Autriche 2009/10 : présentation

 

En 2000, le championnat autrichien était reparti pour ainsi dire de zéro. Pendant des années, les compétitions transfrontalières (Alpenliga) avaient masqué la perte inexorable par écrémage financier de tous les bastions, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que deux équipes d'élite (Villach et Klagenfurt, le duo traditionnel de Carinthie). Un élargissement à dix clubs, avec réduction drastique des étrangers, avait permis de relancer le hockey de haut niveau dans plusieurs villes... dont peu sont restées.

Innsbruck, ancienne cité olympique et capitale du Tyrol, était évidemment une ville-clé. Mais ce club a de nouveau explosé. Ou plutôt, il s'est auto-rétrogradé au printemps avant d'en arriver là. Son sponsor a décidé d'arrêter les frais en constatant que les résultats ne suivaient pas les dépenses et que le public fuyait (-25% d'affluence l'an dernier). Rien n'a fait revenir les dirigeants tyroliens sur leur décision, malgré la pression de la ligue qui craignait un effet boule de neige.

Ce dépeuplement a encore une fois été compensé par l'immigration d'un club étranger dans la ligue autrichienne. Le Medvescak Zagreb, dont la candidature était évacuée avec dédain quelques semaines plus tôt, a été accueilli à l'unanimité avec le tapis rouge par les clubs autrichiens, trop heureux de retrouver un dixième larron.

Qu'y a-t-il de spécial à ce que le Medvescak Zagreb intègre la ligue autrichienne ? Après tout, d'autres clubs étrangers l'ont déjà fait, et la Croatie est, comme les trois autres pays participants, une nation de division I mondiale... Bien sûr, cette vision des choses est très parcellaire. Le cas du Medvescak n'a rien à voir avec les autres. Le fait que l'Autriche et la Hongrie soient redescendues pendant que la Slovénie ratait la remontée est une coïncidence : ces nations ont un potentiel d'élite (surtout l'Autriche), alors que la Croatie ne joue que la montée en division I. En termes de développement du hockey, elles sont à des années-lumière. La révolution est radicale : la Erste Bank Eishockey Liga (EBEL) est en train d'amener le hockey de haut niveau jusqu'aux portes des Balkans !

Cette perfusion croate ne saurait faire oublier qu'Innsbruck n'était pas le seul club en difficulté financière et qu'il est urgent de faire des économies. Le moyen choisi est une réforme de la "règle des 60 points" (voir présentation 2007/08). Le plafond n'est plus calculé sur la feuille de match, mais sur la totalité des joueurs sous contrat. Il n'est donc plus possible d'engager un renfort de même valeur pour chaque blessé ou de garder de coûteux surnuméraires. Une fois l'effectif plein, seuls trois changements sont permis, ce qui devrait limiter la frénésie des transferts pendant la saison (les mouvements internes au championnat étant déjà interdits).

 

En France, Raymond Domenech agace pour son célèbre "je l'avais dit". À Salzbourg, l'entraîneur canadien Pierre Pagé se fait chambrer parce qu'il a "un plan", une formule évoquée avec un sourire en coin dans les discussions entre supporters, surtout vu le début de championnat moyen.

Ce "plan", Pagé aura tout le loisir de le mettre en place. Il vient d'être prolongé pour trois ans, jusqu'en 2013, un délai suffisant pour installer pour de bon son système avec un seul "vrai" défenseur, "quatre attaquants" et un grand pressing offensif. Il pourra chercher les hommes pour appliquer cette tactique d'inspiration Torpedo, comme Hardy Nilsson en son temps à Djurgården.

Il a déjà commencé. Finis les grands noms, Salzbourg recrute maintenant de jeunes Nord-Américains ayant leur avenir devant eux. Il en va ainsi de Ryan Duncan, meilleur joueur universitaire aux États-Unis en 2007 (devant, par exemple, ses camarades de ligne T.J. Oshie et Jonathan Toews, aujourd'hui internationaux). Duncan a hérité de tous les talents sauf un : il mesure 1 mètre 68, d'où un avenir bouché en NHL et sa venue en Europe. Profil très différent pour Steve Regier, un ailier de 1 mètre 94 qui a marqué trois buts en huit de matches avec les Blues de Saint-Louis l'an passé.

Si les millions de Red Bull sont dépensés dans le cadre d'un projet à long terme, la volonté de faire parler de soi dès maintenant dans toute l'Europe n'est évidemment pas oubliée. Salzbourg a réussi une pré-saison exceptionnelle et a gagné son tournoi "Salute", toujours très relevé, en battant les champions d'Europe des ZSC Lions (5-0), le CSKA Moscou (4-2) et le Sparta Prague aux tirs au but. Reste, cette fois, à ne pas se rater en Coupe Continentale contre des adversaires moins prestigieux, après ces exploits limités au mois d'août.

Salzbourg pourra y aligner tous ses Canadiens, même ceux de sa réserve, sans être brimé par les 60 points comme en championnat. C'est peut-être pour économiser des points que les Red Bulls ne jouent pas comme prévu avec deux gardiens étrangers. Fin octobre, l'Américain au style peu orthodoxe Bobby Goepfert a été remplacé par le vétéran Reinhard Divis, à qui le club ne voulait pourtant plus offrir de contrat un an plus tôt.

 

Mission accomplie pour Klagenfurt qui a conquis son 29e titre de champion l'année du centenaire du club. Après ce succès, le président Egbert Frimmel a pourtant rendu son tablier ! Cet avocat a expliqué que son style direct et directif avait rencontré de fortes résistances internes. Son successeur n'est rien moins que l'ancien président de la ligue, Karl Nedwed, qui se définit comme le "plus ancien membre du club". Et pour récupérer le fauteuil vacant à la ligue, c'est l'ex-président du KAC Karl Safron (le prédécesseur de Frimmel...) qui a été choisi, de quoi renforcer le sentiment que la "mafia des Carinthiens" tient toujours les postes-clés.

Malgré tous ces changements de directeurs, la rumeur dit que c'est le vice-président Hellmuth Reichel qui détient le pouvoir. Le KAC répond à cela que toute décision est prise collégialement. Quant à l'argent, le club ne cache pas d'où il vient : du mécénat de Heidi Horten, la veuve d'un entrepreneur allemand épousé à 25 ans (il en avait alors 57), qui lui a laissé une des plus grandes fortunes du monde. La riche veuve (Horten) contre le roi des boissons énergisantes (Mateschitz) : c'est ce duel de milliardaires qui alimente les deux grands clubs du hockey autrichien, pour l'instant englués en milieu de tableau.

Le nouveau président Nedwed, pour sa part, se fait principalement l'ardent défenseur d'un projet de grande patinoire de 8000 places. En attendant, il prépare le derby Klagenfurt-Villach début janvier qui se ferait dans le stade de la ville (31000 places).

À part le remplacement du vieux Warren Norris par l'enfant du pays Dieter Kalt, l'équipe championne est restée identique... moins les jokers de fin de saison : le défenseur belge Mike Pellegrims, retraité, et surtout l'excellent gardien Travis Scott. Toute la question est là : le club fera-t-il cette fois confiance aux deux jeunes Autrichiens dans les cages (Swette et Enzenhofer), même en play-offs ?

Pour l'instant le grand problème est ailleurs. Brandner est comme souvent blessé, mais il n'est plus le seul. Le maître à jouer Andrew Schneider, meilleur marqueur des derniers play-offs, a subi une commotion cérébrale sur une mise en échec (légale) de Gratton et est hors de combat indéfiniment, même s'il ne veut toujours pas entendre parler de fin de carrière à 37 ans. Le KAC est démuni, et le remplaçant envisagé, l'ex-joueur de NHL Shawn Bates, a été écarté, peu convaincant (3 pts et une fiche de -4 en 6 matches).

 

Les menaces de démission brandies en janvier dernier par Hans Schmid, le président des Vienna Capitals, ont fonctionné. Il a obtenu de la mairie ce qu'il voulait. Dans un projet complet de rénovation (40 millions d'euros incluant un parking souterrain), la Albert-Schulz-Halle sera agrandie de 4300 à 7000 places, et disposera de trois glaces couvertes. La troisième, construite en plein air il y a quelques années le long du bâtiment, n'était pas utilisée pour le hockey... Les voisins se plaignaient du bruit des crosses et palets !

La municipalité de Vienne a pris ses responsabilités, le club prendra les siennes : il exploitera lui-même la patinoire et espère ainsi tirer des revenus des loges ou de la restauration. Avec trois glaces, il aura aussi des infrastructures sportives idéales pour former des jeunes, et n'aura donc plus d'excuses puisqu'il a été très critiqué pour faire la part belle aux étrangers.

Pourtant, il y a toujours eu de bons jeunes formés à Vienne, plus exactement au WEV, le club historique de la ville. Rafael Rotter était l'un des plus prometteurs. Après trois années à un point par match en junior majeur dans l'Ontario, il avait déçu l'an passé pour son retour au pays. Cette année, il avait enfin trouvé forme et efficacité... quand il s'est rompu les ligaments du genou. Dommage car il venait d'être rappelé en sélection ! Il faudra encore attendre pour qu'il intègre enfin l'équipe nationale : il compte toujours une seule et unique cape à déjà 22 ans, quand d'autres plus jeunes se sont imposés.

 

Bill Gilligan a finalement réussi à transformer Graz. L'ancien club de fond de tableau caracole subitement en tête du championnat, et tout le monde se met à aduler l'entraîneur canadien, devenu parallèlement sélectionneur de l'Autriche pour laquelle il doit arrêter la "malédiction de l'ascenseur".

La renommée de Gilligan a aussi permis d'attirer des joueurs qui ne voulaient pas venir à Graz. Le président affirme que l'équipe 2009/10 est ainsi moins chère que sa devancière, ce dont beaucoup doutent. Le contingent autrichien, habituellement le point faible, s'est enrichi de nombreux internationaux, en particulier en défense : Martin Oraze, Florian Iberer, Sven Klimbacher.

L'attaque s'est aussi nettement densifiée : Greg Day, le seul étranger à y avoir été conservé, a reçu le renfort d'un joueur qu'il a croisé dans le championnat de France 2004/05, Jean-Philippe Paré, mais surtout de deux tempéraments très offensif, Eric Healey et Warren Norris. Tout cela sans négliger là encore les Autrichiens comme Peintner et les frères Harand.

Le tout nouveau sponsor principal est "Moser Medical", un laboratoire de greffe de cheveux (!) qui donne son nom à l'équipe et alimente les blagues des clubs adverses. Forcément, il a vite utilisé une "gueule" comme Markus Peintner dans ses publicités. À vrai dire, c'est un peu paradoxal : Peintner, connu et reconnu pour sa longue barbe bicolore, a en effet le crâne rasé et ne semble guère affecté par la calvitie !

Le plus surprenant dans ce bon départ de Graz, c'est qu'il s'est fait sans le gardien titulaire Sébastien Charpentier blessé aux adducteurs. Sa doublure de 21 ans formée au club, Fabian Weinhandl, affiche pourtant les meilleures statistiques du championnat !

 

Le club le plus au nord de la ligue, Linz, était le moins favorable à l'expansion méridionale. Certains supporters avaient affiché une banderole "Si Zagreb vient, nous partons" en fin de saison dernière. Ils ont même essayé de lancer une pétition en ligne contre l'inclusion des Croates, sans succès. Le calendrier facétieux a prévu aux Black Wings un premier match à domicile contre le Medvescak Zagreb, qui est venu remporter à l'issue des tirs au but une victoire d'autant plus savoureuse.

De plus en plus excentré géographiquement, Linz, champion en 2003 et longtemps dominant, était menacé de glisser au milieu... du tableau ! Stagnation en vue ? Il n'y a par exemple eu aucun changement à l'offensive, alors que Linz n'avait que la sixième attaque du championnat. Cette stabilité porte cependant ses fruits : l'ailier américain Pat Leahy, tout en restant fort défensivement, marque comme jamais et bénéficie à plein des passes de l'excellent patineur Rob Shearer, le cerveau de cette redoutable première ligne.

Le gardien américain Alex Westlund reste l'homme de confiance dans les cages, et les seuls changements ont eu lieu à l'arrière avec trois nouveaux défenseurs étrangers. Un seul convainc totalement, l'impeccable Franklin McDonald. Le pauvre Darrel Scoville en revanche s'est blessé à deux reprises et sa saison est finie. Son remplaçant sera Brendan Buckley, qui s'est fait écarter de l'AHL, où il a passé neuf ans, quand son équipe (les Chicago Wolves) a fait signer... un certain Chris Chelios ! Se faire piquer son job par un papy de bientôt 48 ans, cela a de quoi énerver encore plus cet arrière américain déjà rugueux...

 

Prendre la suite d'un entraîneur aussi respecté que Larry Huras n'était pas chose facile. De style plus discret, Johan Strömwall a cependant l'avantage d'avoir été son adjoint pendant un an. Il a su comprendre et mettre en valeur les atouts de Villach, en particulier une très bonne condition physique. Strömwall, ancien centre très technique du rival Klagenfurt, a recruté un joueur qui lui ressemble, Mikael Wahlberg, mais celui-ci a décliné au fil des semaines avant de mettre un terme à sa saison à cause d'une hernie discale.

C'est donc la deuxième ligne qui porte le VSV. Roland Kaspitz, peut-être le meilleur manieur de palet autrichien, se montre aussi très efficace aux côtés de deux joueurs combatifs qui finissent les occasions. L'un, Andreas Kristler, devrait tripler son total de points et se révéler complètement à 19 ans.

L'autre, Kim McLeod, catalyse l'attention : en bien par son physique qu'il utilise devant la cage (197 cm, 107 kg), en mal par ses pénalités trop nombreuses, et en tous les cas par son... patronyme. McLeod a en effet été surnommé "Highlander" en référence au personnage du film du même nom, et est une figure marquante qui inspire les supporters. Le public de Villach préfère certainement ce genre de surnom à celui de "schtroumpfs" ("Schlümpfe" en allemand) dont l'équipe est affublée partout ailleurs en raison de son maillot bleu.

Le VSV est le moins riche des clubs autrichiens et n'a pas d'étrangers de calibre exceptionnel. Mais la qualité de la formation des jeunes lui permet toujours de rivaliser.

 

La patinoire de Székesfehérvár porte un nouveau nom. Celui de Gábor Ocskay, le joueur-phare d'Alba Volán Székesfehérvár et du hockey hongrois, tragiquement mort en avril dernier d'un arrêt cardiaque à son domicile. Ce décès a provoqué une grande vague de solidarité dans tout le pays et au-delà, jusque dans les communautés de culture hongroise de Roumanie. Tous ensemble pour Gábor : cela pourrait être la devise du club qui a pris le nom de "Alba Volán 19". Le numéro 19, c'était et cela restera à jamais celui d'Ocskay...

Il laisse un vide, mais il faut bien un remplaçant sur la glace. Cette succession incombera à Árpád Mihály, le meilleur joueur roumain actuel. Un de ses compatriotes, Botond Flinta, arrive aussi en défense. Les nationalistes hongrois en penseront ce qu'ils veulent, mais ces hockeyeurs de nationalité roumaine comptent comme étrangers ! Un jeune joueur inexpérimenté comme Flinta "coûte" donc 4 points, et il a finalement été prêté à Ferencváros sans avoir pu s'imposer.

Ce n'est pas vraiment un problème de points, car le recrutement d'Alba Volán n'a pas été orienté vers les étrangers. Le principal objectif poursuivi était de faire venir la deuxième ligne de l'équipe nationale Ladányi-Vas-Peterdi, ce qui donne plus de profondeur à l'offensive. Les frères Vas sont réunis pour la première fois de leur carrière en club puisque Janos est lui aussi rentré au pays, qu'il avait quitté à 16 ans vers Malmö. Après trois ans d'AHL, il n'a toujours pas pu s'imposer en Suède l'an dernier (6 points seulement avec Brynäs en Elitserien).

Les deux anciens joueurs de Briançon, Balázs Ladányi et Márton Vas, ne sont pas venus seuls : ils ont emmené avec eux le gardien finlandais Tommi Satosaari, qui remplace Szuper retourné en DEL. Mais même si le nouvel entraîneur est un compatriote (Jarmo Tolvanen), l'agressif Satosaari n'est pas titulaire indiscuté comme en France. Il est mis en concurrence avec le prometteur Zoltan Hetenyi, ce qui semble bénéfique pour les deux hommes.

La parenthèse nord-américaine a été totalement refermée à Székesfehérvár après les problèmes de comportement vécus l'an passé. Les nouveaux cadres défensifs sont suédois ou finlandais et devraient mieux s'adapter à la mentalité locale.

 

On l'a dit, le Medvescak Zagreb part de loin. Le hockey croate, c'est en effet trois clubs pleinement vivants, qui se partagent essentiellement le temps de glace sur une seule patinoire. Le niveau des joueurs locaux reflète mathématiquement cette réalité. Le meilleur défenseur du pays, Sasa Belic, et la principale ligne offensive de l'équipe nationale, Zibret-Svigir-Mladenovic, n'ont pas passé le "cut". Ils joueront avec la réserve dans le championnat slovène, sauf Mato Mladenovic qui a été gardé... mais s'est blessé en septembre. Parmi les internationaux croates d'âge senior, un seul est donc titulaire : Marko Lovrencic, sur la deuxième ligne.

D'où la question que se posent les détracteurs du projet à Zagreb : qu'est-ce que la Croatie gagne à cette expérience autrichienne si ses joueurs n'en profitent pas ? S'il est vrai que les seniors ont été sacrifiés, c'est pour mieux donner une chance aux juniors d'être en contact dès le plus jeune âge avec le haut niveau. Niksa Trstenjak est le plus prometteur, mais son poste de défenseur exige du métier et il joue peu. La quatrième ligne a elle aussi des présences symboliques, mais un joueur tire son épingle du jeu : Mislav Blagus, 18 ans, s'est vu accorder une place sur le premier trio même s'il doit encore s'étoffer physiquement.

Puisque seuls deux attaquants titulaires, la quatrième ligne, le septième défenseur et le second gardien sont formés en Croatie, un rapide calcul en déduit que l'équipe compte 14 renforts étrangers, ce qui ferait automatiquement 14 x 4 = 56 points... Comment le Medvescak s'en sort-il pour ajouter les Belic, Lovrencic, Mladenovic ? La réponse est simple : à côté des "vrais" étrangers comme T.J. Guidarelli ou le centre d'AHL Mike Ouellette, il a recours à des doubles passeports qui ne coûtent pas 4 points. L'un d'eux devait être Toni Bezina, le frère de l'international suisse Goran Bezina, mais il n'a pas dépassé le camp d'entraînement. C'est que la Croatie est un pays d'émigration qui a des règles de nationalité assez souples : les candidats sont donc nombreux. Parmi les principales recrues, on compte Mike Prpich, meilleur marqueur de Cardiff dans l'élite britannique, John Hecimovic, champion des Pays-Bas avec Le Haye, ou encore Joel Prpic (ex-NHL/AHL), qui n'a fait que s'entraîner jusqu'à recevoir son passeport croate. Le directeur sportif Douglas Bradley s'est déplacé spécialement en Amérique du nord pour aller en dénicher d'autres.

Comment le public de Zagreb réagit-il à cela ? Très bien, il est d'autant plus vacciné que l'équipe nationale de football compte depuis quelques années plusieurs joueurs nés à l'étranger. Dans une nation qui raisonne encore avec le droit du sang, tous ces Croates de seconde génération sont aisément assimilés à des compatriotes. L'équipe attire. Six matches de saison régulière sont retransmis à la télévision nationale. Avec des tickets qui ne dépassent guère 4 euros (trois fois moins qu'à Jesenice qui peine à remplir sa patinoire), le public afflue. Les 6000 places étaient toutes occupées dès les premières rencontres. Les tribunes de la Dom Sportova ont même été étendues pour accueillir 7000 spectateurs. Et ce n'est pas fini, car le club veut intégrer l'Arena Zagreb (15500 places) pour les play-offs, voire avant. Le hockey sur glace devient le sport populaire à Zagreb.

De telles affluences vous paraissent-elles incompréhensibles ? Faut-il y voir l'effet de nouveauté pour un club parti de rien ? Pas exactement. À la fois patriotes et amateurs de sports collectifs, les Croates sont friands de rencontres internationales. En 2003, l'équipe de France avait gagné son tournoi de division I à Zagreb et se souvient que la Dom Sportova était déjà chaude pour encourager l'équipe locale. Même en club, il y a des antécédents. À la fin des années 80, le Medvescak avait profité de la glasnost pour engager un trio russe en attaque. Il était alors devenu champion de Yougoslavie trois fois de suite, devant les clubs slovènes de Ljubljana et Jesenice. Il avait même battu Rouen en Coupe d'Europe. Les supporters les plus anciens se souviennent avec nostalgie de ces grandes années, juste avant la guerre et la partition de la Yougoslavie. Cette tradition ne demandait donc qu'à revivre.

Il y a cependant un revers à cet engouement populaire, c'est l'exigence de résultats. Contrairement aux Hongrois d'Alba Volán, le Medvescak n'est pas entré sur la pointe des pieds. Les trois victoires pour commencer ont créé des attentes démesurées. Certains veulent tout, tout de suite. Pression sur les joueurs d'une part : le joker Brad Smyth, devenu indésirable à Hambourg, a remplacé le peu efficace Jeff Corey viré. Pression sur l'entraîneur d'autre part : Enio Sacilotto a été viré mi-novembre au profit de Ted Sator, qui cumule cette fonction avec l'équipe nationale de Hongrie. Bien qu'il représente un pays modeste, le promu ne se contente donc pas d'apprendre, il veut une place de choix en play-offs.

 

Dernier l'an passé, l'Olimpija Ljubljana n'a pas des moyens supérieurs. La seule recrue en défense, Rémi Royer, n'a pas vu son essai d'un mois prolongé car il était jugé trop cher pour son niveau. La mission s'annonce donc difficile pour le nouvel entraîneur Dany Gélinas, qui s'occupe en même temps de l'équipe nationale de Slovénie des moins de 20 ans.

Les Slovènes ont cependant réussi un bon coup : ils ont annoncé avoir récupéré Ivo Jan et Norm Maracle en s'arrangeant pour que leurs anciens clubs payent respectivement 50% et 70% de leurs salaires. En ce qui concerne l'international Jan, c'est parce qu'il n'avait pas retrouvé sa place dans l'équipe après une blessure et qu'il s'était disputé avec Gilligan. Quant au gardien Maracle, malgré ses sautes de forme, de moral ou de poids qui ont fait regretter Iserlohn de lui avoir accordé un contrat de longue durée, son passé en Russie et en Allemagne devrait en faire un pointure pour la ligue autrichienne. Ce poste avait été le point faible de Ljubljana la saison dernière.

Il n'y a donc eu que deux pleines recrues payées à 100%. L'une est un jeune : Bostjan Golicic, le frère de Jurij, était le deuxième marqueur du championnat junior slovène en 2007 et a ensuite fait un solide passage en junior majeur à Calgary, avec 70 points l'an passé en incluant les play-offs. Le second renfort prévu, Steve Kelly, a mis un terme à sa carrière en octobre, en même temps que le doyen et capitaine Tomaz Vnuk !

Les deux retraités soudains ont été remplacés par Matt Higgins et Travis Brigley, des recrues classiques à la mode autrichienne. En clair, des anciens joueurs de DEL ! L'Olimpija a bien besoin d'eux car Frank Banham se retrouve de plus en plus seul en attaque après les départs des anciens (Elik, Intranuovo) et les blessures de Yarema et Jan. Il va falloir cravacher pour atteindre les play-offs.

 

L'autre club slovène, l'Acroni Jesenice, n'en est même pas là. Il traîne une dette très lourde de plus d'un million et demi d'euros et a décidé de continuer, mais en mettant en œuvre un plan d'assainissement qui prendra bien cinq ans. La masse salariale a été réduite à 700 000 euros, loin de ses concurrents. On a donc demandé aux internationaux de renoncer à une part importante de leurs salaires. Trois joueurs importants, le défenseur Ales Kranjc et les frères Rodman, sont partis à Vienne. Par contre, Andrej Hebar n'a finalement pas réussi à se libérer pour jouer à Dijon : il a dû rentrer dans son club où il a vite pris place en première ligne, aux côtés de la vedette Tomaz Razingar.

Pour s'en sortir, Jesenice a fait confiance à une piste russe très osée, même si elle correspond à la tradition du club qui a toujours privilégié le jeu collectif. Elle était surtout cohérente avec le choix d'engager l'entraîneur russo-slovène Ildar Rahmatullin : il fallait que les étrangers parlent russe. Ce recrutement a vite révélé de graves erreurs. Le vieux gardien Boris Tortunov, célèbre pour avoir encaissé un tir de la zone adverse (mais avoir repoussé tous les autres) en finale d'EHL avec Magnitogorsk, n'a pas dépassé le mois de septembre (remplacé par un Canadien, Dov Grumet-Morris). Andrei Troshchinsky, l'international du Kazakhstan, a tenu quelques semaines de plus. Le centre estonien Andrei Makrov a été officiellement renvoyé durant quelques heures en raison de son jeu individualiste, avant de sauver sa tête.

Paradoxalement, la recrue russe qui a le mieux réussi est celle qui semblait la plus risquée à la base : Jan Golubovsky, ancien défenseur de NHL et de Superliga, avait récemment connu deux saisons blanches sur blessure. L'autre survivant de la colonie russophone, l'arrière Alexander Dück, est un "Allemand de la Volga", c'est-à-dire un descendant de ces populations germaniques invitées dans l'Empire russe par Catherine II, déportées au Kazakhstan par Staline et "rapatriées" en Allemagne dans les années 80.

Le bilan global du "pari russe" est cependant un échec cuisant. Pendant la trêve de novembre, Rahmatullin a donc été remplacé par Mike Posma, soit exactement le même changement de coach que celui opéré par le rival slovène Ljubljana il y a deux ans ! L'Américain a aussi appelé... exactement le même joker qu'à l'époque, l'inoxydable Todd Elik (43 ans) ! Pas sûr cependant que l'histoire bégaye et que Posma et Elik arrivent cette fois à amener Jesenice, bon dernier, jusqu'en finale...

Marc Branchu

 

 

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