Strasbourg, la sagesse alsacienne

 

S'il ne devait rester qu'une chose (positive !) de la dernière saison de l'Étoile Noire, c'est bien que les Strasbourgeois ont enfin vaincu le signe indien qui les voyait constamment défaits au Coliséum d'Amiens. Pensez donc : pas une victoire en terre picarde depuis l'accession en Ligue Magnus des Alsaciens, en 2006 ! Et puis la saison dernière, ce fut une petite révolution avec une victoire en saison régulière, puis deux victoires en play-offs, dont la cinquième en prolongation. Il faut dire que la fin de saison alsacienne fut nettement plus en rapport avec la valeur réelle de l'effectif que tout le début de cette même saison : une reprise gênée par des problèmes de patinoire, les sempiternels maux de pays (et donc défections) / compétitivité de certaines recrues, les blessés à répétition (avec un point culminant de cinq cadres à l'infirmerie en novembre)...

Bref, il fallait avoir le moral pour ne pas douter des qualités de son effectif, par exemple quand le présumé prétendant à la descente (Caen) vient gagner à l'Iceberg la première journée du championnat, ou quand l'Étoile Noire se prend des valises de près de dix buts (comme à Chamonix, ou à la maison contre Briançon), au point que les play-downs auraient pu se résumer à un duo alsacien (tant le rival haut-rhinois n'était guère mieux dans ses résultats). Mais Daniel Bourdages a toujours clamé qu'il croyait en ses boys... et il a eu raison : ceux-ci ont entamé une bonne fin de championnat régulier, juste quand il le fallait pour distancer les voisins concurrents spinaliens et mulhousiens. Le danger le plus important (les play-downs) était écarté, on pouvait maintenant faire de son mieux pour les play-offs. Et quel mieux, face à des Amiénois logiquement favoris, mais finalement pas les plus déterminés, la revanche de la saison précédente était dès lors acquise. Le tour suivant contre les Briançonnais commençait bien, par une victoire à Froger, mais les Haut-Alpins mirent alors en route la surmultipliée et Strasbourg, quoique méritant, dut se résigner face à plus fort. Qu'importe, l'essentiel était d'avoir bien figuré.

Dès lors commençaient les turpitudes de chaque intersaison : Qui reste ? Qui part ? Qui arrive ? Avec quel budget ?

L'Étoile Noire avait eu l'aval de sa fédération pour disputer le récent exercice, mais cet aval était conditionné à un contrat d'objectifs financiers et un recrutement contrôlé. Entre-temps, le trou financier ne s'est pas agrandi mais n'a pas non plus été entièrement rebouché, comme initialement prévu. Même si Strasbourg a toujours été reconnu comme un club sage au niveau de ses dépenses, il a fallu que son président Jean-Paul Hohnadel complète son dossier, en juillet dernier, en assurant que le déficit actuel (environ 20 000 euros) sera rebouché en deux ans, soit 10 000 euros par an, soit grosso modo une grosse aide pour le recrutement d'un joueur, et ce pendant deux saisons... tout en s'assurant qu'un autre trou ne se creuse pas en même temps. M. Hohnadel expliquait dans un article de presse que cette réputation de bon élève au niveau des dépenses n'était pas pour autant synonyme de "regain de confiance financier" de certains mécènes, et notamment publics. Comme d'un autre côté, les recherches de sponsoring privé commencent à plafonner, la marge de manœuvre financière dont le club dispose n'est pas des plus larges, mais il faudra faire avec.

La saison dernière n'ayant pas été de tout repos, certains auraient pu penser qu'un gros ménage dans l'effectif s'imposait. Cependant, comme expliqué plus haut, l'argent est quand même le carburant essentiel d'un club professionnel, et les perles rares (capables de booster significativement les stats offensives par exemple) sont d'autant plus difficiles à dénicher. Le club a donc, une nouvelle fois, préféré construire autour de l'ossature "habituelle".

Statu quo derrière

Derrière, on garde toujours la paire Vladimir Hiadlovsky - Gilles Beck. Certains avouent pour le portier slovaque l'adage "qu'il est dur d'être après avoir été (bon)" (mais bon, ces "certains" se comptent après tout plus souvent chez les adversaires que chez les Alsaciens !). Vlad' a sans doute été plus inconstant cette dernière saison, certes, mais les prestations de ses collègues remparts ne l'ont pas vraiment aidé.

En effet, le dernier millésime ne fut pas, de loin, le plus relevé pour la défense bas-rhinoise. Seulement onzième défense sur quatorze en fin de saison régulière, l'Étoile Noire avait souvent brillé davantage à ce niveau les saisons précédentes. Rapidement amputée d'un renfort suédois jugé pas assez compétitif (Jesper Olsson), et malgré son remplacement par le volontaire (et rugueux) Frantisek Bombic, l'arrière-garde a sombré moult et moult fois dans de spectaculaires naufrages. Il faut dire que la sortie prématurée de la tour de contrôle Kenny Kallström, suite à une sérieuse blessure, n'a rien arrangé. En se recentrant durant février sur des schémas plus basiques et sur plus de concentration, Dan Bourdages a cependant réussi à étancher les fuites.

Pour cette saison, on garde donc les Cruchandeau, Cesnek, Striz et Suchanek. L'arrivée du Canadien Yan Turcotte apportera du muscle, pour freiner les escapades adverses en zone bas-rhinoise. Catalogué "goon" sur le réseau youtubesque, le Nord-Américain semble toutefois exceller en infériorité numérique. Il est aussi décrit comme un meneur d'hommes. L'une des interrogations sera quand même de savoir si ce beau bébé saura être dur et en même temps discipliné, car sa seule expérience européenne tient en une demi-saison dans un championnat rugueux (les Pays-Bas).

Cinq défenseurs... et ce sera tout ! Contrat d'objectifs oblige, le club s'est vu contraint de stopper prématurément son recrutement, quand Daniel Bourdages souhaitait encore un sixième défenseur, notamment pour officier en tant que relanceur, où comme lance-missile de la bleue, lors des supériorités. Il n'en sera rien, l'Étoile Noire ne souhaitant pas compromettre son avenir financier.

L'espoir local Pierre Bougé ayant souhaité prendre un peu de recul pour privilégier ses études, ce sera donc une défense "défensive" et minimale qui inaugurera cette saison, avec peut être un peu d'aide de la réserve de D2... tout en sachant qu'une saison à cinq derrière, feu les Léopards de Caen ont déjà testé cette solution avec succès (saison 1999-2000), mais c'était une autre époque à bien des points de vue (et eux avaient leur lance-missile !).

Devant, on revient vers des schémas éprouvés

Devant, il va y avoir un peu plus de remue-ménage. Les dernières recrues n'ont pas eu les résultats escomptés, du moins "Strasbourg n'a jamais pu compter sur une première grosse ligne qui ramène 90 points", pour reprendre les dires de son entraîneur. Le lutin Fredrik Abrahamsson a pourtant rapidement excellé dans cette tâche, mais il fut tout aussi rapidement victime du mal de son pays (la Scandinavie !)... et ce n'est pas son collègue Rickard Rollin-Karlsson qui pût l'imiter, tout simplement car il n'avait pas été recruté avant tout pour ceci, mais plutôt pour ses qualités polyvalentes, voire défensives. Pourtant, il fut le deuxième pointeur de l'effectif, tout en suppléant numériquement la défense (notamment en fin de saison régulière), en étant aussi le seul strasbourgeois (avec Abrahamsson !) à hériter d'un ratio +/- positif... D'un autre côté, deuxième pointeur de la plus mauvaise attaque du championnat, qu'est-ce que cela peut dire ? 16 points, quand le meilleur pointeur bas-rhinois (Julien Correia) en rapporta 18 en 26 matches... Ce ne fut donc pas souvent le déluge de buts devant les cages adverses, et c'est ce qu'il faudra changer cette saison.

Exit donc les Rollin-Karlsson, Cayer (bien trop peu efficace cette dernière saison) ou Grün (pas assez providentiel), mais aussi les Tarantino ou Devin pourtant bien appréciables dans les tâches ingrates le long de la bande. Les deux anciens Normands ont choisi de tenter un nouveau challenge avec la "bande à Basile". Exit aussi Erwan Agostini, tout aussi appréciable dans ce genre de tâche, mais hélas blessé dès le début de saison.

La filière suédoise ayant eu des résultats pour le moins décevants à tout point de vue, l'encadrement a décidé de reprendre les bonnes vieilles recettes, à savoir le carnet d'adresses du pays des caribous, et est revenu avec deux signatures.

Tout d'abord celle du centre Matt Lyall, 25 ans, décrit comme un bon patineur avec une bonne dextérité et aussi avec des qualités de leadership en dehors de la glace. Avant l'université, il avait fini comme capitaine son cursus junior majeur à Sault-Sainte-Marie, où son état d'esprit déterminé pour continuer le hockey malgré le traitement médicamenteux nécessaire pour contenir la maladie rare dont il souffre (granulomatose de Wegener) suscitait l'admiration de son entraîneur Craig Hartsburg.

Ensuite, celle de Sébastien Trudeau, 21 ans, qui a évolué en LHJMQ avec des références offensives flatteuses, tout autant que les recommandations de ses anciens entraîneurs (telle cette déclaration de Patrick Roy pour les Remparts de Québec : "S'il y avait un joueur dans la ligue que je voudrais reprendre après un échange, ce serait lui). Il a passé sa première saison professionnelles en CHL et ECHL. Outre des qualités de finisseur, cet ailier est aussi réputé pour son travail défensif. Inutile de dire que Daniel Bourdages compte beaucoup sur ce jeune Canadien pour éclairer son premier trio offensif.

Pour compléter ces arrivées, l'encadrement s'est tourné vers une filière de l'Est, en rapportant une très belle carte, celle de Jan Pardavy : deux Jeux Olympiques disputés (1998 et 2002), cinq championnats du monde, et 23 saisons en Élite tchèque, finlandaise, suédoise et surtout slovaque (618 matches plus exactement pour 565 points, essentiellement à son club formateur du Dukla Trencin dont il était le capitaine ces trois dernières années). Si la venue à l'Iceberg, à son époque, de Jan Cibula était une très belle opportunité, celle de Pardavy en est une encore plus belle. Plus que des statistiques et des titres, c'est avant tout une vision du jeu, le sens du placement, des passes millimétrées et beaucoup d'enthousiasme et de professionnalisme que le Slovaque compte apporter au club bas-rhinois. Un sens du professionnalisme qui, soit dit en passant, l'a amené à faire un aller-retour de 2000 kilomètres pour venir visiter la patinoire strasbourgeoise et s'entraîner par deux fois avec ses futurs coéquipiers avant de signer pour l'Étoile Noire. Voilà un sens de la motivation qui devrait atténuer les craintes relatives à son âge (42 ans début septembre).

Pour compléter ces venues prometteuses, Daniel Bourdages a aussi ramené vers lui trois jeunes Français en quête de challenge. Peter Bourgaut, originaire de Tours (où son père fut une "légende" des Mammouths / Diables Noirs de la grande époque), a effectué une grosse partie de son hockey mineur à Rouen, en évoluant notamment avec Édouard Dufournet et Lionel Tarantino... Le monde est décidément petit quand on vient de Rouen ! Il vient de passer quatre saisons à Briançon, où il était reconnu pour son travail défensif. Valentin Michel a effectué de bonnes saisons juniors à Reims, Grenoble et Angers, avant d'évoluer avec l'équipe fanion des Ducs. Le natif de Compiègne souhaite maintenant donner un nouvel élan à sa carrière, pour reprendre la formule habituelle, et peut-être vivre autre chose que la concurrence au sein du "pléthorique" effectif angevin. Le tout jeune Damien Bourguignon évoluait encore il y a peu avec l'équipe réserve de Rouen, mais profite que Strasbourg soit une ville universitaire pour voir d'autres horizons estudiantins et sportifs.

Au final, six attaquants partent, six autres les remplacent pour rejoindre Jan Cibula, Julien Burgert, le capitaine Élie Marcos, Édouard Dufournet (de retour après une grave blessure) et Julien Correia (qu'on espère voir confirmer son excellente dernière saison). Numériquement, les trois étrangers et les trois Français sont donc substitués. Qualitativement, la question peut être posée : les deux Canadiens et le Slovaque annoncent, sur le papier, nettement plus de points que l'année dernière. Pour ce qui concerne les trois arrivées françaises, le challenge est important tant les Devin, Agostini et Tarantino ont énormément apporté dans les tâches ingrates. "Pitch" Devin, par exemple, évoluait au sein de cette fameuse ligne franco-française, bosseuse en saison régulière, et surprenante de régularité et de réalisme en play-offs. Le défi à relever est donc non négligeable pour les petits nouveaux, et aussi pour les jeunes pousses de la réserve qui tenteront leur chance dès le camp d'entraînement de cette fin de mois.

Objectifs - pronostics

Le recrutement global peut être qualifié de prudent et réaliste, eu égard à la marge de manœuvre laissée par la fédération de tutelle.

L'objectif de cette saison sera sûrement avant tout d'éviter la poule de maintien et de bien figurer ensuite en play-offs. D'autres clubs de la Magnus ayant eux aussi préféré jouer une relative prudence quant à leur recrutement, on peut légitimement penser que Strasbourg possède quand même une carte sérieuse pour éviter les ennuis... à condition que l'acclimatation des nouveaux se fasse bien (ce ne fût pas donné à tout le monde, depuis de nombreuses saisons), qu'il n'y ait pas trop de blessés non plus, et enfin que le club puisse fidéliser ses sponsors habituels, voire de nouveaux.

Allez, on va se livrer un pronostic clin d'œil : "Jamais deux sans trois", dit-on. Strasbourg pourrait donc disputer les play-offs contre Amiens, pour la troisième année consécutive. Amiens ayant, de son côté, sérieusement réarmé, votre serviteur les voit bien dans le quatuor majeur de saison régulière. La belle pourrait donc se jouer après le tour des pré-qualifications.

Stéphane Rault

 

 

Effectif :

Gardiens

N° NOM Prénom           Naissance    cm  kg  Club formateur   Club & Ch 2012/13   MJ   Min   Moy    %
31 BECK Gilles          06/01/1983  191  74  Strasbourg       Strasbourg  FRA-1    3   121  4,96  81,5%
50 HIADLOVSKY Vladimir  11/07/1979  176  72       (Slovaque)  Strasbourg  FRA-1   34  2040  3,50  87,1%

Défenseurs

N° NOM Prénom           Naissance    cm  kg  Club formateur   Club & Ch 2012/13   MJ   B   A Pts   Pén
 7 SUCHANEK Jakub       16/11/1984  195 105        (Tchèque)  Strasbourg  FRA-1   35   2   6   8   34'
 8 STRIZ David          08/11/1981  185  90        (Tchèque)  Strasbourg  FRA-1   34   4   5   9   32'
26 CRUCHANDEAU Hugues   09/09/1987  177  80  Strasbourg       Strasbourg  FRA-1   34   1  11  12   24'
55 TURCOTTE Yan         24/03/1984  184  97       (Canadien)  Sorel-Tracy LNAH    54   2  14  16  141'
65 CESNEK Michal        23/05/1979  180  86       (Slovaque)  Strasbourg  FRA-1   33   2   9  11   67'

Attaquants

N° NOM Prénom           Naissance    cm  kg  Club formateur   Club & Ch 2012/13   MJ   B   A Pts   Pén
 9 MARCOS Elie          08/07/1983  176  80  Amiens           Strasbourg  FRA-1   32   4  15  19   16'
10 BOURGAUT Peter       17/05/1987  176  74  Tours            Briançon    FRA-1   33   2   5   7   26'
11 LYALL Matt           08/02/1988  178  82       (Canadien)  U. Guelph    CIS    32   9  19  28   18'
                                                              Stockton    ECHL     3   0   0   0    0'
22 DUFOURNET Édouard    30/01/1987  172  75  Rennes           Strasbourg  FRA-1   12   2   6   8   10'
23 CIBULA Jan           08/11/1974  178  82       (Slovaque)  Strasbourg  FRA-1   35   5  15  20   22'
25 MICHEL Valentin      25/07/1990  174  75  Toulouse         Angers      FRA-1   42   4   2   6   12'
38 PARDAVÝ Ján          08/09/1971  182  95       (Slovaque)  Trencín     SVK-1   53  14  28  42   43'
44 BOURGUIGNON Damien   05/07/1992  176  78  Viry             Rouen U22   FRAjr   23  11   6  17   28'
                                                              Rouen II    FRA-3   16   3   4   7   26'
45 BURGERT Julien       03/04/1991  183  84  Strasbourg       Strasbourg  FRA-1   35   2   2   4    8'
58 TRUDEAU Sébastien    24/07/1991  175  83       (Canadien)  Bloomington  CHL    35  12  14  26   27'
                                                              S.Fr./Utah  ECHL    27   2   6   8   10'
91 CORREIA Julien       14/01/1988  173  78  Rouen            Strasbourg  FRA-1   35  13  14  27   48'

Entraîneur : Daniel Bourdages (CAN, 55 ans).

Départs : Kenny Kallström (D, 5+3, Coventry, GBR), Pierre Bougé (D, 1+1), Rickard Rollin-Karlsson (A, 4+13, Enköping, SUE-3), David Cayer (A, 11+9, Vanoise, FRA-3), Pierre-Antoine Devin (A, 8+8, Briançon), Lionel Tarantino (A, 8+6, Briançon), Carlo Grünn (A, 9+4), Erwan Agostini (A, 1+1).

 

Revoir la présentation 2012/13

 

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