Anglet garde son identité sans ses éléments-clés
Le retour d'Anglet dans l'élite du hockey français fut une réussite. L'Hormadi n'a jamais été en danger de relégation, puisque Strasbourg était largué, et a terminé à seulement cinq points des play-offs. Les Basques se sont même servis de la poule de maintien - sans risque - pour gagner deux positions et finir à une très belle neuvième place. Ce succès sportif s'est doublée d'un succès moral - le bon esprit qui a régné dans le vestiaire - et d'un succès financier, ce qui n'est pas la moindre nouvelle au vu de ce qui se passe ailleurs. Anglet a en effet annoncé avoir bouclé un budget 2018/2019 légèrement positif, ce qui lui permet d'envisager sereinement la deuxième saison.
Le cap de la deuxième saison est toujours délicat à passer, et il l'est d'autant plus dans le cas d'Anglet que le club a perdu son entraîneur Olivier Dimet, qui avait façonné cette équipe depuis sept ans en la dotant d'un jeu rapide et direct. Son travail a été remarqué par Bordeaux qui l'a engagé pour succéder à Philippe Bozon. Le président Grégoire Delage a pris la chose avec philosophie en confiant à France Bleu : "C'est un club avec lequel on entretient une grosse rivalité sportive, mais on a de bonnes relations, et ça s'est fait en bonne intelligence. [...] On est fier de voir qu'avec la carte de l'Hormadi, un entraîneur peut intéresser des clubs qui ont plus de moyens, et plus d'ambitions, c'est une belle opportunité, on comprend qu'il ne l'ait pas laissé passer."
Ce départ ayant été officialisé dès début mars, Anglet a pu se retourner et embaucher une figure bien connue, y compris du directeur sportif Xavier Daramy puisque c'était le sélectionneur de l'équipe de France quand il jouait en bleu. Il s'agit de l'entraîneur finlandais Heikki Leime, qui a signé pour deux ans plus une année en option. Alors que Dimet était seul, une étape supplémentaire dans la structuration du club est franchie avec la nomination d'un adjoint, Sylvain Roy (38 ans), qui était le directeur du hockey mineur de Gap et sera la liaison avec le club amateur : il sera d'ailleurs l'entraîneur de la nouvelle équipe-réserve engagée en D2. Dernier membre du staff, Maxime Suzzarini sera chargé du développement technique individuel des joueurs professionnels.
Si la décision d'Olivier Dimet a été bien comprise, un départ a fait en revanche grincer plus de dents : celui de Sebastian Ylönen à Gap. L'Hormadi semblait en effet considérer que l'international avait une forme d'accord oral ou de devoir moral. Le communiqué du club masquait très mal la déception et laissait même transparaître une pointe d'amertume : "Malgré une saison compliquée (de par sa blessure au genou), nous l'avons accompagné et encouragé tout au long de sa convalescence jusqu'à son retour sur la glace. Sebastian n'a pourtant pas souhaité prolonger l'aventure angloye, ayant fait le choix de s'orienter vers un autre club." Il fallait donc se mettre en quête d'un nouveau numéro 1, sachant que Léo Bertein resterait numéro 2. Faute de candidats français disponibles, il serait forcément étranger.
Si le gardien est un poste-clé, les places sont par définition limitées. Plus encore qu'à une autre position, ceux qui n'ont toujours pas trouvé d'emploi revoient à la baisse des prétentions salariales au départ élevées. L'Hormadi s'est dit prêt à attendre jusqu'en août : c'est finalement en juillet qu'il a fait signer son premier contrat professionnel à Eric Schierhorn (il avait juste signé un contrat d'essai amateur de fin de saison en ECHL). Ce natif de l'Alaska a un parcours intéressant. Il a représenté les États-Unis dans des tournois en moins de 17 ans, en moins de 18 ans, puis au World Junior A Challenge 2014 où il a été élu meilleur gardien. Cette saison-là, il a été le gardien de l'année de l'USHL, la principale ligue junior américaine. Il a alors rejoint l'Université du Minnesota et commencé sa carrière universitaire par 94 titularisations consécutives, la quatrième plus longue série de l'histoire de la NCAA. Il a été élu deux fois meilleur gardien de sa conférence (la Big 10), mais son équipe qui a dominé la saison régulière a connu des déconvenues en play-offs. C'est au milieu de sa troisième année universitaire que tout a changé. Minnesota a en effet recruté un autre gardien dont l'inéligibilité - liée à une signature antérieure en junior majeur - s'achevait en cours de saison, Mat Robson. Dès qu'il a pu rejouer, celui-ci a signé de bien meilleures stats et a supplanté Schierhorn, même si celui-ci était apprécié du vestiaire. Cela fait donc un an et demi que Schierhorn joue beaucoup moins, et il a certainement hâte de retrouver un rythme élevé de compétition. C'est en effet un gardien qui s'emploie beaucoup et joue plus sur ses qualités athlétiques que sur ses fondamentaux techniques, avec un style très actif et agressif.
Le souci finlandais de la défense
Si Anglet s'est laissé le temps pour choisir son nouveau gardien, Heikki Leime a en revanche très tôt ciblé la défense comme priorité du recrutement. C'était d'autant plus nécessaire avec le départ du défenseur numéro 1 Dominic Jalbert, qui a décidé de commencer sa reconversion en occupant un poste de fonctionnaire au Québec tout en continuant à jouer en semi-pro. Dave Grenier a fini quant à lui par raccrocher les patins après une dernière saison dans un rôle plus défensif. Enfin, Ales Sova, arrière propre mais pas le mieux intégré dans le vestiaire, est rentré au pays, à Znojmo, club tchèque évoluant dans la ligue autrichienne.
L'Hormadi s'est très rapidement trouvé un nouveau meneur des lignes arrières avec Juha Tarkkanen. Il a beaucoup apporté au jeu niçois en tant que soutien offensif et premier relanceur. À ses côtés, Leime a amené avec lui de Chamonix une autre valeur reconnue de la Ligue Magnus, Vojtech Kloz, dont la dernière saison s'est malheureusement terminée prématurément sur une fracture du pied alors qu'il retrouvait sa meilleure forme. Une première paire complémentaire se profile ainsi entre le mobile Finlandais et le géant tchèque.
Cela devrait avoir pour conséquence un changement de rôle pour Joona Kunnas. La saison passée, il avait formé un duo performant avec Jalbert. Il aurait pu encore gérer l'aspect plutôt défensif aux côtés de Tarkkanen, mais il pourrait devoir s'adapter à un joueur plus sanguin qui ne fait pas preuve du même sang-froid nordique. C'est aussi ce qui a fait la réputation de Marek Palacaj, par sa propension à lâcher les gants. Il a passé plusieurs saisons dans ce rôle limité en Extraliga slovaque, dont une seule loin de son club formateur Martin lorsque celui-ci a fait faillite. Un an plus tard, quand Martin est remonté de troisième en deuxième division, Palacaj est rentré à la maison avec un rôle bien plus offensif que d'habitude en faisant parler la poudre. Il a été très apprécié, au point d'être honoré du C quand l'entraîneur a décidé de changer de capitaine pendant les playoffs. Après la défaite en sept manches en finale contre Michalovce (promu en barrages), Palocaj a fait le choix de partir car il voulait retrouver le plus haut niveau. Faute d'opportunité en Extraliga, il a ciblé la France. Atout supplémentaire (en particulier en supériorité numérique), il sera le seul défenseur tirant de la droite, vu qu'il n'y en avait pas l'an passé.
L'indiscipline de Palocaj est en revanche un sujet d'attention majeur. Outre sa rudesse, il a été le premier joueur sanctionné d'une amende - 10% de son salaire mensuel - pour simulation en Extraliga. Dès son premier match amical en France, il a été renvoyé aux vestiaires pour une charge à la tête. La prise de risques est toutefois mesurée parce que c'est le seul arrière qui ne connaît pas la Magnus. Anglet est armé pour les suspensions et les blessures puisque le quota d'étrangers est dépassé avec le nouveau règlement. Le couperet du surnuméraire pourrait devenir un risque pour Riku Silvennoinen. C'est certes un joueur d'expérience, toujours apprécié pour son sérieux, et prolongé rapidement par son compatriote Leime, mais cette application n'en fait pas une assurance tous risques dans la relance et il a maintenant 34 ans.
Si jamais les cinq arrières étrangers ne pouvaient tous être alignés - ce qui semble le plus probable si tout le monde est en santé - cela pourrait être une bonne opportunité pour les fidèles défenseurs français. Mathieu Pons s'est de plus en plus imposé dans le vestiaire et a bénéficié de plus de temps de jeu l'an passé parce que Kevin Maso s'est fracturé la rotule. La réduction du banc à 18 joueurs de champ aurait pu les mettre en concurrence, mais le quota maintenu de JFL pourrait leur bénéficier à tous deux (c'est d'ailleurs le but avoué de la manœuvre).
Un noyau dur qui reste important
Anglet a perdu un élément-clé sur chaque ligne. En attaque, il s'agit du meneur offensif des trois dernières saisons, Loïk Poudrier, qui a suivi Dimet à Bordeaux. Là encore, une solution finlandaise a été trouvée au centre. Jussi Nättinen a cumulé football et hockey jusqu'à ses 15 ans avant de choisir définitivement la glace. Il a ainsi montré la voie à ses deux frères cadets (tous deux internationaux juniors aujourd'hui en KHL et en Liiga), mais il n'a pas connu la même carrière. Il avoue ne pas s'être investi autant qu'il aurait pu dans son développement en tant que joueur. Il a tout de même progressé depuis son passage à Reims il y a 5 ans, avec de bien meilleures stats en Mestis (même si le niveau de cette ligue a baissé). Capitaine de Hermes, il a comptabilisé un point par match la saison dernière malgré une blessure à la jambe qui l'a mis sur le flanc pendant plus d'un mois au cœur de l'hiver. Nättinen est un joueur calme et intelligent avec le palet, qui est apte à diriger le jeu en avantage numérique.
Les deux ailiers de la première ligne sont toujours présents. Yanick Riendeau est le joueur le plus habile devant la cage avec sa technique et son talent de buteur, et il a retrouvé de son influence sur le jeu angloy même si on le soupçonne toujours d'individualisme. Alexander Olsson est quant à lui la personnification de l'exemplarité collective : techniquement plus sobre, sa protection du palet le long des bandes le rend pour autant précieux.
Le maintien de Thomas Decock était une évidence : il s'est très bien senti dans le costume du capitaine au sein d'une équipe où l'esprit de camaraderie a toujours prévalu. C'est en revanche une grande force d'Anglet de pouvoir ancrer des joueurs qui ont pas mal voyagé dans leur carrière. Doté d'un "A" sur son maillot, Sébastien Gauthier s'est bien établi dans le club, de même que Nicolas Arrossamena même si ses premières semaines dans le Pays Basque avaient été perturbées par quelques petites blessures. La qualité de tir d'Arrossamena, le sens de la passe de Gauthier et la puissance physique de Decock forment un trio naturellement complémentaire.
L'attaque angloye a donc conservé sa stabilité. Le poste de troisième centre étranger avait connu pas mal de mouvement l'an passé entre Saku Salminen (pas conservé après sa période d'essai), son remplaçant Chase Phelps parfois blessé et en demi-teinte, ou encore Luc-Olivier Blain qui avait vu sa saison se terminer sur blessure dès début décembre. On pensait que Blain pourrait revenir puisqu'il était resté au sein de l'équipe, mais l'Hormadi avait contacté un autre attaquant étranger avec Pierre-Maxime Poudrier, le frère de Loïk ! Ce petit gabarit rapide et énergique, qui fait vivre le palet avec aisance, est donc le quatrième membre de la famille Poudrier à porter les couleurs basques. Ira-t-il jusqu'à faire oublier son frère ou se contentera-t-il d'un second rôle comme chez les Gothiques ? En tout cas, il peut jouer au centre ou à l'aile, tout comme le toujours présent Robin Lamboley que Leime avait déjà connu à Chamonix.
Anglet se dote ainsi de plus d'options et de possibilités. Il faut avoir de la densité pour réagir aux blessures, on l'a vu la saison passée. C'est dans cette optique que Kenny Martin et Benjamin Berard poursuivent la tradition très vivace des Grenoblois au sein du club basque. Ils ont plus d'expérience (pour le premier) et plus de potentiel (pour le second) que les jeunes qu'ils remplacent (Ranger et Burgos). Ils apportent aussi une concurrence accrue pour les vétérans en place, les préposés de l'infériorité numérique et du gros labeur défensif : Lionel Tarantino par son physique et Florent Neyens par son intensité de patinage. Neyens ajoute cette saison une casquette de préparateur physique, en remplacement de Brice Lefébure (qui a également suivi Dimet à Bordeaux). Encore junior, Louis Vitou a eu du temps de jeu la saison dernière sur la 4e ligne et sera de nouveau le premier recours pour pallier une absence.
Fort de son expérience, Anglet s'est fixé pour objectif d'atteindre cette fois les play-offs. C'est ambitieux mais pas irréalisable : le bas de tableau de Ligue Magnus restera serré et concurrentiel. Ce qui distingue le club, ce sont les valeurs qu'il a toujours véhiculées, et qui se traduisent par la conservation d'un noyau dur. Les supporters auraient certainement voulu encore moins de départs, mais pour un petit club de Ligue Magnus, les Basques s'en sortent bien et connaissent moins de renouvellement de vestiaire qu'ailleurs où l'on peine à dégager une identité. L'Hormadi reste une marque forte, et entend maintenir cette forte tradition. Un intéressant mariage s'annonce entre la ferveur basque et la culture finlandaise, plus froide d'abord mais pas moins passionnée en fin de compte.
Marc Branchu
Effectif :
Gardiens
N° Naissance cm kg Club formateur Club & Chpt 2018/19 MJ Min Moy. % 37 SCHIERHORN Eric 09/02/1996 183 88 (Américain) U. of Minn. NCAA 11 527 2,50 90,1% Adirondack ECHL 3 147 5,71 83,1% 38 BERTEIN Léo 03/07/1991 182 75 Dunkerque Anglet FRA-1 25 1318 4,05 89,0% 39 CAUBET Tonin 27/07/2002 172 70 Bordeaux Anglet U17 et U20
Défenseurs
N° Naissance cm kg Club formateur Club & Chpt 2018/19 MJ B A Pts +/- Pén 2 SILVENNOINEN Riku 03/05/1984 180 83 (Finlandais) Anglet FRA-1 40 4 4 8 +1 60' 5 PONS Mathieu 09/06/1994 180 75 Grenoble Anglet FRA-1 50 0 2 2 -4 52' 21 TARKKANEN Juha 10/07/1993 188 89 (Finlandais) Nice FRA-1 48 5 38 43 0 18' 22 PALAT Andréa 05/04/2000 173 72 Bordeaux Anglet FRA-1 9 0 1 1 -1 2' 29 MASO Kevin 29/03/1995 179 78 Megève Anglet FRA-1 29 1 1 2 -6 26' 45 KLOZ Vojtech 23/01/1986 190 109 (Tchèque) Chamonix FRA-1 34 7 20 27 +5 30' 67 KUNNAS Joona 08/01/1993 193 93 (Finlandais) Anglet FRA-1 48 2 7 9 -2 24' 74 PACALAJ Marek 29/06/1994 186 92 (Slovaque) Martin SVK-2 59 10 25 35 +35 164'
Attaquants
N° Naissance cm kg Club formateur Club & Chpt 2018/19 MJ B A Pts +/- Pén 10 ARROSSAMENA Nicolas 09/01/1990 182 87 Saint-Pierre Anglet FRA-1 45 12 12 24 -10 62' 11 DECOCK Thomas 10/08/1986 180 83 Tours Anglet FRA-1 47 16 21 37 -3 81' 12 GAUTHIER Sébastien 06/08/1986 182 90 (Canadien) Anglet FRA-1 48 13 17 30 -4 50' 13 LAMBOLEY Robin 07/11/1995 186 89 Grenoble Anglet FRA-1 45 3 6 9 -8 28' 15 VITOU Louis 21/05/2000 180 69 Nice Anglet FRA-1 36 1 5 6 -3 12' 16 NEYENS Florent 15/03/1991 170 76 Anglet Anglet FRA-1 46 2 9 11 -7 37' 17 RIENDEAU Yanick 25/10/1984 176 80 (Canadien) Anglet FRA-1 48 23 24 47 +3 69' 19 NÄTTINEN Jussi 15/07/1987 180 79 (Finlandais) Hermes FIN-2 46 15 32 47 +18 28' 23 TARANTINO Lionel 14/04/1988 179 88 Toulouse Anglet FRA-1 46 3 10 13 -6 112' 25 MENDIZABAL Mikel 26/01/2000 170 70 JFL (Espagnol) Anglet FRA-1 13 0 1 1 -3 0' 27 POUDRIER Pi.-Maxime 13/05/1994 170 76 (Canadien) Amiens FRA-1 48 7 16 23 +4 18' 41 OLSSON Alexander 21/12/1984 183 86 (Suédois) Anglet FRA-1 50 11 21 32 +2 36' 71 BERARD Benjamin 24/03/1999 178 79 Grenoble Rouen FRA-1 11 1 1 2 0 0' Caen FRA-2 10 2 2 4 -3 8' Rouen II FRA-3 11 3 8 11 53' 91 MARTIN Kenny 22/06/1991 179 80 Grenoble Mulhouse FRA-1 50 4 7 11 -7 10'
Entraîneur : Heikki Leime (FIN, 57 ans), assisté de Sylvain Roy (38 ans).
Partis : Olivier Dimet (entraîneur, Bordeaux), Sebastian Ylönen (G, 25 MJ à 90,7%, Gap), Miika Wiikman (G, 5 MJ à 91,4%), Dominic Jalbert (D, 12+30, Laval, LNAH, CAN), Ales Sova (D, 3+18, Znojmo, AUT-1), Dave Grenier (D, 3+10, arrêt), Théo Caubet (D, 0+0, HCMP, FRA-3), Loïk Poudrier (A, 21+25, Bordeaux), Luc-Olivier Blain (A, 2+6, Kalamazoo, ECHL), Chase Phelps (A, 5+3, Osby IK, SUE-4), Victor Ranger (A, 4+3, Gap), Alejandro Burgos (A, 2+3, Strasbourg).
Revoir la présentation 2018/19