Allemagne 2021/2022 : présentation

 

42 millions d'euros. Très exactement, 42 115 150,40 €. C'est le montant - officiel et consultable publiquement - versé par le gouvernement allemand aux clubs professionnels de hockey sur glace pour compenser des recettes aux guichets perdues pendant la saison 2020/21 "covidée" du moindre spectateur. La manne ne coulera évidemment pas infiniment. Le retour à la normale est espéré de tous, mais le fonctionnement fédéral en laisse l'organisation aux Länder. Lorsque la Bavière a annoncé des conditions plus restrictives que les autres régions (interdiction de l'alcool et des places debout), ses clubs pros de sport en salle ont tous signé une lettre ouverte d'alarme. Tous sauf un, pour être précis, car Munich est directement perfusé par son sponsor Red Bull et n'a cure des problèmes du commun des (clubs) mortels.

Les autorités politiques bavaroises ont réagi à une semaine du début du championnat en annonçant que, jusqu'à 5000 spectateurs, les clubs auraient le choix entre une occupation totale avec masque ou une jauge sans masque mais avec distanciation sociale. Elles se sont ainsi targuées d'avoir le mis en place le système le plus souple du pays (la souplesse n'étant pas la qualité la plus réputée de la Bavière...). Les clubs bavarois se retrouvent mieux lotis que les autres. Les restrictions les plus dures sont en vigueur en Basse-Saxe pour Wolfsburg : le taux de remplissage autorisé est la plus faible (30%) et les spectateurs devront être forcément vaccinés ou guéris. Partout ailleurs (sauf pour les places debout à Bremerhaven), un test négatif récent peut aussi suffire. Même si Berlin et Mannheim ne peuvent à leur actuelle remplir leurs salles qu'à moitié, les clubs ont évité le pire : ils pourront au moins accueillir tous leurs abonnés.

Le championnat reprend donc dans des conditions à peu près équitables, et c'est une saison historique qui débute. Le retour de la relégation a de quoi faire trembler la moitié du plateau : un club descendra, et peut-être même deux si Francfort est champion de DEL2. Certains prédisent déjà une valse des entraîneurs, des recrutements de crise non finançables et des jeunes qui verront leur temps de jeu se réduire chez les clubs mal classés en janvier. Mais y a-t-il besoin de la relégation pour cela ? L'an passé, les clubs avaient recruté des étrangers en cours de saison à la place des jeunes alors qu'ils n'avaient aucune visibilité budgétaire dans la crise sanitaire et qu'ils ne courraient aucun danger avec un enjeu sportif jamais aussi réduit...

 

 

Les clubs de DEL

 

Elle était quasi-parfaite, la dernière saison de Mannheim. Les Adler n'y ont perdu qu'une seule fois deux matches de suite... mais cette unique fois leur a valu une élimination en quart de finale contre Wolfsburg. Pas question bien sûr de remettre en cause le meilleur duo de gardiens du pays (Dennis Endras et Felix Brückmann) et - de loin - la meilleure défense. Les lignes arrières ont accueilli deux colosses supplémentaires de 1m90 chacun, l'ex-international finlandais Ilari Melart et l'international allemand Korbinian Holzer, qui rentre au pays au moment où sa fille est en âge d'aller à l'école après une longue carrière en NHL souvent sans beaucoup jouer, puis quatre mois et demi loin de sa famille en KHL.

Voilà deux joueurs capables à la fois de lancer de la ligne bleue en avantage numérique et de muscler l'enclave, en plus des physiques Denis Reul et Thomas Larkin, ainsi que des mobiles Mark Katic, Joonas Lehtivurori et Sinan Akdag. Sept défenseurs tous âgés entre 30 et 33 ans : Mannheim reste sans égal en densité comme en expérience. Ils devront toutefois se partager probablement six places, car il faut tenir compte du quota de joueurs allemands de moins de 23 ans qui passe désormais à 3, parmi les 19 joueurs et 2 gardiens autorisés sur la feuille de match.

L'attaque, qui n'a pas su faire la différence, a en revanche été complètement renouvelée. Un seul étranger est resté : Andrew Desjardins, qui représente maintenant le summum d'expérience NHL dans la ligue (480 matches + 53 en playoffs) et qui passera sa cinquième saison dans la Quadratstadt. Les nouveaux venus font saliver. Le buteur croate Borna Rendulic, parti en Suède à cause des incertitudes sur la reprise du dernier championnat, fait son grand retour. Les profils d'âge sont plus variés en attaque. Nigel Dawes (36 ans) est le deuxième meilleur buteur de l'histoire de la KHL, alors que Ruslan Iskhakov (20 ans) constitue peut-être la curiosité principale de la saison : ce talent russe, déjà passé par la Finlande et capable de gestes magiques, a très vite trouvé une complicité avec Rendulic.

Le départ en Suède de Stefan Loibl, à la recherche d'un nouveau défi, n'empêche pas Mannheim de conserver le contingent allemand le plus fort. Le club a aussitôt réagi en embauchant un autre jeune international, Lean Bergmann, qui a connu une seconde saison décevante en AHL à San José après des débuts NHL peut-être trop rapides. Il a aussi trouvé les arguments pour engager pour 3 ans Tim Wohlgemuth qui - comble du luxe - compte encore dans le quota de jeunes alors qu'il était déjà deuxième marqueur à Ingolstadt. Tant que les Adler restent aussi attractifs dans le recrutement, ils seront favoris chaque année... ou au moins co-favoris.

 

L'autre référence, c'est évidemment Munich, qui attire les meilleurs talents allemands (et autrichiens) dans les infrastructures créées de toutes pièces par Red Bull. Encore faut-il gérer la transition au niveau sénior. Pour un John Peterka - envolé vers la NHL - combien peinent à trouver leur place en sortant de l'académie ? C'est pour cela que le club s'est doté d'un adjoint supplémentaire, chargé spécifiquement du travail auprès des jeunes joueurs. Cet homme, c'est l'ex-international français Pierre Allard, avec qui l'entraîneur Don Jackson avait déjà travaillé à Berlin en 2010/11, et qui est depuis une décennie dans le staff des Canadiens de Montréal.

Même si la stratégie de tous les clubs de Red Bull, dans le football comme dans le hockey, s'appuie sur le développement des talents, le recrutement étranger de Munich reste bâti sur des joueurs d'expérience, même si leur moyenne d'âge a baissé. En engageant Ben Smith, le capitaine du rival Mannheim, les Munichois ont frappé fort. Ils reconstruisent le poste de centre autour de lui et de Ben Street. Sans avoir la même carrière, cet autre Ben a lui aussi connu la victoire (en AHL) et était aussi capitaine dans la Ligue américaine... même s'il a surtout passé la dernière saison dans le frustrant "taxi squad", cette réserve sanitaire constituée dans chaque équipe NHL au cas où des joueurs tomberaient malades. Deux hockeyeurs californiens - une espèce de moins en moins rare - sont devenus camarades de chambre après leur arrivée à Munich : le défenseur offensif Jonathon Blum et le petit ailier spectaculaire Austin Ortega, arrivé du club "cousin" de Salzbourg.

Même si Peterka a pu être remplacé par un autre international allemand, le très rapide Frederik Tiffels, le recrutement semble moins alléchant que celui de Mannheim. Mais les Munichois n'ont engagé que 7 étrangers, alors qu'on peut aligner 9. Ils ont donc des cartouches en réserve, et se gardent la possibilité de les utiliser notamment au poste de gardien. Le manager Christian Winkler a évoqué ouvertement cette possibilité lors de la table ronde avec les supporters, qui témoignaient d'une certaine défiance envers le gardien vice-champion olympique Danny aus den Birken - en déclin physique à 36 ans - et sa seule doublure restante Daniel Fießinger.

 

Les Eisbären de Berlin sont devenus champions "au sprint", mais ils doivent prouver qu'ils en sont aussi capables sur une durée normale de play-offs, dans des séries de sept matches. Les Berlinois ont été naturellement replacé dans le groupe des favoris, mais ils ne sont pas encore aussi solides que les deux cadors, et les premières défaites en CHL l'ont déjà prouvé.

L'effectif a peu changé en apparence. Le gardien de l'année Mathias Niederberger est toujours présent. Le MVP des play-offs Ryan McKiernan - qui a signé en Suède avec Rögle - laisse un vide en défense, mais l'international danois Nicholas B. Jensen a lui aussi un slap dévastateur. Comme Morgan Ellis est meilleur que son prédécesseur John Ramage, on peut donc considérer que les lignes arrières restent du même niveau avec ces deux recrues.

Le casse-tête tient surtout au départ en NHL de Lukas Reichel, qui avait effectué une saison formidable entre Leo Pföderl et Marcel Noebels. Une solution interne a été trouvée en plaçant Zach Boychuk - un vrai caméléon qui s'adapte un peu partout - au centre de la première ligne. Mais Reichel occupait aussi et surtout une place "U23". Berlin perd donc un quota au moment même où il en faut un de plus. Or, on forme moins de bons joueurs dans la capitale qu'à l'époque où les Eisbären trônaient sur le hockey allemand. Il y en a tout de même deux, le défenseur Eric Mik - en fait formé dans l'ouest de la ville aux Preussen jusqu'en moins de 16 ans - et l'attaquant Haakon Hänelt. Mais ce dernier a décidé de partir en junior majeur à Gatineau !

En plus de Sebastian Streu (le fils de l'assistant-coach), le second quota en attaque sera donc accordé à Bennet Rossmy, qui a surtout bénéficié de l'école de hockey tchèque. Capitaine de l'Allemagne au dernier Mondial U18, déjà bien développé (annoncé à 192 cm et 96 kg), Rossmy obtient une belle chance d'éclore alors qu'il a été oublié dans la draft NHL estivale, et il a le talent pour. Il devrait être le grand bénéficiaire du règlement, mais il ne faudrait pas qu'un de ces jeunes se blesse, sinon Berlin devra utiliser un bouche-trou, n'ayant pas les réserves de Mannheim ou de Munich.

 

En saisissant tous les bons coups du marché pendant la pandémie, Ingolstadt avait constitué une équipe au-dessus de ses moyens habituels, annoncée comme impossible de rééditer. Même si les demi-finales n'avaient plus été atteintes depuis cinq ans, les "Panther" ont donc eu du mal à s'en contenter et ont ruminé la défaite contre Berlin. Mais à la fin de l'été, force est de constater que l'effectif n'a rien perdu en qualité et peut toujours se mêler à la lutte pour le titre si les planètes s'alignent (c'est-à-dire surtout si aucun des joueurs-clés ne se blesse).

Le gardien Michael Garteig, devenu hors budget par ses bonnes performances, paraissait le plus difficile à remplacer. Pourtant, son successeur est un nom encore plus prestigieux, même s'il comporte une part de risque. Le gardien finlandais Karri Rämö a en effet vu sa carrière en NHL puis sa carrière en KHL s'arrêter à cause de deux ruptures des ligaments croisés. Il se dit cependant guéri et reste sur une bonne impression en play-offs avec le TPS Turku. Au cas où, la nouvelle doublure Kevin Reich a eu l'habitude de pallier la blessure du titulaire à Munich.

Le départ du défenseur Morgan Ellis vers Berlin a également été compensé par l'arrivée de David Warsofsky, barré en NHL (50 matches) à cause de sa petite taille (174 cm) et parce qu'il a toujours évolué dans les meilleures équipes avec une forte concurrence. Après avoir été échangé deux fois la saison dernière, il a voulu se protéger des affres du hockey nord-américain pour trouver un environnement plus stable pour sa compagne et son fils. Gaucher jouant à droite, il forme une première paire très mobile avec l'excellent Mathew Bodie.

En attaque, le duo très complémentaire Wayne Simpson - Louis-Marc Aubry se voit adjoindre le spectaculaire et combatif Chris Bourque pour une première ligne à fort potentiel. Bien sûr, Bourque ne mesure que 172 cm, et les gabarits d'Ingolstadt semblent bien modestes face aux géants des gros clubs. Il faut faire des concessions sur certains points pour rester compétitifs, mais l'ERCI n'abandonne pas. Après avoir pris de plein fouet la décision de départ de Wohlgemuth à Mannheim, le club peu formateur a réagi en engageant pas de moins de quatre internationaux juniors des deux dernières années (les défenseurs Simon Gnyp et Leon Hüttl ainsi que les attaquants Louis Brune et Samuel Dubé) pour que les "quotas" soient aussi un atout pour l'équipe. Le manager Larry Mitchell ne néglige donc rien et sa gestion reste toujours aussi optimisée pour les ressources allouées.

 

La qualification en finale de Wolfsburg n'a pas empêché l'éviction de l'entraîneur Pat Cortina, dont le style défensif avait été remis en cause y compris par une partie du vestiaire. Coach à l'ancienne, Mike Stewart n'acceptera pas ce genre de contradiction. Il mettra en place ce pour quoi on l'a engagé : un style plus agressif, plus offensif, plus nord-américain en somme.

Le recrutement est fait pour lui plaire. La colonie nordique a été entièrement évacuée : son dernier représentant, le défenseur international danois Philip Bruggisser, a vu son contrat résilié peu avant le début du championnat, direction Klagenfurt. Il ne reste plus qu'un seul étranger "européen", Anthony Rech. L'ailier de l'équipe de France, dont le parcours en DEL était très lié à Cortina, voit l'équipe se transformer autour de lui. Stewart préfère une attaque blindée avec des Nord-Américains à son image. Deux centres constituent le cœur du recrutement : Tyler Gaudet, qui doit avoir un rôle majeur en première ligne, et la boule de muscles Chris De Sousa (175 cm pour 86 kg), fils d'un boxeur.

Quel rôle reste-t-il à un caractère plus créatif et artiste comme le centre allemand Fabio Pfohl ? Le style autoritaire de Stewart ne convient pas à tout le monde : ses méthodes avaient mis tout Augsbourg à ses pieds, mais il avait connu un échec retentissant quand il avait essayé de les répliquer à Cologne.

Les évènements du camp de préparation ont sérieusement compliqué l'équation. D'abord, Luis Schinko s'est blessé gravement à l'épaule, jusqu'en janvier. Il s'agissait a priori du meilleur joueur "U23". Son absence obligera à inscrire sur la feuille de match les trois autres, y compris le défenseur Steven Raabe qui a très peu joué l'an passé (sa présence imposée en septième défenseur rendait donc Bruggisser encore plus superflu). Ensuite, trois joueurs sont tombés malades de la Covid-19. Wolfsburg a donc dû annuler une semaine complète d'entraînement et deux matches amicaux, avant de reprogrammer simplement un dernier test à huis clos contre Kassel. Pas idéal pour une équipe qui cherche justement à introduire un nouveau système de jeu.

 

La situation est presque contraire à Bremerhaven : tout se passe presque trop bien. Les trois victoires en CHL contre des grands d'Europe ont marqué les esprits, surtout que la première a été obtenue en l'absence du trio parti en équipe nationale slovène Jan Urbas - Ziga Jeglic - Miha Verlic, sans qui les Fischtown Pinguins sont censés ne plus valoir grand-chose. Le progression continue du club arrivé en DEL il y a 5 ans ne semble décidément connaître aucune limite. "Pincez-moi", pourrait se dire le supporter du club portuaire. Il y a bien un moment où le rêve prendra fin, et les réveils sont parfois brutaux...

On peut aussi renverser le point de vue : pourquoi ça s'arrêterait ? L'équipe a largement prouvé sa valeur, elle vit dans une belle ambiance et elle n'a guère changé. Le seul risque de l'arrivée de Maximilian Franzreb est pour le titulaire devant le filet Brandon Mawxell, si le gardien de l'année en DEL2 venait remettre en cause sa place pour percer définitivement au plus haut niveau. Le seul départ en défense (l'arrêt de Maxime Fortunus) a été compensé par Reid McNeill, qui s'est libéré mentalement pendant deux ans au Danemark dans un rôle plus offensif après avoir été obligé de confondre hockey sur glace et sport de combat en Amérique du Nord du fait de son gabarit (193 cm, 98 kg). Bremerhaven continue en effet de faire des trouvailles au Danemark : il a tardivement révélé début août que sa recrue Christian Wejse aurait même un passeport allemand car ses arrières-grands-parents sont du Schleswig, du côté allemand de la frontière danoise.

Alors, où est la faille ? Certainement dans les U23, puisque Bremerhaven leur a donné deux fois moins de temps de jeu que tous les autres clubs depuis que la règle a été introduite il y a deux saisons ! Même pas... Le club a pris la mesure de l'enjeu et s'est armé en conséquence. Filip Reisnecker (présent depuis un an) et Tim Lutz (prêté par Davos au Ticino Rockets l'an passé) ont étonné en CHL aux côtés du jeune centre norvégien Markus Vikingstad, fils de Tore et autre recrue originale. Toujours aucune sensation de pincement, donc.

 

L'actionnariat de Straubing est le plus diversifié de la DEL, réparti entre 23 patrons de ces PME qui forment le cœur du tissu industriel de l'Allemagne et son grand atout économique. Le club s'est développé en s'ancrant sur ces bases larges et solides, et cela lui a conféré une grande stabilité, qui se perçoit aussi sur le banc où Tom Pokel est présent depuis presque quatre ans. Mais la fluctuation est plus importante cet été, surtout chez le personnel étranger avec six changements. En plus, celui qui devait être la dernière recrue, JC Lipon, n'a fait qu'un passage-éclair dans l'effectif avant de s'engager en KHL (ce qui a permis à Straubing de négocier une compensation financière avec son nouveau club Sotchi). Le remplaçant Taylor Leier a vite été trouvé, mais les lignes offensives doivent encore être peaufinées.

S'il y a eu tant de changement, c'est que les cycles ont une fin. Après des années de domination, le duo Connolly/Williams était porté disparu l'an passé. Revenu de convalescence, Michael Connolly doit aujourd'hui s'habituer avec un nouveau partenaire, Jason Akeson : celui-ci connaît bien la ligue (il vient de Cologne) et sait bien que remplacer Jeremy Williams est une tâche difficile, il faut qu'il réussisse à s'imposer avec ses qualités différentes, plus passeur que buteur. L'attaque de Straubing présente toutefois plus de profondeur qu'il peut paraître de prime abord. En plus des six Nord-Américains, les Allemands peuvent venir en soutien. Si Andreas Eder doit confirmer l'excellente saison qui l'a installé en équipe nationale (le défenseur offensif Marcel Brandt est dans le même cas), David Elsner pourrait suivre son exemple : recruté alors qu'il plafonnait à Ingolstadt, il a gagné sa place en powerplay dès la présaison et son nouveau coach a apprécié son travail efficace dans les duels.

La défense pose un peu plus question. Pour remplacer des valeurs assez sûres (Acolatse, Eriksson, Gromley), le club fait appel à deux Nord-Américains qui n'avaient jamais traversé l'Atlantique : Ian Scheid et surtout Brandon Manning. Cet arrière physique est un ancien titulaire de NHL encore dans le bel âge (31 ans), mais il n'a plus joué depuis un an car il a préféré attendre la naissance de son enfant chez lui dans le contexte sanitaire. S'il a accepté cet engagement européen, c'est uniquement parce qu'il connaissait Akeson depuis leur passage commun chez les Flyers de Philadelphie, car il craignait de se retrouver seul à l'étranger dans une nouvelle équipe. Sa capacité à assumer un rôle plus offensif est incertaine, a fortiori après cette longue coupure. Blessé puis surnuméraire, le troisième renfort Cody Lampl n'a joué que deux matches la saison dernière alors qu'il a 35 ans.

Le duo de gardiens figure toutefois parmi les meilleurs de la DEL : Sebastian Vogl reste sur une très bonne saison et le Finlandais Tomi Karhunen, au style très motivé, a déjà prouvé ses capacités à gagner même si son dernier club Berne a traversé une crise importante.

 

Pour sa troisième intersaison aux commandes, Christian Hommel a pris du galon. Non seulement il a rééquilibré le recrutement d'Iserlohn vers les joueurs allemands, mais il a appris de ses erreurs initiales. Avec le même budget et un club jouissant d'une meilleure image, grâce à une meilleure ambiance collective et une qualification en quart de finale, le manager a épaté ses confrères y compris nord-américains en parvenant à recruter plusieurs joueurs très réputés en DEL.

Hommel n'a engagé qu'un seul joueur inconnu dans la ligue, l'arrière canadien de 30 ans Hubert Labrie qui a fait toute sa carrière en AHL, un profil défensif sûr. Les deux autres nouveaux défenseurs sont deux figures connues qui restent sur une saison moins bonne mais amènent des qualités connues, Sena Acolatse pour l'impact physique et Simon Sezemsky à la ligne bleue en avantage numérique. Les Roosters ont un meilleur second gardien avec Hannibal Weitzmann.

Ils ont surtout pris deux gros poissons en attaque. Le centre Luke Adam - qui se vend toujours au plus offrant en négociation - vient se positionner entre les deux marqueurs prolifiques du dernier championnat, Casey Bailey et Joe Whitney. Le champion avec Berlin Kris Foucault promet de mener une meilleure deuxième ligne.

Or, en dehors du premier trio, un seul attaquant avait dépassé le seuil de 0,5 point par match lors du dernier championnat, Brent Aubin... Le problème, c'est que le club a prolongé le contrat du Québécois à condition qu'il obtienne son passeport allemand (qui se fait attendre) et ne veut pas l'inscrire en attendant. Il reste une place d'étranger non utilisée, mais elle n'est pas prévue pour lui dans les plans. La profondeur de banc reste donc encore à démontrer dans un effectif modifié à moitié. Comme le prometteur Yannick Proske est parti en junior majeur, Iserlohn n'a plus qu'un joueur U23 très affirmé, Taro Jentzsch, les autres n'ont presque pas d'expérience en DEL. Les play-offs restent l'objectif.

 

Personne n'a en effet envie de regarder en bas malgré la relégation, même pas Schwenningen qui avait fini deux fois dernier avant de devenir plus compétitif l'an passé. Le club est pris très au sérieux, même chez le rival de derby Mannheim. Jan-Axel Alavaara, le manager finlandais des Adler, a ainsi déclaré à Eishockey News : "Niklas Sundblad fait du bon travail à Schwenningen avec l'école suédoise. Ils doivent patiner, patiner, patiner. Cela ne me surprendrait pas si Schwenningen était dans les quatre premiers à Noël. Comment cela se passera ensuite, je peux difficilement l'évaluer." Les supporters des Wild Wings seraient déjà formidablement heureux qu'une place dans le top-4 leur soit offerte au pied du sapin !

L'affection pour les hockeyeurs suédois est revendiquée par Christoph Kreutzer, qui a prolongé de deux ans le contrat de l'entraîneur Sundblad. Le directeur sportif allemand avait déjà apprécié la filière scandinave quand il était entraîneur de Düsseldorf, et il a d'ailleurs fait venir l'international norvégien Ken Andre Olimb qui a fait les beaux jours de ce club. L'attraction n'est pas uniquement liée à la nationalité : Max Görtz, l'un des frustrés du système de Wolfsburg, dit avoir choisi Schwenningen pour son style rapide et agressif, il veut encore plus marquer. 

Hormis Görtz, les deux autres recrues suédoises, les plus spectaculaires, viennent directement de Suède où elles ont fait une belle carrière (avec des passages en KHL) : le défenseur technique Niclas Burström et l'attaquant rapide Patrik Lundh. Schwenningen pense aussi s'être enlevé une fragilité en soutenant le "gardien de l'année" Joacim Eriksson par une doublure plus expérimentée, Marvin Cüpper. Mais comme la majorité de ses concurrents, il n'a pas la densité pour parer à toutes les éventualités et peut vite être affaibli par les blessures et les circonstances.

 

Le milieu de tableau s'annonce en effet très dense et peut être bouleversé selon bien des aléas. Augsbourg a connu ses effets de yo-yo et s'en méfie. Face au danger de relégation, il faut peut-être partir sur ses bases sûres. C'est le club qui a le moins modifié son effectif avec seulement quatre recrues parmi les titulaires (étonnamment tous des droitiers). S'il a fait très peu parler de lui cet été, c'est parce qu'il a l'intention de ne pas non plus faire parler de lui début 2022 pour des raisons négatives...

Les changements limités ne se font pas sans une pointe de nostalgie avec le départ de plusieurs chouchous du public. En se séparant des piliers de longue date Sezemsky et Tölzer qui ne présentaient plus les mêmes performances, les Souabes utiliseront un troisième étranger en défense : le Canadien Jesse Graham a été performant en Finlande et a laissé une très bonne impression dès la pré-saison (2 buts et 7 assists).

Il sera d'autant plus facile d'avoir moins d'étrangers en attaque grâce un joueur éprouvé en DEL et disposant d'un passeport allemand : Chad Nehring n'avait plus joué depuis près de deux ans (novembre 2019). Victime de vertiges et maux de tête, il a fait face à un certain déni des médecins avant de consulter des instituts spécialisés dans le suivi neurologique des sportifs à Düsseldorf puis à Chicago. Ceux-ci ont enfin posé un diagnostic en identifiant des dommages au système vestibulaire dans l'oreille interne. Nehring était présenté comme une recrue "bonus" si jamais il est en état de rejouer. Certains en doutaient, mais il semble bien apte : lui aussi a déjà marqué en pré-saison (2+2). Le risque semble déjà payant ! Nehring ajoute des solutions au centre

Il n'y a certes pas eu de si gros bouleversement dans l'effectif après une saison ratée, mais l'entraîneur a changé. Augsbourg est le seul club à partir avec un entraîneur débutant en DEL. La ligue a bien changé en deux décennies depuis que Mark Pederson y a officié comme joueur, mais il a fait ses preuves comme entraîneur en obtenant deux titres de champion du Danemark en sept ans à Esbjerg. En plus, son adjoint Pierre Beaulieu a lui-même de l'expérience pour avoir dirigé Krefeld.

 

Le risque de relégation peut-il plonger dans la crise les populaires clubs rhénans, qui n'ont pas forcément les moyens financiers en rapport avec leur glorieux palmarès ? Cologne a longtemps été très prudent dans son recrutement, ne sachant dans quelle mesure il pourrait remplir la plus vaste patinoire du pays. La jauge autorisée pour le début de saison (11 400 spectateurs, soit 61% de remplissage) est finalement rassurante pour les dirigeants.

D'autres soucis ont parsemé l'été. Fin juillet, James Sheppard a sollicité une fin de contrat amiable en raison d'une maladie dans sa famille. Un centre décrit comme complet dans les deux sens du jeu, Quinton Howden, est alors arrivé à sa place, mais des interrogations subsistent sur ce médaillé de bronze olympique 2018 pour le Canada, au passé NHL et KHL, qui n'a joué que 11 matches (pour 3 maigres assists) la saison dernière en Suède en raison de problèmes nerveux. Avec Sheppard en plus de Tiffels et Akeson, ce sont 3 des 4 meilleurs marqueurs qui sont partis. Heureusement, le KEC a su convaincre Marcus Thuresson de quitter Schwenningen, et le Suédois provoque du danger offensif par son sens du jeu et son physique. De plus, Mark Olver amène de l'expérience mais aussi une combativité qui a fait défaut dans les deux années consécutives sans play-offs.

Un problème de gardien avait aussi évoqué après la saison passée. S'il a changé de partenaire (Tomas Pöpperle a remplacé Hannibal Weitzmann), le vétéran canadien de 35 ans Justin Pogge est pourtant toujours là. Le club n'a pas trouvé de destination permettant de faire racheter son contrat. En revanche, il a recruté un entraîneur de gardiens très réputé, le Finlandais Ilari Näckel, dernièrement à Wolfsburg et auparavant en KHL. Les performances de Pogge au camp de pré-saison ont apparemment dissipé les doutes.

Le dernier problème, et pas le moindre, est que Cologne avait bâti son recrutement défensif sur le capitaine de l'équipe de Norvège, Jonas Holøs. Mais l'homme aux 15 championnats du monde s'est gravement blessé au genou pour de longs mois. Patrick Sieloff a été engagé pour pallier cette absence : cet ancien deuxième tour de draft en NHL n'y a cependant joué que deux matches (deux buts !) et a effectué une carrière de défenseur défensif physique en AHL. L'apport offensif à la ligne bleue, défaut récurrent de l'équipe, risque donc d'être limité si Maury Edwards n'arrive pas à trouver des positions de tir.

Si la saison ne part pas sous les meilleurs auspices, Cologne a quand même des jeunes qui peuvent progresser. Et le club a déjà récolté des lauriers pour sa campagne publicitaire : alors que l'Allemagne est appelée à se prononcer sur la succession prochaine de la chancelière Angela Merkel, le KEC a parodié les affiches électorales en placardant sa mascotte Sharky avec le slogan "Contre la guerre, pour plus de hockey !"

 

Si Cologne a choisi une veine humoristique, c'est que, dans un monde du hockey où les communiqués des clubs n'ont parfois rien à envier à la langue de bois politique avec les mêmes éléments de langage reproduits à l'infini, le rival Düsseldorf se distingue depuis des années par l'originalité de sa communication. La DEG ose le second degré sans jamais craindre le ridicule.

Dernièrement, le club a fait envoyer par ballon une petite peluche de sa mascotte lestée de deux palets et d'une caméra dans la stratosphère. Pendant le vol, qui a duré 148 minutes avant la retombée dans une forêt, ce Voyager 19,35 ("vaisseau" nommé d'après l'année de fondation du club) a émis un message radio en direction de l'univers pour réciter l'effectif actuel aux extraterrestres... et réparer l'erreur de la NASA, qui avait oublié de citer la DEG dans sa sonde Voyager.

Cette initiative fait au moins de la distraction, faute de pouvoir annoncer un recrutement grandiloquent. Le club a engagé une cure d'économies et ne commence la saison qu'avec 7 étrangers alors qu'il a le droit d'en aligner 9. Aucun d'entre eux ne semble vraiment capable de faire la différence. Brett Olson (ex-Krefeld) est certes un des meilleurs centres de la ligue aux mises au jeu, mais il n'a jamais dépassé le plafond de 30 points dans la ligue et ne semble pas régler le problème d'efficacité offensive. Düsseldorf se présente avec une attaque un peu "tendre", en âge comme en gabarit. Tobias Eder (23 ans) et Alexander Ehl (encore 21 ans et comptant dans le quota de jeunes) se retrouvent sur une des deux premières lignes (avec le capitaine Alexander Barta), une belle opportunité pour progresser... mais une responsabilité importante sur de jeunes épaules.

C'est surtout pour les jeunes gardiens Mirko Pantowski et Hendrik Hane que la pression pourrait vite devenir étouffante. Ils l'ont déjà ressentie la saison dernière, quand le pari de leur faire confiance était sans conséquence majeure. Mais cette année, nombre de supporters de la DEG sont déjà inquiets que cette équipe peu renforcée finisse en DEL2... Pantowski et Hane ont été avertis qu'ils ne pourraient plus enchaîner des séquences de matches dans une alternance programmée, mais qu'il faudrait gagner sa place pour la fois suivante. L'exigence de performance sera renforcée, la concurrence interne aussi.

 

Cette pression du résultat et cette difficulté à mener une politique de développement des jeunes, Nuremberg en a fait l'expérience la saison dernière malgré l'absence des spectateurs en tribune. Cela a provoqué le changement de directeur sportif avec l'embauche de Stefan Ustorf. Celui-ci a pu se rendre aux États-Unis pendant la saison, une opportunité rare pendant la restriction. Il a pu observé de visu trois jeunes Nord-Américains, dont deux amis originaires de Halifax, Nicholas Welsh, défenseur droitier qui doit organiser le jeu de puissance, et George MacLeod, un ailier au potentiel technique intéressant.

Ce voyage de prospection d'Ustorf explique que Nuremberg soit le seul club à autant recruter sur le marché nord-américain, en prenant de jeunes profils financièrement abordables. Les recrues majeures sont cependant deux anciens joueurs de KHL qui évoluaient dans les pays nordiques, le défenseur Blake Partlett - qu'Ustorf avait connu à Berlin - et surtout Ryan Stoa, l'imposant centre de 106 kg qui doit mener la première ligne. Tous deux se sont très vite imposés comme des piliers avec une énorme présence.

Si les joueurs en provenance d'outre-Atlantique s'adaptent, Nuremberg redeviendra compétitif car le contingent allemand est plus fourni. Marko Friedrich avait quitté Nuremberg à 13 ans (pour finir sa formation à l'internat de Füssen puis Landshut), il était alors entraîné par son père d'origine tchèque (Friedrich Ondrich). Sa compagne y vit et il s'y était déjà entraîné l'été dernier pendant sa convalescence. Son retour à 30 ans en fait le deuxième cadre formé au club avec le gardien international Niklas Treutle. Les jeunes commencent à arriver et l'entraîneur Frank Fischöder espère les voir percer... si la situation au classement est assez confortable pour qu'on ne le remette pas aussi en cause.

 

Ne vaut-il pas mieux avoir conscience du risque de relégation que vivre dans le déni ? Krefeld prononce uniquement le mot de "playoffs", une réalité dont le club n'a pas vu la couleur depuis sept ans et qui paraît plus éloignée que jamais après une saison catastrophique. Survivre devrait être la seule priorité. Tout seul aux manettes à 27 ans, Sergejs Saveljevs a le mérite de ne pas se décourager même s'il semble déconnecté.

Le recrutement est passé par des phases assez chaotiques puisque les Pinguine ont eu jusqu'à 12 étrangers sous contrat alors qu'ils n'ont le droit de donner des licences qu'à 11 d'entre eux. Problème résolu entre-temps puisque la recrue théorique Thomas Di Pauli a en fait décidé de mettre un terme à sa carrière car ses blessures ne lui permettent pas de revenir au jeu et que l'international norvégien Christian Bull a été prêté au club norvégien Nové Zamký, car on l'a jugé pas au niveau de la défense.

Ce dernier point est sans doute vrai, et c'est le point positif indéniable : les lignes arrières sont largement meilleures, emmenées par Jesper Jensen Aabo qui a montré ses qualités de meneur avec le Danemark au dernier Mondial. Sur le papier, Krefeld a engagé des recrues plus sérieuses que l'an passé, notamment deux Suédois de 35 ans qui avaient été sélectionnés aux JO 2018 après une bonne carrière en KHL, le défenseur Patrik Hersley et l'ailier Alexander Bergström. L'expérience internationale ne manque pas ave l'arrière letton Arturs Kulda et l'attaquant slovène Robert Sabolic.

Si on prend les joueurs un par un, Krefeld semble arrêter de recruter n'importe qui. C'est peut-être plus la cohérence d'ensemble qui n'est pas évidente. L'attaque a par exemple de nouveaux atouts : la belle technique avec le palet de l'Américain Jeremy Bracco, le physique et la créativité du Finlandais Niclas Lucenius, ou le talent d'un nouveau Russe de VHL, Anton Berlyov, mais tous sont plus des passeurs que des buteurs. Il manque des gens pour mettre la rondelle au fond, sauf peut-être Lucas Lessio toujours présent. L'arrivée d'Igor Zakharkin - l'ancien collaborateur privilégié de Bykov en équipe de Russie - est bien jolie, mais ses limites dans la pratique de l'anglais ne perturberont-elles pas son travail avec le coach américain Clark Donatelli ? Celui-ci est resté en place, mais les joueurs recrutés ne correspondent pas à sa culture.

En plus, Krefeld a tiré toutes ses cartouches avant même le début de saison, alors que ses concurrents peuvent encore recruter en cas de problème. Comment réagir en cas de pépin ? Par exemple au poste de gardien, où Sergei Belov est resté alors que Donatelli n'en voulait plus (il est en bonne forme maintenant" répond diplomatiquement le coach). La prometteuse doublure Nikita Quapp n'a que 18 ans, un peu tôt pour assurer la survie d'un club en danger. Le recours a déjà été engagé avec un mystérieux gardien russe à passeport allemand (Oleg Shilin). Si la saison part en vrille - comme les résultats le laissent crainte dès la présaison, on ne peut plus engager personne. Sinon un énième entraîneur. Ou l'orchestre du Titanic.

 

Le promu Bietigheim-Bissingen est dans la situation inverse de Krefeld : aucune recrue de très haut niveau, mais des certitudes. On sait que les joueurs sont individuellement inférieurs aux effectifs de la concurrence mais on a volontairement choisi de faire confiance à la quasi-totalité de l'effectif qui a obtenu la montée. Les quatre étrangers de DEL2 ont été conservés (dont Evan Jasper qui jouait à Chamonix il y a 9 mois) et quatre autres sont arrivés. On ne remplit même pas les 9 places disponibles, encore moins les 11 sur la durée de la saison.

Recrue majeure à un poste-clé le gardien Sami Aittokallio : de bonne taille (188 cm), il dispose d'une bonne formation technique, typiquement finlandaise, mais cet ancien choix de draft a vu son développement s'arrêter après son départ précoce en Amérique du Nord et n'a jamais totalement retrouvé son niveau. Ceci dit, son expérience dans des "petits clubs" de Liiga (Sport et Ässät) peut aider Bietigheim.

En défense, les deux recrues n'auraient qu'un rôle de la troisième paire chez la concurrence : Markus Kojo, un défenseur finlandais physique de 100 kg, et Constantin Braun, pour sa grande expérience de la DEL. En attaque, hormis Brendan Ranford (déjà passé par Berlin), les nouveaux ont un profil de "joueurs de devoir" avec le spécialiste d'infériorité numérique Daniel Weiß et l'intimidant Mitchell Heard. Mais ce n'est peut-être pas si idiot : outre le fait qu'un super-marqueur serait hors budget, il y a besoin de joueurs capables de bloquer les attaques adverses, car les joueurs de DEL2 moins habitués à défendre risquent de se faire piéger à ce niveau par la vitesse des transitions.

L'atout des Steelers, outre le collectif déjà soudé, c'est qu'ils savent déjà qu'ils lutteront pour ne pas descendre. Ils ne seront pas surpris de leur position, ils ne paniqueront pas pour autant, ils ne vont pas rentrer dans une crise existentielle. Ils pourraient même embaucher un joker avant la dernière ligne droite. Les tortues toutes vertes pourrait bien "ramasser" à la fin de la course quelques lièvres excités par la carotte des play-offs...

 

 

 

DEL 2

 

Les play-offs de DEL2 seront scrutés de près par les clubs de DEL, qui auront pour slogan et pour espoir secret "tous contre Francfort, seul club à avoir vu son dossier de montée 2022 accepté. Après leur échec l'an passé, les Löwen ont changé tous leurs quatre étrangers en recrutant notamment le défenseur offensif Bobby Raymond, qui avait déjà vécu l'ouverture de saison à Francfort (sur invitation de Derek Hahn qui était passé par la même université que lui R.I.T.) à son arrivée en Europe à Strasbourg. Mais leur préparation a été stoppée net quand 5 joueurs et 3 membres du staff ont attrapé le Covid. Kassel a présenté ses excuses à ses fans pour son ratage administratif, mais dit avoir quand même "bâti une équipe pour la montée". Une équipe pour empêcher le grand rival de monter, plutôt. Après les retraites de Derek Dinger et Michael Christ, les derniers "Kasseler Jungs", une page se tourne pour les Huskies qui n'ont plus ces purs produits du club, à moins qu'un lointain jeune héritier arrive à gagner sa place. Mais le reste de l'équipe est intacte et elle a les moyens de devancer Francfort... si elle garde la motivation.

Une troisième équipe pourrait compléter les favoris, Ravensburg. Les Towerstars ont en effet engagé les éléments-clés qui avaient amené en haut du tableau les clubs à budget modeste : d'une part Peter Russell, l'entraîneur écossais de Fribourg-en-Brisgau (l'homme qui avait maintenu la Grande-Bretagne en élite face à la France), d'autre part trois défenseurs majeurs de Kaufbeuren, l'offensif Julian Eichinger, le "bloqueur de tirs" Florin Ketterer et le plus jeune Denis Pfaffengut. Les supporters sont en tout cas optimistes : le club a proposé deux formules d'abonnement, dont l'une avec une assurance prévoyant un remboursement ou des bons de paiement pour voir les matches en streaming. La majorité a choisi l'abonnement normal, celui de la conviction du retour à la normale à la patinoire.

Heilbronn a les moyens de jouer le haut du tableau grâce à l'entrepreneur local Dieter Schwarz, fondateur des supermarchés Lidl et principal sponsor du club. Il a aussi créé les écoles Schwarz à l'enseignement en grande partie anglophone, et cela a attiré Jeremy Williams, l'ex-leader de Straubing qui y voyait une meilleure option familiale que les propositions de DEL. Les étrangers sont de haut niveau, tel Karl Fabricius en provenance directe d'élite suédoise, mais le pari est audacieux dans les cages : quand le vétéran Mathias Nemec a demandé à sortir de son contrat, les Falken ont jugé ses deux doublures de 21 ans (Florian Mnich) et 19 ans (Arno Tiefensee) assurer seules la succession.

Les plus grands talents du hockey mondial joueront sur des patinoires de DEL2 fin avril : Kaufbeuren et Landshut seront en effet les villes-hôtes du Mondial U18. La patinoire de Kaufbeuren a quatre ans d'âge, mais celle de Landshut vient d'être entièrement rénovée pendant deux ans et demi. Elle peut maintenant contenir 4448 spectateurs, dont 2539 places debout. L'EVL a recruté très fort pour fêter ça, dont le meilleur attaquant allemand de la ligue Marco Pfleger qui devra sans doute travailler plus fort qu'à Bad Tölz avec un temps de jeu moins extrême. Le choc a été important quand les deux meilleurs marqueurs de l'an passé Zach O'Brien et Marcus Power se sont engagés en AHL avec les Toronto Marlies quelques mois après avoir prolongé leur contrat. Le club s'est dit scandalisé et a réussi à négocier un dédommagement financier avec les intéressés, ce qui doit être un cas très rare avec des Nord-Américains filant en ligues mineures en dehors de l'autorité de l'IIHF ! Kaufbeuren s'est affaibli sur le papier mais l'entraîneur Rob Pallin se veut confiant : il déclare que ses "fidèles" attaquants John Lammers et Tyler Spurgeon - qui le suivent depuis six ans - sont toujours dans une condition physique exceptionnelle à 35 ans et que les autres joueurs sont bien plus affûtés, notamment le gardien-clé Stefan Vajs, arrivé au camp avec 10 kilos de moins que l'été dernier. Vajs atteint la dernière saison de son contrat d'exception de 10 ans...

Les trois clubs de l'ancienne Allemagne de l'Est devraient tous figurer au milieu du tableau. Dresde n'aurait sans doute pas pu été capable de monter sportivement même si son dossier avait été complet en temps voulu mais se construit à moyen terme en faisant signer pour deux ans Tomas Andres (ancien attaquant tchèque de Nice et Lyon avant d'obtenir un passeport allemand) qui doit devenir une figure de l'équipe comme centre de la première ligne. Weißwasser a recruté ses attaquants étrangers par paire, pour une meilleure intégration que les saisons précédentes, et compte sur l'expérience de Jens Baxmann et Steve Hanusch en défense. L'habituel "petit club" Crimmitschau s'est bien remis de la défection de Mario Richer (devenu entraîneur du hockey mineur de Rouen et remplacé par Marian Bazany) en annonçant pour la première fois un budget dans la moyenne de la ligue - 2,5 millions d'euros - et une masse salariale de 900 000 euros. Il a pourtant peu recruté, à la très notable exception du gardien international slovène Luka Gracnar.

Les deux saisons où Fribourg-en-Brisgau a fini en troisième position avec Peter Russell sur le banc et Ben Meisner devant les filets ont placé la barre très - trop ? - haut pour leurs successeurs : Robert Hoffmann débute comme entraîneur en chef à 44 ans et le gardien germano-tchèque Patrik Cerveny doit reprendre confiance après une saison ratée à Schwenningen. La place normale du club est dans le ventre mou, un Bad Nauheim qui lutte chaque année pour l'accès aux play-offs a un bien plus gros budget que lui. Cela a d'ailleurs permis aux Rote Teufel de changer la majorité de leur défense et les quatre attaquants étrangers, avec en meneur de jeu Taylor Vause, diagnostiqué diabétique à 17 ans.

Bad Tölz s'est préparé à souffrir. Alors que sa prolongation avait été la seule bonne nouvelle du printemps, le meilleur joueur de DEL2 Max French a finalement renoncé début juillet à revenir au jeu à cause des problèmes d'adducteurs qui l'avaient gêné en fin de saison. Mais le club a obtenu une consolation inattendue quand Wee, aussi défaillant dans son rôle de super-sponsor que son modèle économique de vente pyramidale, est redevenu partenaire pour des montants plus faibles... en échange de la renonciation à des poursuites pour récupérer les sommes contractuellement promises (mais que l'entreprise n'a pas les moyens de payer). Le budget est donc finalement assuré même si l'effectif a perdu beaucoup de plumes.

Bayreuth a au contraire recruté fort pour quitter le fond du classement et ne pas avoir à lutter avec son vieil adversaire de derbys en Oberliga, le promu Selb, qui a misé sur les deux défenseurs germano-canadiens physiques Brad Ross et Nick Walters (tous deux venus de Weißwasser) pour avoir un peu plus d'expérience de la DEL2, mais qui a surtout misé sur le deuxième meilleur gardien d'ECHL, le jeune Evan Weninger, pour essayer de tenir le choc au niveau supérieur.

 

Marc Branchu

 

 

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