Finlande 2014 : bilan de la saison et perspective

 

Les résultats du championnat finlandais

Le bilan précédent (2013)

 

La Finlande est parfois soupçonnée de regarder avec envie, voire de copier, ce qui se passe chez son voisin. La SM-liiga avait pris son nom en 1975/76, l'année où la Suède avait appelé son championnat Elitserien. Et quand celui-ci a été rebaptisé "SHL" en 2013, la Finlande a changé à son tour le nom de son championnat deux mois plus tard, en le raccourcissant en "Liiga", ce qui signifie "ligue", donc pas grand chose de précis ("SM" signifiant "Suomen mestaruus", donc championnat de Finlande). Le nouveau logo a été accueilli avec une certaine ironie, puisque beaucoup ont vite remarqué qu'on y lisait textuellement "1üga". Et la plupart des médias du pays continuent d'utiliser la dénomination bien plus parlante "SM-liiga", qui n'est d'ailleurs pas officiellement abolie puisque "Liiga" est censé seulement être le nouveau nom commercial.

Malheureusement, la Finlande ne copie pas le plus important en Suède, c'est-à-dire un championnat respecté, fier, avec un système de promotion/relégation efficace et très suivi. Pendant que les voisins se sont farouchement défendus contre les tentatives d'approche de la KHL (d'où l'expansion à 14 équipes pour apaiser les plus frustrés), les Finlandais n'ont rien pu faire pour empêcher les Jokerit de filer dans la ligue russe.

Quant à la division inférieure, la Mestis, elle a irrémédiablement décliné à partir du moment où la SM-liiga s'était fermée à la montée en 2000. Le départ des Jokerit aurait pu être l'occasion de rebâtir une nouvelle pyramide, ce ne sera pas le cas. Au contraire, le remplaçant (Sport Vaasa) a été désigné sur dossier, et les barrages de promotion/relégation ont de nouveau été supprimés. En dehors des 14 membres de l'élite (15 avec les Jokerit), les autres clubs finlandais semblent donc condamnés à une stagnation éternelle, ce qui leur enlève toute perspective de développement. On a déjà remarqué que leurs résultats régressaient chez les jeunes et que le fossé semble se creuser à jamais. Et si jamais ils entrent sur dossier, comme il n'y aura pas de descente, cela ne fera que diluer encore plus une ligue où les clubs sont déjà nombreux par rapport à la taille du pays.

 

Kärpät Oulu (1er) : le retour de la dynastie

La dynastie des Kärpät Oulu (quatre titres en cinq ans entre 2004 et 2008) semblait appartenir au passé. Ils s'étaient échoués depuis quatre ans en milieu de tableau. On savait qu'ils restaient financièrement assez puissants, mais ils n'ont jamais retrouvé la bonne formule. Les joueurs tchèques, recrues originales et décisives à l'époque, sont depuis attirés par la KHL qui a ensuite cédé à la mode finlandaise et pioche allègrement, rendant ainsi impossible l'établissement d'une nouvelle dynastie.

Pourtant, les Kärpät ont su être patients. Ils ont en particulier pu offrir un contrat de trois ans à Lasse Kukkonen, joueur absolument pas spectaculaire mais extrêmement précieux en défense. Il pense toujours à son placement, bloque les tirs et s'engage physiquement. Pour son retour dans sa ville natale, il a bien évidemment été nommé capitaine, comme en 2003 et 2006 avant ses deux départs en NHL. Le triple médaillé olympique apporte évidemment une expérience incomparable, et a été élu meilleur défenseur de la ligue. Mais contrairement à ses deux précédentes années de capitanat, il n'a pas établi la meilleure fiche +/- du championnat. Cet honneur est revenu à son coéquipier Ville Pokka, un junior !

Deux autres joueurs formés au club, tous deux champions du monde en 2011, ont également fait leur grand retour. Mika Pyörälä a lui aussi été convaincu de finir (probablement) sa carrière à la maison en signant pour trois ans. Il a mené la première ligne et fini meilleur marqueur des play-offs. Mais le vrai tour de force a été l'engagement de Juhamatti Aaltonen, car lui est au faîte de sa carrière (28 ans) et est considéré comme un joueur de classe mondiale par son talent évident. Mais comme sa fille réside dans les environs d'Oulu, Aaltonen voulait passer plus de temps avec elle et a choisi de revenir malgré des propositions évidemment plus avantageuses. Il a ainsi servi de finisseur aux passeurs étrangers Ivan Huml et Ben Maxwell. Les hermines disposaient ainsi de deux lignes offensives redoutables, plus un joker comme l'explosif dribbleur Joonas Donskoi en troisième ligne.

On a compris dès le mois d'octobre que la grande équipe d'Oulu était revenue. Elle a enchaîné les victoires, souvent des corrections, et s'est envolée en tête du classement, avec la meilleure attaque et la meilleure défense. Le gardien Jussi Rynnäs, ainsi protégé, a obtenu les meilleures statistiques de la ligue, mais quand il a soigné une petite blessure en fin de saison régulière, sa doublure Tomi Karhunen a affiché une forme si incroyable... qu'elle a gardé la place de titulaire en play-offs ! Au bout du septième match de la finale, les Kärpät ont ainsi été sacrés champions, 1-0 en prolongation sur un tir en angle fermé d'Aaltonen.

 

Tappara Tampere (2e) : encore frustré en finale

Une seule équipe a paru capable de résister aux Kärpät cette année, le Tappara Tampere. Il a remporté les deux dernières confrontations en saison régulière, puis a mené 3 victoires à 1 en finale... avant de céder. Il a tenté de se replier sur son gardien Juha Metsola, mais cela n'aura pas suffi à provoquer son destin et à faire trembler les Kärpät. C'est donc une deuxième finale perdue de suite par Tappara.

En début de saison, Tappara avait joué la carte nord-américaine en s'inspirant de la réussite du petit ailier Chris Connolly, mais l'ancien capitaine-modèle de la Boston University, n'a pas du tout confirmé sa bonne première saison. Il a rétrogradé en quatrième ligne puis en tribune en novembre avant de finir la saison à Iserlohn. Les trois nouveaux attaquants d'outre-Atlantique vus à Tampere ont en commun d'avoir tous été choisis au deuxième tour de la draft NHL, donc avec un potentiel a priori élevé. Pourtant, Philip McRae n'a mis qu'une assist en huit parties, avant d'être cédé à Espoo. Son remplaçant Raymond Sawada a fait un peu mieux, mais quand les play-offs sont arrivés, il a été retiré de l'effectif car on préférait titulariser à sa place le champion du monde junior Henrik Haapala.

Le seul attaquant étranger qui ait réussi (car on peut exclure aussi le décevant Tchèque Tomas Plihal qui a perdu l'aura de son titre au TPS en 2010 et quittera donc la Finlande après cinq ans), c'est donc le seul qui s'était établi longtemps en NHL, le vétéran Josh Green, qui a amené sa présence physique. Il est le seul étranger pour l'instant annoncé en attaque pour la prochaine saison avec... le Français Teddy Da Costa, qui fera ses débuts dans un grand championnat.

Mais la vraie trouvaille s'est située cette fois en défense, encore avec un joueur trop petit pour le milieu professionnel nord-américain : Nick Bailen, arrière de seulement 174 cm, a lui aussi éclaté à sa sortie d'université, décrochant un contrat KHL.

Tappara va cependant conserver ses quatre meilleurs marqueurs, tous finlandais : l'ailier d'expérience Kristian Kuusela, le buteur devenu aussi vice-champion du monde Olli Palola, le passeur Antti Erkinjuntti et la surprise Jan-Mikael Järvinen, qui n'avait jamais été considéré comme un titulaire de SM-liiga jusqu'alors. En revanche, le capitaine Ville Nieminen s'en va. On s'en doutait depuis que le vétéran de NHL a subi les affres d'une relégation en tribune en quart de finale par l'entraîneur - lui-même sur le départ - Jukka Rautakorpi (l'adjoint Jussi Tapola prendra sa suite). C'est la première fois de sa carrière que le rugueux Ville Nieminen sera sous contrat avec un autre club finlandais que Tappara, en l'occurrence Lukko...

 

Lukko Rauma (3e) : la stratégie de récupération des gloires d'autrui

Les deux joueurs-clés qui ont emmené feu le Lev Prague en finale de KHL avaient tous deux été recrutés l'été dernier chez le Lukko Rauma : le "buteur de play-offs" Justin Azevedo et bien sûr le gardien champion du monde Petri Vehanen. Or, ce dernier poste est évidemment crucial, surtout pour un club dont le nom signifie "cadenas". La mission de "fermer la porte" a donc été confiée à Ryan Zapolski, le MVP de la saison dernière en ECHL.

Il pouvait venir en confiance derrière une défense qui a gardé cinq des six titulaires des précédents play-offs et leur avait ajouté deux immenses expériences : l'éternel Petteri Nummelin, qui a fêté ses 41 ans en novembre, et le capitaine de Kärpät Ilkka Mikkola. En recrutant des joueurs aux palmarès longs comme le bras (voire plus long que leur bras dans le cas du petit génie Nummelin), l'objectif était évident : amener des leaders capables de montrer la voie vers le titre.

D'aucuns prédisaient/espéraient un ratage de cette troupe vieillissante, mais ça n'a pas été le cas. Le quadruple champion de Finlande Ville Vahalahti, pour sa part ex-capitaine du TPS, a même fini à la surprise générale meilleur marqueur du championnat. Le Lukko, qui n'avait plus gagné une demi-finale à domicile depuis 26 ans, a fini par briser le signe indien au sixième match, dos au mur face à Tappara... mais il a perdu la septième manche sur la glace de Tampere. Il a ensuite quand même glané la médaille de bronze, méritée car c'était sa juste place sur un podium très net cette saison.

Le club de Rauma n'a donc aucune raison de changer de stratégie, et il ne faut donc pas s'étonner qu'il continue de recruter des capitaines adverses, le dernier en date étant donc celui de son tombeur en play-offs, Ville Nieminen.

 

Saipa Lappeenranta (4e) : enfin le goût des vrais play-offs

On a eu l'impression que tous les clubs de SM-liiga ont connu à un moment ou un autre une grande année. Tous, sauf un, le SaiPa, qui paraissait éternellement condamné au bas de tableau. Il n'avait accédé que deux fois aux pré-playoffs dans ce siècle, et une seule fois aux quarts de finale. Mais cette saison, ses supporters ont eu le droit à leur tour de connaître le vertige des cimes du classement. Il a atteint le deuxième meilleur classement de son histoire en saison régulière (après 1966) en finissant quatrième, un classement confirmé après les play-offs.

La clé du succès vient du grand retour dans sa région natale de Jussi Markkanen, originaire de l'autre ville de la région Imatra, qui gardait les cages du club à la fin du siècle dernier avant de partir notamment vers la NHL. Il a montré qu'il a encore de beaux restes à 38 ans. Mais ce n'est pas la seule raison. Qui aurait pensé que Ville Koho, capitaine depuis 7 ans, qui a fait toute sa carrière au club, serait soudain capable de marquer 37 points et de devenir meilleur marqueur de l'équipe ?

Le SaiPa a aussi eu une totale réussite dans son recrutement étranger en engageant le buteur américain Patrick Davis et les défenseurs Dan Spang et Ryan Glenn. Ils ont totalement relancé leurs carrières, et tout le monde l'a remarqué... surtout les Kärpät. Le champion sans pitié les a en effet débauchés tous les trois !

 

JYP Jyväskylä (5e) : la fin de la défense de fer

Le JYP a remonté un déficit de trois victoires contre le SaiPa en quart de finale, et on aurait pu penser que son métier face au novice aux jambes flageolantes lui permettrait un renversement de situation exceptionnel. Mais il a perdu le septième match, et sa cinquième place finale confirme donc qu'il s'étiole un peu après un or et un bronze. Mais il a remporté dans le même temps le "European trophy", il a obtenu un succès continental d'estime, même si cela n'a pas la valeur officielle de la nouvelle Champions Hockey League à laquelle il participera bien sûr.

La force du JYP, c'est de fidéliser aussi bien joueurs locaux qu'étrangers. Le capitaine canadien Éric Perrin a encore fini meilleur marqueur, et le Tchèque Petr Hubacek a été prolongé de trois années supplémentaires. Tant mieux, car les Finlandais ne sont plus forcément si faciles à garder. Ossi Louhivaara après dix ans au club, a été recruté par Lausanne, et le peu technique Max Wärn a été étrangement embauché par le nouveau club de KHL à Sotchi après une seule bonne saison (il a triplé son pointage). Le JYP fera donc revenir Darryl Boyce, vu en fin de saison en 2013, pour compenser la perte de l'apport physique de Wärn.

Mais la principale raison du petit déclin du JYP est qu'il a contrevenu à sa réputation en n'ayant que la dixième défense de la ligue. Apparemment, le système ne fonctionne plus, et il y a un besoin de renouvellement. Jyrki Välivaara, dont la seule participation à un championnat du monde s'était soldée par une médaille d'or, a d'abord signé un contrat au Lukko, mais le défenseur de 38 ans a finalement mis un terme définitif à sa carrière en raison de problèmes de hanche. La pléiade de défenseurs offensifs s'en va : Kristian Näkyvä tente sa chance en Suède, Brian Salcido - arrivé à mi-saison - retournera au SaiPa, et Yohann Auvitu - après une saison difficile en club avec une blessure à la cheville - se relancera certainement au HIFK. Il a en effet démontré sa valeur intacte avec l'équipe de France.

 

Blues Espoo (6e) : le scandale d'une vente en lousdé

On continue de dérouler le classement de la saison régulière, que les play-offs n'ont fait que confirmer en tout point. Sixièmes et donc privés de l'avantage de la glace en quart de finale, les Blues d'Espoo ont gagné deux fois à Rauma, mais ont gâché tout en reperdant à chaque fois juste après à domicile. Ils se sont donc inclinés en sept manches. Et malheureusement, le capitaine Kim Hirschovits n'a pas montré l'exemple dans ces play-offs (0 point et -7).

La saison avait commencé par un scandale. Le petit ailier de 18 ans Juuso Ikonen avait réussi un excellent début en étant deuxième marqueur interne. Pourtant, fin octobre, il a disparu de l'équipe alignée, officiellement pour "raisons de santé", tout en suggérant un possible conflit avec le coach Jyrki Aho... Mais pendant ce temps, il bruissait que les Blues essayaient de vendre discrètement Ikonen derrière son dos... Une attitude qui a déclenché une réprobation générale et que le manager Peter Ahola n'a pas réussi à calmer en parlant de rumeurs. Sur le site du hockey mineur, son responsable Heikki Kymäläinen a expliqué ne pas pouvoir accepter le rôle de spectateur du départ à 18 ans d'un joueur patiemment formé pendant dix années : "Il est impossible de se dire qu'on puisse essayer de dénigrer la réputation d'un joueur pour justifier plus facilement sa vente aux supporters et partenaires par un critère non financier. Malheureusement, j'ai cette impression. Un sponsor important du club, 4Finance, a publié un communiqué dénonçant le manque de "transparence" d'un management "où l'athlète n'est malheureusement pas toujours au centre". Et enfin, l'agent d'Ikonen, averti de cette "mise sur le marché" par un club concurrent, a fait savoir qu'il était impossible que le joueur reste après un tel affront. Après deux semaines de scandale, il a signé au JYP

Tout le monde a été perdant dans cette affaire. L'image des Blues en a pâti. Quand à Ikonen, même s'il a fait partie de l'équipe de Finlande championne du monde juniior, il n'a jamais retrouvé à Jyväskylä la place en première ligne qu'il avait à Espoo. Ceux qui sont restés se sont mieux développés. Miro Aaltonen avait impressionné en revenant pour les play-offs du championnat junior 2013 moins de quatre mois après une affreuse blessure à la cheville aux Mondiaux 20 ans. Il n'a pas manqué un seul match cette fois, avec une belle régularité et en terminant quatrième marqueur de son équipe.

Et le reste du club n'a pas arrêté de travailler malgré ce mauvais signe envoyé par la structure professionnelle. En plus du titre chez les féminines, Espoo a été champion de Finlande en junior A et C, et vice-champion en junior B ! Il ne faudrait pas gâcher de telles générations...

 

Pelicans Lahti (7e) : trois "ailes" pour se stabiliser

L'ancien entraîneur national de la Finlande de 1997 à 2003, Hannu Aravirta, qui avait déjà passé trois ans à la tête des Pelicans de 2006 à 2009, est revenu pour leur réapprendre à voler. Ils ont marqué des points dans les douze premières journées, avant de subir une série de trois défaites. Les espoirs d'une nouvelle résurgence spectaculaire ont été douchés quand Radek Smolenak, alors meilleur buteur de la ligue avec 14 buts, est parti en KHL à la trêve de novembre.

Le potentiel offensif en a forcément été affecté. Lahti pouvait continuer à s'appuyer sur l'expérience de ses défenseurs. Au mépris des règles de la biologie, en effet, les Pelicans ont trois "L", Jan Latvala (41 ans), Henri Laurila (34 ans) et Juha Leimu (31 ans), qui servent à les stabiliser en vol.

Le gardien Jere Myllyniemi s'est repris après une saison faible où il a été prêté à répétition en deuxième division, et a réservé le meilleur pour les pré-playoffs où il a frustré le HIFK (1-0 et 2-1, à chaque fois en prolongation). Il n'a jamais encaissé plus de trois buts en quart de finale face à Tappara, qui a dû batailler.

Tout en gardant ce corps de vétérans à l'arrière, les Pelicans ont choisi de changer de génération sur le banc : Aravirta, qui a 61 ans et est considéré moins adapté au hockey moderne, est remplacé par un entraîneur jeune, Tomi Lämsä, âgé de seulement 34 ans.

 

HPK Hämeenlinna (8e) : qualifié malgré lui !

Qu'un club cède ses meilleurs joueurs pour faire des économies quand il n'a plus d'espoir de jouer les play-offs, c'est devenu tristement banal dans le hockey moderne. Mais qu'il atteigne quand même les play-offs, c'est évidemment beaucoup plus original. C'est pourtant ce qui est arrivé au HPK, qui a prêté deux attaquants importants, Jere Sallinen et le capitaine Ville Viitaluoma, au club suédois d'Örebro pour qu'il défende sa place en élite. C'était la trêve olympique, et il n'y avait normalement plus rien à espérer avec huit parties restantes... sauf que le HPK les a toutes gagnées ! Et il a enchaîné en éliminant le Jokerit en deux manches de pré-playoffs.

Même l'opération de l'épaule du défenseur Craig Schira à trois journées de la fin n'a pas arrêté cette série victorieuse : le HPK en alors profité pour faire débuter Joni Tuulola (18 ans) en défense... aux côtés de son père Marko Tuulola (43 ans). Cet improbable duo père-fils ne durera pas sur la glace, car Marko, redevenu capitaine, peut enfin prendre sa retraite en se disant que la relève est maintenant assurée... en famille !

Cette impressionnante fin de saison a encore renforcé l'aura déjà grandissante de Juuse Saros. Ce gardien de 18 ans est devenu un jeune héros national pendant les fêtes en propulsant la Finlande à une médaille d'or inespérée aux championnats du monde des moins de 20 ans. Extrêmement calme et en contrôle dans toutes les situations, Saros est la nouvelle incarnation de l'école finlandaise et a déjà fait ses premiers pas en équipe nationale.

Hormis ce phénomène, le HPK alignait en fait une équipe très homogène dont le meilleur marqueur est... croate : Borna Rendulic est du coup devenu le premier Croate à signer un contrat NHL (Colorado), forcément accueilli avec joie dans son pays ébahi par cette perspective inédite. Sans vouloir casser l'ambiance, il s'agit d'un contrat "two-way", et on n'est pas sûr qu'il joue avec assez d'intensité pour intégrer cette ligue malgré son talent technique.

Après avoir donné sa chance à un Croate, le HPK ne se sent forcément dans des terres si aventureuses en allant recruter le meilleur joueur français de la Ligue Magnus, éprouvé en championnat du monde : pour l'instant, Nicolas Ritz - car c'est de lui qu'il s'agit - est pris à l'essai, mais si celui-ci est concluant, son contrat sera automatiquement valable pour deux saisons.

 

Jokerit Helsinki (9e) : du scandale au choc

Les Jokerit ont vite profité des circonstances pour résoudre leur problème de gardien : Eero Kilpeläinen, jugé responsable de l'élimination d'entrée du leader de la saison régulière lors des derniers play-offs, s'est en effet blessé pour cinq à six semaines pendant la pré-saison. Ils ont donc mis à l'essai Leland Irving, et comme cet ancien premier tour de draft de Calgary a convaincu, on l'a gardé toute la saison et on a refilé Kilpeläinen en Suisse.

Pour autant, la saison est tout de suite partie sur des bases beaucoup plus moyennes, et surtout le club semblait en crise morale. La confiance entre équipe, dirigeants et spectateurs, que Jarmo Kekäläinen avait mis trois ans à rétablir progressivement (avant de partir à Columbus comme premier manager européen d'une formation de NHL), le président Harry Harkimo l'a ruinée en un été. Sa décision d'intégrer la KHL à partir de 2014 a évidemment été le point de rupture. Certains "capos" du virage sont partis, les autres sont restés mais en manifestant leur mécontentement, y compris avec des banderoles d'insultes. Et comme Harkimo a répliqué qu'il ne voulait plus jamais voir dans la Hartwall Arena, la relation s'est dégradée et l'ambiance dans les travées n'a jamais été aussi morose.

Harkimo, quant à lui, préparait déjà la saison prochaine, en KHL. Dès novembre, il a annonçait que le futur entraîneur serait Erkka Westerlund, sélectionneur en place de l'équipe de Finlande, et que le nouveau manager serait Jari Kurri, qui occupait déjà cette fonction avec l'équipe nationale. C'est le second point qui a le plus surpris : Kurri n'a aucune expérience de ce "vrai travail" en club, car la fonction fédérale est plus honorifique et n'a rien à voir. Mais pour rallier le plus grand nombre à sa cause, Harkimo voulait surtout une figure publique et populaire. La plus grande légende du hockey finlandais était donc le choix évident.

Les entraîneurs savaient donc qu'ils ne resteraient pas au-delà de la saison. Tomi Lämsä a même été viré dès la mi-décembre pour être remplacé par son adjoint Tomek Valtonen. Celui-ci a livré un constat désabusé à YLE après l'élimination rapide : "Quand vous êtes est juste là pour récolter un salaire, voilà le résultat [...] C'est l'équipe la plus fracturée dans laquelle j'ai été impliqué". Les Jokerit auront donc été la seule équipe à perdre contre un adversaire moins bien classé lors des (pré-)playoffs.

Le seul point positif est le développement du grand espoir Teuvo Teräväinen, meneur de jeu de la Finlande championne du monde junior. Dans une équipe faible au poste de centre, il a fini en première ligne aux côtés du joker slovaque Ladislav Nagy (arrivé en novembre) qui aura pu lui raconter son expérience NHL. L'élimination précoce aura permis à Chicago d'appeler Teräväinen pour qu'il hume ses premières bouffées de Ligue Nationale, trois rencontres avec les Blackhawks avant d'être envoyé en AHL pour un temps d'adaptation. Son avenir est en Amérique du nord, et celui des Jokerit est en Russie. Mais plus avec la même équipe, car le chéquier est de sortie pour renouveler une fois de plus l'effectif.

 

HIFK Helsinki (10e) : fin des derbys et grand projet retardé

La saison s'est finie tristement à Helsinki, car les deux clubs rivaux ont tous deux éliminés en pré-playoffs dans des patinoires qui n'avaient même pas fait le plein. Si le public s'est détourné du HIFK, c'est parce qu'il ne se reconnaissait plus dans cette équipe et notamment dans les recrues qui manquaient de combativité. Ou qui avaient une mauvaise conception de ce mot. L'arrivée très médiatique de Trevor Gillies, un pur "goon" (43 points et plus de 2800 minutes de pénalité en NHL/AHL/ECHL), a été ridicule puisqu'on lui a dit au revoir écarté après à peine trois matches de championnat.

Le joueur qui a le mieux incarné l'esprit HIFK, c'est Iiro Pakarinen, qui a marqué 20 buts tout en étant capable de titiller les nerfs des adversaires. Il a intégré l'équipe de Finlande, mais a signé un contrat de deux ans avec les Edmonton Oilers. L'autre bonne surprise est venue des cages. Initialement, le meilleur gardien des play-offs AHL Brad Thiessen et l'expérimenté Antti Ore en concurrence pour une place de titulaire. Et le vainqueur a été... le gardien junior, Ville Husso, pur produit du club sans la moindre expérience préalable en senior !

Malheureusement, malgré une rémission en novembre et une brève remontée à la quatrième place, le reste de l'équipe n'a pas fonctionné. L'entraîneur Raimo Summanen a perdu beaucoup de son crédit et a été viré fin février pour être remplacé par le vieux Harry Rindell, sans sauver cette saison mal engagée.

Le HIFK va donc perdre la fièvre ses derbys et dire adieu à sa figure de proue Ville Peltonen, encore meilleur marqueur à 40 ans. Le capitaine part finalement à la retraite. Des saisons difficiles l'attendent, le temps que son projet privé à 400 millions d'euros (avec grande patinoire mais aussi centre commercial, hôtel, etc) aboutisse. Pour l'instant, il faut encore l'accord politique sur l'emplacement et on parle d'un permis de construire en 2016, avant deux ans et demi de construction...

 

Ilves Tampere (11e) : ce qui ne tue pas rend plus fort

L'amélioration constatée en fin de saison dernière après la prise de fonction de l'entraîneur Tuomas Tuokkola, a été confirmée. Après deux saisons à la dernière place, on a même cru qu'Ilves serait capable de réintégrer les play-offs. Mais le Lynx a terminé la saison régulière par quatre défaites et a donc été victime du retour fantastique du HPK.

L'ancienne pire défense de la ligue a été grandement améliorée. Le Canadien Simon Gysbers a été recruté pour l'aspect offensif, mais le plus solide derrière a été Tommi Kivistö, prêté par Carolina qui détient ses droits, qui a intégré l'équipe nationale et est donc devenu vice-champion du monde.

La nouvelle star de l'équipe Michael Keränen a en revanche refusé cette opportunité. Connu comme talentueux et technique avec le palet, ce bon dribbleur a beaucoup progressé en quatre années et a complètement éclaté cette saison alors qu'il jouait jusqu'ici en troisième ligne. Excellent gratteur sortant souvent vainqueur de ses duels, il a été élu joueur de l'année, et s'est vexé qu'on ne lui confie qu'un rôle de suppléant en sélection (le réserviste pris à sa place, Olli Palola, a finalement joué et brillé...). A-t-il pris la grosse tête après une seule grande saison ? Est-il un feu de paille ? La réponse aura lieu au Minnesota Wild, son futur employeur.

 

Ässät Pori (12e) : que le titre paraît loin

Le tenant du titre a eu énormément de mal à se remettre en selle, pas aidé par des blessures et pas mal de malchance en match. Tous les joueurs-clés du titre sont partis, et le seul qui soit resté, le pur produit du club Mika Niemi, a connu une saison plus difficile (-22).

Les Ässät ont pourtant trouvé deux bonnes recrues pour les porter offensivement : ils ont convaincu l'ex-joueur de NHL Niklas Hagman dont la femme est originaire de Pori, et ont eu l'audace de faire revenir le Suédois Dragan Umicevic, dont le premier passage au club avait été controversé par son manque d'implication défensive. L'excellente vision du jeu d'Umicevic - sa qualité indéniable - a fait merveille, et il a servi des passes en or, principalement à Hagman.

Mais quand le duo magique a un peu calé, les Ässät ont fini l'année 2013 avec 15 défaites en 16 rencontres. Ils ont bien commencé 2014 quand Hagman et Umicevic se sont retrouvés à nouveau, mais comme les play-offs étaient hors de portée, les deux hommes ont été cédés en Suisse. Le champion a donc fini la saison en faisant jouer ses travailleurs de l'ombre et ses jeunes, qui sont encore ceux qui ont le moins déçu. Le gardien débutant Rasmus Rinne a aussi étonné en supplantant peu à peu le vétéran Juuso Riksman (37 ans), trois fois meilleur gardien du pays.

 

TPS Turku (13e) : le pilote de ligne n'arrivait pas à redresser l'appareil

Le TPS n'arrive toujours pas à renouer avec sa gloire passée et paye certainement sa décision prise au début du siècle quand, face à une situation économique plus difficile, il a coupé les vivres au hockey mineur, qui ne lui a plus produit de grands joueurs pendant des années (sauf les gardiens). Il a connu une seule grande saison depuis lors, le titre 2010, avec l'entraîneur Kai Suikkanen, mais celui-ci avait alors été happé par la KHL. Heikki Leime avait été recruté en catastrophe pour s'occuper de l'équipe, tenu trois mois avant de se faire virer.

Pour essayer de renouer avec le succès, l'ultime tentative du TPS a été de réembaucher Suikkanen avec un contrat de deux ans plus un en option. Il a même négocié avec un des héros de 2010, le petit défenseur américain Lee Sweatt, pour le faire reprendre sa carrière sportive, mais celui-ci poursuit ses affaires et n'a pas accepté.

Le retour de Suikkanen est l'ultime preuve que l'identité de l'entraîneur ne fera pas de miracles à la situation du TPS. Le club est resté collé en bas de tableau, et il a donc décrété en décembre que tous ses joueurs étrangers étaient à vendre. Francis Paré, dont le manque d'implication défensive était parfois mis en cause; a été envoyé en KHL alors qu'il n'avait rien demandé. Le TPS a même réussi l'exploit de vendre deux fois au cours de la saison le meilleur marqueur du championnat au moment du transfert, le second étant Dan Sexton.

On a quand même un peu l'impression que le TPS navigue à vue. C'est un peu paradoxal pour un club dont le président Tomi Aalto est un pilote de ligne. Il a remis sa démission en mars. Son remplaçant Niklas Österlund a annoncé que le club s'était redressé économiquement et qu'il était temps de s'occuper de l'aspect sportif. La préparation de la saison 2014/15 s'est donc engagée.

Le gardien quarantenaire Fredrik Norrena, revenu au jeu en juillet après avoir annoncé sa retraite en mai, raccroche cette fois-ci pour de bon les patins pour devenir l'entraîneur des gardiens du club, comme c'était initialement prévu. Il s'occupera en particulier de Teemu Lassila, un des nombreux gardiens passé par son école, qui revient au pays après trois années en KHL et en Suède. Le TPS a aussi a fait revenir l'idole Petteri Nummelin, il a renforcé la défense avec l'offensif Simon Gysbers et le solide international tchèque Jakub Nakladal, et il a ramené en Finlande des attaquants qui y avaient réussi chez les Pelicans (Ryan Lasch et Radek Smolenak). Tout cela paraît bien beau... sur le papier. Reverra-t-on aussi enfin une grande équipe sur la glace ?

 

KalPa Kuopio (14e) : Sami Kapanen passe la main symboliquement à son fils

Le KalPa n'a pas survécu au départ en KHL de son joueur dominant Sakari Salminen. Après six saisons consécutives en play-offs, il a fini bon dernier en ne gagnant qu'un quart de ses rencontres.

Le meilleur marqueur de l'équipe, Artturi Lehkonen, venu du TPS en 2013 après avoir demandé en vain une augmentation de salaire, a vu son compteur bloqué à seulement 20 points. Aux championnats du monde juniors, où il a excellé en infériorité numérique et dans son courage pour bloquer les lancers, Lehkonen a en effet obtenu non seulement une médaille d'or, mais aussi une blessure à la cheville qui a mis un terme à sa saison.

Le propriétaire majoritaire du club Sami Kapanen a mis un terme définitif à sa grande carrière de joueur (champion du monde 1995, trois fois vice-champion du monde, deux médailles olympiques). Et à son dernier match, comme un symbole, celui qui a toujours porté le numéro 24 a vu un but marqué à 24'24" par... son fils Kasperi Kapanen. Oscillant entre la deuxième et la troisième ligne, ce grand espoir de 18 ans n'a sans doute pas eu la saison qu'il espérait, d'autant qu'une blessure à l'épaule en décembre lui a fait manquer les Mondiaux des moins de 20 ans. Il n'a été choisi qu'en 22e position de la draft, par Pittsburgh (le grand rival de Philadelphie où son père a fini sa carrière NHL). Sa petite taille a peut-être été plus pénalisante que prévu. Cet excellent patineur devra prouver qu'elle ne le handicape pas sur la glace.

 

La Liiga a donc choisi le Sport Vaasa comme son futur quatorzième membre qui remplacera les Jokerit. Trois fois champion sur les cinq saisons précédentes de Mestis, c'est lui qui avait les plus grands mérites sportifs antérieurs. C'est le seul club qui avait vraiment poussé une équipe de SM-liiga dans ses derniers retranchements, quand il avait poussé les Ässät à un septième match - télévisé - de barrage de promotion/relégation. Mais sur la saison écoulée, il n'a vraiment pas prouvé qu'il méritait cette montée, puisqu'il s'est fait éliminer en quart de finale, après la décision d'admission.

Représentant d'une ville parfaitement bilingue, le club de Vaasa est assez attendu par la communauté suédophone dans le pays. Il dispose d'une belle patinoire de plus de quatre mille places, et de moyens conséquents, mais il est clair que l'équipe devra être plus performante que celle éliminée deux années de suite en quart de finale. L'entraîneur Tomek Valtonen devra former un vestiaire plus soudé que ce qu'il vient de vivre aux Jokerit avec une formation largement reconstruite. Le Sport a recruté le gardien de 30 ans Hannu Toivonen, ancienne doublure des Boston Bruins dont la carrière nord-américaine a dérivé de NHL en ECHL après diverses blessures, et deux centres avec une bonne expérience en élite (Antti Kangasniemi et Jarkko Immonen, un homonyme de l'international). Mais il est clair que le promu aura besoin d'une forte contribution de ses joueurs étrangers, et notamment de ses deux Français Damien Fleury et Charles Bertrand, ce dernier devant relancer sa carrière grâce à un temps de jeu conséquent pour regagner sa place récemment perdue en équipe de France.

 

Marc Branchu

 

 

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