Gap porte l'étendard tricolore
La saison 2020/21 avait bien débuté à Gap avec quatre victoires consécutives. Le groupe vivait très bien, jusqu'à ce qu'il connaisse deux défaites mi-octobre contre Nice en championnat et surtout contre Briançon en Coupe de France. Lors de ce match, alors que deux joueurs (Colotti et Bourgeois) étaient déjà à l'isolement en tant que cas contacts, l'état de santé de Dimitri Thillet se détériorait à vue d'il au cours de la soirée. Inquiétude légitime dans le vestiaire : les Rapaces venaient à leur tour d'être rattrapés par le Covid-19.
L'équipe était donc à l'arrêt (comme Cergy et Briançon) et c'est depuis leur domicile que les joueurs assistèrent à la dégradation de la situation nationale, qui conduisit le gouvernement à instaurer un couvre-feu. Jérôme Escallier, le président des Rapaces, fut alors le tout premier à réclamer la suspension immédiate jusqu'à la fin de l'hiver. Selon lui, il serait impossible de maintenir les recettes dans ses conditions, même si son club avait déjà ajusté sa masse salariale à la baisse : l'attaquant Tim Crowder avait été écarté début octobre avant la fin de sa période d'essai pour embaucher à sa place un arrière bien moins cher, Brayden Sherbinin, en faisant repasser le polyvalent Evan Mosey de la défense à l'attaque.
L'arrêt de la saison ne tarda pas à arriver. Mais même lorsque la Ligue Magnus a timidement repris en janvier, sans Mosey appelé par l'ancien sélectionneur britannique Peter Russell à Fribourg-en-Brisgau pour retrouver un rythme de compétition plus normal, le pessimisme n'avait pas quitté le président Escallier. Il s'était vite désintéressé des résultats sportifs de cette saison tronquée et n'avait qu'une seule idée en tête, assurer la survie du club qu'il pensait toujours menacée. L'entrepreneur était sceptique sur le fait de recevoir un jour les aides promises par l'État.
Fort heureusement, il se trompait. Cette saison 2020/21 pas comme les autres, les Rapaces la bouclèrent avec... un bénéfice de 94 k, le troisième plus élevé derrière Briançon et Nice. Les dispositifs de protection sociale en France - en particulier les règles du chômage partiel - sont plus favorables aux petits salaires, et ils avantagent donc les petits clubs. La catastrophe économique annoncée n'eut donc pas lieu. Le bilan financier était positif, et le bilan sportif était reluisant : avec un effectif un peu allégé, Gap terminait à une quatrième place inespérée et enrayait totalement son déclin.
Pourquoi ne pas poursuivre ce qui avait fonctionné ? Presque tous les joueurs souhaitaient rester, et l'entraîneur Éric Blais souhaitait conserver le même noyau. Comme l'incertitude sanitaire n'est pas totalement levée, il serait imprudent de se lancer dans un recrutement tous azimuts. C'est donc assez naturellement que les Rapaces ont annoncé une politique de développement des jeunes et reconduit presque tous leurs joueurs français (à l'exception de Lucas Bonnardel qui n'a pas trouvé le rôle offensif espéré et est retourné à Briançon). Le club a promulgué une nouvelle politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises) pour se présenter en vitrine sociale et écologique (1 abonnement acheté = 1 arbre planté) et devenir surtout un centre de formation attractif. Sans forcément faire de communication très tapageuse, il fait confiance aux hockeyeurs français comme peu de clubs ont osé le faire dans l'Hexagone : il commence la saison avec seulement 4 joueurs étrangers sur 10 places autorisées de non-JFL.
Ce tremplin tricolore a été parfaitement utilisé par Julian Junca. Le Pyrénéen frontalier, qui a appris le hockey sur glace en Espagne (à Puigcerdà) mais a grandi dans le système scolaire français, a parfaitement saisi l'opportunité gapençaise en s'imposant comme numéro 1 face à Jimmy Darier. À 23 ans, Junca, assez vif pour son grand gabarit, doit désormais viser un autre objectif, débuter dans une équipe de France qui compte sur lui pour la relève. En quête de temps et de tests de haut niveau, il a même participé à trois matches amicaux de Genève-Servette lors des Hockeyades début août : il a été prêté en compagnie du défenseur Fabien Bourgeois à ce club suisse alors décimé par les blessure, grâce à l'intermédiaire de Louis Matte (assistant-coach des Genevois et adjoint de Philippe Bozon chez les Bleus).
La défense gapençaise est d'ailleurs on ne peut plus bleue. Le seul étranger est Chad Langlais, qui assume toujours avec brio le rôle de défenseur offensif puisqu'il a encore dépassé un point par match. Le Caennais Raphaël Faure s'est révélé un bon complément de Langlais en première ligne, il assure bien derrière en se montrant solide dan sa zone. Il manque peut-être à ses lignes arrières un pur défenseur défensif qui nettoie l'enclave, mais Gap a justement fait le choix de ne pas reconduire Sherbinin - qui ne s'était pas montré indispensable - pour promouvoir les jeunes en place. Le Grenoblois Arnaud Faure devrait prendre un rôle plus important cette année, et Louis Cirgues, très convaincant pour sa dernière année junior, est prêt à prendre une place de titulaire en troisième paire selon le manager Sébastien Oprandi. Le joueur formé du club devra toutefois gagner sa place dans une concurrence : l'Amienois Axel Prissaint s'est installé la saison dernière et l'unique nouvelle recrue, le Rouennais Mathieu Mony, a tous les atouts pour le faire à son tour avec ses belles qualités de relance.
C'est par sa solidarité collective - et par les systèmes tactiques mis en place par Éric Blais - que Gap affiche un comportement défensif solide. C'est aussi par le collectif que les Rapaces ont trouvé leur salut en attaque, même en finissant la saison dernière sans gros pointeur étranger. Un trio s'est toutefois détaché peu à peu. Bostjan Golicic pourrait mériter le trophée de la persévérance pour avoir retrouvé son meilleur niveau après deux saisons de souffrance : il a trouvé une excellente entente sur la glace avec Julien Correia. Le troisième homme de cette ligne, Fabien Colotti, a réussi une grosse saison sur le plan statistique dans les deux sens de la glace (fiche de +19 !) et a été rappelé en équipe de France en fin de saison, mettant au passage son premier point en bleu contre l'Italie. Colotti et Correia n'ont pas été conservés ensuite, et il n'y avait aucun Gapençais cet été pour préparer qualification olympique. Mais avec leur équipe très tricolore, les Rapaces constituent une belle base pour une équipe de France "B" et devraient certainement contribuer au changement de génération qui s'annonce.
Gap devrait être plus fort en attaque cette saison car les deux étrangers sont nettement meilleurs que leurs prédécesseurs. Mathieu Guertin avait déçu, y compris en prenant pas mal de pénalités inutiles. Le vétéran Roman Vondracek n'était plus qu'un travailleur de complément, et comme il est installé sur Gap (où sa femme a un travail et où sa fille est en âge d'entrer à l'école), le club lui a proposé d'encadrer la réserve de division 3 : le Tchèque pense mieux préparer sa reconversion qu'en signant avec un club de D1. À leurs places, des valeurs sûres. Le Canadien Benjamin Lagarde s'est révélé un pointeur fiable en trois saisons à Chamonix. Arturs Mickevics est tout aussi régulier et était le meilleur marqueur des Rapaces en 2019/20 avant de rentrer un an chez lui à Lettonie. Ces deux hommes entourent le capitaine Romain Gutierrez et assurent à Gap de disposer de deux lignes fortes.
Néanmoins, leur arrivée a aussi pour conséquence de reléguer Dimitri Thillet en troisième ligne : or on sait que c'est un joueur qui brille surtout quand on lui confie un rôle dans le top-6 et en powerplay. Thillet se retrouve maintenant aux côtés d'un duo déjà constitué la saison dernière. Le centre Roman Chapuis est devenu plus efficace et complet qu'à Strasbourg, il a fini la saison positif aux engagements. L'ailier Paul Joubert progresse lui encore plus vite et la saison de ses 20 ans a vraiment été une révélation. Il a été au passage champion de D1, impressionnant lors de son prêt à Marseille, et démontre un haut potentiel offensif qui le rend clairement apte à grimper très vite dans la hiérarchie interne.
La quatrième ligne dispose désormais d'un vrai centre avec Sébastien Rohat. Non renouvelé à Grenoble qui veut changer de cycle, "Speedy" avait aussi une proposition intéressante de son club d'origine Briançon, mais a choisi Gap, mieux localisé pour sa femme pour raisons professionnelles, et qui lui propose un début de reconversion comme adjoint d'Éric Blais. Rohat a pour ailiers Pierre Robert, le blagueur du vestiaire, et Maxence Bortino, qui a signé son premier contrat professionnel avec son club formateur.
Gap dispose d'une belle équipe homogène avec beaucoup de joueurs français, et elle mérite grandement d'être encouragée. Pour que le public soit le plus nombreux possible, les Rapaces ont mis en place un dispositif de test antigénique devant la patinoire pour que l'obligation de pass sanitaire n'empêche pas les non-vaccinés d'accéder à la patinoire.
Marc Branchu (photos Serge Gleize - Les Rapaces de Gap)
Effectif :
Gardiens
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Ch 2020/21 MJ Min Moy. % 1 BLANC Nans 10/08/2001 171 68 Gap Gap 2 FRA-4 1 60 1,00 33 JUNCA Julian 15/02/1998 197 93 JFL (Fra.-Esp.) Gap FRA-1 20 1161 2,10 92,2% 60 DARIER Jimmy 10/07/1994 180 69 Villard Gap FRA-1 4 223 3,00 87,8%
Défenseurs
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Ch 2020/21 MJ B A Pts +/- Pén 6 FAURE Arnaud 15/12/1995 183 90 Grenoble Gap FRA-1 23 2 1 3 +11 12' 7 LANGLAIS Chad 01/08/1986 173 77 (Américain) Gap FRA-1 19 6 14 20 +7 10' 11 CIRGUES Louis 12/08/2001 181 68 Gap Gap FRA-1 22 0 3 3 +8 4' Marseille FRA-2 3 0 0 0 +3 0' 44 MONY Mathieu 20/10/1999 180 77 Rouen Rouen FRA-1 3 0 0 0 -1 0' Caen FRA-2 11 0 2 2 0 4' 59 FAURE Raphaël 01/04/1993 181 89 Caen Gap FRA-1 23 2 5 7 +12 20' 65 PRISSAINT Axel 06/05/1998 186 82 Amiens Gap FRA-1 21 0 1 1 +2 14' 74 BOURGEOIS Fabien 06/04/1995 173 81 Morzine Gap FRA-1 23 4 4 8 +8 16'
Attaquants
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Ch 2020/21 MJ B A Pts +/- Pén 11 BORTINO Maxence 20/08/2001 168 63 Briançon Gap FRA-1 17 2 0 2 0 2' Marseille FRA-2 1 0 0 0 -1 0' 12 JOUBERT Paul 14/09/2000 178 74 Saint-Pierre Gap FRA-1 23 5 9 14 +10 8' Marseille FRA-2 5 4 8 12 +9 0' 16 COLOTTI Fabien 27/08/1996 179 78 Grenoble Gap FRA-1 23 10 9 19 +19 24' 27 CHAPUIS Romain 21/10/1995 178 81 Grenoble Gap FRA-1 23 3 6 9 +14 6' 38 GOLICIC Botjan 12/06/1989 183 90 (Slovène) Gap FRA-1 19 10 10 20 +3 26' 47 THILLET Dimitri 28/07/1993 186 90 Briançon Gap FRA-1 21 8 11 19 +6 0' 71 ROBERT Pierre 11/02/1998 182 79 Villard Gap FRA-1 17 0 3 3 +3 2' 72 LAGARDE Benjamin 24/05/1993 175 82 (Canadien) Chamonix FRA-1 22 9 12 21 -1 2' 77 CORREIA Julien 14/01/1988 173 78 Rouen Gap FRA-1 23 7 15 22 +2 18' 82 GUTIERREZ Romain 09/09/1992 175 80 Franconville Gap FRA-1 23 9 10 19 +1 12' 85 ROHAT Sébastien 18/02/1985 175 74 Briançon Grenoble FRA-1 22 0 8 8 +10 8' 91 MICKEVICS Arturs 02/01/1991 183 75 (Letton) Liepaja LET-1 40 13 18 31 8'
Entraîneur : Éric Blais (48 ans).
Partis : Brayden Sherbinin (D, 0+6, Cergy), Mathieu Guertin (A, 1+7, Rivière-du-Loup, LNAH), Roman Vondracek (A, 3+3, Gap II), Lucas Bonnardel (A, 0+4, Briançon).
Revoir la présentation 2020/21