Gap, avant les grands travaux
"Nouvelle patinoire = fin du club". Ce titre choc barrait la une de Rapaces Mag, le beau bimestriel en papier glacé de Gap, en novembre dernier. À cette époque, la municipalité venait de révéler les conclusions du cabinet de programmation, qui prévoyaient une indisponibilité de dix-huit mois de la patinoire pour permettre sa reconstruction complète.
La communication du club a alors été particulièrement alarmiste, et si le président Georges Obninsky est monté au créneau, c'est qu'il était particulièrement bien placé pour savoir ce qu'impliquait d'être privé de patinoire... Celle-ci venait justement d'être fermée deux fois pour réfection du système de froid, et les Rapaces y avaient laissé des plumes : 10 000 euros malgré une aide municipale.
Le président Obninsky se doutait donc trop bien des conséquences d'un arrêt plus long, qui risquerait de faire baisser le nombre de licenciés pour plusieurs années et de mettre le club en péril financièrement. L'exemple récent de Viry-Châtillon montrent combien la survie sans patinoire est difficile, et il y a bien moins de patinoires de repli dans les Hautes-Alpes qu'en région parisienne : Orcières à trois quarts d'heure de route pour les entraînements, Briançon ou... Marseille pour les matches.
Continuité de glace... et de présidence
Les débats ont parfois été houleux, mais ils ont permis de trouver un compromis acceptable avec un planning en trois phases : la construction des locaux techniques pendant la saison 2010/11, la démolition et la reconstruction de la piste et des tribunes à l'intersaison 2011, puis le second œuvre et l'accueil en 2011/12. Pas besoin d'être expert en chantier pour comprendre que tout l'enjeu sera de faire effectivement en sorte que la patinoire ne soit fermée que quatre mois et demi, entre mi-avril et fin août 2011. L'autre difficulté sera de coordonner le reste des travaux pendant que le site sera en exploitation. Des contraintes techniques que la municipalité ne va pas gérer seule. Elle passera un marché en conception-réalisation afin que les candidats présentent d'abord leurs solutions et puissent être indemnisés pour le temps passé à leurs avant-projets.
Le club a donc eu le sentiment d'avoir été écouté, et ce sont des mots de remerciement que Georges Obninsky a prononcés envers le conseil municipal. Il n'a pas hésité à féliciter le maire Roger Didier - lui-même ancien hockeyeur et champion de France minimes en 1965 - d'avoir enfin lancé la construction de ce projet rendu plus que nécessaire par la vétusté de la patinoire Brown-Ferrand.
Les neuf ans de mandat du président Obninsky ont été tendus vers deux objectifs : redresser les finances du club, et le doter enfin d'infrastructures plus adaptées. Il n'a pas hésité à monter au front pour défendre les intérêts du hockey, quitte à s'attirer les inimitiés des élus. Il faut dire qu'en plus il s'était présenté sur une liste concurrente aux élections municipales, ce qui avait d'ailleurs entraîné la démission d'un membre du comité directeur du club, mécontent de ne pas avoir été prévenu de cette initiative.
Le président Obninsky, qui avait annoncé sa démission en fin de saison car il se considérait incapable de poursuivre ce travail avec un club sans patinoire, l'avait ensuite maintenue avec la satisfaction du devoir accompli, puisqu'il avait laissé le temps aux autres membres de préparer sa succession. S'est alors présenté un problème rencontré dans beaucoup de clubs sportifs : on ne s'est pas bousculé pour le remplacer aux responsabilités. Faute de candidat, il est donc resté président, dans une ambiance un peu apaisée par la montée en Ligue Magnus et surtout par l'aboutissement du projet de patinoire.
Il verra donc le jour, ce nouveau stade de glace en 2012, et c'est l'essentiel. Par contre, il ne fera pas l'unanimité. Dès le début, la reconstruction sur le site actuel avait eu ses partisans et ses adversaires, lesquels n'en démordront pas. Le projet actuel a ses points d'achoppement. Certains se désolent qu'un investissement aussi important n'ait pas été mieux dimensionné, avec une capacité d'à peine 2 000 places, pas supérieure à celle de Briançon pour une ville bien plus importante. Et puis, il y a cette deuxième piste extérieure de 40 mètres sur 20, peu utile pour les clubs par rapport à une vraie seconde piste de hockey qui aurait pu renforcer le statut de grand pôle de formation de Gap.
La fédération s'est fortement impliquée dans le dossier en fin d'année dernière. Luc Tardif est venu sur place comme médiateur pour expliquer la nécessité de disposer d'une glace pendant les travaux. À cette occasion, la FFHG a proposé de mettre Gap en tête de liste de son "plan patinoires", d'apporter son expertise technique et d'aider à obtenir des subventions du Fonds National pour le Développement du Sport (FNDS). Elle en est ressortie frustrée, car elle n'aura pas le projet exemplaire dont elle aurait voulu faire un modèle. La patinoire se fera sans elle puisque ses recommandations n'ont pas été prises en compte par la municipalité. Mais cela, c'est maintenant du passé. Ce qui est fait est fait.
Deux meneurs conservés
Ce qui est fait aussi, c'est que les Rapaces sont en Ligue Magnus. Contrairement à l'an passé face à Neuilly-sur-Marne, ils ont assumé leur statut de favori. Mais, et la Coupe de la ligue l'a prouvé, le niveau supérieur n'a plus rien à voir. Gap pourra-t-il s'y imposer avec un effectif densifié mais pas bouleversé ?
L'avantage des Rapaces est que leurs deux leaders - défensif et offensif - ont chacun le niveau Magnus, comme ils l'ont maintes fois prouvé. Jiri Rambousek se distinguait déjà par son talent avant la relégation de Gap, et sa capacité individuelle à faire la différence en Magnus ne souffre aucune discussion. En plus, il aura les mêmes partenaires (Romain Moussier et Jean-Charles Charette) avec lesquels il domine la D1 depuis deux ans. Ayant eu la rate perforée en septembre dernier, Rambousek n'a pas connu sa meilleure saison. Qu'il ait fini dans ces circonstances 6e marqueur de saison régulière et 3e marqueur des play-offs en dit long sur son potentiel. Son problème sera d'exprimer son potentiel chaque soir, surtout dans les matches-clés pour le maintien où l'on aura besoin de ses buts.
Le meneur défensif, c'est bien évidemment Milan Tekel. Là non plus, pas de doute sur sa valeur en Magnus. Un certain Luciano Basile en avait eu quelques-uns quand il l'avait chassé de Briançon, mais comparons ce qui est comparable : les deux équipes n'ont pas du tout les mêmes ambitions. Les Gapençais remercient en tout cas a posteriori l'entraîneur briançonnais car cela leur a permis d'accueillir Tekel, qui voulait rester dans la région et dont une des trois filles était suivie par un médecin de Gap. Le relanceur peut, comme à Dijon, être une bonne rampe de lancement défensive. Il est entouré de profils complémentaires, à commencer par le plus défensif Matus Luciak avec qui il faisait la paire l'an dernier. Alexandre Cornaire reste évidemment aussi présent dans son club de toujours. Ces deux-là sauront-ils défendre aussi efficacement au niveau supérieur ?
Une valeur sûre, c'est ce que Gap a recruté avec Milan Dirnbach. Il a déjà connu la montée en Ligue Magnus, avec Strasbourg où il aura passé trois années en division 1 et trois en élite. S'il pointait naturellement pas mal en D1, il s'est surtout développé au niveau supérieur en arrière efficace et difficile à piéger dans sa zone. Un joueur dont la bonne intégration est très probable au milieu de ses compatriotes slovaques.
Le Tchèque Jakub Suchanek, quant à lui, aura une seule référence dans sa nouvelle équipe : Rambousek, qui l'a d'ailleurs contacté puisqu'il vient comme lui de Tábor. Ce club, qui a comme symbole un coq, le prédestinait donc à venir en France... Plus sérieusement, Tábor vient d'être promu en 1. Liga (le deuxième niveau tchèque) et cela peut paraître un moment curieux pour partir. Les conditions financières auxquelles on lui proposait de rester étaient cependant loin de convaincre Suchanek, qui tente sa première expérience à l'étranger. Son atout : 195 centimètres, 104 kilos, et un impact physique important. Des défenseurs aussi massifs, Gap en avait connu avec des Canadiens qui avaient imprimé leurs marques sur les bancs des pénalités, mais ce Tchèque semble mieux se maîtriser même si ses stats font état de nombreuses prisons. Patrick Bilodeau a un casier judiciaire beaucoup moins fourni, lui qui joue plus en contrôle. Il peut utiliser sa puissance en supériorité numérique mais y dynamise peu le jeu car il a tendance à prendre trop de temps pour armer son slap.
Le septième défenseur sera le prometteur Romain Vitali, qui revient dans les Alpes après une première expérience à Mont-Blanc. On le retrouvera aussi en équipe espoir avec les représentants du vivier local, dont l'international des moins de 18 ans Jérémy Baridon.
Une attaque densifiée
Les jeunes joueurs gapençais sont cependant encore un peu tendres pour la Magnus. On l'a vu en championnat espoir la saison dernière, où ils ont longtemps fait partie du quatuor de qualifiés avant de perdre leurs deux dernières rencontres. Les plus âgés de ces jeunes (Piras, Ramos, Orsoni), qui n'avaient rien à gagner en Magnus, ont fait le meilleur choix de se recaser en D1. Quand aux talents haut-alpins les plus prometteurs, comme les attaquants Mathieu André ou Alexis Dicharry, ils ont encore besoin de mûrir quelques années avant d'éclore. L'an passé, ils avaient pu jouer en troisième ligne en division 1. Cela ne sera pas le cas cette fois, car le contexte n'est plus le même. Gap a gagné la D1 avec deux grosses lignes, mais cela ne peut pas suffire en Magnus. Il faut un bloc de plus.
La densification, c'est la clé du recrutement du promu. Les têtes d'affiche sont les mêmes, on l'a vu avec Rambousek, mais la deuxième ligne, qui s'était déjà hissée au niveau de la première la saison passée, va franchir un cap. Jiri Jelen, qui a tout pour en être un pilier, a resigné pour deux ans, et il est solidement entouré. Erik Bochna peut être un bon finisseur lorsqu'il est placé dans de bonnes conditions, ce qui est certainement le cas avec deux collègues aussi actifs dans les coins.
Le nouveau troisième homme, Tomas Skvaridlo, est en effet un beau gabarit, ce qui lui a d'ailleurs valu d'être drafté au cinquième tour par Pittsburgh en 1999. Il est alors parti en junior dans l'Ontario, et a eu un impact immédiat en marquant un point par match les premières semaines... mais au lieu de progresser, son rendement a décliné au fil des deux années passées à Kingston. Il joue un Mondial junior sur la première ligne de la sélection slovaque, aux côtés de Marcel Hossa, mais elle termine à une médiocre huitième place. Skvaridlo rentre au pays et restera pendant sept ans un joueur anonyme de quatrième ou de troisième ligne. Compte tenu de son tir du poignet, il peut cependant faire mieux. C'est le moment ou jamais.
La troisième ligne sera guidée par un cadre gapençais, Sébastien Vidal. À ses côtés, deux jeunes Français d'âge encore espoir qui ont explosé la saison dernière en division 1 : Édouard Outin avec Cergy et Julien Correia ici même sur le deuxième trio avec Jelen et Hopson. Voilà un troisième bloc rapide et énergique qu'il faudra garder à l'oeil pour ne pas se faire surprendre. Marc Slupski, pas gâté en temps de jeu à Chamonix, aura donc encore un challenge pour intégrer un poste de titulaire.
Des gardiens inexpérimentés
Il y a pourtant un "jeune" qui aura directement sa chance en Magnus : le gardien Jakub Macek, 22 ans. Le grand moment de sa carrière encore jeune, le Slovaque l'a vécu en jouant deux rencontres du Mondial 2007 contre la Suède et contre les États-Unis. Un moment qui s'est mal passé sur le plan des résultats. Mais même s'il fait remplacer à la mi-match, Macek garde un bon souvenir d'avoir affronté la star américaine Patrick Kane, qui lui a mis deux buts dont un de grande classe.
Le choix de garder Macek en titulaire a surpris, car il n'a pas fait l'unanimité à Gap pendant sa saison de division 1. Certes, il a supplanté Gasnier et conquis la place de numéro un. Mais jusqu'en play-offs, il a fléchi par moments et pris quelques mauvais buts. Malgré tout, il a fait les arrêts qu'il fallait au moment où il fallait pour redresser la situation, par exemple contre Avignon (10-0 après le 0-4 de l'aller). Et on ne peut nier qu'il ait été décisif dans le dernier match, la finale retour face à Caen.
Macek est donc en place, mais pas indiscutable dans l'esprit de tout le monde, car trop imprévisible. La chance du nouveau venu Ronan Quemener, qui n'a qu'un an de moins, c'est qu'il a un style de jeu plus rassurant. Appelé par André Svitac qui l'a connu junior à Rouen, il a quitté la Normandie sur un titre de champion de France espoir. Sachant qu'au RHE le second gardien est toujours un junior qui n'est pas vraiment censer glaner du temps de jeu en senior, Quemener peut avoir une carte à jouer dans les Hautes-Alpes en s'affichant comme un gardien plus sobre, tranchant avec les sorties de Macek pour qui "ça passe ou ça casse".
Si l'inexpérience des gardiens peut inquiéter, il n'est vraiment pas inutile de se rappeler à quoi ressemblait Gap lors de sa dernière année en Magnus, celle de la relégation : une équipe qui n'arrivait pas à se trouver un entraîneur, qui s'était un peu perdue dans des expériences russes audacieuses en termes d'intégration, et surtout totalement fourvoyée dans les "bûcherons" canadiens collectionneurs d'exclusions.
Il est important de se souvenir d'où l'on vient pour savoir où l'on va. Et si certains font la fine bouche, sachons goûter le chemin accompli : aujourd'hui, Gap est en élite, a un technicien reconnu comme guide (André Svitac), a un effectif stabilisé autour de leaders au talent certain, a été un des deux premiers clubs validés (avec Rouen), et aura bientôt une patinoire digne de ce nom. Cela se savoure !
Marc Branchu
Effectif :
Gardiens
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Ch 2008/09 MJ Min Moy. Pén 1 ACCARIER Benjamin 06/10/1991 178 71 Gap Gap FRAjr 0 31 MACEK Jakub 25/06/1987 184 78 (Slovaque) Gap FRA-2 25 1440 2,67 2' 33 QUEMENER Ronan 13/02/1988 184 76 Rennes Rouen FRA-1 2 70 5,14 2' Rouen FRAjr 15 910 1,91 2'
Défenseurs
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Ch 2008/09 MJ B A Pts Pén 71 BARIDON Jérémy 01/12/1991 177 74 Gap Gap FRAjr 15 0 4 4 12' 11 BILODEAU Patrice 12/02/1984 183 86 (Canadien) Pont Rouge LNAH 42 2 10 12 22' 10 CORNAIRE Alexandre 29/11/1982 174 73 Gap Gap FRA-2 36 6 5 11 76' 13 DIRNBACH Milan 13/11/1978 181 84 (Slovaque) Strasbourg FRA-1 35 6 6 12 40' 24 LUCIAK Matus 24/10/1983 180 79 (Slovaque) Gap FRA-2 38 2 17 19 50' 23 SUCHANEK Jakub 16/11/1984 195 105 (Tchèque) Tábor TCH-3 27 3 6 9 132' 52 TEKEL Milan 18/06/1975 178 80 (Slovaque) Gap FRA-2 38 14 26 40 46' 17 VINCENT Jérémy 08/01/1989 183 82 Gap Gap FRAjr 5 1 2 3 8' 77 VITALI Romain 19/09/1990 188 90 Neuilly Garges FRA-2 18 2 2 4 20'
Attaquants
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Ch 2008/09 MJ B A Pts Pén 14 ANDRÉ Mathieu 14/02/1990 173 65 Gap Gap FRA-2 23 5 7 12 24' Gap FRAjr 16 13 15 28 12' 37 BOCHNA Erik 05/09/1977 179 80 (Slovaque) Dijon FRA-1 37 16 17 33 42' 18 CHARETTE J.-Charles 20/04/1982 169 79 (Canadien) Gap FRA-2 35 22 18 40 44' CHRISTOFOLI Marius 22/02/1991 170 66 Gap FRAjr 13 2 6 8 8' 91 CORREIA Julien 14/01/1988 173 78 Rouen Gap FRA-2 38 21 25 46 20' Gap FRAjr 18 22 15 37 32' 74 DICHARRY Alexis 11/03/1991 182 73 Gap Gap FRA-2 13 1 0 0 4' Gap FRAjr 17 3 7 10 10' 97 JELEN Jiri 29/10/1977 182 92 (Tchèque) Gap FRA-2 38 28 36 64 60' 6 MOUSSIER Romain 18/03/1977 175 78 Gap Gap FRA-2 38 23 35 58 66' 3 OUTIN Édouard 24/06/1988 180 84 Mantes Cergy FRA-2 29 25 19 44 61' 55 RAMBOUSEK Jiri 06/12/1980 177 80 (Tchèque) Gap FRA-2 32 35 30 65 24' 86 SKVARIDLO Tomas 19/06/1981 187 95 (Slovaque) B.Bystrica SVK-1 49 6 12 18 57' 17 SLUPSKI Marc 14/01/1989 189 91 Cergy/Asnières Chamonix FRA-1 28 0 2 2 4' 29 VIDAL Sébastien 04/06/1980 180 100 Gap Gap FRA-2 30 5 1 6 105' 90 ZAMPA Kévin 14/05/1988 168 70 Gap Gap FRAjr 18 3 3 6 22'
Entraîneur : André Svitac (46 ans).
Départs : Mickaël Gasnier (G, Mulhouse, 478' et 2,89), Trevor Hawkins (D, 5+25), Boris Zahumensky (D, Landsberg, ALL-2, 5+20), Maximilien Tromeur (A, Mulhouse, 0+4), Yohan Orsoni (D, 0+0, Montpellier), Keenan Hopson (A, 25+37), Julien Maréchal (A, 2+2), Roman Jasko (A, Mulhouse, 1+8), Clément Ramos (A, Mulhouse, 0+2), Jonathan Piras (A, Reims, 3+6).