Autriche 2020/21 : panorama

 

Le dernier championnat 2019/20 - Les présentations 2019, 2018, 2017, 2016, 2015, 2014, 2013, 2012, 2011, 2010, 2009, 2008, 2007, 2006, 2005, 2004, 2003 et 2002.

 

Comme nous l'avions expliqué dans l'article similaire de l'an dernier, il faudra se déshabituer à parler d'EBEL pour évoquer la ligue autrichienne élargie, ce qu'on s'était toujours efforcé d'éviter en sachant que ces initiales étaient celles d'un sponsor. Elle s'est désormais dotée d'une dénomination pérenne, indépendante de ses contrats publicitaires, ICE HL pour "International Central European Hockey League". Pour autant, elle a bien réussi à trouver un sponsor qu'elle accolera à son nom, le site de paris en ligne bet-at-home. Elle a également retrouvé un nouveau partenaire de télévision gratuite, Puls 24, chaîne relayée sur les réseaux câblés qui diffuse un match chaque dimanche.

La ligue a changé de nom, mais aussi de président. L'élection de Jochen Pildner-Steinburg (président de Graz) en janvier 2020 avait dans un premier temps été invalidée : 4 voix pour, 2 contre, 5 abstentions. Karl Safron (Klagenfurt) avait alors assuré la présidence par intérim. Mais après un recours juridique, Pildner-Steinburg a obtenu que les abstentions ne soient pas prises en compte et a donc été élu (avec une majorité de 4 à 2) avec près de six mois de retard. La fédération autrichienne (ÖEHV) a elle aussi un nouveau président : Klaus Hartmann (Villach) a été élu avec une courte avance (133 à 121) à la place du sortant Gernot Mittendorfer.

Comme partout en Europe, la ligue a vu sa saison 2019/20 s'achever prématurément à cause de la pandémie de Covid-19. Les discussions avec le vice-chancelier et ministre de la culture et des sports Werner Kogler puis avec le ministre de la santé Rudolf Anschober (tous deux membres du parti vert au pouvoir en coalition avec les conservateurs) se sont déroulées assez vite. Dès fin juin, Kogler a annoncé que les manifestations sportives seraient autorisées jusqu'à 5000 personnes à partir du 1er septembre, à condition de respecter des règles de distanciation sociale et l'autorisation des administrations locales. La capacité serait forcément réduite en fonction de la taille des patinoires, mais suffisante pour redémarrer. Du moins en Autriche... Le caractère international de la ligue compliquait les décisions et multipliait les scénarios. Finalement, seuls les Tchèques de Znojmo - ville frontalière dépendante du tourisme des casinos - manquent à l'appel. Le championnat se joue encore à 11 équipes puisque les Capitals de Bratislava les remplacent.

Là encore comme partout en Europe, la seconde vague est venue modifier les plans. En octobre, la capacité des patinoires autrichiennes était réduite à 1000. Pendant qu'AV19 pouvait encore remplir ses tribunes à 50% (parce que la Hongrie sous-estimait grandement la seconde vague qui n'a cessé d'y croître depuis), l'Italie et la Slovaquie n'autorisaient plus aucun public. Lors du dernier week-end d'octobre, tous les matches ont été annulés car toutes les équipes étaient infectées par la Covid. Après un arrêt complet de deux semaines (du 23 octobre au 8 novembre), le championnat a repris à huis clos avec des tests systématiques et des règles spéciales : si elles ont 3 joueurs ou moins à l'isolement à cause d'un test positif, les équipes jouent normalement ; au-dessus de trois malades, une nouvelle "Corona-Kommission" décide de la tenue du match. Les clubs s'efforcent de tenir leur trésorerie jusqu'à janvier, lorsque les nouvelles aides gouvernementales pour le sport de haut niveau (couvrant la période d'octobre à décembre) seront versées.

 

Les Italiens de Bolzano étaient premiers quand le championnat s'est arrêté et semblaient bien partis pour remporter un troisième titre dans la ligue. Ils sont des favoris assez logiques, car ils ont une équipe de même niveau quand ses concurrents ont souvent prudemment réduit leur recrutement étranger. Il faut savoir que les clubs autrichiens s'arrachent les joueurs de haut niveau du pays, assez chers. Le HCB n'a pas ce problème. Il constitue le seul débouché de haut niveau pour les hockeyeurs italiens, et il bénéficie d'un réservoir toujours importants de doubles passeports car l'Italie accorde la nationalité à tous les descendants d'émigrés. Et tous n'avec les Foxes que le petit gabarit américain Dustin Gazley, excellent patineur qui avait passé une saison à Salzbourg, est italien par sa mère.

Le HCB peut donc mieux gérer le système de points en vigueur. Ses Italo-Canadiens comptent comme joueurs locaux et lui permettent d'aligner une équipe forte sur toutes ses lignes, certainement la plus complète de la ligue. Bolzano, qui avait bâti ses précédents titres sur la défense, a aujourd'hui un potentiel offensif accru, qu'amplifient les défenseurs offensifs. Nick Plastino a prouvé sa valeur en powerplay en KHL avec le Slovan puis depuis trois ans en Suisse avec Ambrì-Piotta. Gleason Fournier était le meilleur défenseur de l'EIHL britannique avec un patinage d'élite.

Les attaquants formés en Italie ont souvent des rôles plus défensifs en infériorité numérique, et ils sont devenus très bons dans les deux sens de la glace avec leur grande expérience, à l'instar du capitaine Anton Bernard qui sait neutraliser les meilleurs blocs adverses. Les quatre lignes offensives sont ainsi homogènes avec de la variété et un éventail de possibilités pour l'entraîneur Greg Ireland qui a prolongé son contrat cet été. Celui-ci est aussi sélectionneur national et peut donc conduire une partie de l'équipe aux championnats du monde. L'Italie est en effet concernée contrairement à l'Autriche puisque les autres divisions mondiales ont été annulées, et un des enjeux pour Bolzano sera aussi de finir la saison à temps.

Le HCB a sans doute déjà mangé son pain noir. Il a dû annuler son match d'ouverture fin septembre en découvrant dans le bus que les résultats de quatre joueurs étaient positifs. La majorité de l'équipe a ensuite été infectée pendant la seconde vague. Après trois semaines de quarantaine, le club a fait procéder à des tests médicaux complets de tous ses joueurs pour s'assurer qu'ils étaient en bonne santé pour la reprise le 17 novembre après un mois d'arrêt. Et depuis lors, les Foxes semblent effectivement en grande forme.

 

Les Vienna Capitals sont le club qui s'est mis le plus tôt et le plus nettement en "mode Covid". Ils ont supprimé à la fois l'équipe-réserve et l'équipe junior pour faire des économies ! La promesse en retour est que les jeunes joueurs seraient intégrés à l'équipe première. La crainte est toutefois qu'ils jouent peu et manquent de pratique. Cela risque d'être le cas pour la majorité d'entre eux (mais comme toutes les compétitions juniors sont perturbées ils sont loin d'être les seuls dans ce cas). Deux jeunes joueurs en ont profité pour devenir pleinement titulaires, l'attaquant Fabio Artner et surtout l'intéressant défenseur Lukas Piff (qui fêtera ses 20 ans le 12 décembre).

Vienne n'a pas fait des économies que sur son académie. Les Capitals ont effectué les premiers mois de la saison avec 7 étrangers alors qu'ils en utilisaient 10 la saison dernière. Pour compenser, ils ont en effet fait revenir deux jeunes attaquants viennois dans leur ville natale : l'ailier de 23 ans Benjamin Nissner après une saison en Suède (Tingsryd, Allsvenskan) et le physique Marco Richter qui vient de passer quatre saisons à Klagenfurt. Ce sont les joueurs autrichiens essentiels, puisque Rafael Rotter s'est encore blessé à la cheville et a subi sa troisième opération en trois saisons.

Cette équipe à l'économie reste néanmoins forte car les recrues étrangères sont de qualité. Le maître passeur Jérôme Leduc était rien moins que le meilleur pointeur des défenseurs d'Allsvenskan suédoise. Quant à Colin Campbell, venu d'AHL où il a été champion en 2017, il y était plutôt un ailier physique utilisé en infériorité numérique. Mais il s'est bien imposé à son rôle-clé au centre de la première ligne et forme un duo efficace avec le meilleur marqueur de l'équipe la saison dernière Ty Loney. L'équipe emmenée par le coach Dave Cameron a donc gardé ses fondamentaux, en particulier un jeu agressif qui presse l'adversaire très haut, et reste un club majeur.

Vienne est aussi la seule équipe qui présentait un duo de gardiens autrichiens, avec le vétéran Bernhard Starkbaum et le jeune Sebastian Wraneschitz (18 ans). Les premières apparitions en sénior de ce portier formé au club - avec l'équipe réserve supprimée - avaient été très compliquées. Il a été prêté quelques mois en Suède et en Finlande la saison passée pour y progresser dans les ligues juniors. Il a appris à être plus patient et constitue une des révélations du début de saison. Mais comme il va partir un mois dans la "bulle" du Mondial junior - où l'Autriche s'est qualifiée au bon moient puisqu'il n'y a pas de relégation - les Capitals se sont fait prêter par les Red Wings de Detroit pour le mois de décembre Calvin Pickard, champion du monde 2016 (comme second gardien) et vice-champion du monde 2017 (comme titulaire).

 

Salzbourg a souvent pris le contrepied de l'autre grand club autrichien Vienne : pendant que le rival de la capitale renonçait à distribuer des abonnements, le Red Bull ne laissait entrer que ses abonnés, ce qui permettrait d'enregistrer automatiquement les coordonnées des spectateurs pour les prévenir en cas de contamination. Les places debout interdites étaient transformées en places assises positionnées "en échiquier" pour maximiser la distanciation. Autant de stratégies devenues caduques avec la seconde vague de la pandémie... Contrepied aussi dans les cages. Quand Vienne a deux gardiens autrichiens, Salzbourg compte deux étrangers. Le gardien numéro 3 de l'équipe nationale Lukas Herzog a en effet dû être opéré de la hanche et manquera toute la saison. L'international junior suédois de 1,95m Jesper Eliasson a été engagé à sa place pour servir de doublure à l'Américain de 36 ans Jean-Philippe Lamoureux.

Le Red Bull doit amortir les vastes installations de son académie et les a utilisées pour reprendre l'entraînement dès début août avec seulement 3 étrangers. Mais les infrastructures les plus modernes n'empêchent pas le virus de s'immiscer : Salzbourg a compté 30 cas positifs chez son équipe U18, obligeant à fermer 3 classes de lycée fréquentées par ses joueurs. Mais on n'aura jamais autant vu les joueurs formés dans l'académie au sein de l'équipe : jusqu'à neuf, en incluant les grands espoirs allemands John Jason Peterka et Justin Schütz prêtés par les "cousins" du Red Bull de Munich. À 18 ans, Peterka n'est rien moins que le meilleur marqueur de l'équipe au moment où il doit repartir pour la reprise de la DEL. Cela met la barre haut pour son successeur Dave McIntyre, qui fut le meilleur marqueur des play-offs suisses 2016 avec Zoug.

L'équipe retrouve ainsi en décembre un format plus traditionnel : les étrangers "classiques" - sauf les gardiens - ont tous 32 ou 33 ans, comme s'ils étaient dans le même moule. Ils incluent l'ailier au tir puissant Jack Skille (374 matches de NHL) qui a remplacé fin octobre Mario Huber, très apprécié de l'entraîneur Matt McIlvane mais victime d'une fracture du pied. Ces attaquants nord-américains (avec John Hughes et Rick Schofield) auront l'essentiel des responsabilités offensives avec le capitaine Michael Raffl et son cousin Alexander Rauchenwald, qui a vaincu son cancer déclaré en octobre 2019 et a repris le hockey dès le 29 février dernier. Le temps où Salzbourg avait quatre lignes fortes est un peu révolu, d'autant que le centre-clé Herburger est parti en Suisse à l'intersaison, mais cela peut laisser de place aux jeunes. Mais malheureusement pour le hockey autrichien, les meilleurs éléments de l'académie Red Bull à vocation internationale sont des étrangers. Paul Huber, un joueur de 20 ans originaire de Graz, semble la seule exception.

 

Toujours champion sortant puisque la couronne 2020 n'a pas été décernée, Klagenfurt a bien failli être champion sorti puisqu'il était mené 3 victoires à 0 par Linz en quart de finale avant d'être "sauvé" par la pandémie de Covid. La victoire de 2019 est aujourd'hui un lointain souvenir, nostalgique mais aussi endeuillé. L'homme qui avait marqué le but en prolongation du titre, Adam Comrie, est en effet mort dans un accident de moto en août, une semaine après son trentième anniversaire. Son contrat avec le club avait expiré.

Le manager général Oliver Pilloni est sous pression si sa construction d'équipe autour des internationaux autrichiens ne porte pas ses fruits. Le souhait de voir évoluer des enfants du pays dans la capitale de la Carinthie n'exclut pas la culture du résultat. Mais si le KAC s'apprêtait à aborder la saison avec deux étrangers valides, les circonstances ont vite conduit à corriger le tir. La blessure du gardien David Madlener pendant la préparation a ouvert la voie au recrutement fin août de l'international danois Sebastian Dahm, qui s'est logiquement imposé comme un numéro 1 solide. Initialement pris à l'essai, l'international slovène Blaz Gregorc a aussi contribué à stabiliser la défense. La blessure de longue durée du capitaine de la saison dernière David Fischer est palliée par d'autres défenseurs offensifs (Fredrik Eriksson prêté par Straubing jusqu'à la reprise de la DEL puis Paul Postma).

En attaque, le KAC a rayé la clause de sortie de Nick Petersen, malgré les nombreuses rumeurs sur sa vie privée, et prolongé automatiquement son contrat pour la nouvelle saison. Le Québécois n'a joué que 23 matches (16 pts) en 2019/20 à cause de blessures après son excellente saison antérieure (80 pts en 66 parties). Klagenfurt peine depuis à trouver un leader offensif car le trio Petersen-Koch-Ticar, composé de trois profils créateurs, a un rendement faible. L'entraîneur finlandais Petri Matikainen s'est longtemps accroché à cette solution pour ne rien changer à la deuxième ligne qui fonctionne très bien autour de Manuel Ganahl et Thomas Hundertpfund. En fin de compte, il a fini par séparer le premier bloc en envoyant le vétéran Thomas Koch entre les frères Geier sur un trio à vocation plus défensive. Il a appelé à sa place le polyvalent Lukas Haudum (qui reste sur une saison compliquée à cause d'une blessure à l'épaule), positionné à l'aile. Matikainen a ainsi pu disposer Rok Ticar au centre, ce qui a été le poste de prédilection du Slovène tout au long de sa carrière.

Ces ajustements délicats démontrent que le KAC est bien pourvu au centre mais manque quand même d'un véritable finisseur. On peut donc s'étonner un peu que Pilloni vienne d'engager le pur buteur Matt Fraser (ex-Augsbourg) en expliquant qu'il a été pris pour la construction d'équipe 2021/22... mais qu'il arrive quand même sur place pour s'habituer à l'environnement et aux systèmes de jeu et qu'il n'est pas exclu qu'il joue cette saison ! Une manière de corriger un défaut de l'effectif sans se dédire ?

 

Lorsque l'entraîneur canado-néerlandais Doug Mason est arrivé à Graz au cours de la saison 2016/17, il a pris en mains une équipe alors dernière du classement. Il en a fait un club stable de haut de tableau. Ces performances assez constantes sont enfin dignes des moyens du club... qui ont été engagés assez tôt cette année. Tandis que leurs concurrents étaient dans l'expectative de la situation sanitaire et abordaient la saison prudemment, les 99ers ont constitué très tôt une équipe complète. Ils ont même utilisé le maximum autorisé de 11 étrangers en incluant le défenseur Olle Alsing (Ottawa) et l'attaquant Michael Rasmussen (Detroit), prêtés jusqu'au début des camps NHL.

Graz dispose de donc de trois lignes offensives très fortes, plus une bonne quatrième ligne pour l'énergie. Rasmussen est certes censé repartir, mais Daniel Oberkofler (40 points en 46 matches l'an dernier) devrait revenir après sa blessure au bas-ventre dans une mauvaise collision avec la balustrade sur une charge lors de l'entraînement estival. Le défaut de cette attaque est qu'elle a peu de soutien des lignes arrières. Ces dernières ont certes plus de présence physique depuis l'arrivée du massif Américain Charlie Dodero en cours de saison dernière, mais elles manquent de profils relanceurs. Cela explique que l'éternel Oliver Setzinger (37 ans), redevenu attaquant à 5 contre 5, continue à se souvenir de sa reconversion à la ligne bleue quand il s'agit de mettre en place le powerplay.

Le principal point d'interrogation en début de saison se situait dans les cages. Graz avait étonnamment remplacé Cristopher Nihlstorp par le gardien de l'équipe de Grande-Bretagne, Ben Bowns, mais celui-ci peinait à convaincre. La blesse au genou du Britannique a donc été un peu cruellement perçue comme providentielle. Il a été remplacé par Olivier Rodrigue, troisième gardien de l'équipe du Canada championne du monde junior en janvier dernier (et fils de l'ex-Angevin Sylvain Rodrigue). Les réflexes rapides du Québécois, contrastant avec le style plus économe de Nihlstorp, ont vite permis son adoption par les supporters de Graz. Les Edmonton Oilers, qui avaient choisi Rodrigue au deuxième tour de la draft NHL 2018, l'avaient prêté au départ jusqu'à fin de l'année, mais les 99ers négocient pour qu'il reste toute la saison. Ce serait sans doute un très bon tremplin pour sa première saison professionnelle.

 

On appelle ça une politique contracyclique. Il y a deux ans, Villach était en difficulté financière et faisait jouer ses jeunes. Aujourd'hui, en pleine crise, le VSV ne cesse de se renforcer et se fixe des objectifs élevés : "les quarts de finale mais en regardant plus haut". Il a présenté un nouveau sponsor majeur, une entreprise immobilière. Il a aussi vendu 1300 abonnements pour 1500 places autorisées sans obligation de port de masque à sa place assise. C'était à la conférence de presse de rentrée du 22 septembre, il y a deux mois et demi... Le VSV a clairement confié les clés aux deux premières lignes composées des étrangers, plus le vétéran autrichien Martin Ulmer. Tant pis pour l'ancrage local qui faisait autrefois la fierté du club. L'international formé au club Markus Schlacher a même été poussé à la retraite sans obtenir de nouveau contrat. Tout ça pour ça, pourrait-on dire. Les performances des renforts étrangers peuvent se résumer en trois lettres : bof. Aucun ne fait assez la différence pour compenser un manque criant d'effort collectif qui est la principale carence actuelle de Villach.

La saison a mal débuté. Au premier match à Salzbourg, le nouveau gardien numéro 1 Tyler Beskorowany, apparemment pas en bonne forme, a été sorti après cinq buts encaissés en 30 minutes, faisant découvrir les bonnes bases techniques de sa doublure de 20 ans Alexander Schmidt. On apprenait dix jours plus tard que le contrat de Beskorowany était résilié pour cause de blessure. Villach a alors embauché l'international letton Kristers Gudlevskis. Si ses premières prestations ont été moyennes, le gardien balte s'est amélioré e semaine en semaine et a expliqué se sentir de mieux en mieux après avoir souffert ses séquelles de la Covid-19.

Mais le renfort que tout le monde attendait, c'est l'enfant du pays Michael Raffl. Son frère Thomas voulait le convaincre de le rejoindre à Salzbourg, mais l'attaquant des Flyers de Philadelphie est bien rentré dans sa ville natale en attendant la reprise. Un joker financé par... William Hill, un bookmaker britannique qui est le partenaire officiel de la NHL en matière de paris sportifs. Raffl portera un maillot aux couleurs de ce sponsors. Le numéro 12 est arrivé pour le derby contre le KAC et a débuté par deux victoires. Cela n'a pas suffi pour sauver la tête de son coach Dan Ceman, arrivé cet été après deux titres de champion de Slovaquie avec Banska Bystrica et remplacé par... son prédécesseur Rob Daum, qui avait ramené l'équipe en play-offs sans être prolongé ! Explications du président du directoire Gerald Rauchenwald : Ceman est un "bon entraîneur" mais "pas le coach adapté pour notre équipe", Daum était "déjà notre candidat idéal cet été mais les négociations avaient échoué". Le (pas si) nouvel entraîneur a signé en option pour la prochaine saison. Enfin, normalement, puisque c'est déjà le quatrième changement d'entraîneur en deux ans...

 

Après une année comme adjoint, Antti Karhula a été promu entraîneur principal de Fehérvár en janvier dernier. Ce nom vous dit peut-être quelque chose, il avait débarqué à Villard-de-Lans au cours de la première saison du Super 16. Ce poste n'est pas facile : si l'équipe a échoué de peu à se qualifier pour les derniers play-offs, elle doit y parvenir cette fois. La pression du résultat reste forte au sein de l'AV19, car le club hongrois est en concurrence à distance avec ses compatriotes qui ont intégré l'Extraliga slovaque. Il doit démontrer qu'il joue dans le meilleur championnat et qu'il y est performant.

L'objectif de l'intersaison était de rester la référence en Hongrie pour longtemps. Pour cela, avant qu'un arrêt des transferts ne soit convenu en raison de la crise, le club a engagé pour 5 ans János Hári après son passage en Finlande et à Salzbourg. Un maillon absolument essentiel. Le Slovène Anze Kuralt a été moins performant sans Hári qu'avec lui. L'autre ailier Colton Hargrove bénéfice aussi du centre hongrois : il a trouvé l'efficacité qui lui manquait à Bolzano même si son jeu y paraissait solide. AV19 ne s'est pas contenté de ça et a aussi fait revenir István Bartalis après quatre ans à l'étranger, en lui offrant un contrat de 3 ans. Les Hongrois disposent donc d'une belle colonne vertébrale au poste de centre, puisque le vieux naturalisé Andrew Sarauer reste présent en troisième ligne.

Les lignes défensives n'ont pas la même densité, mais cela reflète les problèmes de l'équipe nationale de Hongrie. On s'est donc adjugé les services de trois Canadiens : comme ses collègues Paul Geiger et Michael Caruso sont solides dans les duels mais plutôt limités techniquement, Tim Campbell - qui avait éclaboussé la Ligue Magnus de son talent lors de sa saison à Gap - tient un rôle peut-être encore plus indispensable que Hári dans l'équipe car le jeu de puissance repose sur lui. Mais ce n'est pas en défense qu'AV19 a abattu son joker. Les blessures du vieux gardien Mike Ouzas et de sa doublure hongroise Daniel Kornakker) ont en effet conduit au recrutement de l'international slovaque Jaroslav Janus, une sacrée recrue à ce niveau. Les play-offs deviennent dès lors un peu plus qu'une option.

 

Qui sont ces Bratislava Capitals ? Lorsque le président Ivo Durkovic et le manager Dusan Pasek ont repris le HC Bratislava en 2018, leur but était de faire monter ce club en Extraliga slovaque où la ville de Bratislava n'était pas représentée, puisque le Slovan jouait en KHL. Ils s'imaginaient alors en seuls représentants de la capitale, ce qui explique le nouveau nom choisi. Ce projet n'a plus vraiment de sens avec le retour au pays du Slovan. Le club sans grand passé a réuni à peine 468 spectateurs l'an passé, une valeur faible même pour la deuxième division slovaque. Dans le même temps, le Slovan en accueillait 5 241... On ne joue pas dans la même cour. Impossible de rivaliser. C'est pourquoi les Capitals ont rejoint la ligue autrichienne : pour proposer au public slovaque un championnat différent, peut-être plus attractif, qui trancherait avec une Extraliga en déclin. Ils ont donc insisté pour continuer à louer la Ondrej Nepela Arena, la plus grande patinoire de la ligue autrichienne, qui peut contenir 10 000 spectateurs, en espérant attirer les curieux, y compris les visiteurs adverses. Ce ne sera évidemment pas pour cette saison...

Comme le faisait jusqu'ici le club de Znojmo, Bratislava doit donc amener une autre culture hockey, plus technique. Sa compétitivité posait question. Dès l'an passé, les Capitals avaient rassemblé une très forte équipe qui s'est baladée en au second niveau slovaque mais qui valait une division au-dessus. Ils avaient marqué le coup en recrutant comme capitaine David Buc, un international en exercice. Cet été, ils ont encore engagé des grands noms, certes parfois vieillissants, comme Michel Miklik, désormais âgé de 38 ans. Ils ont aussi ajouté six Nord-Américains, dont certains connaissent déjà la ligue autrichienne comme le défenseur québécois Sacha Guimond. Et comme les cadres slovaques ne sont pas tout jeunes, ils ont même bénéficié du dynamisme apporté par l'international junior Maxim Cajkovic, prêté après l'arrêt de la ligue junior majeur du Québec.

L'équipe s'était aussi préparée très tôt en Slovaquie où elle a pu disputer des matches amicaux alors que les clubs autrichiens n'avaient pas encore repris. On l'attendait donc prête au démarrage... et elle ne l'a pas été. Elle a péché là où ne l'attendait pas forcément, par faiblesse défensive. Elle a accumulé des défaites en encaissant trop de buts, y compris en gaspillant des avances au score. Pourtant, Rostislav Cada avait la réputation d'un entraîneur défensif, assez "vieille école". Il n'est donc pas étonnant qu'il ait le premier technicien licencié, fin novembre. Après un intérim du manager Pasek, c'est l'ex-international allemand Peter Draisaitl qui a été engagé, un germanophone à la frontière des deux cultures. Pour Bratislava comme pour Villach, le début de saison raté n'est pas rédhibitoire : les équipes en dehors du top-5 joueront une poule de qualification en gardant simplement quelques points de bonus, et elles gardent donc toutes leurs chances de se qualifier en play-offs si elles trouvent un meilleur équilibre avec leurs nouveaux entraîneurs.

 

Après deux années conclues à la dernière place, Dornbirn peut se dire qu'il ne peut pas tomber plus bas. L'entraîneur Kai Suikkanen a été reconduit : on a reconnu qu'il ne pouvait guère faire mieux en étant embauché le 31 octobre dans une saison qui prenait déjà mauvaise tournure. Il a demandé à pouvoir constituer l'équipe assez tôt pour pouvoir préparer sereinement le championnat. Il n'a malheureusement pas été entendu. Le groupe n'a été rassemblé qu'au dernier moment, sans matches de préparation, alors même que tout est à reconstruire.

Il reste en effet un seul étranger, William Rapuzzi, centre travailleur, à qui l'on adjoint un très bon ailier dont le seul défaut est d'avoir été engagé tardivement (début octobre). Andrew Yogan est en effet un des marqueurs les plus constants de la ligue, il tourne un point par match depuis son arrivée dans la ligue il y a trois ans, et il est au meilleur âge à 28 ans. L'international letton Nikita Jevpalovs tient bien le rôle d'ailier de complément à leurs côtés. La première paire défensive est encore plus satisfaisante : Matt McKenzie, comme la saison passée à Bad Tölz, avale un grand temps de jeu, et Yanni Kaldis, toujours sélectionné dans une équipe étoile depuis six ans en junior A puis en NCAA, montre qu'on a tort de négliger un joueur qui vient d'une forte institution universitaire (Cornell, où il était capitaine). Kaldis fait partie des trois joueurs prêtés par la franchise AHL des Bakersfield Condors qui permettent à Dornbirn de bien mieux démarrer que l'an passé, malgré l'absence de préparation.

Même le contingent autrichien s'est amélioré avec l'arrivée de l'international Daniel Woger qui tient un rôle important en deuxième ligne et s'est bien remis de deux saisons polluées par les blessures. Et pourtant, les Bulldogs ont toujours un problème : les gardiens finissent toujours par décevoir et jouer en dessous de leur réputation. C'est encore le cas d'Oskar Östlund, pourtant solide à Storhamar puis à Krefeld. Pour le reste, l'équipe s'en sort très dignement. Le fait que tout le monde ait sa préparation perturbée nivelle un peu les habituels handicaps de Dornbirn.

 

Si Dornbirn a un petit problème de gardiens, celui d'Innsbruck est beaucoup plus criant. Le portier américain de 31 ans Tom McCollum, qui a fait l'essentiel de sa carrière en AHL, prend souvent de mauvais buts au point d'être supplanté par sa doublure René Swette, ex-international que toute l'Autriche avait décrété fini : son club formateur Lustenau - en division inférieure ! - a racheté son contrat de trois ans cet été au bout d'une saison seulement. Peut-être faut-il remettre en perspective les difficultés rencontrées par Swette lors de son précédent passage à Innsbruck ?

On avait beaucoup dit que les gardiens du club tyrolien étaient victimes du système du coach Rob Pallin, qui critiquaient leurs performances mais ne les mettait pas dans de bonnes conditions. Or, Pallin est parti à l'intersaison après quatre ans au club. Il avait donné un accord oral, mais sans rien signer. Son agent proposait ses services à des clubs allemands et il a rejoint Kaufbeuren. Innsbruck a ensuite espéré embaucher Don Nachbaur, mais celui-ci a été engagé par Berne. On s'est donc rabattu sur une solution de secours interne, qui sait qu'il n'était pas le premier choix : Mitch O'Keefe (36 ans), jusqu'ici adjoint et... entraîneur des gardiens ! Il ne trouve donc toujours pas la solution pour que ceux-ci dépassent les 90% d'arrêts.

L'autre casse-tête de O'Keefe tient à la gestion d'une profondeur de banc toujours faible en raison de la faiblesse des joueurs locaux : il a d'abord constituer deux blocs entièrement étrangers avant d'essayer de mixer un peu les lignes. L'identité du coach ne change finalement pas grand chose aux problématiques structurelles d'Innsbruck. Ayant la charge du recrutement étranger dans le fonctionnement du club, O'Keefe ne s'est pas mal débrouillé, compte tenu de la contrainte supplémentaire de privilégier l'embauche de célibataires à cause des loyers très chers dans le Tyrol. Les observateurs autrichiens ont souvent du mépris pour les "ligues moins fortes" (tout le monde sauf les grands pays de hockey) mais le centre Braden Christoffer et l'ailier Daniel Ciampini - un duo prolifique dans le championnat norvégien - ou encore Sam Herr - capitaine de Nottingham et meilleur marqueur de l'EIHL britannique - sont évidemment de bonnes recrues. Mais pour qu'Innsbruck aille en play-offs, il faut que tout le monde soit efficace... y compris dans les cages.

 

Le hockey à Linz a alimenté un incroyable feuilleton de l'été, une scission qui a vu deux clubs différents se disputer l'héritage. Le premier épisode, sorti en mars, voit le président et trésorier Peter Freunschlag virer le directeur sportif Christian Perthaler pour engager à sa place Gregor Baumgartner. Les trois vice-présidents Karl Egger, Peter Zauner et Peter Matausch démissionnent alors tous en protestation contre les décisions solitaires de leur président. Mieux que ça, ils créent un club concurrent "Eishockey-Verein Linz" et installé comme manager... Perthaler ! Ce n'est pas qu'une provocation, c'est un véritable putsch ! Ils reçoivent le soutien des clubs de supporters et de vingt sponsors, dont le principal, Liwest : cette entreprise de télécommunications arrivée au début de l'EBEL pour relancer un club qui venait de faire faillite s'en va donc au moment où la ligue change de nom. Freunschlag a un atout, il détient les droits de la marque Black Wings, à moitié à titre personnel et à moitié par une société qu'il contrôle.

Mais la clé de l'avenir du club est surtout dans les mains de la Linz AG, qui possède la patinoire. Elle annonce dans un premier temps qu'elle ne renouvellera pas le bail des Black Wings qui arrive à échéance au 30 avril. Sans salle, les Black Wings risquent l'exclusion de la ligue ! Freunschlag - un entrepreneur dans la construction - ne cède pas et menace de jouer à Gmunden (une patinoire vétuste) ou à Ceské Budejovice, à 90 kilomètres et sur le territoire tchèque (traversée de frontière improbable en temps de coronavirus). Mais finalement, le président entre en négociations avec la Linz AG, qui ne le sponsorise certes plus mais l'autorise toujours à louer la patinoire. Il promet aussi de démocratiser le club pour mieux partager les responsabilités. Mais avec ses rivaux, le conflit s'envenime. L'avocat Peter Vogl dénonce des dissimulations fiscales tels que des abonnements vendues contre espèces à trois fan-clubs ou l'absence de TVA sur une facture de saucisses. Or, Vogl est aussi celui qui prépare le budget du nouveau EHV Linz... Freunschlag boycotte depuis des semaines les Oberösterreichen Nachrichten, le journal local, au moment où ils publient un article sur le sujet.

Ce sont finalement les autres clubs qui décident du dénouement en juin, après trois mois de conflit. Le nouvel EHV Linz ne reçoit pas la majorité des deux tiers pour intégrer la ligue (selon des rumeurs officieuses il aurait eu 6 voix sur 10, le nouveau club Bratislava n'ayant pas le droit de vote). Alors que les dissidents semblaient avoir la main, ils sont KO, même s'ils gardent toujours un projet d'académie et veulent retenter leur chance l'an prochain. Les "Black Wings 1992" de Freunschlager continuent donc de porter les couleurs de Linz - même si leur nouvelle dénomination ignore ostensiblement le nom de la ville. Ils paraissent alors sans soutien local et avec seulement 5 joueurs sous contrat, mais ils s'en sortent. Ils confient l'équipe au jeune entraîneur Pierre Beaulieu (coach venu de Krefeld qui connaît donc les environnements à problèmes...). Ils annoncent même un nouveau sponsor majeur début octobre (le fabricant de piscines Steinbach).

Les Black Wings n'ont plus les mêmes moyens qu'avant et sont plutôt un club de bas de tableau. Deux joueurs-clés sont restés, le Suédois Dragan Umicevic et l'international autrichien Brian Lebler : ils étaient le meilleur passeur et le meilleur buteur de la ligue et ils peuvent toujours le rester. Mais ils sont un peu seuls. Le rappel de plusieurs anciens joueurs - les défenseurs Sébastien Piché et Marc-André Dorion ainsi que l'ailier Andrew Kozek - a été une tentative évidente de jouer sur la corde sensible des supporters mais elle ne porte guère ses fruits puisque l'équipe est au fond du classement. Le joker letton Oskars Bartulis vient d'être embauché début décembre pour résoudre les faiblesses défensives. Le gardien David Kickert, censé avoir l'avenir de l'équipe nationale d'Autriche sur ses épaules (Starkbaum aura 35 ans en février), a toujours des difficultés à s'imposer et à tenir la pression. Mais attention : Linz avait la deuxième efficacité aux tirs l'an passé et est dernier cette saison dans cette statistique. Si la réussite sourit de nouveau, les Black Wings pourraient donc encore surprendre en inversant la tendance... comme leur président à l'intersaison !

 

Marc Branchu

 

 

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