Suisse 2017/18 : présentation

 

On n'est plus censé parler de LNA et de LNB, mais de "National League" et de "Swiss League" (pendant que la nouvelle troisième division avec les meilleurs clubs amateurs s'appellera "Regio League"). Les noms anglais sont jugés plus attractifs : on sacrifie ainsi, sur l'autel d'une consonance supposée plus séduisante à des oreilles uniformisées et à des cerveaux formatés, ces critères secondaires que sont le sens et la pertinence. On ne voit pas en quoi une ligue serait plus nationale et l'autre plus suisse, dans une nation qui est censée être la Suisse... Les inventeurs de ces noms ridicules pensent-ils sérieusement que des Nord-Américains anglophones vont comprendre qu'on parle de la Suisse en évoquant la "National League" et vont spontanément employer ce qualificatif qui fait penser à la NHL (laquelle a toujours été mal nommée puisque bi-nationale et non nationale...) ? Bien évidemment, ils parleront, pour qualifier le plus haut niveau suisse, de "Swiss League" (oups, déjà pris...) ou au mieux de "Swiss National League"... Encore un bon exemple de termes anglais idiots employés à l'usage exclusif... des non-anglophones.

À l'ère du marketing (sic), il y aura en tout cas plus de temps pour la consommation. L'autre décision de la ligue suisse est que les pauses entre les tiers dureront 18 minutes et non plus 15.

 

Cela fera bientôt vingt ans que Berne a été sauvé de la ruine grâce au rachat de ses actions par les kiosques Valora. Aujourd'hui, le SCB est financièrement solide grâce aux meilleures affluences d'Europe mais aussi aux restaurants situés à l'intérieur et à l'extérieur de l'Arena qui appartiennent au club et offrent une source annexe de revenus.

Berne a réalisé l'exploit de signer le premier doublé en championnat depuis 16 ans. L'objectif est maintenant le triplé, jamais réalisé dans l'histoire de Berne. Il n'y en a eu aucun depuis la dynastie de Kloten (1993-1996). Il a perdu l'expérience des retraités David Jobin et Marc Reichert, et surtout du capitaine Martin Plüss, avec qui on n'a pas trouvé d'accord pour une prolongation de contrat et qui a dû se résoudre à mettre un terme à son exceptionnelle carrière. La difficile succession de Plüss est bien assurée par Gaëtan Haas, car le Biennois a découvert les exigences pour se hisser au niveau international et est maintenant assez mûr pour s'imposer dans un "grand club". Quant au "C", il revient au vice-champion du monde 2013 Simon Moser.

Le compartiment défensif est quasiment inchangé devant le gardien Leonardo Genoni, qui s'est vite adapté en quittant Davos pour la capitale et a pris un rôle prépondérant dans le titre. Le poste de huitième défenseur libéré par l'arrêt de Jobin a simplement été pris par un joueur local de 20 ans, Yanik Burren.

Les Ours alignent 5 étrangers qui jouent tous en CHL, où ils peuvent nourrir de nouvelles ambitions européennes. Ils tournent pour 4 places en championnat, sachant que les meneurs offensifs Mark Arcobello et Andrew Ebbett sont indispensables et quasiment intouchables. La rotation se fait donc entre le défenseur canadien Maxim Noreau, qui a l'habitude depuis un an, et les deux nouveaux venus, qui ne sont pas n'importe qui puisqu'on pourrait les voir tous deux aux Jeux olympiques. Mason Raymond a repris le jeu après une saison presque sans pratique : après 4 matches à Anaheim, il avait refusé de rejoindre l'AHL pour raisons familiales et est donc resté une année sans jouer (sauf pour le Canada à la Coupe Spengler). L'entraîneur Kari Jalonen accueille en outre un de ses anciens joueurs en équipe de Finlande, Mika Pyörälä.

 

Si l'on cherche un rival à cette équipe presque trop parfaite de Berne, on cherche forcément du côté de la puissance économique Zurich : les ZSC Lions ne peuvent plus se permettre une nouvelle sortie en quart de finale. La déconvenue survenue en play-offs face à Lugano n'a pas totalement fait oublier le bon bilan général. On sait que les entraîneurs Hans Wallson et Lars Johansson ont déjà bâti une organisation championne en Suède, mais ils n'auront sans doute pas de troisième chance. Ils ont peiné à imposer leur système dans une culture étrangère : les joueurs n'ont pas tous adhéré et le conflit avec le décevant Luca Cunti a conduit à son éviction.

C'est le poste de directeur sportif que Zurich a pour l'instant changé. Edgar Salis, repositionné comme recruteur, était peut-être un peu trop fidèle à ses ex-coéquipiers, ce qui conduisait à des décisions discutables : la prolongation de contrat de l'ex-capitaine Mathias Seger est ainsi surtout une épine dans le pied, car il n'est pas facile pour un joueur aussi légendaire de se contenter d'un poste de neuvième défenseur où il ne joue presque pas (Zurich ne veut pas abandonner sa vocation formatrice et a logiquement donné à l'international junior Roger Karrer la place de titulaire qu'il mérite). Le nouveau directeur sportif Sven Leuenberger pourra amener une autorité impartiale car, issu de Berne, il n'a aucun lien affectif avec les Zurichois historiques.

Comme les joueurs suisses sont signés avec une très grande anticipation, Leuenberger n'avait tout d'abord que trois places vacantes d'étrangers à combler, avec plus ou moins de succès. Fredrik Pettersson a tout de suite formé un duo offensif dominant avec le meilleur marqueur de l'an passé Robert Nilsson. En revanche, l'Américain Drew Shore, qui a fini la saison dernière en NHL chez les Canucks de Vancouver après la fin du championnat du voisin Kloten, paraît très décevant. Le jugement est encore réservé quant à la capacité de Kevin Klein de remplacer David Rundblad (parti au SKA Saint-Pétersbourg) comme meneur des lignes arrières.

Pour aller loin en play-offs cette fois, Zurich aura besoin d'un gardien solide. Lukas Flüeler semble décidé à prendre de manière nette le poste de numéro 1 devant un Niklas Schlegel qui llui avait taillé des croupières. Retrouvera-t-on le Flüeler fort et dominant de 2012 à 2015 avant ses problèmes d'adducteurs ? C'était l'une des clés des titres 2012 et 2014.

 

Le dernier club en dehors de la triade Berne-Zurich-Davos à avoir remporté le titre, c'est Lugano en 2006. Le HCL se prend à rêver à remettre ça après ses beaux play-offs qui l'ont vu éliminer les Lions et menacer les Ours. Arrivé en cours de saison dernière à la place de Doug Shedden, l'entraîneur Greg Ireland a signé une prolongation de contrat de deux ans. S'il va jusqu'au bout, ce serait une éternité pour un coach à Lugano ! Le Canadien a mis en place de la discipline et un concept défensif clair.

Le talent offensif a toujours été là. Privé de ses collègues suédois, Linus Klasen est moins en position de vedette mais peut mettre son talent au service du collectif. De même, l'ancien attaquant de NHL Maxim Lapierre a été réorienté vers l'efficacité offensive au lieu d'être utilisé en tant que provocateur comme sous Shedden. La nouveauté est l'adjonction de deux nouveaux centres très différents : un artiste sensible qui cherche un nouvel élan, Luca Cunti, et un besogneux discret, Jani Lajunen, meilleur joueur de la Liiga finlandaise pour ce qui est de mises au jeu.

Le gardien letton Elvis Merzlikins a maintenant un entraîneur des gardiens à plein temps (Michael Lawrence) pour travailler les détails et s'améliorer encore, lui qui n'a que 23 ans. En défense, Steve Hirschi (devenu entraîneur des juniors) est remplacé par Steve Wellinger (ex-Bienne), joueur sûr dans sa zone. L'Américain Bobby Sanguinetti peut être aussi solide physiquement que son prédécesseur canadien Ryan Wilson, mais avec plus d'impact dans la construction du jeu, y compris en powerplay.

Ce collectif renforcé résiste même cet automne à l'absence de deux attaquants majeurs : Damien Brunner s'est fait une luxation acromio-claviculaire fin août et le meilleur buteur de la saison passée Dario Bürgler s'est déchiré le ligament croisé antérieur. Lugano attendra le mois de décembre pour être au complet, et semble encore capable de monter en puissance.

 

Habitué des printemps tristes, Zoug avait rendu les prolongations de contrat dépendantes des résultats en play-offs. En atteignant la finale, l'entraîneur Harold Kreis a obtenu deux ans de plus pour tenter de franchir la dernière marche.

L'EVZ a encore augmenté la qualité de son top-6 offensif avec le petit centre américain vif et technique Garrett Roe (Linköping) et le grand ailier suédois très rapide Viktor Stålberg, qui reste sur sept saisons en NHL dont une Coupe Stanley à Chicago. L'arrivée de ce duo majeur a relégué comme "cinquième étranger" Josh Holden, que son contrat à deux volets désigne pour la réserve "EVZ Academy" en LNB. L'ancien capitaine était encore à 39 ans un meneur charismatique par ses émotions. Il faudra que les talents offensifs suppléent son leadership.

Le capitaine actuel, c'est bien sûr Raphael Diaz, qui a repris le rôle de joueur-symbole du club. Il est plus que jamais le meneur de lignes arrières décimées par les blessures des autres cadres Timo Helbling (opéré du coude), Robin Grossmann (épaule) et Dominik Schlumpf (pied). Zoug est donc testé sur ce qui paraissait son point faible, l'inexpérience de ces défenseurs du bout du banc. Les lignes arrières sont donc maintenant complétées par l'international junior Tobias Greisser et par maintenant cinq (!) étrangers avec des licences suisses : deux Finlandais (depuis que Larri Leeger a été obtenu de Fribourg en novembre), un jeune Allemand et... deux Français. Si l'on connaît bien Johann Morant et son impact physique, Thomas Thiry n'était pas attendu si tôt en LNA : formé à Annecy avant de franchir la frontière à 12 ans, l'ancien capitaine des juniors élite de Genève-Servette avait été engagé pour "l'Académie" à sa première saison chez les seniors, mais a été promu le 17 octobre dans l'équipe première.

Il y a deux joueurs que Zoug ne peut pas se permettre de perdre : Diaz bien sûr, mais aussi le gardien Tobias Stephan, qui n'est jamais remplacé la moindre minute. Ses doublures ont du temps de jeu en LNB mais n'entrent jamais en jeu en équipe première.

 

Après une année dédiée à la reconstruction, Davos proclame de nouveau ses ambitions. Le club continue de construire à long terme et compte profiter de la rénovation de sa patinoire entre 2018 et 2020 pour doter d'un toit en bois la seconde glace actuellement à ciel ouvert. Un nouvel atout pour la formation des jeunes dans la station grisonne de seulement 11 000 habitants.

L'audacieux pari de la saison passée a dans l'ensemble réussi car les deux jeunes gardiens ont progressé au fil de la saison. Si Gilles Senn (21 ans désormais) a été désigné titulaire pour les play-offs et a été élu révélation du championnat, son collègue Joren van Pottelberghe (20 ans) n'a pas dit son dernier mot et compte raviver la concurrence.

La défense est confrontée au départ gênant à Bienne de Beat Forster, mais le renfort étranger Magnus Nygren, l'ancien capitaine de Färjestad, peut aider à compenser car il a plus de talent et d'influence offensive que son compatriote Daniel Rahimi qui restait limité. Tous les attaquants majeurs sont restés et là encore le championnat suédois apporte une contribution supplémentaire en la personne de Broc Little, deuxième marqueur de SHL.

Modèle de stabilité avec son indéracinable entraîneur Arno del Curto, Davos sera dans le top-6, comme toujours depuis le début de ce siècle, alors que les autres équipes ont toutes connu des hauts et des bas.

 

En parlant de bas, Fribourg-Gottéron en a connu un la saison passée avec une avant-dernière place. Les raisons étaient vite identifiées : le reproche habitue de faiblesse physique et mentale, mais aussi un gardien, Benjamin Conz, que l'on ne croyait plus capable de sécuriser l'équipe.

La signature pour quatre ans de Reto Berra devait donc être le transfert majeur de l'intersaison. La clause de sortie vers la NHL qui y figurait paraissait anecdotique car le gardien suisse n'avait pas réalisé des performances suffisantes outre-Atlantique pour y être particulièrement courtisé. Et pourtant, les Anaheim Ducks ont surpris à l'ouverture du marché NHL début juillet en offrant à Berra un juteux contrat one-way (qui lui assure le même salaire de 650 000 dollars même en cas de rétrogradation en AHL) simplement pour qu'il serve de troisième gardien "de sécurité" derrière John Gibson et Ryan Miller. Impossible de s'aligner, ni de revenir en arrière car Conz avait été transféré deux semaines plus tôt à Ambri. Le club se retrouvait donc sans titulaire à une période estivale où aucun gardien suisse n'est libre. Il ne restait que le portier formé au club Ludovic Waeber (21 ans), sans grande expérience malgré son prêt en Ajoie.

Il a donc fallu sacrifier une place d'étranger pour engager Barry Brust, en conflit avec le Slovan Bratislava à cause de salaires impayés et d'une arrivée en Europe que le club a jugée trop tardive (après un enterrement). Les attaquants adverses ont testé le Canadien car il a la réputation de perdre ses nerfs, mais il garde son calme. Le seul problème, c'est que Fribourg doit se priver à chaque match de Brust ou d'un de ses quatre autres étrangers pourtant tous engagés dans l'idée qu'ils seraient indispensables : le duo offensif tchèque Cervenka-Birner, l'international norvégien Jonas Holøs qui devait diriger la défense, et Jim Slater (Genève) qui devait compenser deux points faibles de Gottéron : le poste de centre et la rudesse.

Heureusement, la très bonne surprise est venue de Matthias Rossi : ce joueur jusqu'ici anonyme venu de Bienne explose et tient un rôle important par sa présence physique. Le capitaine Julien Sprunger revient aussi en grande forme. Fribourg déjoue comme l'an passé les pronostics, mais positivement cette fois, en se mêlant au haut du tableau. Le nouvel entraîneur Mark French a réussi à reformer un collectif à partir des individualités. Un collectif dans lequel Laurent Meunier tient un rôle assez défensif : l'ancien capitaine désormais retraité de l'équipe de France, déjà passé par Gottéron en 2008/09, est revenu à la faveur du passeport à croix blanche qu'il détient depuis un an puisqu'il est marié à une Suissesse.

 

C'est pourtant Lausanne qui était attendu comme le premier club romand. Après avoir atteint son meilleur classement en saison régulière depuis plus d'un demi-siècle (4e), le LHC était enfin pris au sérieux et placé haut dans les pronostics. Toute la Suisse a compris que la firme Avenir Sport de Ken Stickney (le propriétaire des Portland Winterhawks en WHL), dont le passage d'un an à Kloten avait conduit le club en crise, s'était installée pour durer.

Lausanne patiente actuellement avec une limitation à 6000 spectateurs pendant la première des deux années de construction du nouveau Malley (pour le Mondial 2020), mais ensuite, les Alémaniques s'attendent à l'irruption d'une nouvelle puissance. Dès cet été, s'il a perdu la course à Tanner Richard (Genève), le LHC a posé une première pierre en engageant pour cinq saisons un autre jeune Suisse venu d'AHL, Joël Vermin, qui a aussi disputé 24 parties de NHL en trois ans. Il bâtit à long terme avec des recrues de 23 ans comme Lukas Frick (qui était devenu le meilleur défenseur suisse de Kloten) et l'attaquant Sandri Zangger, qui a doublé sa production de points à Zoug.

Mais quand les attentes sont plus élevées, les chances de décevoir aussi. Élu entraîneur de l'année, Dan Ratushny a pourtant été viré après un mois de championnat. En comptant la fin de saison dernière et l'élimination rapide en play-offs contre Davos, il restait en effet sur une série de 20 défaites en 25 rencontres. C'est l'entraîneur des juniors Yves Sarault qui mènera l'équipe jusqu'à la fin du championnat, en sachant que Ville Peltonen (adjoint de Jalonen à Berne) lui succèdera la saison prochaine.

Si Ratushny avait doté Lausanne d'une puissance offensive nouvelle sans nuire à la défense, ce fragile équilibre semble remis en cause. Les deux défenseurs offensifs majeurs Joël Genazzi et Jonas Junland restent efficaces dans leur domaine, mais le LHC se ressent de l'absence d'un patron dans sa zone. Cristobal Huet traverse de fait une des périodes les plus difficiles de sa longue carrière avec des statistiques déclinantes : Sandro Zurkirchen, engagé d'Ambrì pour prendre sa succession dans un an, est déjà en train de le supplanter, et le Français doit donc se battre pour faire taire le refrain de la "saison de trop".

 

C'est une vraie révolution de ne plus voir Chris McSorley sur le banc de Genève-Servette, puisqu'il a été le seul entraîneur de son histoire moderne. Mais la nouvelle direction entend changer d'ère. Les conseillers engagés par le propriétaire Hugh Quennec (l'ex-manager général des Canucks Mike Gillis et son assistant Lorne Henning) ont fait des débriefings avec les joueurs après l'élimination en quart de finale, et ont forcément fait parler des mécontents, compte tenu des manières du coach connues comme assez brutales. Néanmoins, le licencier coûterait très cher au vu de son contrat : McSorley a donc démissionné de son poste d'entraîneur, officiellement parce que le cumul de ce poste avec celui de directeur sportif prend trop de travail pour un club professionnel. Argument étrange puisque cela fait 16 ans que McSorley cumule les deux postes... Il a façonné l'équipe et imprimé son style de jeu.

Le nouvel entraîneur Craig Woodcroft a une expérience limitée comme coach principal, mais reste sur une très bonne saison avec le Dynamo Minsk en KHL. Il doit changer non seulement un système de jeu, mais toute une culture qui était bâtie sur l'impact physique : il ne faut plus se contenter de balancer le palet en fond de zone, mais réfléchir un peu plus à la construction. Il faut donc que les joueurs formés dans le moule genevois s'adaptent ; l'international français Floran Douay n'en a pas encore eu l'occasion puisqu'il est blessé au genou et ne reviendra en jeu qu'en décembre.

Avant même que l'entraînement ne commence, la saison a aussi été perturbée par un accident de.. quad du gardien Robert Mayer : il s'est cassé des côtes et perforé un poumon dans une embardée incontrôlée avec cet engin motorisé. Genève-Servette s'est fait prêter provisoirement par Ambrì l'ancien international junior Gauthier Descloux pour les premières semaines.

Le problème ne vient finalement pas de là, mais d'une attaque totalement anémique, qui peine encore à assimiler la nouvelle tactique. Toujours présent malgré tout, McSorley s'est encore impliqué dans la venue d'un joker, Stéphane Da Costa, qu'il décrit comme "l'un des joueurs les plus talentueux d'Europe". Même si McSorley le suivait depuis longtemps, le Français avait initialement d'autres ambitions que Genève. Il espérait quitter la KHL pour la NHL cet été, mais un problème urinaire a contrarié ses plans en l'obligeant à une opération. Embauché en octobre, Da Costa s'est d'abord préparé pour retrouver la condition physique et a repris le jeu avec l'équipe de France au tournoi de Cergy avant de faire ses débuts en grenat.

 

C'est la dixième saison depuis la montée de Bienne en LNA, et il ne reste plus que deux joueurs qui ont connu cette époque : Philipp Wetzel et le capitaine Mathieu Tschantré. Il ne reste plus d'autre mémoire de ce retour sur la pointe des pieds, depuis le licenciement à l'automne dernier de Kevin Schläpfer, l'entraîneur qui avait construit et fait progresser cette équipe.

Aujourd'hui, Bienne n'a plus rien d'un promu tout étonné de sa chance. Il évolue dans une des plus belles patinoires de Suisse. Il a engagé comme meneur défensif Beat Forster, qui a déjà remporté six titres de champion et trouve naturel d'annoncer le même objectif avec son nouveau club. Néanmoins, après quelques semaines en première partie de tableau, Bienne a commencé à caler comme la saison dernière.

Les regards se sont vite tournés vers Jonas Hiller et son faible pourcentage d'arrêts en dessous des 90%. Attendu comme le Messie à son retour de NHL, Hiller n'a jamais totalement répondu aux attentes. Critiqué de manière sans doute exagérée, il a perdu ses nerfs et a même eu un match de pause avant de réintégrer le groupe. Il a cependant assez d'expérience pour surmonter ces moments de doute. L'entraîneur canadien Mike McNamara, qui disait lui-même que son discours ne passait plus, est donc la victime suivante, douze mois après son arrivée : il avait pourtant amené l'équipe en play-offs et était encore en position de le refaire ! Bienne aurait-il oublié d'où il vient ?

Le problème de fond soulevé par le départ à Berne du centre local Gaëtan Haas reste entier : il était irremplaçable et n'a pas été remplacé. Bienne reste totalement dépendant de ses joueurs étrangers, surtout offensivement. Et cela, c'est en général la marque d'un club de bas de tableau, dont la qualification en play-offs, dépendante du rendement de quelques mercenaires, est nécessairement fragile.

 

En confiant son destin à Paolo Duca (directeur sportif de 36 ans) et Luca Cereda (entraîneur de 35 ans), Ambrì-Piotta a fait confiance à deux figures du club qui en partagent la culture passionnée. Très aimés des supporters, ils pourront peut-être bénéficier de leur clémence et de leur patience, pas toujours les qualités principales des Tessinois si "latins".

Les deux hommes ont opté pour un rajeunissement pour préparer l'avenir. Cereda a appelé les joueurs de l'équipe-ferme des "Ticino Rockets", qu'il a entraînée l'an passé, afin d'intensifier la concurrence. Laissé de côté en fin de saison dernière, Eliot Berthon est un des grands bénéficiaires de l'arrivée de Cereda qui lui confie plus de temps de jeu, nécessaire pour retrouver l'équipe de France. La résurrection principale est celle de Benjamin Conz : le nouveau gardien fait preuve de concentration et de constance, qualités qu'on lui déniait ces dernières années à Fribourg.

Le plus joli coup vient de l'arrivée de l'attaquant de 21 ans Dominic Zwerger. Originaire de Dornbirn, il a franchi la frontière pour jouer 3 ans en Suisse avant de partir 4 saisons en junior majeur, dont la dernière à plus d'un point par match. Il a signé trois ans et peut grandir pour devenir un joueur majeur, y compris pour l'équipe d'Autriche.

Même parmi les étrangers, Ambrì a utilisé la jeunesse en faisant revenir Dominik Kubalik (22 ans), mis sous contrat pour 3 ans avec les Tessinois mais d'abord prêté à Plzen en début de saison. L'espoir tchèque a relégué sur le banc Jeff Taffe : la recrue américaine, doyenne de l'équipe à 36 ans, ne parvenait pas vraiment à suivre le rythme de ses jeunes collègues. La concurrence met aussi la pression sur les autres étrangers à qui l'on demande toujours de faire la différence : l'ailier Matt d'Agostini qui patine fort sur toute la glace, le centre canadien Cory Emmerton dont on attend la même activité, et le défenseur italo-canadien Nick Plastino qui a d'abord dû surmonter le manque de sommeil après la naissance de sa fille Gia fin août.

 

Ayant obtenu son maintien de manière convaincante, Langnau a vécu un été assez calme. Le système défensif de l'entraîneur danois Heinz Ehlers a su donner un sentiment de sécurité qui rassure le club, car il semble compatible avec un club aux faibles moyens. Tous les principaux cadres de la défense sont restés, devant les gardiens Ivars Punnenovs et Damiano Ciaccio.

Aucune raison de s'en faire, alors ? Les sept défaites en huit matches de préparation, dont quatre sans marquer le moindre but, ont un peu inquiété et ont vite mis la pression sur les joueurs étrangers. En Suisse, ceux-ci sont ciblés dès que les points ne s'empilent pas régulièrement.

La réponse est un peu ambivalente. Bien sûr, aucun des "mercenaires" ne fera oublier Chris DiDomenico, arrivé au club alors en LNB en provenance de la série A italienne et reparti fin février pour un contrat NHL avec Ottawa. Mais il faut être raisonnable dans ses attentes. Sans être aussi spectaculaire, Antti Erkinjuntti est un très bon passeur. L'autre recrue Aaron Gagnon - champion avec Berne dans un rôle mineur - a un sens du jeu intéressant. Eero Elo n'a jamais prétendu être un joueur dominant de la ligue, mais on l'a gardé en connaissant sa valeur. Quelques erreurs de facilité ne doivent pas occulter les services rendus par le défenseur Ville Koistinen depuis la saison passée. Ils sont tous à la dimension de Langnau, un club qui doit d'abord assurer le maintien même s'il rêve aux deuxièmes play-offs de son histoire.

 

Normalement, Kloten était censé savoir mieux que quiconque ses limitations financières et leurs implications. Le président Hans-Ulrich Lehmann avait annoncé depuis un la politique de rigueur : budget amputé d'un tiers, salaires plafonnés à 100 000 francs suisses et à 200 000 francs suisses pour les joueurs étrangers, sachant qu'il n'y en aurait que trois et non quatre (voire cinq avec un surnuméraire) comme partout ailleurs. Pour autant, dès le mois d'octobre, l'entraîneur Pekka Tirkkonen et le directeur sportif Pascal Müller ont été limogés. Or, les indemnités de licenciement n'ont jamais été gratuites...

Faut-il vraiment s'étonner que Kloten se soit fait larguer en dernière position ? Toute l'équipe a été frappée en pleine face quand son centre finlandais Tommi Santala a eu la mâchoire inférieure fracturée par un palet à l'entraînement juste avant le début de saison : à 39 ans, il était l'étranger de référence de l'équipe, le seul en attaque, à un poste de centre qui ne s'improvise pas. Tomi Sallinen, embauché avec des contrats cours de mois en mois, était forcément une solution palliative imparfaite. Les ailiers suisses de premier plan Denis Hollenstein et Vincent Praplan étaient donc un peu seuls pour porter l'équipe.

Que reprocher au staff ? Bien sûr, il y a eu des ratés dans la construction de l'équipe. Le constat des blessures à l'arrière la saison passée (et du départ de Frick à Lausanne) avait conduit à utiliser deux des trois postes d'étrangers en défense. Le budget n'autorisait pas de superstar. Le jeune défenseur offensif suédois Mattias Bäckman se débrouille à peu près, mais son compatriote Niclas Andersen n'a pas du tout amené la sérénité espérée (fiche de -15 en 18 parties !). Pouvait-on prévoir un tel ratage d'un joueur arrivé de KHL (et qui y retourne puisqu'il a filé aux Jokerit pendant la trêve de novembre) ?

En tout cas, Kloten a changé de stratégie et semble plutôt vouloir conserver les deux Finlandais en attaque. En effet, l'espoir de créer une deuxième ligne performante autour du centre Morris Trachsler (non renouvelé à Zurich) n'a pas vraiment été couronnée de succès. Le Français Tim Bozon (qui avait joué pour Kloten dans la catégorie novices de 2009 à 2011 et ne compte pas comme étranger) avait commencé la saison à ses côtés mais a rétrogradé en quatrième ligne, figurant lui aussi pour l'instant au rang des déceptions. Il ne sera donc pas facile de trouver les clés pour que Kloten vole à nouveau. Puisqu'on le surnommait "Hockeygott" à Bienne, le nouvel entraîneur Kevin Schläpfer aura bien besoin de ses pouvoirs divins.

 

 

La LNB (pardon, la "Swiss League")

 

Après deux finales perdues, Rapperswil-Jona a augmenté son budget d'un million de francs suisses et s'est positionné en grand favori. Il aligne la meilleure défense de la ligue devant le gardien Melvin Nyffeler qu'il avait regretté d'avoir laissé partir quelques mois et affiche clairement ses ambitions de montée. Il veut donc être plus redoutable en barrage de promotion/relégation que le champion sortant Langenthal, qui se repose plus sur son attaque. Il a gardé son effectif mais a dû changer d'entraîneur parce que Jason O'Leary est parti comme assistant-coach à Genève : il est remplacé par un Suédois, Per Hanberg, mais l'équipe a des habitudes de jeu canadiennes. Olten veut se positionner en rival après son remaniement complet : 15 nouveaux joueurs (dont le défenseur français Simon Barbero qui devient une référence de la ligue) ont été confiés à Bengt-Åke Gustafsson, l'entraîneur suédois champion olympique 2006 qui a déjà fait monter Langnau en 2015 et qui est arrivé en janvier.

Les clubs romands ont calmé leurs ambitions : Martigny a encore fait faillite pendant l'été, La Chaux-de-Fonds a perdu une grande partie de son potentiel offensif (dont Laurent Meunier). Ajoie peut en revanche toujours compter sur Philip-Michaël Devos et Jonathan Hazen, le duo québécois qui a dominé le classement des marqueurs.

Les Valaisans de Viège, qui ont vu leur capitaine Tim Bucher happé par le recrutement tous azimuts d'Olten, espèrent avoir trouvé du pétrole avec les deux Américains des Oilers de Stavanger, Mark van Guilder et Dan Kissel. Avec Martigny en moins, Thurgovie devrait être moins inquiet pour sa qualification en play-offs.

Ce concurrent en moins fait aussi espérer à Winterthur d'atteindre pour la première fois les play-offs. Il faudra pour cela devancer les réserves. Les GCK Lions seront les plus dangereux car ils considèrent qu'obtenir des résultats fait partie de la formation des jeunes, ils ont donc engagé un nouvel entraîneur (Leo Schumacher, qui entraînait depuis 17 ans les juniors de Zoug). Quant à Zoug justement, l'esprit de compétition et la hargne de Josh Holden y est maintenant au service de la "EVZ Academy". Les Ticino Rockets de Biasca se contenteront de fermer la marche et de former des jeunes pour les clubs tessinois Lugano et Ambrì.

 

Marc Branchu

 

 

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