Suisse 2021/22 : présentation

 

Les réformes décidées en catimini l'hiver dernier par les clubs suisses ont suscité une telle fronde qu'elles n'ont pu être adoptées telles quelles. Même sans pouvoir prendre place en tribune puisque les matches se jouaient sans spectateurs, les supporters ont fait connaître leur mécontentement... et les joueurs ont pris le relais en déployant eux-mêmes les banderoles pour exprimer leur solidarité ! La National League a alors lancé un grand sondage ("Ta ligue"), un exercice de démocratie participative qui a été utilisé pour faire passer les réformes sans avoir l'air d'aller à l'encontre de l'opinion.

La promotion/relégation, qui avait 81% de partisans, ne sera donc pas abolie. La descente reste simplement abolie le temps que la ligue passe à 14 clubs (elle en est à 13 cette année avec la promotion d'Ajoie). Cette taille de championnat sans doute trop haute ne fait pas l'unanimité : 61% des sondés soutenaient un modèle à 12 clubs contre 30% pour un modèle à 14 participants. Mais cet élargissement constitue un bon prétexte pour concilier l'intérêt des clubs et des joueurs sans diminuer le nombre de postes de travail dans l'élite. S'il n'est plus question non plus de passer de 4 à 10 étrangers, ni même à 7 - une proposition condamnée par 88% des sondés - les clubs ont tout de même réussi à faire passer le curseur à 5 (s'il y a 13 clubs) voire à 6 étrangers (si on joue à 14 clubs) à partir de la saison prochaine.

Un compromis a aussi été trouvé sur la question épineuse du statut dit "comme Suisse", qui permet à des hockeyeurs étrangers mais formés localement pendant au moins cinq saisons (entr 9 et 20 ans) de bénéficier d'un statut identique aux joueurs helvétiques. L'idée est de conserver les privilèges des joueurs déjà en place, dont de nombreux hockeyeurs français (Thomas Thiry à Berne, Johann Morant à Zurich, Jordann Bougro à Fribourg, Floran Douay à Lausanne, Eliot Berthon à Genève, les frères Bozon...) qui ne perdront donc pas leurs postes de travail en Suisse. En 2027, en revanche, ce statut deviendra temporaire et ne vaudra que jusqu'aux 23 ans du joueur pour les hockeyeurs ne disposant pas d'un passeport à croix blanche.

Avec cette réforme, le hockey suisse n'a pas totalement perdu son âme et n'a pas fait trop de mécontents. Il a évité la crise et s'est donné une visibilité et une structure à long terme, ce qui a toujours fait sa force.

Accès direct à la présentation de chaque club : Zoug, ZSC Lions, Davos, Fribourg-Gottéron, Bienne, Rapperswil-Jona, Lugano, Berne, Lausanne, Genève-Servette, Ambrì-Piotta, Langnau, Ajoie.

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La "National League"

 

Après 23 ans d'une longue attente, Zoug est enfin redevenu champion de Suisse. Le seul défaut de ce deuxième titre remporté sans discussion est qu'il n'a pas pu être gagné devant des tribunes pleines à cause de la pandémie de Covid-19. Pourquoi pas un autre en communion avec le public ? L'entraîneur norvégien Dan Tangnes a défini l'objectif pendant l'été dans le vestiaire comme expliqué en interview à Klaus Zaugg : "J'ai passé 99 Luftballons de Nena. Et j'ai demandé à la ronde qui connaissait un autre titre de cette chanteuse. Personne n'a levé la main. Et j'ai dit : vous voyez, personne ne se souvient d'un one-hit wonder. Retournons au travail."

Pour glaner d'autres titres, Zoug dispose d'un atout majeur par rapport à ses concurrents : le gardien numéro 1 du pays Leonardo Genoni, mais aussi le meilleur espoir suisse dans les cages, Luca Hollenstein. C'est le tour de force de l'EVZ d'avoir convaincu ces deux portiers de cohabiter pendant encore trois ans pour assurer une transition progressive.

En revanche, la défense a perdu d'un coup ses trois internationaux ayant participé aux trois derniers championnats du monde : le capitaine Raphael Diaz et le naturalisé Santeri Alatalo, passés à la concurrence, plus le jeune Tobias Geisser, qui n'était que prêté par les Capitals de Washington. Les Zougois, qui n'avaient aucun défenseur étranger pendant le temps où ils misaient sur Diaz, ont embauché deux Suédois d'un coup, Christian Djoos et Niklas Hansson, pour mener leurs lignes arrières.

Si l'EVZ a pu se le permettre, c'est qu'il a le droit d'aligner cinq étrangers cette saison en vertu du règlement qui permet de compenser de cette façon le départ d'un joueur sous contrat vers la NHL (en l'occurrence Grégory Hofmann à Columbus). L'attaque reste ainsi bâtie autour de deux centres étrangers : en plus du maître passeur tchèque Jan Kovář (promu capitaine), un autre joueur majeur de KHL arrive, Anton Lander, complément idéal de l'ailier Carl Klingberg qu'il a côtoyé en équipe de Suède sénior et junior car ils sont de la même génération (1991). La qualité offensive reste aussi forte grâce à deux revenants : le chouchou du public Reto Suri fait son retour après deux ans à Lugano et Fabrice Herzog revient dans le club qui l'a fait débuter en LNA. Mais la réputation de celui-ci est de plus en plus ternie depuis une charge qui a commotionné Eric Blum (toujours incapable de reprendre le jeu neuf mois plus tard). Herzog avait alors pris la septième suspension de sa carrière (8 matches), il vient de se voir infliger la huitième (5 matches) pour un cross-check et semble toujours incorrigible.

 

La réussite zougoise avec un entraîneur norvégien de culture scandinave a de quoi rendre Zurich jaloux. Les ZSC Lions avaient obtenu tous leurs titres avec des coaches canadiens, mais ils ont justement embauché depuis 2019 le plus réputé des entraîneurs suédois, Rikard Grönborg, sélectionneur national que l'on disait alors orienté vers une carrière NHL. Grönborg a encore deux ans de contrat pour se rattraper de l'échec en demi-finale face à Genève, et il a toutes les cartes en main pour réussir. Il a même appelé auprès de lui son ancien adjoint en équipe de Suède, Peter Popovic.

Comme Zoug, les Zurichois ont eux aussi droit à 5 étrangers, et ce pour la seconde année consécutive car leur ancien joueur Pius Suter s'est très bien établi en NHL. Ils ont donc l'avantage sans les inconvénients, car ils n'ont perdu aucun joueur important cet été et n'ont jamais eu un effectif aussi stable. La défense est bien plus expérimentée puisque le jeune Tim Berni, parti en Amérique du Nord, a été remplacé par Yanick Weber, défenseur autrefois très offensif qui a gagné en solidité au fil de ses 531 matches de NHL.

Autre point commun avec l'EVZ : Zurich embauche un des meilleurs étrangers de KHL, Justin Azevedo, vainqueur de la Coupe Gagarine 2018. Il reste le poste-clé de gardien où Zoug reste la référence. Alors que Lukas Flüeler - jeune héros à 24 ans du titre 2012 - a annoncé que ce serait la dernière saison de sa carrière, Ludovic Waeber - 25 ans - doit prouver sa capacité à le supplanter comme numéro 1, comme il a commencé à le faire l'an passé sans que ses saisons antérieures à Fribourg ne laissent présager une telle performance.

 

Le HC Davos, dont Arno del Curto avait été l'entraîneur-symbole pendant 22 ans et 6 titres, avait voulu ouvrir une nouvelle ère en 2019 en recrutant à la fédération suisse deux figures "locales" ayant grandi dans la vallée de l'Engadine (dans l'autre station huppée de Saint-Moritz) : Raeto Raffainer comme directeur sportif et Christian Wohlwend comme coach. Mais au printemps, les Grisons ont pris deux baffes : Raffainer s'est engagé avec Berne puis le HCD a justement été éliminé des playoffs par le club de la capitale.

Aujourd'hui, néanmoins, aucun risque de jalouser un SC Berne toujours en crise. Le nouveau manager général de Davos, le Canadien naturalisé Jan Alston, n'a certes aucune attache locale, mais il a reçu un bel héritage car de nombreux jeunes avaient signé avec son prédécesseur, parmi lesquels le défenseur offensif très courtisé Dominik Egli pour trois ans. D'équipe vieillissante, Davos est un nid de jeunes talents, dont Valentin Nussbaumer (21 ans) qui a reçu sa première convocation en équipe nationale grâce à son bon début de saison... mais n'a pas pu l'honorer à cause d'une opération de la main gauche qui le tiendra éloigné des glaces pendant trois mois.

Alston s'est lui aussi projeté à moyen terme en proposé des contrats de 2 ans à ses étrangers. Certains y verraient un risque, mais le nouveau premier trio Mathias Bromé - Dennis Rasmussen - Matej Stransky - a vite cartonné et se révèle une très bonne affaire. Même le cas problématique Robert Mayer - sous contrat jusqu'en 2024 mais décevant lors des play-offs au printemps - a été à peu près bien géré. Alston a fait revenir d'Amérique du Nord le gardien formé au club Gilles Senn pour former un duo avec Sandro Aeschlimann... et a finalement réussi - à défaut d'un transfert définitif - à prêter à Langnau un Meyer devenu superflu. Le HCD arrive donc à avoir un effectif à la fois de meilleure qualité et avec plus de joueurs locaux, puisque le jeune défenseur Thomas Wellinger est lui aussi rentré à la maison. Davos a enfin tourné la page pour se propulser vers l'avenir.

 

À rebours des autres clubs, Fribourg-Gottéron est le seul à faire confiance à un seul homme - Christian Dubé - comme entraîneur et manager général. Si cela fonctionne, c'est peut-être parce que la stabilité de l'effectif évite de dépenser trop de temps en transferts. Les Dragons ont misé sur une recrue et une seule, mais de grand prestige : le capitaine de l'équipe nationale Raphael Diaz à la place du retraité Marc Ablanalp. La durée du contrat de Diaz - 4 saisons pour un joueur de 35 ans - est un risque à terme, mais pour le moment c'est un énorme renfort qui permet à Fribourg de rêver de son premier titre.

Personne n'est arrivé à l'offensive. Le seul départ de Viktor Stålberg a eu pour conséquence que son compatriote suédois Daniel Brodin n'est plus surnuméraire mais titulaire en première ligne aux côtés de David Desharnais et Kilian Mottet. Celui-ci a changé de statut en prenant place parmi les meilleurs marqueurs de la ligue grâce à son repositionnement en powerplay, où il est désormais placé dans le cercle droit pour utiliser son lancer. Cette attaque inchangée est homogène et performante. La troisième ligne Nathan Marchon - Samuel Walser - Mauro Jörg réalise un excellent début de saison et les trois blocs sont dangereux offensivement. La quatrième ligne autour du centre néo-international français Jordann Bougro l'a été aussi en CHL.

Cette équipe dont les titulaires ont 30 ans de moyenne d'âge n'est-elle pas vieillissante ? N'est-ce pas l'année ou jamais pour être champion ? Sandro Schmid progresse vite à 21 ans mais est le seul non-trentenaire du top-6 offensif. Ils devraient être deux la saison prochaine puisque Christoph Bertschy s'est déjà engagé à revenir dans son club formateur l'été prochain pour... sept ans. La politique de fidélité mutuelle avec les joueurs-cadres attachés au club permet donc à Fribourg-Gottéron d'entrevoir de belles années dans sa nouvelle patinoire, enfin occupée après avoir ouvert en pleine pandémie.

 

Après trois années parmi les cinq premiers, Bienne est rentré dans le rang avec une septième place suivie d'une élimination en pré-playoffs. La formidable progression continue du club se serait-elle achevée avec la retraite il y a un an du gardien Jonas Hiller ? Son successeur Joren van Pottelberghe n'est pas dénué de talent et est un bon numéro 1, mais sans être au-dessus du lot.

De surcroît, les Biennois ont perdu quatre défenseurs à l'intersaison, dont le grand espoir local Janis Moser vers la NHL. Ce départ - assez prévisible - permet réglementairement de disposer de 5 étrangers, dont deux en défense avec l'international suédois Viktor Lööv et le Russo-Kazakhstanais très bon relanceur Aleksandr Yakovenko. Les nouveaux arrières suisses venus de Lausanne, les ex-internationaux Robin Grossmann et Noah Schneeberger, ont encore de beaux restes à 34 et 33 ans.

Malgré ces changements, Bienne s'appuie surtout depuis le début de saison sur une configuration de jeu plutôt défensive. Il faut dire que l'équipe est accablée par les blessures. Elles ont d'abord frappé les deux meilleurs centres Gaëtan Haas - de retour dans son club formateur après deux ans à Berne et deux à Edmonton - et Luca Cunti, puis ce fut au tour des étrangers. Quand Jere Sallinen s'est fracturé la main, le directeur sportif Martin Steinegger a attendu trois semaines avant de trouver un remplaçant dans un marché à sec d'attaquants de premier plan : il s'est fait prêter jusqu'à la fin de saison Lauri Korpikoski, sous contrat de longue durée avec le TPS Turku : il n'avait plus joué depuis une opération de la hanche en janvier mais le club dit avoir pris toutes les garanties médicales.

Contre la scoumoune, en revanche, il n'y a pas de garantie : à son quatrième match, Korpikoski a subi une commotion cérébrale, comme Lööv - et l'ailier droit de première ligne Luca Hischier - avant lui. Bienne n'a donc jamais joué avec les cinq étrangers auquel il a droit. Comme il tient solidement sa place quand même, cela peut augurer d'une belle fin de saison au complet...

 

Longtemps club de bas de tableau sans espoir, le SC Rapperswil-Jona s'est totalement réinventé depuis sa descente et sa remontée. Son incroyable parcours jusqu'en demi-finale a estomaqué toute la Suisse, mais elle a aussi débloqué une équipe qui ne se fixe plus de limite et se trouve tout à fait légitime en play-offs. Le petit club ne l'est peut-être pas tant que ça. La ville du canton de Saint-Gall cultive sa discrétion, mais elle est au cœur d'une des régions les plus riches du monde. Au conseil d'administration du club figure Hans-Ueli Rihs, qui a succédé à son frère Andy à la tête des Young Boys Berne, actuels champions de Suisse de football. La famille a fait fortune avec l'entreprise de prothèses auditives Phonak fondée par leur père.

Le directeur sportif Jannick Steinmann a pris ses responsabilités en ne prolongeant pas le contrat de l'entraîneur Jeff Tomlinson (décision prise avant la formidable réussite en play-offs) pour recruter Stefan Hedlund, un Suédois qu'il connaît de très près puisqu'il a été son adjoint. La formule fonctionne toujours avec un effectif pour moitié renouvelé, même sans la pépite défensive Dominik Egli. Le SCRJ continue de recruter des jeunes qu'il développe : cela a très bien fonctionné par exemple avec Nando Eggenberger, dont la carrière semblait dans l'impasse dans son club formateur Davos et qui a aujourd'hui été appelé en équipe nationale.

Les deux joueurs-clés sont toujours les mêmes. L'attaquant tchèque Roman Cervenka, qui a signé pour deux années supplémentaires, ne faiblit toujours pas à 35 ans. Le gardien de 26 ans Melvin Nyffeler, qui n'avait resigné que pour un an en février, a finalement prolongé son contrat jusqu'en 2026 avant le début de championnat. Cela constitue un signe fort de confiance mutuelle car il constitue clairement le joueur le plus indispensable de l'équipe.

 

Quitte à perdre un peu de profondeur en attaque, Lugano a beaucoup investi dans sa défense à l'intersaison : les Tessinois ont recruté l'ancien joueur de NHL Mirco Müller et le néo-international suisse Santeri Alatalo, affirmant si besoin était leur ambition de figurer en haut du tableau.

La plus grosse surprise est cependant l'engagement de Chris McSorley comme coach. Il incarne une culture de management nord-américaine à l'ancienne dans laquelle l'individu doit disparaître dans le collectif, cette même culture qui est mise en accusation en NHL. On n'ose penser comment on aurait réagi outre-Atlantique à l'histoire d'Eliot Antonietti, à qui son agent avait transmis un étrange chantage de Genève-Servette (raser sa longue barbe pour garder sa place dans l'équipe !) et qui a fui Lugano quand il a appris que son manager de l'époque (McSorley) serait le futur entraîneur.

Toujours en position de propriétaire-dirigeant pendant deux décennies à Genève, McSorley a cependant beaucoup moins de pouvoir à Lugano. Il est simple employé dans un club de culture latine qui a toujours fait briller les stars. Pour l'instant, on n'observe pas du hockey défensif à la McSorley... mais pas non plus l'habituelle créativité offensive du HCL. Les quatre attaquants étrangers - trois anciens joueurs de NHL (Mark Arcobello, Mikkel Bødker, Daniel Carr) et le bien moins coté Troy Joseph également conservé sur la foi de sa bonne pige de fin de saison - n'ont plus la même efficacité, au point que le pur buteur slovaque Libor Hudacek a été engagé comme joker dès le mois d'octobre.

Si Lugano s'est retrouvé en difficulté, c'est à cause de la blessure du gardien Niklas Schlegel jusqu'à la trêve de novembre. Alors que le HCL se vantait de donner sa chance à deux doublures, l'international italien Davide Fadani et l'international junior suisse Thibaut Fatton, tous deux la génération 2001, il a vite fait savoir que les deux hommes étaient des projets à moyen terme en recrutant jusqu'à la fin de la saison (pour prévenir le risque de rechute musculaire de Schlegel) le vétéran canadien Leland Irving. Celui-ci a néanmoins aussi été en dessous des 90% d'arrêts. C'est sur le retour de Schlegel que se fonde donc le principal espoir de remontée de Lugano, seulement dixième à la trêve.

 

Un an après avoir annoncé avec fierté que Florence Schelling serait la première femme à diriger un club de hockey sur glace, Berne l'a mise dehors. "Elle a beaucoup fait en un an, mais elle n'a pas la grande expérience suffisante pour la situation difficile à court et à moyen terme du SCB", a expliqué le patron Marc Lüthi. Quant au poste de responsable de la stratégie qui avait été confié à Alex Chatelain, il n'existe plus. L'organigramme bernois n'est pas plus clair pour autant : il adopte des termes du monde de l'entreprise aux traductions fluctuantes selon les langues. Lüthi est le "CEO" qui a tout pouvoir ou presque (un conseil d'administration le surveille), il y a une branche "commerce" et une branche "sport" dans laquel Andrew Ebbett est "General Manager" mais a en pratique au-dessus de lui le "Chief Sport Officer" Raeto Raffainer. Fin politique, récemment élu au Council de l'IIHF, Raffainer avait droit de veto sur le recrutement étranger car Ebbett débute dans le métier (il était encore hockeyeur au printemps...) mais dit ne pas en avoir fait usage.

C'est clairement Raffainer en revanche qui a choisi le nouvel entraîneur, l'ancien adjoint de Davos (et de Frölunda) Johan Landskog. Beaucoup plus de décideurs que dans d'autres clubs, mais pour quel effet ? Galérer chaque année pour se qualifier en playoffs, est-ce digne de l'habituel club numéro 1 des affluences en Europe ? Raffainer n'a cessé d'affirmer depuis son arrivée qu'il faudrait au moins trois ans pour revenir dans le top-4. En fait, la moyenne élevée de spectateurs a été un piège pendant la pandémie : trop d'incertitudes sur les recettes aux guichets ont paralysé le club plus encore que la complexité de ses processus décisionnels. Le SCB savait que l'été serait difficile avec treize joueurs en fin de contrat... dont certains finissaient fort alors qu'ils avaient déjà signé ailleurs, comme André Heim qui a mis 10 points en 12 matches une fois connu son départ à Ambrì, club de village où l'on passe moins de temps à définir les intitulés de poste sur les cartes de visite.

Les Ours se sont donc fait doubler par tout le monde sur le marché et leur contingent suisse n'est plus celui d'un candidat au titre. Heureusement, il y a une satisfaction depuis un an : le jeune Philip Wüthrich s'est affirmé en gardien numéro 1 et a même été appelé pour la première fois en sélection. Avec enfin des Suisses dans les cages, les quatre postes étrangers peuvent être employés dans le jeu. Berne est resté assez attractif pour engager l'international allemand rentré de NHL Dominik Kahun. Il est le seul sur lequel il n'y a rien à dire, mais le reste de l'équipe pâtit toujours de blessures et de performances irrégulières.

 

Il y a deux manières d'envisager le cas de Lausanne. La première, c'est de regarder l'infrastructure (la Vaudoise Aréna construite pour ce Mondial 2020 qui n'a jamais eu lieu) et la qualité de l'effectif, dans les deux cas parmi les meilleures du pays, ce qui devrait permettre de viser le titre pour le centenaire du club en 2022. La seconde, c'est de considérer - avec un peu plus de perplexité les méthodes du copropriétaire et dirigeant du club Petr Svoboda. Sa tendance à user de menaces et à virer sans ménagement tous ceux qui travaillent pour lui continue de faire désordre. Le défenseur Robin Grossmann - dans le viseur car syndiqué - l'a qualifié de "hautement discutable" : Svoboda lui a dit qu'on ne comptait plus sur lui malgré un contrat en cours, puis l'a forcé à écrire une lettre de démission lorsqu'il a trouvé lui-même un club prêt à l'embaucher (Bienne). Joël Genazzi tient des propos bien plus positifs, mais c'est peut-être un discours d'employé : le LHC a quand même appelé les autres clubs suisses pour faire pression sur lui cet automne jusqu'à ce qu'il prolonge de trois années supplémentaires son contrat bientôt à échéance.

La confiance n'a pas sa place dans ce genre de relations. Pour la seconde année consécutive, Svoboda s'est séparé de son entraîneur dans un conflit financier. Il s'agisait pourtant cette fois de son ami et son collègue Craig McTavish. C'est peut-être ce qui a pu faire croire au Canadien qu'il pouvait travailler toute une saison sans avoir signé de contrat. Il avait donné son accord pour une proposition parfaite valable pour trois ans, mais au bout d'un an, Svoboda voulait. McTavish se serait contenté de l'indemnité négociée mais n'en a pas vu la couleur, alors il s'est épanché dans la presse en voyant que son ancien patron le critiquait publiquement. McTavish a confirmé qu'il avait commis l'erreur de trop laisser Svoboda interférer dans le vestiaire.

Les ingérences, c'est fini, entend-on aujourd'hui à Lausanne. Svoboda proclame une "totale confiance" au staff mené par l'ancien adjoint John Fust, assisté sur le banc par l'ex-international slovaque Róbert Petrovický et par Cristobal Huet. Ce dernier encadrait la saison passée le duo de gardiens le plus efficace du championnat la saison passée avec Tobias Stephan et Luca Boltshauser, mais même eux semblent déstabilisés cette saison par les blessures et les rumeurs d'arrivée future de Punnenovs. Le LHC est moins performant pour l'instant qu'avec les deux précédents entraîneurs virés. Il est vrai que les deux jeunes recrues suisses ont joué de malchance : Damien Riat a souffert d'une thrombose à la main après un bon départ (8 points en 9 matches) et Jason Fuchs d'une commotion. Les lignes n'ont cessé de bouger avec 6 étrangers pour 4 places (plus que 5 après le départ de Phil Varone à Berne) et le départ annoncé du meilleur marqueur Christoph Bertschy l'été prochain ne donne pas un bon signal.

 

Lorsque Patrick Emond est devenu entraîneur de Genève-Servette à l'été 2019, après 22 ans à la tête des juniors, c'était pour opérer un rajeunissement sans grande obligation de résultat à court terme. Le malheureux Emond aura perdu en deux mois à peine le crédit acquis en deux ans. Il avait lui-même fait grimper le niveau d'attente en dépassant toutes les espérances avec une quatrième place sans play-offs (Covid-19) puis une finale en 2021.

Or, le héros de cette qualification en finale, le gardien numéro 2 Daniel Manzato, est parti à Berne. Blessé avant les derniers play-offs, Gauthier Descloux se retrouve trop seul à assumer la responsabilité dans les cages, avec une doublure beaucoup plus jeune et pas encore au niveau (Stéphane Charlin). C'est presque la seule différence dans un effectif très stable, mais c'est une différence importante. En plus l'attaquant-vedette Linus Omark a demandé à rentrer en Suède pour raisons familiales, promettant de revenir l'an prochain. Il a tout de même été remplacé par Valtteri Filppula, puis Genève a recruté un autre ancien joueur de NHL, le petit défenseur offensif Sami Vatanen. Avec de tels noms, le GSHC ne veut plus redevenir ordinaire.

Habitués à voler à une altitude plus élevée, les Aigles n'ont pas supporté de faire du rase-mottes. Onzièmes à la trêve, ils ont été les premiers à virer leur entraîneur, alors que les dirigeants des clubs suisses se montrent plus patients après la crise économique et sanitaire. Le licenciement d'Emond ne coûte pas cher car son remplaçant est simplement son adjoint : Jan Cadieux prend ainsi en mains un club que son père Paul-André Cadieux avait entraîné de 1987 à 1989 (montée en LNB) et de 1999 à 2001. Une filiation dans le même club qui est bien plus rare chez les entraîneurs que chez les joueurs.

 

Pour survivre à la crise, le HC Ambrì-Piotta a utilisé les aides d'État jusqu'au maximum autorisé, pour couvrir les deux tiers de son budget. Cela a eu pour conséquence qu'il est le seul club à s'être plié aux conditions d'obtention de ces aides maximales, à savoir une réduction de sa masse salariale. Pour ce faire, il a donc envoyé Christian Pinana à Berne (contre un junior) et mis fin au contrat de Marco Müller (contre une compensation financière de Zoug).

Néanmoins, après avoir passé l'essentiel du dernier championnat avec seulement deux ou trois étrangers par mesure d'économie, les Tessinois en ont cette fois bien recruté quatre, tous trentenaires. Le centre canadien Peter Regin et le défenseur danois Juuso Hietanen amènent une immense expérience internationale, alors que Brandon Kozun et Brandon McMillan se retrouvent après avoir été coéquipiers aux Mondiaux juniors 2009. Les étrangers ne sont certes pas les meilleurs de la ligue. Mais le HCAP a enfin vu revenir Inti Pestoni après cinq saisons dans des grands clubs (Zurich, Davos, Berne). À 30 ans, l'enfant du pays mène l'offensive comme avant son départ !

Mais quelque chose a changé dans l'intervalle. Toutes les ressources humaines du club se sont concentrées sur l'ouverture de la Nuova Valascia en septembre, quitte à reporter les célébrations officielles et la fête d'adieu à l'ancienne Valascia, ce temple du hockey d'un autre temps avec ses arches en bois. Même si le vent froid n'y pénètre plus, l'ambiance unique d'Ambrì a réussi à s'engouffrer dans la nouvelle patinoire plus confortable. Plus de 6000 spectateurs soutiennent le HCAP et remplissent l'enceinte alors que les autres clubs (sauf Fribourg qui a aussi une patinoire neuve) voient leurs affluences post-Covid baisser. L'épopée d'Ambrì, club villageois sans pareil, aura encore bien d'autres chapitres...

 

Retombé à la dernière place l'an passé, Langnau a bien profité de l'absence de relégation pour laisser passer la crise économique. En matière de bonnes affaires, on peut faire confiance aux SCL Tigers. Un an après avoir vendu Harri Pesonen en KHL, ils l'ont ré-engagé libre. Autre attaquant finlandais, Aleksi Saarela a déjà prouvé au pays et en Amérique du Nord qu'il avait hérité du sens du but naturel de son père Pasi. Mais ce sont surtout les deux autres nouveaux étrangers qui ont été de pleines réussites : l'étonnant Jesper Olofsson est plus performant qu'à Berne et Alexandre Grenier rappelle aux clubs suisses qu'ils ont tort de négliger les joueurs de DEL.

Néanmoins, de bons étrangers ne suffisent pas ou plus à être compétitif dans le championnat suisse (surtout depuis que les grands clubs ont des dérogations pour en aligner un de plus quand ils perdent un joueur helvétique de premier plan). La grande année de Langnau en 2019 - sixième - avait été obtenue grâce à une défense de fer. L'entraîneur de l'époque Heinz Ehlers n'est plus là, et le nouveau coach Jason O'Leary - venu avec Grenier d'Iserlohn - n'a pas cette mentalité ultra-défensive. Mais même les hommes sont partis dans les lignes arrières : Federico Lardi a raccroché les patins, Andrea Glauser est parti à Lausanne et Alain Bircher à Rapperswil. La seule recrue importante Miro Zryd - évincé de son contrat à Berne - peine à retrouver son niveau après une blessure en début de saison, et Samuel Erni est dans le même cas puisqu'il fait de l'asthme depuis son infection de Covid-19 à l'automne 2020. Un à un, les autres arrières ont rejoint l'infimerie : Bastian Guggenheim pour une mononucléose, doigt cassé pour Sebastian Schilt et vertiges pour Anthony Huguenin...

Ayant choisi de placer tous ses étrangers en attaque, Langnau a absolument besoin d'une défense qui tienne la route. C'est pour cela que le gardien letton (à licence suisse) Ivars Punnenovs est le joueur le plus important. Il n'avait prolongé que pour un an, et c'est pour cela que le SCL lui avait donné jusqu'à la trêve de novembre pour donner son intention quand à son avenir après 2022, afin de pouvoir se retourner. Punnenovs a répondu qu'il partirait... et la solution est toute trouvée, sous ses yeux. Indésirable à Davos et prêté jusqu'en janvier (à la suite d'une blessure de Punnenovs), Robert Mayer est déjà sur place. Mais il va falloir négocier avec le HCD car à Langnau un sou est un sou.

 

La victoire en Coupe de Suisse paraissait déjà une belle histoire pour le HC Ajoie. L'accession à l'élite est plus incroyable encore pour le club du canton du Jura. En 1992/93, il était redescendu aussitôt, perdant en barrages sans avoir été ridicule au cours de la saison. Il n'y a pas de risque que le scénario se reproduise puisque la relégation ne sera réinstitutée que l'an prochain une fois la Ligue A passée à quatorze équipes. Le HCA n'a donc pas hésité : son président Patrick Hauert a expliqué avoir pris sa décision pendant la nuit la veille de la montée : oui, le club franchirait le pas.

Avec un budget de 7 millions d'euros, augmenté grâce à l'accès aux droits télé, Ajoie sait qu'il est le petit poucet mais veut profiter au maximum de la chance qui lui est donnée. Il fait vivre un esprit-club qui s'est perdu dans beaucoup d'endroits. Thibault Frossard a ainsi reçu une ovation du public quand il a reçu le maillot de top-scorer, lui qui était dans le ventre de sa mère pendant la précédente expérience des Jurassiens en LNA, qui venait voir les matchs tout petit avec son papa, et qui accède au plus haut niveau au meilleur âge à 28 ans.

La présence d'Ajoie est rafraîchissante avec son effectif catalogué "Ligue B" - y compris l'attaquant franco-suisse Lou Bogdanoff qui vient de La Chaux-de-Fonds - que devaient compléter de bons étrangers. Le problème est que les Jurassiens n'ont pu jouer qu'un match avec leurs 4 étrangers, le tout premier. Ensuite, ils se sont blessés les uns après les autres : Guillaume Asselin a souffert des adducteurs, Jérôme Leduc du dos, et Jonathan Hazen sera absent cinq mois après une opération du genou. 7 licences ont déjà été dépensées sur les 8 autorisées. Le septième, le joker Sebastian Wännström, s'est cassé une côte au moment même où Asselin devait rentrer. Pendant tout ce temps, le Québécois Philip-Michaël Davos n'a toujours pas manqué un match, comme c'est le cas depuis six ans qu'il mène l'attaque ajoulote, mais il se force car il joue avec une cheville douloureuse et souffre en enfilant ses patins.

 

 

Swiss League

 

La Swiss League deviendra la saison prochaine une société anonyme avec une organisation autonome. Elle reste entièrement liée à la fédération, ne serait-ce que par les promotions/relégations vers le haut et le bas, mais aura les mains libres pour son marketing et ses droits télé. C'est pour cela qu'elle a exprimé son désintérêt pour les équipes-réserves qui apportent peu d'attractivité et de spectateurs. Zoug a pris la ligue au mot en annonçant la suppression de son "EVZ Academy" : cela arrange le club champion de Suisse de ne pas sentir sa réserve désirée car cela fait une économie. Il annonce que cela ne se fera pas au détriment de la formation car son entraîneur Dan Tangnes dit vouloir au contraire promouvoir directement les juniors en équipe première dès 17 ou 18 ans comme cela peut se faire en Suède. On attend de voir, mais il est certain que les joueurs se développent mieux au contact du haut niveau que dans un championnat junior élite même allongé aux moins de 22 ans comme vient de le décider la Suisse (modèle qui n'a fonctionné nulle part et que la France avait essayé il y a vingt ans...).

Toujours est-il qu'avec l'EVZ Academy en moins, la Swiss League se trouve encore plus dépeuplée alors que l'élargissement de la National League se fait à ses dépens. De 11 clubs aujourd'hui, il risquait de n'y en avoir plus que 9. C'est ce qui explique l'idée d'intégrer deux clubs français, Grenoble - qui a exprimé sa volonté d'aller voir ailleurs en raison de son conflit avec la fédération française sur le titre attribué à Rouen - mais aussi Mulhouse qui n'a jamais annoncé vouloir quitter la Ligue Magnus. Cette ouverture à la France en séduisait certains, mais cette option a vite été balayée. La ligue priorisera la montée de deux clubs historiques du niveau inférieur : Bâle et Arosa sont en effet candidats et ils devront atteindre au moins les demi-finales de MySports League pour obtenir cette promotion.

Et la montée de National League, alors ? Cette opportunité d'accéder à l'élite sans passer par un difficile barrage contre le dernier du niveau supérieur est trop belle. Ajoie en a bénéficié au printemps, et Kloten ne veut pas laisser passer sa chance une seconde fois. Le club a donc embauché l'entraîneur qui a déjà fait monter Rapperswil, Jeff Tomlinson, mais aussi le probable meilleur gardien du championnat avec Sandro Zurkirchen (ex-Lugano). Sans doute jamais une équipe n'a-t-elle eu un effectif aussi homogène à ce niveau que les quatre lignes de Kloten cette saison. Le budget de 8 millions de francs est toujours supérieur à celui d'Ajoie un cran au-dessus, tandis que ses principaux adversaires en ont à peine les trois quarts - voire la moitié.

Qui pourrait donc contrarier ces plans ? Olten domine le début de championnat mais traîne une réputation de perdant pour n'avoir jamais réussi à gagner un titre depuis sa redescente en Ligue B il y a 27 ans. Le nouvel entraîneur Lars Leuenberger a cependant pour lui d'avoir réussi le miracle du titre 2016 avec Berne (à partir d'une huitième place). Viège a augmenté son budget et recruté deux stars suédoises, Linus Klasen et Niklas Olausson, venues de Luleå et ayant déjà joué en LNA. Mais le club valaisan n'a plus gagné la moindre série de play-offs depuis huit ans. Chez le rival cantonal Sierre, on regarde à plus long terme en suivant avec intérêt le projet de patinoire de 7000 places, porté par des investisseurs emmenés par Chris McSorley qui ont signé deux lettres d'intention avec la ville et le club pour essayer de contractualiser un projet d'ici l'été prochain.

 

Marc Branchu

 

 

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