Bilan des championnats du monde 2021

 

En période de pandémie, le plus important était déjà que tout se passe bien d'un point de vue médical. Sur les 7000 tests pratiqués pendant le championnat du monde, aucun n'était positif. C'est ce qui a fait dire aux organisateurs que ce Mondial 2021 aura été un succès. Il a fallu en payer le prix de la perte de convivialité, alors que la compétition est en temps normal une grande fête populaire. Le retour des spectateurs, autorisé à partir du 1er juin, n'aura vraiment créé de l'ambiance que pour le match Lettonie-Allemagne, pour lequel les plus courageux des supporters baltes - masqués et testés/ou vaccinés - ont payé 10% du salaire moyen dans le pays. C'est l'IIHF qui a fixé les prix car c'est elle qui empochait les recettes et non pas les organisateurs. En l'absence de visiteurs étrangers (deux Slovaques qui se trouvaient ont été refoulés de la patinoire malgré un passeport sanitaire), les billets encore plus chers pour les phases finales, dans un délai d'achat très court et avec autant de contraintes, n'ont évidemment pas déchaîné les foules lettones. La jauge limitée à 2660 spectateurs n'a pas été atteinte et l'IIHF n'a même pas publié les affluences.

Outre les contraintes sanitaires, le championnat du monde n'a pas non plus échappé au contexte politique. Le détournement par le Bélarus d'un avion de ligne entre deux pays de l'Union Européenne pour arrêter un opposant, en plein milieu du championnat du monde, a rajouté de l'huile sur le feu. Le Maire de Riga a remplacé le drapeau du pays par celui de l'opposition, acte immédiatement condamné par l'IIHF. L'argument est que le sport doit être imperméable aux questions politiques. Mais depuis plus de vingt ans, dans d'innombrables conférences de presse des Mondiaux juniors et seniors, les entraîneurs - locaux ou étrangers - du Bélarus à débiter des discours tout faits sur le rôle du président-qui-aime-le-hockey-et-qui-fait-beaucoup-pour-ce-sport, qui a instrumentalisé le sport à des fins de propagande politique ? L'IIHF s'en offusquait-elle à l'époque ?

René Fasel n'a pas hésité à regretter dans plusieurs médias suisses le retrait du Mondial à Minsk parce que cette compétition sportive aurait pu... être l'occasion d'une trêve et d'un dialogue ! Dans le contexte de meurtre d'opposants auquel le président de la fédération biélorusse est soupçonné d'avoir participé, l'argument laisse songeur. Pour autant, on ne peut pas circonscrire le problème à la russophilie - et poutinophilie - assumée de Fasel. Même un des principaux candidats à sa succession, Franz Reindl, a condamné l'affaire du drapeau. C'est un passage obligé car l'influence de la sphère russe restera une des clés de la prochaine élection à l'IIHF. Mais dans le même temps, la CHL, qui s'était créée sous la direction des clubs européens en sortant du giron de Gazprom et de la KHL, a exclu le représentant biélorusse (le Yunost Minsk) de la prochaine édition. On discerne donc une divergence entre les deux organisations, et elle est bien de nature politique.

Même si un député letton avait proposé de retenir l'équipe du Bélarus en otage (comme quoi le droit d'énoncer des idées parfaitement idiotes fait aussi partie de la démocratie), ce contexte a été sans influence sur les hockeyeurs, si ce n'est que les Biélorusses ont dû rentrer à Minsk par un voyage de 8 heures de bus en raison des exclusions de l'espace aérien.

La compétition s'est donc déroulée normalement, même si on aurait qualifié l'absence de public de totale anormalité avant de s'y habituer depuis un an... Sans la ferveur populaire et les paillettes des stars, sa principale qualité a été sa totale imprévisibilité qui a apporté un suspense jamais vu. Aucun pays ne paraissait à l'abri d'une élimination, même si le classement final ne reflète finalement pas tant que ça ce chamboulement total des valeurs, avec in fine la réédition de la dernière finale.

Résultats et comptes-rendus des Mondiaux 2021

 

Canada (1er) : les champions miraculés

Le champion le plus surprenant de l'histoire ? Mais ne disait-on pas déjà ça de la Finlande il y a deux ans ? Les motifs d'étonnement dans ces deux titres ne sont pourtant pas comparables. Le Canada avait certes son effectif le plus faible de ce siècle, mais les autres équipes étaient tout aussi affaiblies. La médaille d'or n'était pas interdite... mais le désastre non plus. Après avoir perdu les trois premières rencontres, les Canadiens étaient quasiment éliminés, même pas maîtres de leur destin, en passe de connaître une déconvenue sans précédents. Et puis, Zorro est arrivé. Ou plutôt Andrew Mangiapane (au centre de la photo), qui n'avait pas participé aux trois défaites initiales. Ce "joker" - prévu dès le départ mais encore en quarantaine les premiers jours parce que Calgary avait fini sa saison après les autres - a mis un but par match et a apporté ses qualités de finisseur à une équipe offensivement en plein doute.

Des concours de circonstances et des résultats favorables dans les autres confrontations ont alors permis aux joueurs à la feuille d'érable de s'en sortir, toujours par la petite porte. Rétrospectivement, le bilan comptable est donc historiquement... bas. Le Canada a marqué 17 points sur 30 si on inclut les phases éliminatoires, à peine au-dessus de la moyenne. Jamais bien sûr une équipe n'est devenue championne du monde avec une performance aussi faible. Tout aussi étonnant, les Canadiens comptent 8 joueurs avec fiches positives (dont un presque sans temps de jeu, Braden Schneider), 2 avec un +/- à zéro et... 11 avec des fiches négatives !

Il serait donc tentant de résumer ce Canada à "l'équipe d'une seule ligne", ce trio qui a immédiatement fonctionné dès que Mangiapane a rejoint capitaine Adam Henrique et Connor Brown. S'il a été injustement oublié dans l'équipe-type des journalistes (qui ne compte aucun centre car l'IIHF ne tient plus compte des positions comme autrefois), Brown a été le meilleur marqueur du tournoi. Il a récolté 14 assistances (et en aurait eu deux de plus sur les deux buts canadiens refusés après appel à la vidéo pour hors-jeu) et il a participé aux trois buts de la finale, lorsque l'élection des meilleurs joueurs était déjà décidée. Le centre des Sénateurs d'Ottawa a donc bien été le moteur de l'ombre. Mais quand un groupe devient champion, cela ne peut être l'oeuvre que de quelques-uns. Tous ont su élever leur niveau en play-offs, y compris le gardien Darcy Kuemper, qui avait commis beaucoup d'erreurs en poule, et Maxime Comtois, ancien capitaine bouc émissaire d'une élimination (Mondial junior 2019) devenu le joueur décisif de la finale. Et c'est bien sûr le mérite du coach Gerald Gallant d'avoir su utiliser ses meilleurs hommes avec cet effectif peu impressionnant.

 

Finlande (2e) : le cuistot fait des merveilles avec ce qu'il a

Championne du monde en 2019, la Finlande a cette fois été vice-championne sans perdre le moindre match dans le temps réglementaire, à l'issue d'une finale encore regardée par plus de 3 millions de téléspectateurs (dans un pays de 5,5 millions d'habitants). Cette équipe semblait réglée comme du papier à musique : une distribution parfaite de temps de jeu, des présences chronométrées, un système orchestré à la perfection. Elle fut clairement la meilleure équipe à 5 contre 5, n'encaissant aucun but dans cette situation de jeu pendant toutes les phases finales, pendant lesquelles le gardien Juho Olkinuora fut à la hauteur de l'enjeu. Mais la prolongation en finale se jouait à 3 contre 3, où le talent individuel compte un peu plus...

Cette formation finlandaise était en effet, bien plus encore que les Canadiens, l'incarnation de l'équipe anonyme. Les vedettes en ont été la "quatrième ligne" (théorique puisqu'elle a eu le plus de temps de jeu, très légèrement bien sûr) Mäenälänen-Björninen-Anttila, toujours parfaite dans son travail de sape, et le défenseur défensif Olli Määttä, idéal en héros de l'ombre. Elle avait peu de talent, et elle en avait conscience. Le meilleur marqueur en a été le junior Anton Lundell (abattu ci-contre après la défaite en finale) qui a brillé surtout après son replacement à son poste habituel de centre.

Ces deux finales ont assis la réputation de Jukka Jalonen comme le meilleur entraîneur national du moment. Il a obtenu des résultats exceptionnels avec des moyens limités, se révélant un gestionnaire précis des forces de ses hommes, tant par la rotation que par la tactique utilisé. La Finlande a ainsi accepté de subir face à des adversaires qu'elle savait manquer d'attaquants efficaces (Lettonie ou Allemagne en demi-finale) en faisant toute confiance à ses gardiens. Mais elle était bien plus active offensivement face aux Nord-Américains. Jalonen a donc montré des capacités d'adaptation, même si ses unités spéciales n'ont pas fonctionné (11e en supériorité numérique et avant-dernier en infériorité). On est impatient de voir ce que ce cuisinier accomodant à merveille les restes fera de la prochaine équipe olympique, qui devrait regorger d'ingrédients savoureux...

 

États-Unis (3e) : un échec collectif... et individuel ?

Les États-Unis ont obtenu quatre médailles sur les huit dernières éditions, alors qu'ils en avaient remporté trois pendant les cinquante années précédentes. Ces médailles ont néanmoins un défaut : elles sont toutes en bronze. Non pas que les Américains aient négligé cette breloque : leur joie était visible et sincère dans le vestiaire car elle récompensait des sacrifices particuliers cette année. Mais ils garderont aussi une immense frustration, celle de s'être fracassés pour la dixième fois (!) sur le mur des demi-finales.

Pire encore, ils ont perdu contre le Canada, contre qui ils traînent toujours un complexe au niveau sénior. Le très bon Mondial, la première place du groupe, tout cela était oublié le jour où ça comptait vraiment. Le meilleur symbole en est Trevor Moore, élu meilleur joueur de la confrontation face au Canada en poule, avec deux buts mais aussi un 12/14 aux mises au jeu. Face à ce même adversaire, Moore n'a remporté que 2 engagements sur 13 en demi-finale, laissant les voisins du nord s'emparer de la possession. La qualité des unités spéciales était moins utile car les arbitres avaient reçu des consignes de moindre sévérité dans les phases finales : or, les hommes de Jack Capuano ont été exceptionnels en la matière avec 1 seul but en 54 minutes d'infériorité numérique !

Deux joueurs ont gardé un très haut niveau de performance durant tout ce championnat. Cal Petersen, avec 95,3% d'arrêts, a été élu meilleur gardien de la compétition. L'ailier Conor Garland, dont la ligne avec Jason Robertson et Moore a été la plus spectaculaire du tournoi, a été élu dans l'équipe-type. Plus personne ne pourra se permettre de laisser Garland passer sous les radars, selon l'expression américaine consacrée qui convient bien à ce petit gabarit. Snobé chez les juniors, alors même qu'il éclaboussait de son talent la Ligue de Hockey Junior Majeur du Québec, Garland n'a gardé aucune rancune. Il a répondu à la première invitation de USA Hockey, quand bien même il était en fin de contrat NHL. Ce créateur d'offensive mériterait grandement d'être sélectionné aux prochains Jeux olympiques. Sinon, c'est que la fédération américaine ne saura pas créer cette dynamique qui lui permettrait d'être enfin gagnante.

 

Allemagne (4e) : un exploit appelé à devenir plus fréquent

Depuis que les Soviétiques sont apparus aux championnats du monde (1954), l'Allemagne n'est entrée que deux fois dans les quatre premiers, en 2010 à domicile et désormais en 2021. Comme onze ans plus tôt, elle est passée tout près de l'exploit en demi-finale en ne s'inclinant que deux fois après un match d'anthologie. Même si les audiences sur la chaîne Sport1 ont été un peu moindres qu'à l'époque (1,77 millions de téléspectateurs contre 2,45), il faut y ajouter les streamings internet (850 000, même s'il ne s'agit peut-être pas de personnes uniques). Le hockey sur glace a de nouveau attiré l'attention du public en Allemagne. "Je ne crois pas que nous aurons encore à attendre 11 ans avant d'atteindre de nouveau une demi-finale", a prédit le vice-président de la fédération Marc Hindenlang. Le pays occupe sa plus haute place historique au classement IIHF, cinquième !

L'Allemagne commence à tirer les fruits du meilleur travail de formation, et de la place enfin laissée aux jeunes pour se développer. Par exemple celle d'un Lukas Reichel qui obtenu en âge junior une place en première ligne à Berlin pour sa seconde saison, sur un trio (Marcel Noebels - Lukas Reichel - Leo Pföderl) qui a aussi mené l'équipe nationale à Riga. Moritz Seider a même été élu meilleur défenseur du championnat du monde à 20 ans, même si son élection semble un peu prématurée. Il ne figurait même pas dans les trois meilleurs joueurs allemands élus par son coach et a fini le tournoi avec une fiche de -3, alors que deux de ses collègues des lignes arrières étaient à +6 : Korbinian Holzer (photo), élu dans l'équipe-type aux côtés de Seider, le capitaine Moritz Müller, tous deux formidables de leadership.

Le potentiel de Seider est évident mais il n'est pas encore en mesure de mener le jeu de puissance qui reste un point faible. Dominateurs aux tirs lors de chaque match de phase finale, les Allemands manquent en effet encore d'efficacité dans le dernier geste. Ils ont en revanche fait preuve d'un formidable état d'esprit, toujours prêts au sacrifice pour le groupe. Avec un peu plus de maturité et quelques joueurs-clés pour mettre le palet au fond, cette équipe ne doit plus avoir peur de personne pour se battre régulièrement pour les médailles. Ce qui était l'objectif affiché du programme Powerplay 26, élaboré alors que cette perspective paraissait bien lointaine pour une équipe qui n'arrivait plus à atteindre les quarts de finale.

 

Russie (5e) : alerte à la pénurie

Pendant un temps, on a bien cru avoir sur-interprété les faiblesses russes dont on s'était inquiété avant le tournoi. La Sbornaïa a fini première de son groupe avec une efficacité aux tirs presque trop belle, de plus de 13%. Aleksandr Samonov (photo) ne s'en sortait pas si mal pour un gardien moyen de KHL avec 94,4% d'arrêts, mais il savait déjà qu'il serait remplacé par le joker de NHL Sergei Bobrovsky pour les phases finales. C'est à ce moment-là, lors du quart de finale contre le Canada, que l'attaque russe a montré ses limites (1-2 a.p.). Même l'ailier NHL Vladimir Tarasenko, qui devait justement apporter une qualité de tir supérieure, n'aura pas mis le moindre but en trois rencontres. Les Russes ont vécu beaucoup de défaites contre le Canada, mais celle-ci fut terriblement amère face à un adversaire qu'on raillait doucement en se gaussant - un peu trop vite - de son élimination prématurée.

Les supporters russes ont alors exprimé leur rancoeur contre le système du SKA Saint-Pétersbourg, club qui tient les manettes de l'équipe nationale en fournissant l'entraîneur Valeri Bragin et le directeur Roman Rotenberg. Ce dernier a dévié les coups en retournant la faute contre les joueurs, déclarant à l'agence TASS : "En prolongation, la consigne était de garder le palet et de ne tirer que lorsqu'il y a une occasion de marquer à 100%. Cela a été discuté et dessiné, mais on vu exactement le contraire. Il y a eu un contrôle minimal du palet, des tirs de partout. Les Canadiens ont eu le contrôle du palet."

Critiqué pour son système restrictif, qui maintient une possession souvent dans le périmètre, Valeri Bragin a quant à lui pointé du doigt là où ça fait mal : "Le nombre de candidats des clubs de KHL pour la sélection nationale qui répond aux exigences du niveau international a décru depuis plusieurs années. En conséquence, la compétition pour une place dans l'équipe est réduite, actuellement il y a moins de deux joueurs pour une place à certains postes, et il y a pénurie dans des positions comme les défenseurs, les centres et les gardiens." Ce n'est pas qu'une excuse d'un homme sous le feu de la critique, car ce constat est indéniable. La KHL a perdu tous ses meilleurs joueurs russes et s'est affaiblie. On reproche à Bragin de privilégier des fidèles joueurs du système du SKA en sacrifiant les talents, mais ceux-ci se font rares. On verra aux prochains Jeux olympiques, avec la totalité du talent NHL disponible, si le problème est dans le système ou dans les joueurs.

 

Suisse (6e) : y aura-t-il toujours une prochaine fois ?

Après l'élimination en quart de finale, l'entraîneur national Patrick Fischer a entonné le refrain de l'échec qui permettra d'apprendre pour la prochaine fois. Mais l'environnement suisse ne semble plus réceptif à ce discours déjà entendu. Il a au contraire l'impression que les leçons des défaites précédentes n'ont pas été retenues. En quart de finale face à l'Allemagne, exactement comme il y a deux ans au même stade face au Canada, la Suisse a joué trop passivement en troisième période alors qu'elle menait au score et a laissé son adversaire prendre le contrôle du jeu, jusqu'à égaliser à la dernière minute en sortant son gardien.

Si la réputation de Fischer surfe toujours sur la finale mondiale de 2018, déjà perdue aux tirs au but, la Nati commence à regretter ces multiples occasions manquées. Comme aux derniers Jeux olympiques, la Suisse semblait une prétendante légitime aux médailles en l'absence des meilleurs joueurs de NHL, mais comme aux JO, elle n'a pas répondu aux attentes en se faisant écarter de manière prématurée par l'Allemagne. Est-il est vrai qu'elles se représenteront forcément ? Un Anders Ambühl (photo), co-recordman avec ses 16 championnats du monde et toujours aussi remarquable d'énergie, n'attendra pas une éternité et mériterait meilleure récompense.

La quatrième ligne suisse a été la meilleure, elle qui comprend deux joueurs techniquement doués (Christoph Bertschy et Fabrice Herzog) mais reconvertis dans ce rôle besogneux aux côtés du toujours valeureux combattant Tristan Scherwey. Un duo offensif a aussi étincelé avec un Grégory Hoffmann ébouriffant de vivacité et un Enzo Corvi aux passes magistrales. Malheureusement, les deux autres lignes n'ont pas vraiment fonctionné et les leaders attendus (Nico Hischier, Timo Meier et Sven Andrighetto) n'ont pas totalement eu l'impact espéré. La Nati semble donc toujours chercher la bonne formule, ou la bonne année. Cela ne peut pas toujours être l'année prochaine...

 

République Tchèque (7e) : pas assez d'émotion, trop de corrections

Tout comme la Suisse, la République tchèque a donné le sentiment de gâcher une belle occasion dans un tournoi qu'elle abordait pour une fois parmi les favorites. Le sélectionneur Filip Pešán (photo) a vite été sous le feu de la critique parce qu'il semblait manquer d'émotion, en contraste avec son regretté prédécesseur Miloš Říha. Ses émotions plus rentrées ne lui ont pas gagné la sympathie immédiate du public tchèque. Son mode d'expression est simplement différent, mais on l'a accusé de ne pas savoir motiver l'équipe. On ne peut pourtant pas dire que les Tchèques sont restés sans réaction. Après leurs deux défaites initiales, ils ont renversé le score contre le Bélarus, la Suède puis le Danemark pour prendre les points nécessaires pour se qualifier.

L'impuissance offensive en quart de finale contre la Finlande (0-1) a néanmoins été terriblement frustrante. Alors que le meilleur défenseur Filip Hronek était pris en défaut de marquage pendant le but adverse sur rebond, l'attaque à haut potentiel restait désespérément muette. Le choix de Pešán de se priver ce jour-là d'un de ses joueurs les plus créatifs et offensifs (Michael Špaček) a alors été vertement reproché, et même si un joueur n'aurait pas forcément fait la différence face au système finlandais, les changements de ligne à chaque match n'ont jamais permis de trouver des trios identifiables avec une identité de jeu, comme c'était le cas sous Říha.

Ce n'est pas qu'il n'y avait une philosophie, c'est qu'il y en a eu plusieurs. La première idée du coach était d'avoir un top-6 offensif composé de joueurs d'expérience au centre (Kovář et Zohorna) et de joueurs plus jeunes de NHL à l'aile. Le rôle était peut-être surdimensionné pour Tomáš Zohorna (qui a fini le tournoi à zéro point), ce qui a permis à Filip Chytil de retrouver son poste de centre et non un rôle inhabituel d'ailier. Pešán a ensuite reproché à ses premières lignes de ne pas assez s'engager dans le slot et a annoncé qu'il mettrait un travailleur sur chaque ligne, mais sans forcément aller au bout de cette logique. Jakub Vrána, qui devait avoir les oreilles qui sifflaient quand le sélectionneur parlait de manque d'impact physique, a déçu, mais il était peut-être un peu blessé ou mal utilisé (à l'aile droite alors qu'il joue généralement à gauche). À l'exception peut-être de Dominik Kubalík, toujours impliqué, aucun attaquant n'est totalement exempt de reproches, sans qu'il n'y ait eu de ratage complet. Ce sont plus des petits défauts, qui étaient remplacés par d'autres quand le coach cherchait à les corriger. Pešán aura d'autres occasions, mais l'adversité risque d'être plus forte.

 

Slovaquie (8e) : pas de mécontent... sauf un gardien vexé

Parmi les perdants des quarts de finale, un seul entraîneur a été épargné par la critique : Craig Ramsay. En quatre ans, le Canadien aura réussi à mettre en place une direction sportive claire pendant les crises en coulisses. C'est un coach sur lequel personne n'avait rien de mal à dire en NHL, et il a rebâti sur de nouvelles fondations l'équipe de Slovaquie, qui patine désormais beaucoup plus. Aboutissement de son travail, il a enfin réussi à la ramener en quart de finale (huit ans après !), avec une très jeune équipe de moins de 25 ans de moyenne d'âge.

Après l'euphorie des trois victoires en début de tournoi (dont une sur la Russie), les performances slovaques ont certes été plus faibles avec trois lourdes défaites contre les Suisses (1-8), les Tchèques (3-7) puis les Américains en quarts (1-6). C'était prévisible pour une formation avec si peu de cadres. Le duo de Leksand (Cehlárik-Hrivík) a su mener l'équipe offensivement comme on l'espérait, mais sans avoir beaucoup de soutien des autres lignes moins efficaces. Sans même être élu dans l'équipe-type des journalistes, Peter Cehlárik a même été élu meilleur attaquant du tournoi par le directoire de l'IIHF. Le manager slovaque Miroslav Šatan s'en est réjoui en déclarant lui avoir donné son vote. La bonne surprise parmi les jeunes a été l'inattendu Miloš Kelemen.

La Slovaquie abordera en pleine confiance la qualification olympique en août, mais un homme ne sera plus là : Július Hudáček (photo). Resté associé dans la mémoire collective slovaque pour des erreurs qui avaient coûté la qualification en quart de finale en 2016 et 2017, le gardien connu pour ses spectacles d'après-match en club espérait être le numéro 1 compte tenu de la blessure de Branislav Konrád, mais c'est le jeune Adam Húska qui a été titularisé en quart de finale. À son retour à l'aéroport, Hudáček a annoncé sa retraite internationale aux journalistes slovaques : "Je ne vais pas tourner autour du pot. J'étais très déçu. On a besoin d'un peu de respect. Adam a bien joué contre les Américains, il n'avait aucune chance sur les buts, peu importe si c'était moi ou lui. Mais Adam jouera bien d'autres matches comme celui-ci alors le staff savait que c'était mon dernier championnat du monde. Je ne veux pas appeler ça une récompensé, mais je me suis battu dur toutes ces années. Je voulais jouer pour le coach Ramsay, j'aime vraiment son système de jeu. C'est du hockey moderne. Mais maintenant il ne sert plus à rien de continuer. S'il n'y a pas de sentiment de confiance, c'est inutile..." Hudáček a essayé ensuite de rectifier ses déclarations en précisant qu'il arrêtait à cause de son âge et pour sa famille, et pas parce qu'il était vexé, mais c'est bien l'impression que ça a donné.

 

Suède (9e) : l'entraîneur aura une seconde chance après le fiasco

Dans ce championnat du monde un peu fou où beaucoup de grandes nations ont failli passer à la trappe, la plupart y ont échappé mais l'une d'elles a effectivement subi une déconvenue historique : la Suède. Battue d'entrée par le Danemark et le Bélarus, elle ne s'en est jamais remise. Éjectée des quarts de finale, égalant sa plus mauvaise place historique de 1937, elle a vécu un "fiasko", selon l'expression consacrée par toute la presse suédoise. Avant même que l'élimination ne soit certaine, 80% des lecteurs du tabloïd Aftonbladet réclamaient déjà le départ de l'entraîneur national Johan Garpenlöv. Il ne sera pas viré. La fédération lui a réitéré sa confiance "à 100%". Mais il ne sera pas viré.

La fédération n'a jamais licencié un sélectionneur, elle attend toujours la fin du contrat. Elle ne recrute de toute manière toujours qu'en interne, et c'est peut-être une partie du problème puisque Garpenlöv n'avait jamais eu d'expérience de gestion d'équipe. Il n'est pas coupable de tout pour autant. Chacun conçoit que Garpenlöv avait un effectif plus faible à sa disposition que ses prédécesseurs. Il n'a pas été épargné par la malchance. Carl Klingberg, qui avait été le meilleur attaquant du début de tournoi raté, est sorti blessé au deuxième match, et l'espoir Nils Lundkvist (photo), le meilleur défenseur offensif, au troisième match. Mais pour qu'un chroniqueur (Mats Wennerholm) en vienne à désirer que la fédération suédoise embauche l'entraîneur de "l'ennemi" finlandais, c'est que l'amour-propre en a pris un coup du côté de Stockholm !

Tout en estimant que Garpenlöv doit avoir au moins une seconde chance, le commentateur de la télévision SVT Mikael Renberg a tout de même critiqué la sélection qui comprenait selon lui trop de petits défenseurs offensifs. Il est vrai que les choix de l'entraîneur étaient étonnants. Alors que ses collègues des autres nations tiraient le meilleur parti de leur effectif plus large, il était le seul à laisser des joueurs sur le banc et à ne pas utiliser ses réserves (sauf contraint et forcé par des blessures) alors même que ses choix ne fonctionnaient pas. Le travailleur d'infériorité Isac Lundeström a été dépassé dans un rôle de créateur offensif, et l'attaquant au plus gros temps de jeu Rickard Rakell a fini à -4. Cette gestion réduite fonctionnerait-elle mieux avec des joueurs d'un talent supérieur ? On pourrait avoir la réponse aux Jeux olympiques, la seconde chance de Garpenlöv.

 

Kazakhstan (10e) : un succès pas seulement artificiel

Le Kazakhstan n'avait gagné que trois rencontres dans toute son histoire dans les championnats du monde élite. Il en a remporté quatre en un seul tournoi. Il a battu tous ses concurrents directs, tous sauf un, le Canada... et c'est justement avec cette équipe qu'il a fini à égalité de points, devancé à cause de cette confrontation particulière. L'équipe d'Asie centrale avait pourtant toutes les cartes en main. Il lui "suffisait" d'un point contre la Norvège qui n'avait plus rien à gagner, mais elle est rentrée bredouille de ce dernier match. La meilleure performance historique a donc aussi été la plus grande déception car cette occasion pourrait ne pas se représenter de sitôt.

Ce succès est-il totalement artificiel et dû à la politique de naturalisation ? En partie seulement. Il est évident que les naturalisés ont tenu un rôle déterminant en défense, où les cinq défenseurs naturalisés ont pris 83% du temps de jeu, dont 38% pour les deux Nord-Américains. Mais après le désistement du gardien-mercenaire Karlsson, la révélation du tournoi fut Nikita Boyarkin, débutant de 22 ans qui a excellé avec 92,9% d'arrêts. Offensivement, tous les joueurs qui ont mis 2 buts ou plus sont bien nés et formés au Kazakhstan, avec en fers de lance le capitaine Roman Starchenko (35 ans) mais aussi le meilleur attaquant de la nouvelle génération Nikita Mikhailis (25 ans).

L'argument que le Kazakhstan aurait dû son succès à un pourcentage d'efficacités aux tirs insoutenable (12,5%) est faux : cette première place statistique, comme celle du powerplay, est due au gros score contre l'Italie (11-3). Sans cela, le Kazakhstan avait des valeurs normales. Il a plutôt dû son succès à un système de jeu efficace, actif même face à des aversaires mieux cotés. Alors que le pays a régulièrement changé de sélectionneurs nationaux à chaque fois qu'il prenait l'ascenseur, l'entraîneur qui a changé le statut de l'équipe est un local, Yuri Mikhailis. Il a su concilier les cultures pour former un groupe uni pratiquant un hockey moderne... contrairement à certaine autre ancienne république soviétique jouant avec les naturalisés.

 

Lettonie (11e) : un rendez-vous manqué ?

C'est l'autre rendez-vous manqué avec l'histoire. Il aurait fallu un but de plus pour la Lettonie lors du dernier match face à l'Allemagne pour qu'elle rejoigne son adversaire en quart de finale (et élimine le Canada qu'elle avait battu en ouverture). Mais le gardien Janis Kalnins, choisi à l'issue d'une rotation des gardiens pas toujours maîtrisée alors que Bob Hartley semblait insister en début de tournoi sur Kivelenieks, a encaissé deux buts évitables, que l'attaque balte n'a pas réussi à compenser.

La formation conduite par Bob Hartley a en effet eu le jeu de puissance le moins efficace de la compétition (8% de réussite). Même si son organisation restait solide, cette équipe construite sur l'expérience a paru parfois manquer de vitesse contre des adversaires au patinage plus intense. Ceux qui plaident pour un renouvellement ont un argument qui penche à leur faveur : le seul nouveau venu Renars Krastenbergs a fini dans les trois meilleurs marqueurs, qui sont également les trois meilleurs joueurs élus par le staff letton, avec le toujours énergique Ronalds Kenins et... l'éternel Lauris Darzins (36 ans).

Ce n'est donc pas une question d'âge. Ce ne sont pas les vétérans en fin de carrière qui ont le plus déçu, mais de "jeunes trentenaires" comme le capitaine Kaspars Daugavins, très loin de son meilleur niveau, ou Roberts Bukarts (0 point et une fiche de -4). La relative déception conduit ouvrir le débat public sur la possible succession de Bob Hartley à la fin de son mandat après les Jeux olympiques... car la Lettonie est persuadée d'en être. Avec Merzlikins et ses deux attaquants de NHL, la qualification olympique face à la France doit être une formalité pour une équipe sûre de son jeu, qui espère un peu plus de public autorisé d'ici là.

 

Danemark (12e) : un engagement défensif total et un pur buteur

Le seul tournoi de qualification olympique qui se jouera sans grand favori est celui qui verra le Danemark se rendre en Norvège pour chercher sa première participation aux JO, avec la Slovénie en troisième larron. Individuellement, les Danois ont souvent été théoriquement les plus forts sans jamais le prouver sur la glace dans ces épreuves de qualification. Mais cette année, ils ont surtout impressionné collectivement avec plus d'engagement physique dans leur slot, se sacrifiant dans une défense de tous les instants en bloquant beaucoup de lancers.

L'entraîneur Heinz Ehlers a mis en place un système défensif redoutable, capable parfois aussi de séquences de pressing. Il a piégé la Suède et a fait trembler jusqu'au bout du suspense les Tchèques, en ne concédant l'élimination qu'aux tirs au but. Toutefois, ses options de jeu ont été totalement neutralisées de manière spectaculaire (anti-record de 4 tirs) par la Suisse, un pays qui les connaît très bien puisqu'il a longtemps officié. Au total, les Danois ont été blanchis trois fois en sept rencontres.

Ce n'est pas qu'une question tactique. Le Danemark n'a eu qu'un seul vrai buteur, Nicklas Jensen. Il a égalé le record de points (8) de Morten Green dans un Mondial, mais avec évidemment plus de buts que d'assists (5+3 au lieu de 2+6 pour l'ex-international). Il était presque trop indispensable. À l'exception du match contre le Bélarus, aucun but danois ne s'est fait sans la participation de Nicklas Jensen. Avec plus de joueurs de NHL, les Danois espèrent une meilleure distribution offensive en août.

 

Norvège (13e) : une discrimination pour toute récompense

La Norvège donne l'impression de ne jamais changer et de stagner. Et pourtant, en deux ans depuis le dernier Mondial, la - plus si - nouvelle génération a enfin pris le relais. Le gardien Henrik Haukeland a fini par s'installer dans le costume du titulaire, réservant sa meilleure performance au dernier match, pour le plus grand malheur du Kazakhstan (et le plus grand bonheur du Canada). Mathias Trettenes (photo), qui restait sur deux bonnes saisons en club avec Stavanger puis La Chaux-de-Fonds, a confirmé en devenant le meilleur marqueur norvégien avec des actions de grande classe. Et on a même assisté à un évènement qu'on croyait ne jamais voir : le capitaine Jonas Holøs n'avait plus le plus gros temps de jeu de défenseurs, laissant à Stefan Espeland sa place sur le premier powerplay. L'expérimentation n'a eu qu'un temps, celui du match contre l'Italie, d'autant qu'Espeland s'est blessé. Holøs a recommencé à jouer près de 30 minutes par soir, mais l'espace d'un moment, la Norvège s'est un peu préparée psychologiquement à ce que son pilier défensif ne soit pas éternel.

Ce tournoi n'aura donc pas été inutile. Les hockeyeurs norvégiens ont porté le drapeau de leur pays... mais ils ont vécu à leur retour du pays combien celui-ci continue de les mépriser. On leur a infligé 3 jours d'hôtel (de plus...) à la sortie de l'avion, alors même qu'ils sortaient de la bulle sanitaire stricte de Riga. La municipalité d'Oslo leur a épargné ce nouvel isolement en les envoyant à l'isolement 10 jours dans leurs foyers, avant que son responsable ne s'excuse d'une mauvaise application : "La Ville d'Oslo a relâché l'équipe nationale de hockey selon l'article 6-f du règlement Covid-19, qui autorise des exceptions pour les athlètes de haut niveau. Malheureusement, l'équipe nationale, sauf celle de football et les athlètes en préparation olympique, n'a pas d'exception."

Le gouvernement a en effet rappelé qu'aucune autre exception ne serait accordée. Les handballeuses du Viking Kristiansand qui venaient de remporter la Ligue des Champions ont donc été séparées entre les sélectionnables olympiques (qui pouvaient rentrer dans leur famille) et les autres (à l'hôtel). Mais comment définir qui est sélectionnable ? Sachant que les hockeyeurs norvégiens le sont tous puisqu'ils tenteront en août de se qualifier pour leurs quatrièmes Jeux olympiques d'affilée... Les cyclistes se sont à leur tour scandalisés de ces absurdes mesures différenciées, le sprinteur Alexander Kristoff expliquant qu'il pourrait arguer d'être potentiellement sélecionnable pour les JO de Pékin alors que le parcours montagneux de la course n'est pas fait pour lui...

Le sélectionneur national de hockey sur glace, Petter Thoresen, était dégoûté : "Je suis en colère au nom des joueurs qui ont sacrifié sept semaines. Ils attendaient de rentrer chez eux avec les membres de leurs famille et de jouer sur le sol avec leurs enfants. Ils n'auraient pas mis la Norvège en danger par une quarantaine à la maison. Il doit y avoir égalité devant la loi. L'équipe de football doit être classée trentième mondiale, les handballeuses numéro 1, et nous 12 ou 13. Je ne veux pas faire de reproches aux footballeurs. Ils appliquent. Mais c'est de la discrimination. Cela m'ennuie infiniment."

 

Grande-Bretagne (14e) : un apprentissage très rapide

En septembre 2017, lors de la première visite d'un ministre britannique à Minsk (Alan Duncan), le président Loukachenko lui avait promis de lui apprendre le hockey sur glace. Quatre ans plus tard, c'est la Grande-Bretagne qui a donné la leçon au Bélarus, obtenant sa première victoire dans le temps réglementaire lors d'un championnat du monde depuis... 59 ans. Protégés de la relégation, les Britanniques auraient bel et bien obtenu leur maintien sur la glace. Ils avait déjà pris un premier point face au Danemark et ont été compétitifs, bien plus qu'il y a deux ans où ils ont "juste" surpris la France sur la fin.

Cette transformation de la Grande-Bretagne a un symbole : Liam Kirk. Il n'avait mis aucun point en 2019, ni lors de la montée, mais avec deux ans de plus, et malgré les difficultés (une saison perturbée par les blessures et une autre par le Covid qui le privait de compétitions), l'ailier de 21 ans a beaucoup progressé. Avec son patinage fluide et agile, Kirk est maintenant un danger offensif majeur au point de devenir le co-meilleur buteur du championnat du monde (avec Andrew Mangiapane) grâce à ses 7 buts. Les journalistes accrédités l'ont même élu dans l'équipe-type du Mondial. Premier Britannique drafté en NHL, par les Coyotes de l'Arizona mais sous un précédent directeur général (Chayka), Kirk ne semble toujours pas éveiller l'intérêt de la franchise NHL mais la rumeur le fait signer dans les plus grands championnats européens.

Alors que la présence britannique dans l'élite était considérée comme un miracle il y a encore quelques semaines, certains croient maintenant le pays capable de s'installer durablement. Il ne faut pas passer d'un extrême à l'autre. Le Bélarus ne se fera peut-être pas avoir deux fois. Mais ce qui est sûr, c'est que tous les enfants britanniques ont maintenant un modèle, un gamin de Sheffield nommé Liam Kirk, pour leur montrer qu'une carrière dans le hockey sur glace est possible pour un natif de l'île.

 

Bélarus (15e) : la prévisible quête d'excuses

Les hockeyeurs biélorusses se sont efforcés d'éviter soigneusement les questions politiques. Si aucun d'entre eux ne s'est exprimé en faveur de l'opposition, un seul a participé à une lettre de soutien en régime, le défenseur Andrei Antonov... qui est paradoxalement un Russe naturalisé ! L'échec de l'équipe n'a aucun lien avec le contexte politique, c'est celui d'une ambiance sportivement plombée. Comme dans un air de déjà vu (désastre de la qualification olympique 2006), Zakharov a rejeté toute la responsabilité sur les joueurs. C'est la faute au manque de préparation physique des naturalisés, notamment de Nick Bailen, rentré dans sa maison en Floride au lieu de venir au camp de l'équipe nationale. Et il ajoutait sa vieille rengaine sur les joueurs du championnat national qui n'ont pas le niveau.

Selon Zakharov, il serait aussi impossible de gagner sans un gardien titulaire de la KHL, c'est donc la faute au Dynamo Minsk qui ne fait pas jouer les gardiens de l'équipe nationale. Dans le même temps, le Kazakhstan apportait un démenti cinglant à cette théorie en révélant un jeune gardien de son championnat national. Un contraste saisissant avec le Bélarus, où Zakharov a détruit la confiance du jeune Nikita Shostak en l'alignant trois fois... pour ensuite le sortir trois fois en début de match !

Pendant le championnat du monde, Dmitri Baskov commençait déjà à s'agacer sur le site de sa fédération de l'attitude de Zakharov : "Le staff devrait surtout arrêter de chercher des excuses dans les erreurs des joueurs et laisser les gars croire en eux. Après tout, former une équipe à partir des joueurs est la tâche principale de l'entraîneur de l'équipe nationale. La dernière saison du Dinamo [Minsk] montre combien la confiance des traîneurs est importante pour les joueurs."

Au retour au pays, la conséquence fut évidente. Devant le comité exécutif de la fédération, Zakharov a - selon les termes officiels - "courageusement reconnu la performance de l'équipe et le travail du staff comme insatisfaisants". Il a donc été remplacé par Craig Woodcroft, l'entraîneur du Dynamo Minsk, le seul qui pourrait prendre le relais au vu du délai très court avant la qualification olympique. Avant de faire son mea culpa, Zakharov avait préparé le terrain à cette décision en expliquant que c'est la plus pratique : "Il n'y a pas d'autres options. L'entraîneur du Dinamo Minsk doit être l'entraîneur de l'équipe nationale. Toute autre solution est mauvaise. Le Kazakhstan est au-dessus de nous parce qu'il joue le même effectif, toutes les combinaisons sont prêtes. Et c'était plus facile pour le coach."

Si c'était une telle évidence, on se demande toujours pourquoi on a appointé Zakharov, alors même que Sidorenko venait de faire remonter l'équipe dans l'élite mondiale. Il était tellement prévisible que le courant ne passerait pas entre lui et les Nord-Américains... La situation pourrait être plus apaisée avec Woodcroft, mais l'histoire continue de bégayer sans fin au Bélarus. Voici quelques années, la double fonction Dinamo/sélection avait été arrêtée pour éviter qu'une crise du club ne fasse ricochet sur l'équipe nationale en provoquant le renvoi du coach. La différence est qu'il y a maintenant un décideur unique qui pondèrera ces enjeux, puisque Baskov contrôle aussi bien la fédération que le club. C'est tellement plus simple quand un homme seul dirige ! Voilà qui ferait un beau slogan pour le Bélarus...

 

Italie (16e) : zéro pointé, mais avec des encouragements

Dans un contexte très perturbé par la Covid-19 qui l'a frappée au début de sa préparation, l'Italie n'a pas fait si mauvaise figure. Emmenée par un entraîneur intérimaire au pied levé, Giorgio de Bettin, reconnaissant de vivre cette expérience, elle s'est montrée combative et compétitive. Elle a marqué 11 buts, soit autant que dans ses deux derniers Mondiaux... cumulés.

Plus encourageant encore, elle ne doit pas cette performance sur des vétérans naturalisés. Elle a dû faire sans son doyen Marco Rosa, commotionné au premier match par une charge dans le dos. Le défenseur Peter Spornberger, qui a parfait sa formation en Allemagne, a livré une performance pleine de maturité à 22 ans et semble prêt à franchir un palier supplémentaire en passant de la DEL2 à la DEL (il vient de signer à Schwenningen). Certains juniors n'auraient jamais été là sans les absences sanitaires forcées. Le gardien junior Davide Fadani a même signé le plus bel arrêt du Mondial par un réflexe exceptionnel de la crosse.

Ces signes positifs ne peuvent toutefois pas occulter la cruelle réalité comptable : zéro point. Dans un Mondial très serré où aucune équipe n'était au-dessus du lot, l'Italie reste la seule équipe à ne pas avoir engrangé le moindre point, et à ne pas même pas avoir été en position de le faire. Il n'y a certes qu'un match où a complètement explosé, mais c'est justement celui contre le Kazakhstan, qui sera son principal adversaire contre la relégation l'an prochain. Même si des petits cailloux ont été semés pour les Jeux olympiques 2026 de Milan et Cortina, l'équipe ne semble pas encore taillée pour rester dans l'élite mondiale.

 

Marc Branchu

 

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