix apportait le principal écot et escomptait une fusion à parts égales entre les deux entités, dans lequel elle garderait la moitié des matchs à domicile. Saint-Gervais, pour sa part, s'opposait à un projet qui aurait fait de sa patinoire un lieu d'accueil trop accessoire, et défendait une répartition à parts égales entre les trois communes. Pendant que les discussions traînaient en longueur, l'avenir sportif s'assombrissait avec le départ de l'entraîneur Ari Salo.

Finalement, le Comité de Pilotage qui s'était créé pour faire aboutir la fusion a publié fin mai sur le site officiel du club un communiqué cinglant, signifiant l'échec du projet en rejetant la faute sur le "milieu politique à l'état pur", une allusion que tout le monde en Haute-Savoie a compris. "La montagne à l'état pur", c'est en effet le slogan de la ville de Saint-Gervais à l'initiative de son maire Jean-Marc Peillex. Si Chamonix était disposé à faire des concessions, si Megève l'aristocratique s'était distinguée par son indifférence polie qui retardait les initiatives plus qu'elle ne les bloquait, c'est bel et bien le premier magistrat de Saint-Gervais qui a été pointé du doigt. On ne saurait reprocher à Jean-Marc Peillex de méconnaître le hockey  cet ancien président du HC Saint-Gervais avait d'ailleurs été en première ligne pour affronter Bernard Goy à une époque où les opposants à la Fédération Française des Sports de Glace se faisaient discrets et où les velléités d'indépendance du hockey étaient étouffées. Le problème est que son mandat à la tête de son club s'était mal fini et qu'il reste quelques inimitiés entre protagonistes que les étrangers ne peuvent pas comprendre. Par ailleurs, Peillex n'a jamais cru aux projets de ligue professionnelle et avait déjà refusé d'augmenter la subvention de l'équipe de Ligue Magnus. Le manque d'implication des politiciens locaux, pas convaincus, était le talon d'Achille du HC Saint-Gervais/Megève.

Si l'Entente fonctionnait, c'était grâce à son président Ludovic Ducerf et son vice-président Jean-Luc Gaydon qui avaient rassemblé l'immense majorité des partenaires privés. Les deux hommes sont aujourd'hui dégoûtés et veulent présenter leur démission à l'assemblée générale du club le 22 juin. Ayant perdu la plupart de ses joueurs, entraîneurs et peut-être sponsors, le Mont-Blanc n'a plus beaucoup de temps pour préparer la rentrée...

 

Quatorzième : Neuilly-sur-Marne. Les Bisons ont connu la difficulté de devoir arriver en Ligue Magnus sans leurs leaders Martin Gascon et Garret Larson, l'un suspendu pour usage de cannabis, l'autre resté outre-Atlantique pour se soigner. Un troisième attaquant canadien, Francis Charette, n'a fait que passer et a rejoint la liste des joueurs vite effrayés par les conditions de jeu de Neuilly-sur-Marne. Il a donc fallu improviser une nouvelle première ligne, constituée tardivement en septembre. Offensivement, le trio canadien Harrison-Carnegie-Caig a assuré son lot de points, mais cela n'a jamais été pareil. Les trois anglophones ne se sont pas autant intégrés et n'ont pas fait preuve de la même implication dans l'équipe.

La raison essentielle des difficultés de Neuilly-sur-Marne est cependant plus prosaïque : l'inexpérience du haut niveau, tout simplement. En division 1, les Bisons pouvaient se permettre d'être irrésistibles par phases et de surprendre leurs adversaires en accélérant soudain le rythme. En Ligue Magnus, cela ne suffit plus. Il faut y être constant durant soixante minutes, et beaucoup n'étaient pas prêts à un tel challenge.

Dans leur patinoire, les Nocéens ont pris "dans leurs filets" leurs adversaires, pas habitués aux conditions de jeu et pas toujours prêts physiquement et mentalement à aborder un match sur petite glace. Mais si le HCNM93 veut durer en Magnus, il lui faudra aussi faire des résultats à l'extérieur, et là, c'est lui qui faisait un petit complexe. Malgré la victoire en Coupe de la ligue à Épinal, il n'a pas su remporter de succès loin de ses bases en championnat, hormis le match "spécial" gentiment concédé par Tours à la dernière journée. L'avantage de la glace en barrage de relégation était donc important, et les deux défaites subies d'entrée en Haute-Savoie s'avéraient rédhibitoires.

Marc Branchu

 

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