KHL 2010/11 : bilan

 

Résultats du championnat russe

 

Salavat Yulaev Ufa (1er) : Che Guevara et les capitalistes

Représenté en Che Guevara par les supporters du club, Aleksandr Radulov aura bien été le "Comandante" cette saison. Ses 80 points en saison régulière sont le deuxième total de l'histoire russe, derrière Morozov. Et même s'il aura terminé les play-offs par 12 matches sans but, il aura été par sa hargne et son énergie l'inspirateur moral de la révolution bachkire, la seconde de l'histoire après celle menée par Salavat Yulaev (le héros national, pas le club) au XVIIIe siècle dans le cadre de la rébellion cosaque.

La ligne de Radulov avec le Norvégien Patrick Thoresen et le centre Igor Grigorenko emmenait un effectif impressionnant, composé jusqu'aux remplaçants d'internationaux actuels ou passés. Avec une telle composition, la victoire était un impératif.

Loin de constituer un crescendo vers l'euphorie, les play-offs se sont déroulés dans un état de tension extrême. Il n'y a qu'à voir comment étaient traités les supporters visiteurs à l'entrée de la patinoire, obligés de passer par un bus aux vitres teintées pour y subir un relevé des papiers et une fouille, comme quelqu'un qui essaierait d'entrer sur le territoire américain avec un T-shirt à l'effigie du Che. Mesures vexatoires ou paranoïa ?

Oufa ressentait en effet l'hostilité du reste du pays, sans identifier dans quelle mesure elle était dirigée contre le club ou contre les sélectionneurs nationaux Vyacheslav Bykov et Igor Zakharkin. Ils ont enfin obtenu la consécration en championnat... avant de perdre leurs postes aussi bien en équipe nationale qu'en club. Dans le premier cas, ils partent sur un échec, mais dans le second cas, ils s'en vont en ayant accompli leur mission. Ils arrivaient en fin de contrat, et la décision de ne pas les renouveler a contribué à une contestation en haut lieu au Bachkortostan.

Sitôt la saison terminée, la fondation "Ural" a commandité un audit pour savoir où était passé l'argent avec laquelle elle finance le club. Cette fondation à but non lucratif (sic) a un budget de plus de 2,6 milliards de roubles, soit 66 millions d'euros de budget annuel, issus des industries pétro-gazières locales. 16 de ces millions sont dévolus au salaire du directeur d'Ural, Murtaza Rakhimov, ex-président de la République du Bashkortostan pendant 17 ans.

Ces 16 millions-là ne sont pas l'objet de l'audit, puisque l'on sait dans quelle poche ils sont. Ce que demande Rakhimov, ce sont les justificatifs de l'usage des 50 millions restants (le double de la masse salariale autorisée en KHL, soit dit en passant). Précisons qu'il n'y avait pas eu de tel audit la saison précédente, quand le club était encore dirigé par... Ural Rakhimov, le fiston. Il s'agit là d'une lutte politique entre l'ancien président et le nouveau pouvoir régional, et on est très loin du folklore guévariste...

 

Atlant Mytishchi (2e) : le "motivateur" et les fortes têtes

Quand un coach fort en gueule arrive en cours de saison dans un club, il ne tarde pas en général à réclamer des recrues. C'est ce qui s'est produit avec Milos Riha en octobre, et il a vite obtenu gain de cause. L'Atlant est un club riche mais n'a cependant pas de moyens illimités, raison pour laquelle les jokers ont souvent été des paris.

Prenez Oleg Petrov, qui avait pris sa retraite six mois plus tôt et qui a été recontacté à 39 ans. Le premier Russe à avoir porté les couleurs des Canadiens de Montréal a toujours le plaisir de jouer, et la star de l'équipe Sergei Mozyakin n'a pas tardé à réclamer à ses côtés sur la première ligne ce partenaire qui partage la même technique classique. Il a ainsi bénéficié de ses passes, mais lui a aussi rendu la pareille, Petrov signant à deux reprises un hat-trick en play-offs. De quoi le convaincre de rempiler une année de plus.

Autre joker automnal, Fedor Fedorov. Même quand il a marqué quatre points à son premier match, les observateurs restaient prudents. Cela n'aurait pas été la première fois qu'il exploserait sur un match sans confirmer sur la durée. Le bouillant Riha a cependant su manier ce joueur qui se vexe si facilement. Après deux rencontres de play-offs, au cours desquelles Fedor n'a rien fait hormis déclencher une bagarre, Riha a pourtant osé le critiquer publiquement : "Il doit faire un choix - soit il se met à jouer au hockey, soit il ira ailleurs." Le recadrage a fonctionné : le cadet des Fedorov a réussi d'excellents play-offs.

Le message de Riha était clair : personne n'est intouchable. Même Sergei Mozyakin a été envoyé en tribune pendant un match en play-offs pour lui faire comprendre qu'il devait travailler pour l'équipe et non seulement pour lui. Il s'est ensuite comporté en vrai capitaine en continuant à porter l'équipe offensivement, alors qu'il n'était plus bon à rien en play-offs voici quelques années. La punition de l'ultime joker Jan Marek a duré plus longtemps, et il n'en est revenu que plus fort en demi-finale et en finale.

Le qualificatif de "motivateur" qui a été accolé à Milos Riha énervait l'entraîneur tchèque, car il sous-entendait en général qu'il avait en revanche des compétences d'analyse tactique limitées. Mais ce qu'il y a vraiment d'impressionnant dans son parcours de 2011, c'est surtout qu'il a amené en finale une équipe comptant de nombreux caractères difficiles.

On peut ranger dans cette catégorie le gardien Konstantin Barulin, que les différents clubs moscovites ont eu du mal à gérer. Dès son arrivée, Riha en a fait son titulaire, et Barulin a mérité sa confiance avec six blanchissages avant la fin de l'année. Il a ainsi facilité le changement de système de l'Atlant, qui se reposait beaucoup sur son attaque auparavant. C'est pourtant le gardien biélorusse Vitali Koval qui a abordé les play-offs en numéro un... avant de se blesser à l'aine au sixième match. Barulin oublierait-il sa déception d'avoir été relégué sur le banc ? Mieux que ça : il était élu meilleur joueur des play-offs et arrachait ainsi sa place en équipe nationale. Il n'oubliait pas de remercier le soutien de sa défense, et notamment du héros de l'ombre Ilya Gorokhov.

Après une telle transformation, l'Atlant souhaitait bien entendu garder son entraîneur tchèque, mais a vite compris qu'il n'aurait pas les moyens de le convaincre. Comme l'expliquait son directeur, "Riha est un papillon qu'il faut chasser avec un filet à papillons". Un filet de préférence bien garni, comme on en dispose à Saint-Pétersbourg...

 

Lokomotiv Yaroslavl (3e) : du hockey offensif, quelle horreur

Où est passée la stabilité qui a fait la renommée du Lokomotiv ? Pour la seconde année consécutive, il a viré un coach finlandais en cours de saison afin de recruter un entraîneur qui a fait sa gloire par le passé. Cette fois, la mise à la porte de Kai Suikkanen, survenue dès novembre, était d'autant plus surprenante que l'équipe occupait alors la deuxième place de la conférence ouest. Le manager Yuri Yakovlev reprochait au Finlandais les trois buts encaissés de moyenne, même quand Yaorslav sortait vainqueur. Face à ces critiques incessantes, Suikkanen a répliqué une bonne fois pour toutes qu'il avait toujours prôné un hockey offensif et qu'il ne changerait pas son style de jeu. Trois jours plus tard, il était dehors.

Dans l'intervalle, Yakovlev avait rappelé de sa retraite le plus tactique Vladimir Vujtek, l'entraîneur des titres 2002 et 2003. Dans les mois suivants, le Lokomotiv dominait sa conférence... mais toujours essentiellement grâce à son attaque de feu. Derrière la ligne Korolyuk-Vasicek-Demitra se révélait le trio Aleksandr Kalyanin - Gennadi Churilov - Aleksandr Galimov, qui évoluait ensemble depuis deux ans et était appelé en équipe de Russie.

En janvier, Yaroslavl apparaissait donc comme un des grands favoris de la KHL. Mais après deux séries de buts rapprochés, une campagne de presse se déchaîna à l'encontre du gardien allemand Dimitrij Kotschnew, accusé d'être trop faible pour un prétendant sérieux au titre. En play-offs, l'attaque du Lokomotiv Yaroslavl était toujours aussi impressionnante, et personne ne paraissait pouvoir lui barrer la route de la finale. Le meilleur marqueur des Jeux olympiques 2010 Pavol Demitra battait un record russe en marquant au moins un point pendant douze rencontres consécutives, avant que la série ne s'arrête brutalement dès le première match de la demi-finale (1-6 contre l'Atlant). Un résultat fatal à Kotschnew, remplacé alors par le vétéran Igor Vyukhin.

Tout ne pouvait pas être la faute du gardien. La preuve, Yaroslavl a même réussi à marquer contre son camp pendant une pénalité différée en sa faveur (!) lorsqu'une passe en retrait de Churilov est passée au nez et à la barbe du défenseur suédois Daniel Tjärnqvist. Toute la patinoire de Mytishchi a éclaté de rire : mené 3 victoires à 0, le Loko était humilié, mais pas encore éliminé. Il réussissait à remporter les deux confrontations suivantes, avant d'exploser 8-2 : quatre buts contre Vyukhin et quatre contre Kotschnew, revenu sur la glace à la mi-match.

Dans cette demi-finale, lorsque les deux premières lignes ont arrêté de marquer à tout va, il s'est avéré que Yaroslavl n'avait plus personne derrière. Aleksei Mikhnov (genou) et Konstantin Rudenko (bras cassé) n'avaient pas retrouvé leur meilleur niveau après des blessures. Jori Lehterä, le centre finlandais, a pour sa part totalement disparu en play-offs et a donc perdu sa place en équipe nationale.

Le principal handicap a été la perte sur blessure des défenseurs Vitali Anikeenko et Michal Barinka. Ils étaient les arrières les plus difficiles à passer en un contre un, ceux qui étaient dans leur meilleure forme physique à 24 ans et 26 ans. En leur absence, la défense du Loko avait subitement 32 ans de moyenne d'âge, et toutes les peines du monde à suivre le rythme du jeu de transition de l'Atlant. Le seul jeune, Marat Kalimullin, est celui qui s'en sortait le mieux. Les prolifiques défenseurs offensifs Karel Rachunek et Aleksandr Guskov ne marquaient plus, tandis que les vétérans Aleksei Vassiliev et Sergei Zhukov ne pouvaient masquer leur net déclin. Le champion du monde junior Yuri Uryshev a alors été introduit pour apporter du sang frais, mais même lui a craqué au dernier match avec une vilaine charge genou contre genou sur Nesterov (5 matches de suspension). La défense n'était pas qu'une affaire de coach...

 

Metallurg Magnitogorsk (4e) : un jeu trop intense pour un tel calendrier

Le représentant de la tradition du jeu soviétique a réussi sa mue avec l'entraîneur finlandais Kari Heikkilä : un jeu plus agressif et plus actif dans le patinage, qui étire la défense adverse avec un pressing à deux et un troisième joueur libre. Il s'est ainsi créé une belle homogénéité dans cet effectif au grand éventail de profils, du travailleur de l'ombre par excellence Tomas Rolinek, capitaine des Tchèques lors des championnats du monde 2010, au flamboyant Juhamatti Aaltonen, qui lui aura succédé au palmarès de cette compétition.

Cet environnement plus familier a profité à l'international finlandais Petri Kontiola, qui a doublé son total de points. Se sentant beaucoup plus en confiance pour sa seconde saison de KHL, il est devenu le meilleur marqueur du club. Malheureusement pour lui, sa blessure en fin de play-offs l'a privé du Mondial.

En revanche, Aleksei Kaïgorodov a fait son retour en équipe de Russie et a concrétisé avec un but inspiré qui a éliminé le Canada en quart de finale. Il était tout près de quitter son club formateur l'été dernier, pour la première fois hormis son passage furtif en NHL, mais le transfert avait capoté. Il est resté, mais n'a pas stagné. Au contraire, il a enfin franchi un palier, en progressant notamment beaucoup dans le trafic.

Magnitka aurait également aimé franchir un palier de plus en play-offs, en s'appuyant sur l'expérience d'un Sergei Fedorov. Mais le banc était finalement limité pour parer les petites blessures qui se sont accumulées en séries. Les Ouraliens ont payé un lourd tribut à la fatigue, subissant de plein fouet le rythme infernal des play-offs de KHL. 20 matches en 41 jours auront eu raison de leurs efforts, et le futur champion Ufa s'est finalement sorti de leur pressing.

 

Avangard Omsk (5e) : l'entraîneur séquestré

177,58 kilomètres par heure. Sept de plus que les records de Zdeno Chara et Sheldon Souray. C'est le slap le plus rapide du monde, envoyé lors du concours du All-star Game de KHL par Denis Kulyash. Une vraie mitraillette, qui risque parfois d'allumer ses propres coéquipiers, tel le centre biélorusse Aleksei Kalyuzhny, absent un mois après avoir reçu dans la jambe un palet envoyé par le canonnier.

Mais si Kulyash a frappé de toutes ces forces dans ce slap dément, c'est peut-être aussi qu'il exprimait toute sa frustration de cette façon. Ses missiles dans l'axe à la ligne bleue en ont certes fait l'arme fatale du jeu de puissance d'Omsk, mais il perdait aussi parfois des palets et commettait ainsi des erreurs coûteuses. Il venait d'être puni et retiré de la glace par l'entraîneur Raimo Summanen, avec lequel il décrivait une impossibilité à communiquer.

À ce moment de la saison, ce petit conflit passait inaperçu. L'Avangard était en effet en pleine série de 18 victoires consécutives pour terminer la saison régulière, ce qui lui permettait de finir à la première place. Jaromir Jagr était aussi tout content de retrouver son partenaire d'échecs (!) pendant les championnats du monde 2010, Petr Vampola, mais ce joker tchèque arrivé à la limite des transferts ne s'est jamais intégré aux systèmes de jeu.

C'est à la fin des play-offs que la crise a éclaté au grand jour. Après le sixième match du quart de finale, perdu à Magnitogorsk, l'entraîneur finlandais explosait dans le vestiaire, comme il en a la réputation. Certains à l'Avangard ont parlé d'un comportement de "psychopathe". Il s'en est pris à tous les cadres offensifs du club qui l'avaient mené toute la saison : Kalyuzhny, le meilleur marqueur Roman Cervenka, la star Jagr, et même le trio Perezhogin-Kuryanov-Popov. C'était sans doute plus grave pour le manager Bardin qui ne voulait pas que ses cadres russes soient offensés car il n'imaginait pas se passer d'eux la saison prochaine.

L'élimination au match 7 s'est alors déroulée de manière surréaliste. Le matin, Summanen avait dirigé l'entraînement et dirigé une séance vidéo comme prévu. Chacun rentre chez soi, mais au moment des retrouvailles à la patinoire le soir, le coach finlandais n'est pas là. Ses adjoints Tikhonov et Nikitin expliquent qu'il est malade. En fait, Summanen va très bien, il est chez lui. Ne voyant pas arriver son chauffeur à l'heure prévue, il a téléphoné à son traducteur qui lui a expliqué qu'il valait mieux qu'il reste chez lui. Il a ensuite découvert que le service de sécurité avait reçu des instructions pour l'empêcher de se présenter à la patinoire. L'éloignement de l'entraîneur finlandais n'aura pas servi : les vedettes offensives de l'Avangard n'ont pas marqué un seul but durant ce dernier soir, et la saison s'est terminée en eau de boudin.

 

Ak Bars Kazan (6e) : sacrifié pour la patrie ?

Tout comme en 2008, Ak Bars a été l'équipe la plus représentée au sein des champions du monde, avec quatre joueurs. Sauf que, cette fois, les champions du monde en question n'était pas russes ! Ils étaient finlandais. Le gardien Petri Vehanen a confirmé sa régularité tout au long de la saison avec cette médaille d'or. Le centre Niko Kapanen a effectué une saison solide en complément du duo Zaripov-Morozov. Quant à Jarkko Immonen, le meilleur marqueur des Mondiaux, il n'occupait que la deuxième ligne à Kazan en compagnie de son compatriote Janne Pesonen.

C'est dire si cet effectif de Kazan, dont la moitié (11 joueurs) a participé aux championnats du monde, était fort. Il a pourtant été éliminé dès les quarts de finale, et par son plus grand rival, le Salavat Yulaev Ufa de Bykov. Aucune révolution pour autant : les Tatars savent que c'est la stabilité qui leur a apporté les deux titres précédents. On s'est donc simplement dit au revoir, et rendez-vous début juillet pour la reprise de l'entraînement.

Mais entre-temps, cet "au revoir" se sera mué en "adieu". La réussite des Finlandais de Kazan était en effet synonyme d'échec pour la Russie de Bykov, un faux-pas fatal au sélectionneur. Tout le monde s'accordait alors à voir en Zinetulla Bilyaletdinov, le fondateur de la dynastie Ak Bars, le successeur idéal à la tête de la Sbornaïa. Mais à une condition : ne plus commettre la même erreur et abandonner son poste en club pour être à disposition de l'équipe nationale à plein temps.

Les Tatars ont donc été appelés à leur patriotisme, après une intervention au plus haut niveau : le ministre des sports a demandé officiellement au Président de la République du Tatarstan de libérer Bilyaletdinov, qui était encore sous contrat. Kazan a donc dû sacrifier son coach sur l'autel de l'intérêt national.

 

SKA Saint-Pétersbourg (7e) : le flop du recrutement pompeux

L'échec de cette équipe recrutée à coups de millions était presque écrit d'avance. Les vedettes offensives ont tenu leur rang, mais des joueurs comme Maksim Rybin ont mal digéré un rôle défensif de quatrième ligne pour lequel ils ne sont pas taillés. L'entraîneur italo-canadien Ivano Zanatta a bien tenté d'affirmer son autorité, y compris en laissant une fois sur le banc le meneur naturel du vestiaire Aleksei Yashin, mais il ne pouvait pas rivaliser avec le prestige de ses joueurs. Les prédictions funestes sur son licenciement rapide se sont donc vérifiées.

Pour gérer les stars, le SKA a alors pensé qu'il serait plus cohérent d'engager un entraîneur de renom. Allait-on revivre la même frénésie de recrutement que pendant l'été ? L'hypothèse de l'arrivée de Wayne Gretzky, qui n'avait aucune envie de partir en Russie, a fait long feu. Bob Hartley a calmé tout le monde en demandant 400 000 dollars rien qu'en prime à la signature. En fin de compte, l'entraîneur tchèque Vaclav Sykora, qui devait initialement assurer l'intérim, a été engagé définitivement, puisque les résultats s'amélioraient. Il a alors eu le droit d'engager à ses côtés Jan Votruba, son ancien adjoint à Pardubice.

La prise de contrôle des Tchèques a coïncidé avec celle de Jakub Stepanek, le numéro 3 des gardiens tchèques, qui a pris la place de titulaire à Evgeni Nabokov, le décevant transfert-phare de l'intersaison. Après un dernier match difficile à vivre à Nijni Novgorod (entré à 2-1, il a encaissé trois buts en neuf minutes et s'est fait ensuite sortir à la pause), le gardien russe est reparti en Amérique, officiellement pour raisons personnelles. Son épouse, qui s'était dit enthousiaste a priori, ne se plaisait finalement pas dans le froid de Saint-Pétersbourg.

Puis, au moment de la Coupe Spengler, alors que le SKA semblait sorti de crosse, l'entraîneur-adjoint Darius Kasparaitis a exprimé sa frustration en claquant la porte : "C'est une dictature ! Tous doivent avoir peur de [Sykora], les joueurs viennent à l'entraînement comme à une prison. [...] Nous, entraîneurs russes, n'avons plus rien à dire, s'ils le pouvaient ils ne joueraient qu'avec des joueurs tchèques. C'est pourquoi Nabokov est parti." Cet éclat n'a pas perturbé la gestion de l'équipe, ni empêché le recrutement d'un joker tchèque, Petr Prucha, qui a prouvé son efficacité en play-offs pendant la blessure de Yashin.

Le SKA a mené 3 manches à 1 face à l'Atlant, et il inspirait la terreur grâce aux mises en échec dévastatrices d'Evgeni Artyukhin, le fils d'un champion de lutte gréco-romaine dont l'impact physique serait même utilisé en équipe nationale. Mais on ne perd pas impunément Aleksei Yashin, sans qui ses compagnons de ligne Petr Cajanek et Maksim Sushinsky ont été moins efficaces. Le buteur suédois Mattias Weinhandl restait toujours le leader offensif, mais cela ne suffisait plus à compenser les erreurs de Stepanek, qui précipitait l'élimination par une relance ratée. De quoi provoquer la mise à la porte des Tchèques, boucs émissaires parfaits qui faisaient oublier que le début de saison avait été encore pire sans eux. Le SKA ne restera de toute façon pas anti-tchèque primaire, puisque son prochain entraîneur sera Milos Riha.

 

Dinamo Riga (8e) : une valeur classique

Cela fait deux ans de suite que le Dinamo Riga se qualifie en quart de finale après avoir éliminé un prestigieux cador (le Dynamo Moscou cette fois, après Saint-Pétersbourg l'an passé), on ne peut plus vraiment parler de surprise. Même si les Lettons terminent à une place discrète en saison régulière, leur valeur ne peut pas être sous-estimée.

Il faut en effet tenir compte des blessures qui se sont accumulées en défense. Le toujours excellent Sandis Ozolins (deux côtes cassées) et le jeune Oskars Cibulskis ont ainsi manqué un long mois chacun. Tous les joueurs défensifs ont fait un tour à l'infirmerie à un moment ou à un autre, y compris les deux gardiens. Ceux-ci se sont avérés complémentaires : le Suédois Mikael Tellqvist a de meilleures bases techniques, mais le Canadien Chris Holt semble avoir plus de détermination et de mental.

Le Dinamo avait donc une belle équipe. Son attaque est l'une des plus homogènes du championnat avec trois lignes de valeur équivalente, toutes capables de marquer. Elles ont prouvé leur efficacité en play-offs, où le jeu de puissance a atteint des sommets (27,5%).

Le jeu des Lettons est d'un grand classicisme, poursuivant les traditions du hockey de l'est. Il a été mis en place depuis trois ans par le vieil entraîneur slovaque Julius Supler, à qui le club a refusé une augmentation de salaire, le laissant partir au CSKA Moscou. Tout comme l'équipe nationale, le Dinamo devra donc se rebâtir avec un nouveau système.

 

Dynamo Moscou (9e) : profil bas... et tête basse

En absorbant le MVD, le Dynamo Moscou avait décidé d'absorber aussi sa politique anti-vedettariat. Les dirigeants n'avaient pas voulu le moindre millionnaire en dollars cette fois. Même le leader qui avait conduit le MVD jusqu'en finale, le trop gourmand Aleksei Tsvetkov, était parti ailleurs (au Severstal) pour chercher une meilleure rémunération. Mais quand on découvre en son sein un joueur important, il coûte parfois encore plus cher de ne pas le retenir... Le centre Tsvetkov a manqué à ses anciens ailiers Denis Kokarev et Aleksei Ugarov, moins performants cette saison avec d'autres compagnons.

En fait de stars, le Dynamo a eu comme meilleurs joueurs et meilleurs marqueurs le centre Konstantin Gorovikov et le provocateur finlandais Leo Komarov. L'un comme l'autre ont pourtant des profils défensifs, très utiles mais théoriquement pas censés mener une première ligne.

Cette absence de vrai meneur, le Dynamo a commencé à la ressentir autour du Nouvel An quand, chassé comme chaque année pendant trois semaines de sa patinoire de Loujniki pour laisser la glace aux enfants en vacances, il n'a pas gagné une seule fois dans sa tournée de huit matches à l'extérieur.

Le recordman slovaque des sélections Martin Strbak a alors été chargé de passer un coup de fil à Miroslav Satan, avec qui il a remporté trois médailles mondiales dont le titre 2002. Le Dynamo a en effet renié ses principes et passé un pacte avec Satan. La voilà, la star, la figure reconnaissable entre toutes ! Elle n'a cependant pas empêché la série de défaites d'affilée de passer à 11. Quand les Moscovites se sont remis à gagner, Satan s'est fracturé le poignet moins de deux semaines après son arrivée. Il ne fera sa rentrée qu'au milieu des play-offs... en envoyant l'entremetteur Strbak comme étranger surnuméraire !

Satan et Strbak, opéré de la cheville en début de saison, n'ont été que des visiteurs parmi d'autres dans une infirmerie bien remplie. La Dynamo a eu une moyenne de six joueurs blessés en permanence en saison régulière, mais a récupéré la plupart de ses forces vives pour les play-offs. Malheureusement, il est tombé sur sa bête noire, le Dinamo Riga, contre qui il a dominé en possession de palet, mais sans trouver de bonnes positions de tir. Il est donc devenu la seule tête de série éliminée au premier tour. Adopter un profil bas en refusant les excès n'aura donc pas suffi à éviter les déconvenues.

 

Severstal Cherepovets (10e) : racket organisé

23 février 2011. Début des play-offs de KHL... et scandale immédiat. Le Severstal marque un but en prolongation contre l'Atlant, le juge de but allume aussitôt la sirène, les vainqueurs présumés du soir se congratulent, et ils sont déjà rentrés aux vestiaires lorsque l'arbitre indique que le but est refusé car aucun ralenti ne prouve que le palet a franchi la ligne. Les joueurs de Cherepovets, sous le choc, encaissent le but gagnant huit minutes plus tard, mais se révoltent en remportant les deux manches suivantes. Cependant, ils explosent alors 1-8 devant leur public et sont finalement éliminés. Le coach Dmitri Kvartalnov met ça sur le compte de l'inexpérience en play-offs, la sienne comme celle de ses jeunes joueurs, et donne rendez-vous pour l'an prochain.

Cette fausse joie est une péripétie mineure par rapport au scandale qui a secoué la KHL. Le 29 décembre, Dmitri Popov, le manager du Severstal, est arrêté par la police, qui l'a pris la main dans le sac. Les forces de l'ordre avaient invité à coopérer le jeune joueur Dmitri Gromov pour le munir d'une caméra et confondre ce dirigeant indélicat, soupçonné de recevoir de l'argent en échange d'une place dans l'équipe !

L'enquête se poursuit au sein du club, et le 5 janvier, l'entraîneur Dmitri Kvartalnov et le directeur général Anatoli Tenitsky sont suspendus dix jours le temps de tirer l'affaire au clair. Passé ce délai, Kvartalnov est réintégré et blanchi. On ne peut guère le soupçonner de favoritisme envers ce Gromov, parfois inclus sur la feuille de match pour occuper une des deux places "réservées aux juniors" : en une saison et demi, il l'a fait jouer quatre minutes en tout et pour tout ! Il n'en va pas de même pour Anatoli Tenitsky, renvoyé même s'il a pris soin de faire disparaître les preuves avant l'audit interne... Gromov, quant à lui, n'apparaît plus sur le banc senior... mais poursuit sa saison en junior où il côtoie les fils de Popov et de Kvartalnov !

C'est lors du procès début juin que l'on comprendra que, derrière ce qui semblait être une affaire de corruption ou de chantage, se cachait un système pernicieux. Il trouve son origine dans la "draft" instituée par la KHL pour copier la NHL. Les joueurs choisis au premier tour comme Dmitri Gromov (n°6) et l'Ukrainien d'origine Ignat Zemchenko (n°10) en 2009 ont droit à un salaire minimum garanti de 100 000 roubles mensuels selon les règles de la ligue. Le Severstal se retrouve alors avec une équipe junior où deux joueurs extérieurs sont payés dix fois plus que tous leurs coéquipiers locaux. Pour éviter les dissensions, on leur demande alors de... reverser "volontairement" la moitié de leur salaire pour que les sommes soient ensuite réparties entre les joueurs restants. Gromov s'entend promettre que ce fonds de "solidarité interne" ne durera qu'un an, mais c'était un mensonge. D'où sa collaboration avec la police lorsque la réquisition a recommencé la seconde année.

Cette année, aux deux premiers tours de la draft KHL, le Severstal a sélectionné... un Finlandais et un Suédois ! Une stratégie partagée par d'autres équipes : comme ils ne viendront probablement pas en Russie, il n'y a ni dédommagement à verser à leur club formateur, ni risque de jalousies et de conflits de vestiaire. Le Severstal peut de toute manière se débrouiller tout seul sans cette "draft" inutile. Maksim Chudinov, défenseur de 21 ans, et Vadim Shipachev, attaquant de 24 ans invité pour la première fois en équipe nationale, ont été ses meilleurs joueurs cette saison... et ils sont tous deux nés à Cherepovets !

 

Yugra Khanty-Mansiysk (11e) : un triumvirat pour diriger un promu

Le nouveau venu en KHL a déjà créé la surprise avec une qualification tranquille en play-offs. Ceux-ci auraient pu tourner court face au Metallurg Magnitogorsk, qui l'avait battu quatre fois en saison régulière. Mais Khanty-Mansiysk a réussi à mener 2 victoires à 1, en s'appuyant sur le gardien letton Edgars Masalskis qui a soudain pris la place de numéro 1 à Mikhaïl Biryukov, et a encore plus impressionné en faisant ainsi trembler un favori.

Cette réussite immédiate est d'autant plus incompréhensible que l'équipe n'avait pas été bouleversée. Le défenseur de 26 ans Aleksei Pepelyaev, au club depuis trois ans, a marqué autant de buts (12) en une saison de KHL que durant toute sa carrière précédente. Le meilleur marqueur était le même que l'an dernier en division inférieure : Ivan Khlyntsev, un joueur de 29 ans qui n'avait joué que 24 matches en élite.

La clé du succès, c'est donc le "triumvirat" d'entraîneurs. Plutôt que des joueurs bien cotés, le Yugra a préféré recruter trois spécialistes éprouvés sur le banc (Shepelev, Solovyov, Kotov). La réussite a été totale, tant dans le jeu que dans les résultats, et la première décision de l'intersaison a consisté à prolonger le trio.

Pour s'établir durablement, il faut aussi créer une structure de formation. La KHL obligera à l'inscription d'une équipe dans sa ligue junior (la MHL) l'an prochain, mais elle devra être composée de joueurs extérieurs. Il n'y a aucun joueur de ces classes d'âge à Khanty-Mansiysk, qui compte uniquement des petites catégories (la première génération a 13 ans). Et pour cause puisque la patinoire et le club, bâtis sur les revenus du pétrole, n'ont que quatre ans d'existence.

 

Sibir Novosibirsk (12e) : retour en Sibérie

La résurrection du Sibir a coïncidé avec celle d'Igor Mirnov. C'est un Sibérien de naissance, il est né à Tchita, à proximité de la frontière de la Mongolie et de la Chine. Comme il n'y a pas de hockey dans cette ville, ce fils d'un footballeur professionnel ne paraissait pas destiné à faire carrière dans ce sport, même s'il patinait durant l'hiver glacial et sec. Mais ses parents ont déménagé à Moscou pour l'inscrire à l'école du Dynamo où il a fait toutes ses classes.

Ses années au Dynamo avaient été marquées par sa relation orageuse avec l'entraîneur Vladimir Krikunov. Celui-ci le considère comme un grand talent gâché qui avait arrêté de travailler dès lors que son agent lui avait obtenu un salaire garanti, sans part variable à la merci du coach. Après une errance de quelques années, Mirnov s'est relancé à 26 ans en arrivant à Novosibirsk en fin de saison dernière. Il n'a pas hésité à y déménager pour de bon avec sa femme et sa fille tout juste née.

Les tribunes pleines de 8000 spectateurs lui ont permis de retrouver sa motivation : Mirnov est devenu le meilleur marqueur du club, devant le vétéran finlandais Ville Nieminen. Pourtant, ici aussi, il a subi des mesures de "redressement". Le coach Vladimir Tarasenko senior lui a fait passer un match en tribune et a réduit son temps de jeu en fin de saison régulière.

En play-offs, Tarasenko a de nouveau tenté la manière forte. Le capitaine Aleksandr Boïkov, qui n'arrivait plus physiquement à suivre le rythme à 35 ans, a été retiré deux fois de l'effectif. Le gardien suédois Stefan Liv, lui aussi fatigué, a été sorti au troisième match et a assisté au suivant depuis le banc. La saison s'est terminée par une défaite 0-5 contre le futur champion Ufa. Les supporters n'en ont pas voulu à leur équipe pour ce score et ont réservé une standing ovation à leurs joueurs.

 

Spartak Moscou (13e) : l'idole regrettée

Le Spartak tenait peut-être en Milos Riha un entraîneur qui lui convenait idéalement : un homme passionné, dont les émotions se lisent sur les expressions, rendant son visage presque "rouge et blanc", aux couleurs du club. C'est pourquoi les supporters ont très mal pris le licenciement du coach tchèque après seulement un mois de championnat, alors qu'il les avait conquis depuis deux ans et demi.

Curieusement, c'est son seul compatriote dans l'équipe qui a sans doute provoqué la perte de Riha : le gardien Dominik Hasek avait une autre idée de la tactique à adopter en défense et proposait ses propres exercices à l'entraînement. Certains joueurs étaient forcément sensibles au prestige du héros de Nagano. L'autorité de Riha ayant été contestée en interne, son renvoi en fut la conséquence brutale. Ses adjoints sont partis en même temps que lui, emportant leurs chemises et cravates marquées du logo du Spartak. Le manager Andrei Yakovenko, assurant l'intérim sur le banc, a dû porter une chemise "débraillée" - sans cravate - le lendemain, s'exposant aux amendes de la KHL pour tenue incorrecte.

Ce ne fut pas la première mésaventure. Le candidat préféré à la succession, Sergei Mikhalev, posait des conditions trop élevées. Le Spartak s'est donc rabattu sur Igor Pavlov, l'ex-entraîneur de Cologne, pour son premier poste comme entraîneur-chef en Russie. Pavlov a tenté de mettre en place ses principes - préparation intensive et discipline de fer - mais le changement prend du temps dans une équipe constituée avec l'avis de Riha et habituée à jouer sur ses émotions. Pavlov envoyait ainsi "réfléchir en tribune" Igor Musatov, au moment où il était sélectionné dans l'équipe de Russie B tout juste reformée. Musatov était finalement envoyé à l'Atlant, le repaire des ex-Spartakistes.

Pendant ce temps, les rebondissements se poursuivaient chez les Moscovites. Le 31 novembre, Igor Pavlov était démis de son poste en raison d'une sévère bronchite. Yakovenko reprenait place sur le banc, définitivement cette fois-ci. À sa sortie de l'hôpital, Pavlov, toujours sous contrat, était nommé "scout" chargé d'explorer les patinoires européennes et nord-américaines à la recherche de renforts étrangers potentiels. Un placard lointain...

Trois entraîneurs dans la saison, donc, mais aussi trois capitaines. Juste avant de partir, Riha avait retiré le "K" à Branko Radivojevic pour "lui permettre de se concentrer seulement sur le hockey", et l'avait donné à Aleksandr Buturlin... qui a été échangé à la trêve suivante ! Le troisième capitaine Andrei Sidyakin a quant à lui été renvoyé à la maison avec Suglobov et Shkotov avant même que ne s'achève une prestation catastrophique en Coupe Spengler. Les deux premiers ont été échangés dans les jours qui suivent. Radivojevic a finalement repris le capitanat, comme un retour à la case départ.

Après tant de péripéties, les play-offs ont tourné court dès le premier tour. Les supporters ont alors reporté leur soutien sur Milos Riha. Leur ancienne idole a en effet emmené jusqu'en finale du championnat une équipe de l'Atlant composée en bonne partie d'anciens Spartakistes recrutés à l'intersaison (Lewandowski, Upper) ou en cours de saison (Obsut, Musatov). Ce que les fans ne savaient pas, c'est que ce parcours de Riha qu'ils soutenaient leur ôtait toute chance de revoir. Certains au club avaient caressé l'idée de rappeler le Tchèque, mais chaque tour passé renforçait sa valeur et le rendait hors de prix pour le Spartak, qui devra aligner un entraîneur débutant l'an prochain.

 

Barys Astana (14e) : un paradis pour attaquants

Capitale perdue dans les steppes, Astana est pourtant devenue un paradis pour une petite poignée d'étrangers, à savoir les hockeyeurs du Barys. Les renforts débarqués au Kazakhstan s'y voient offrir à la fois beaucoup de temps de jeu et de liberté offensive.

L'attaquant tchèque Lukas Kaspar a accumulé les buts dès les premières semaines et en a paru tout retourné dans Sport Express : "La dernière fois que j'ai autant marqué, c'était chez les jeunes avec mon club formateur Litvinov. Au Barys, mon succès est largement dû au travail du coach. Je ne sais pas ce que les gardiens et défenseurs peuvent dire de ses connaissances, mais je suis extasié par Andrei Khomutov ! C'est un ancien attaquant-vedette, versé dans les spécificités des buteurs. Il fait toujours des commentaires corrects pour que les lignes et unités spéciales travaillent non seulement avec les mains et les patins, mais aussi avec la tête."

Le meilleur ambassadeur de la ville est quand même Kevin Dallman, le défenseur canadien qui a toujours un temps de jeu sans égal : plus de 27 minutes par match quand personne d'autre en KHL n'atteint 24 minutes. Il a convaincu son ex-coéquipier chez les Los Angeles Kings, Kyle Calder, de le rejoindre pour la fin de saison. Le Barys voulait ainsi renforcer son homogénéité offensive, parce que le cinq majeur (Kaspar-Novotny-Bochenski avec les arrières Dallman et Novopashin) marquait la moitié de ses buts.

L'objectif était d'être enfin plus performant en play-offs, mais ils ont encore une fois tourné court. Les joueurs du Kazakhstan ont attendu le neuvième tiers-temps pour réussir enfin à marquer un but à Petri Vehanen, le gardien finlandais de Kazan. Les champions du monde sortants Kaspar et Novotny ont ainsi buté sur le futur champion du monde.

 

Neftekhimik Nijnekamsk (15e) : le videur devenu international

L'ex-sélectionneur Vladimir Krikunov n'a pas fait que casser du sucre sur le dos de son successeur Bykov. Il a encore emmené le Neftekhimik Nijnekamsk en play-offs. Le Torpedo Nijni Novgorod lui a proposé un contrat très avantageux de deux ans, mais il a choisi de ne pas quitter le Tatarstan. Pourquoi un tel intérêt pour ce dinosaure du coaching, surtout de la part d'un club qui n'a terminé que deux points derrière ?

La réponse ne réside pas dans une saison régulière moins réussie que la précédente. Krikunov a rejeté la faute d'un mois de novembre raté sur les étrangers Daniel Fernholm, Roger Melin et Peter Mikus, tous trois renvoyés. Au lieu d'une quatrième place, le Neftekhimik n'a donc pris que la huitième place de sa conférence... mais il a affronté le même adversaire, l'Avangard Omsk.

Balayé l'an passé, l'Avangard a cette fois sué sang et eau pour s'en sortir au septième match. Et là, le mérite en revient au système très défensif mis en place par Krikunov, qui a mis chacun de ses blocs en configuration de ne pas encaisser de buts. Il a notamment réservé une tactique particulière contre Jaromir Jagr, en tournant à trois arrières droits mais quatre arrières gauches, pour que Nikolaï Belov se retrouve systématiquement aligné face au Tchèque.

Krikunov a dit de Belov, recruté alors qu'il jouait en division inférieure, que c'est son fils qui l'avait repéré... alors qu'il travaillait comme videur dans un night-club ! Est-ce le cursus rêvé pour appliquer l'interdiction d'entrer dans sa zone défensive ? Nikolaï Belov (191 cm, 81 kg) prend en tout cas du volume chaque année : il était inconnu il y a deux ans, mais Bykov l'a convié en première ligne de l'équipe nationale aux championnats du monde. Conservera-t-il cette place avec les modifications qui s'annoncent ?

 

Dynamo Minsk (16e) : un Canadien adopté... et naturalisé ?

Pour sa troisième année en KHL, le Dinamo Minsk a enfin gardé un entraîneur (Marek Sykora) pendant toute la saison, et il a enfin atteint les play-offs. Il y a même poussé le vainqueur de la conférence ouest - le Lokomotiv Yaroslavl - jusqu'au septième match, avec l'enthousiasme remarqué de la quatrième ligne Kulakov-Drozd-Stefanovich sur son maigre temps de jeu.

La confiance limitée donnée aux joueurs locaux a cependant continué de faire débat. Le Dinamo, financé à hauteur de douze millions d'euros par des fonds publics alors que le Bélarus est en pleine crise monétaire, contribue-t-il vraiment aux intérêts du pays ? Les attaquants internationaux continuent d'y occuper des rôles secondaires. Même le vrai buteur Sergei Demagin est confiné en troisième ligne. Au lieu de faire progresser les joueurs, le Dinamo en fait décliner certains, comme l'ex-international Jaroslav Chuprys qui a perdu sa place dans l'équipe. La présence du Bélarus en poule de relégation lors du championnat du monde a montré qu'avoir un club en KHL n'a pas aidé l'équipe nationale.

Il ne sera cependant plus possible de revenir en arrière, car les spectateurs ont fait leur choix. Ils ont adopté le Dinamo. L'Arena Minsk a la meilleure affluence de la KHL (11 639 spectateurs de moyenne et un pic à 16 039 en play-offs). Le spectacle y est splendide pendant et avant le match, avec un show bien rodé. L'hymne composé par le groupe folk "Palats" est entré dans les cœurs du public, et il devrait rester la chanson officielle... même si ces musiciens ont figuré depuis sur une liste noire officieuse du régime qui leur interdit les représentations publiques.

Le public s'est donc pris de passion pour les stars étrangères de l'équipe, et notamment pour Geoff Platt. Même si son entraîneur regrette ses défauts défensifs, Platt a un jeu rapide et spectaculaire qui en fait une figure charismatique. En janvier, il a reçu un compatriote à ses côtés, Daniel Corso, le joker québécois qui a choisi de rester deux ans de plus malgré une proposition de contrat triennal dans un pays francophone (la Suisse). Les deux Canadiens ont demandé à avoir le capitaine Andrei Mikhalev à leurs côtés en play-offs, et la première ligne a vraiment mené l'offensive.

Geoff Platt s'était installé cette saison dans l'appartement de Mikhaïl Grabovski, la star biélorusse exilée en NHL à Toronto... qui est justement la ville natale de Platt ! Dans cet échange, c'est le Canadien qui est la star à Minsk. Il a signé jusqu'en 2014 avec un salaire à la hausse et déclare vouloir prendre la nationalité biélorusse. Si les Russes naturalisés sont communs en équipe nationale, il pourrait devenir le premier Canadien à porter le maillot du Bélarus ! Le principal apport de la KHL aux résultats de la sélection viendra-t-il d'une naturalisation ?

 

Torpedo Nijni Novgorod (17e) : temps de glace peu collectivisé

Le Torpedo Nijni Novgorod a suivi cette année l'exemple du Barys Astana en donnant un gros temps de jeu à ses joueurs étrangers, jusqu'à des valeurs inhabituelles en KHL où les temps de glace sont plus équilibrés qu'en NHL par exemple. Le défenseur offensif Danny Groulx a passé 24 minutes de moyenne sur la glace par match, deuxième total de la ligue derrière Dallman, tandis que le meilleur marqueur Matt Ellison a atteint 22 minutes, la durée la plus longue pour un attaquant. Les protégés de l'agent Larionov (Ryan Vesce et Charles Linglet) ont passé 20 et 19 minutes.

Le trio nord-américain a ainsi terminé dans les quinze meilleurs marqueurs de KHL. Mais selon un schéma connu, les autres joueurs, avec moins de responsabilités, ont peu de soutien. Même s'il ne s'est pas trompé dans le choix de ses étrangers, le Torpedo n'a pas su trouver le bon équilibre. Le gardien autrichien Bernd Brückler a longtemps tenu le fort, mais il a fini par s'épuiser faute de défenseurs défensifs pour le protéger.

La physionomie de l'équipe était donc différente, plus concentrée sur quelques joueurs-clés, mais le résultat a été le même : une neuvième place de la conférence ouest, encore plus frustrante car encore plus près du but, avec un seul point de retard.

 

Traktor Chelyabinsk (18e) : éclatant Kuznetsov

Pour son retour à la maison, le vieil entraîneur Valeri Belousov n'a guère été gâté. Il a dû composer avec la blessure de Dmitri Afanasenkov, l'ancien vainqueur de la Coupe Stanley opéré du ménisque et absent six semaines, puis celle de Dmitri Yachmenev, qui a cédé le capitanat à l'autre vétéran Andrei Nikolishin qui venait de reprendre du service.

Il n'a pas plus de réussite avec les étrangers. Le sniper Hannes Hyvönen n'a marqué que deux buts et l'international tchèque Petr Vampola a été peu impliqué. On les a laissé partir tous les deux. Le poste le plus problématique est celui de gardien. Après l'échec de Sébastien Caron, c'est Travis Scott, champion de Russie et d'Europe 2007 avec Magnitogorsk, qui est revenu dans l'Oural. Le Canadien a fini avec un médiocre pourcentage d'arrêts 86,5% et c'est finalement l'ancien vice-champion du monde Maksim Sokolov qui a pris le rôle de titulaire en fin de saison.

Les joies du Traktor cette saison se sont donc essentiellement concentrées autour d'un seul joueur, Evgeni Kuznetsov. Le gamin est une star depuis longtemps à Chelyabinsk, il suffisait qu'il apparaisse dans un bar à sushi pour que toute la salle se lève et l'applaudisse. Mais depuis le Mondial junior de Buffalo, il a commencé à accéder au statut de "superstar" que lui prédisait son précédent entraîneur Andrei Nazarov. En KHL, il a tourné à plus d'un point par match, assurant également le spectacle avec 2 penaltys d'une main "à la Forsberg" (on dit "à la Zhamnov" en Russie, même si ni l'un ni l'autre n'ont inventé le geste qui venait de Kent Nilsson), un geste qu'il faisait chez les jeunes mais n'avait pas encore osé en senior. Avec 17 buts à 18 ans, il a autant marqué en championnat que Pavel Bure, seulement devancé dans l'histoire russe par Samsonov et le regretté Cherepanov. Malheureusement, lors de la préparation au championnat du monde, il s'est démis l'épaule qui devait déjà être opérée à l'issue de la saison. Sa révélation au Mondial senior attendra.

 

CSKA Moscou (19e) : les militaires au goulag

2270 spectateurs de moyenne (38% de diminution), la plus faible affluence de la KHL. Comment le club le plus titré du hockey soviétique a-t-il pu en arriver à une telle désaffection ?

Premier élément de réponse, le manque de moyens. Le CSKA n'a qu'un sponsor majeur, Norilsk Nickel. Pour contrecarrer les rumeurs de faillite du club et montrer son implication, le combinat minier a invité les cadres du club (Grigori Misharin, Ilya Zubov et Denis Parshin) et les juniors à Norilsk, la ville la plus au nord de Sibérie, construite dans les années trente par les prisonniers du goulag. Le voyage a eu lieu fin décembre, pendant la nuit arctique, et les joueurs ont disputé un match amical contre les employés de l'usine.

Norilsk Nickel a promis d'augmenter le budget de 750 000 euros pour la prochaine saison. C'est moins que l'économie réalisée - plus d'un million selon le président Fetisov - en transférant tous ses meilleurs joueurs pour les derniers mois de championnat. Faut-il que le CSKA soit tombé bien bas pour vendre (ou prêter) les meubles... Il a fini la saison avec les joueurs étrangers, le capitaine Parshin et les jeunes. Le leader défensif Yakov Rylov a eu la surprise d'être échangé à Nijnekamsk quelques jours avant la date d'accouchement prévu de sa femme !

Ce grand déstockage décidé par le président Vyacheslav Fetisov a été un des indices de la perte d'influence de Sergei Nemchinov. Sa double casquette d'entraîneur et de manager rendait bien des observateurs dubitatifs. Fin janvier, il a été officiellement déclaré qu'il ne cumulerait plus les deux fonctions à l'avenir. L'an prochain, l'ancien club de l'Armée Rouge sera donc commandé par un entraîneur étranger ! (Julius Supler, le Slovaque)

 

Avtomobilist Ekaterinburg (20e) : doléances au ministre

En se présentant aux joueurs avant la saison, le ministre des sports de la région de Sverdlovsk, Leonid Rapoport, leur avait donné son numéro de téléphone portable et son e-mail en leur précisant qu'ils pourraient toujours le contacter en cas de besoin. Il a été pris au mot. Le 24 janvier, neuf joueurs sont allés le voir pour se plaindre des arriérés de salaire qu'ils subissaient. Le ministre s'est alors fâché publiquement en accusant les dirigeants du club de manquer à leurs devoirs. Il a même convoqué une assemblée générale trois jours plus tard... qui n'a abouti à rien faute de quorum.

Déjà éliminé à ce stade, l'Avtomobilist a trouvé un moyen plus banal pour économiser des salaires en laissant partir plusieurs joueurs (Bushuyev, Ryazantsev, Subbotin, Lisutin) vers des clubs mieux lotis. À trois lignes, il a pourtant battu le leader de la conférence ouest Yaroslavl ! Le retard sur les play-offs était cependant irrémédiable depuis longtemps.

Cette triste saison s'est néanmoins achevée sous les fleurs et les cadeaux. Il fallait bien cela pour les adieux de l'ex-international Aleksandr Gulyatsev, dont Evgeni Mukhin (l'entraîneur embauché en octobre à la place de Popikhin) avait fait son adjoint et son relais sur la glace. Depuis plus de trois ans, Gulyatsev était devenu le chouchou du public ouralien grâce à ses mains d'or, exceptionnelles même selon les critères du hockey russe.

 

Vityaz Chekhov (21e) : la discipline vue par les adeptes de bagarres

Pendant quelques semaines, on a pu croire qu'Andrei Nazarov réussirait à transformer le Vityaz, en canalisant cette bande de goons qui ne pensait qu'à se battre pour qu'elle mette son jeu physique au service des résultats. Mais encore une fois, ils n'ont pas pu s'en empêcher. En visite à Omsk, l'adversaire contre qui le match n'avait pu se finir un an plus tôt, le Vityaz a entretenu la rivalité en déclenchant une rixe après six secondes. Nazarov, qui a aligné cinq attaquants dont trois bagarreurs au coup d'envoi, avait clairement tout prémédité.

Le Vityaz aurait aussi pu changer de visage grâce à Artemi Panarin, héros de la finale du Mondial junior. Mais à son retour, il s'est fait sanctionner. Il avait eu l'autorisation de son club pour participer à la fête organisée chez le premier ministre, mais devait ensuite retourner à l'entraînement. Or, l'équipe médaillée d'or est ensuite partie enregistrer une émission pour la première chaîne, et comme la télévision n'était pas incluse dans la dérogation de son employeur, Panarin a été suspendu le lendemain. On ne rigole pas avec la discipline au Vityaz ! Enfin, sur ce point-là du moins...

Malgré son instabilité, le sulfureux Nazarov a des soutiens, parfois haut placés, qui voudraient le voir à la tête de l'équipe de Russie ! Il était en charge de la sélection "B" en début de saison, avant d'en être écarté lorsqu'il s'est engagé avec le Vityaz. Mais au moment où celui-ci n'était plus en lice pour les play-offs, on l'a renommé entraîneur national, puis on l'a laissé encadrer la Sbornaïa en attendant que Bykov et Zakharkin finissent leur saison en club. Au moment où les sélectionneurs sont revenus, Nazarov s'est cependant vu proposer un simple rôle d'observateur des équipes adverses, et il a préféré provoquer un clash et claquer la porte plutôt que de ne pas accéder au banc.

 

Amur Khabarovsk (22e) : attaque gelée

L'instabilité des entraîneurs confine parfois à la maladie dans les confins de la Russie. Viré après cinq journées, Aleksandr Blinov a été rappelé fin décembre lorsque son successeur Sergei Svetlov a été démis de ses fonctions à son tour.

Les joueurs non plus ne gardent pas d'attaches sur les rives du fleuve Amour, mais c'est de leur fait. Ville ouverte sur l'Asie et pittoresque, à 300 km de la Mer du Japon, Khabarovsk est une cité bien plus agréable à vivre que les centres industriels russes, si l'on supporte le climat. Mais pour un hockeyeur, ce n'est pas le paradis : pendant la saison sportive, on ne profite guère des parcs, ensevelis sous la neige par -20°C, et on passe surtout son temps dans l'avion pour rejoindre les autres régions de Russie.

Imaginez donc quand vous devez traverser le pays comme Sergei Peretyagin, échangé sans qu'on lui demande son avis (la KHL ayant copié les systèmes de la NHL) de Saint-Pétersbourg, la capitale des tsars, jusqu'à Khabarovsk. Le défenseur de 27 ans, international lors de l'Euro Hockey Tour 2008, s'y est pourtant bien fait et a été le seul joueur à terminer avec une fiche positive (+3).

Le problème vient plutôt de l'attaque. Seuls deux joueurs ont marqué douze buts : Radik Zakiev, meilleur marqueur inattendu car passé de 6 à 25 points en un an, et l'international letton Martins Cipulis, pourtant souvent considéré comme un attaquant défensif dans sa carrière.

 

Metallurg Novokuznetsk (23e) : au fond de la mine

La démission de l'entraîneur Dmitri Parkhomenko un rare soir de victoire a laissé une situation confuse au "nouveau pays des forgerons". Plus personne ne voulait "descendre à la mine" chez le représentant de cette terre charbonnière, dernier du championnat. Sergei Gomolyako, dont la désignation paraissait acquise, a refusé les conditions proposées. L'intérim de l'adjoint Berdnikov s'est prolongé.

Leonid Weisfeld, ex-arbitre connu comme commentateur télé, a alors été engagé comme directeur sportif, et il a choisi de nommer comme coach Anatoli Emelin. Il pensait que cet ancien disciple de Piotr Vorobiev à Togliatti pourrait mettre en place le système défensif qui a fait la renommée du Lada, seul moyen selon lui d'obtenir des résultats avec un effectif aux compétences limitées. Le béton au secours du charbon ? Les galeries se sont colmatées et cela n'a pas empêché le Metallurg de finir avec la moins bonne défense, en plus de la moins bonne attaque.

Avec sa patinoire d'un autre âge et ses douches malodorantes, Novokuznetsk est une des destinations les moins attractives de la KHL, et il n'a pour lui que ses qualités de club formateur. Il a fourni à la Russie deux champions du monde juniors... mais ils sont tous deux partis. L'attaquant Maksim Kitsyn est resté en Amérique du nord, dans le club junior de Missisauga, après la compétition. Le défenseur Dmitri Orlov, lui, n'a pas voulu des vacances prématurées et est parti après la fin de la saison régulière (février) pour l'AHL, mais surtout il a racheté sa dernière année de contrat et restera en Amérique du nord pour le camp NHL en début saison prochaine. On voit donc mal comment les mineurs pourraient sortir de leur trou...

 

Marc Branchu

 

 

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