Christian Pouget

 

Ses anciens coéquipiers et entraîneurs sont presque unanimes sur un point : Christian Pouget est le joueur le plus talentueux que la France ait connu. Beaucoup de journalistes ou d'experts le considèrent même comme le meilleur hockeyeur français de tous les temps. Il y a des souvenirs qu'on n'efface pas. Ce magicien a souvent enchanté ceux qui l'ont vu jouer dans ses grandes années par son sens du jeu et ses passes.

Pouget est resté indissociable de Philippe Bozon dont il a été le parfait complément : l'alliance du passeur et du buteur, de la créativité et de l'efficacité, de l'improvisation et du jeu direct. Tout au long de la carrière, on a comparé les deux hommes, qui ont modifié toutes les normes du hockey français. Et à chaque fois, on en est revenu à la même évidence : alors que Bozon a fait tous les sacrifices requis pour sa carrière, Pouget a emprunté les chemins de traverse. En génie incompris, il ne s'est pas astreint à la discipline qui aurait pu lui permettre de connaître plus tôt la reconnaissance internationale. Il a donc connu une trajectoire plus chaotique, comme en connaissent tous les purs artistes du sport.

 

Un don non prédestiné

Christian Pouget est issu d'une famille sportive - sa mère est prof de basket - mais sans passé dans le hockey, puisqu'elle s'est installée à Gap peu avant qu'il naisse, le 11 janvier 1966. La patinoire de la Blâche est cependant à cent mètres de chez lui, et le petit Christian passe devant chaque matin sur le chemin de l'école. Ce sont ses camarades de classe qui l'incitent à se joindre à eux, mais ils ont commencé le hockey un an plus tôt.

Ce retard d'un an aurait pu être rédhibitoire. Après une année d'école de glace sous la direction de Camille Gélinas, Christian Pouget a failli être écarté pour un problème de niveau : le nouvel entraîneur gapençais Zdenek Blaha ne veut pas de lui et garde in extremis le jeune enfant, défendu par les parents de ses copains. Le patinage encore balbutiant du petit Christian subit alors un rattrapage intensif : "Blaha faisait travailler assez dur les petits comme les grands. On connaît le patinage tchèque, et il nous faisait beaucoup patiner. Il donnait des exercices difficiles pour des enfants, où il fallait tirer son partenaire avec un élastique, ou bien porter des billots de bois avec des poignées."

Désolé pour ceux qui pensaient que le magicien des glaces françaises avait un don prédestiné... Son talent se révèle ainsi à force de travail, et Blaha est le premier à lui suggérer de partir à l'étranger, en lui recommandant de partir en Allemagne. Mais ce dont Pouget a besoin pour s'expatrier, c'est de contacts. Et ces contacts, ce sont les deux Canadiens de l'équipe de Gap qui les ont. Larry Huras le recommande d'abord à Kitchener dans l'Ontario, et ensuite Michel Leblanc le fait inviter aux Draveurs de Trois-Rivières. Comme le camp d'entraînement de ces derniers a lieu plus tôt, Christian Pouget atterrit finalement au Québec.

Au même moment, Philippe Bozon, un gamin de la même génération qu'il croisait souvent en équipes de jeunes quand Gap rencontrait Megève, est lui aussi parti en junior majeur. Mais le parallèle s'arrête là : "Philippe Bozon avait clairement ses idées en tête, moi je partais à l'aventure. Je découvrais la vie, les gars sortaient un peu. En plus je n'étais pas dans une équipe de haut de tableau, le coach n'était pas fantastique. Si j'étais tombé dans une équipe sérieuse, j'aurais peut-être été tiré vers le haut." Loin de sa famille, dans un environnement qui s'y prête, le jeune Christian se laisse donc aller à des excès : tabac, soirées arrosées... Dans cet autre monde, il progresse quand même au hockey en jouant beaucoup de matches et en se frottant à un jeu viril.

Un trio français d'exception

Lorsque Christian Pouget revient à Gap, il est un tout autre hockeyeur. Dès sa première saison, il est élu meilleur joueur français du championnat, éblouissant par sa qualité de passe. La percée est tout aussi rapide en équipe de France, dont il est le meilleur joueur au Tournoi du Mont-Blanc. Même s'il est centre de formation, il sera toujours utilisé à l'aile gauche par le sélectionneur national Kjell Larsson. Il est placé sur la troisième ligne, longtemps aux côtés d'Alain Rioux. Au troisième match du Mondial B 1987, contre l'Italie, il est placé pour la première fois avec Antoine Richer au centre. Ce match fera la légende de Pouget. Face au défenseur italien Bellio, il se déporte à droite puis vire à gauche en passant le palet entre les jambes de l'arrière, mystifié. Un 1 contre 1 magistral qui est suivi d'un joli tir du revers pour battre le gardien Jim Corsi. La France remporte son premier succès dans le tournoi (3-1), déclencheur dans la qualification pour les Jeux olympiques qui est au bout du chemin.

L'année suivante, Bozon revient à son tour du junior majeur et prend place sur la troisième ligne de l'équipe nationale avec Pouget et Richer. On commence à parler de ce trio 100% formé en France, qui constitue plus l'exception que la règle : jamais les Bleus ne compteront autant de naturalisés et de doubles nationaux que lors de cette saison 1987/88. Sans cacher certaines lacunes, Christian Pouget lance un vibrant plaidoyer pour l'avenir de cette ligne dans le quotidien Le Sport : "Comme nous ne jouons ensemble que depuis trois mois, nous sommes moins bien organisés que les autres lignes, moins au point collectivement. En attaque, on compense facilement avec notre patinage et notre enthousiasme. Défensivement, c'est plus difficile. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes moins bons, pris un par un. Conserver cette ligne pour Calgary est très important. Rien que pour montrer aux gens qu'on peut très bien jouer au hockey en France sans les Canadiens. Et qu'on peut déboucher un jour sur une équipe entièrement formée chez nous. Pour Albertville, par exemple, car rien ne dit que les 'francos' seront encore là."

Avec le recul, ces propos font figure d'oracle. Les JO de Calgary tourneront court pour Pouget, victime d'une élongation à l'épaule au deuxième match. Ensuite, beaucoup de "francos" prendront effectivement leur retraite, et la ligne Pouget-Richer-Bozon sera le premier trio indissociable de l'équipe de France pendant huit années.

Le "Brésilien"

La règle de l'époque dit qu'un joueur doit trois années en senior à son club formateur. La troisième saison, en 1988/89, est la plus difficile pour son équipe. Blessé au genou au troisième match, Christian Pouget manque sept rencontres au sein d'une équipe qui a déjà perdu en densité. Demi-finaliste quelques mois plus tôt, Gap commence la saison par 12 défaites consécutives. Comme les points sont conservés, la place en Nationale A des Haut-Alpins est sérieusement menacée. Mais les 12 buts en 5 journées de Pouget au début de la poule de maintien contribuent au retour des Gapençais, qui se sauvent de justesse... sportivement. Les finances du club, elles, ne connaissent pas de résurrection miraculeuse. L'ancien champion n'arrive plus à assumer le professionnalisme naissant et fait une pause.

Christian Pouget fait alors ses valises pour Grenoble, où il a comme à Gap le statut de capitaine. Il y retrouve le même coéquipier qu'en équipe nationale, Philippe Bozon, et un excellent centre tchèque nommé Karel Svoboda. Cette ligne marque les mémoires iséroises et l'histoire du championnat français. Pouget joue ses premières finales de championnat face à Rouen, la première est perdue mais la seconde est gagnée. Malheureusement, la fête est courte : Grenoble est en redressement judiciaire, et Pouget doit de nouveau déménager. Il part pour Chamonix, avec qui il deviendra deux fois vice-champion derrière une équipe de Rouen de plus en plus dominatrice.

C'est de Rouen, plus précisément du journaliste normand Roger Biot, que viendra un surnom : "le Brésilien". Le qualificatif, écrit lors d'un article sur l'équipe de France, collera à la peau de Christian Pouget, qui préfèrera souvent en plaisanter. Il est vrai que le Brésil n'est pas réputé pour son hockey... Mais par analogie avec ses footballeurs, Pouget est un artiste du jeu, un talent qui s'amuse avec le palet, donnant une impression de légèreté, de liberté, de fougue, voire d'indiscipline.

Qu'on ne s'y trompe pas, malgré ses écarts de conduite, Pouget a toujours eu une conscience défensive, mais son instinct de créateur est indéniablement sa qualité première. Distributeur hors du commun, Pouget est considéré par beaucoup d'experts comme le plus grand talent que le hockey français ait jamais connu, doté d'un potentiel supérieur à celui de Bozon. Mais dans ses jeunes années, il s'est plus dispersé que son collègue, et n'avait pas la même conviction de pouvoir réussir sur le plan international. Son talent reste encore confiné à l'Hexagone.

La blessure puis la forme internationale

La première opportunité se présente en traversant le tunnel du Mont-Blanc : on le doit à Roberto Sioli, le manager des Devils de Milan, un amoureux de la ville de Chamonix qui voit donc souvent jouer l'équipe locale et ses vedettes Christophe Ville et Christian Pouget. Il recrute par conséquent les deux Français dans le club financé par le magnat Silvio Berlusconi, qui ne s'intéresse pas particulièrement au hockey mais préside les Devils dans son conglomérat. Pouget ne croisera donc jamais Berlusconi, mais il aura en revanche l'honneur d'un repas commun avec les footballeurs du Milan AC, parmi lesquels Jean-Pierre Papin et Marcel Desailly.

L'année milanaise tourne cependant court pour le Gapençais. Fin novembre, lors de la demi-finale de Coupe d'Europe, il bascule par-dessus un joueur polonais et retombe très mal. Son genou droit est dans un sale état : rupture du ligament interne et du ligament croisé. S'ensuivent de longs mois de rééducation, essentiellement passés dans la région chamoniarde. Il a décidé de s'y installer définitivement et a investi dans un terrain aux Houches pour y faire construire sa maison.

Un sportif de retour de blessure en revient souvent plus affamé. C'est le cas de Christian Pouget qui n'aura jamais été aussi efficace que dans la saison 1994/95 : vingt-cinq buts en championnat, plus quatre autres lors de la demi-finale perdue contre Brest. Le meilleur total, pour quelqu'un qui ne s'était jamais considéré comme un buteur. Il obtient son deuxième trophée Hassler de meilleur joueur et maintient sa grande forme lors des championnats du monde en Suède, les meilleurs de l'histoire, à la fois pour l'équipe de France (quart de finaliste) et pour lui-même. Pouget se sent en grosse forme et a résolu le problème de confiance au plus haut niveau international qui le gênait pendant ses jeunes années, notamment aux Jeux Olympiques d'Albertville où il était resté dans l'ombre.

C'est un joueur en pleine possession de ses moyens qui signe pour deux saisons à Rouen, le club qui a décomplexé le hockey français dans les compétitions européennes. La saison normande se terminera mal, par cette maudite finale contre Brest, et ce palet perdu par Pouget qui a provoqué le 4-2 brestois à quatre secondes de la fin du deuxième tiers-temps, à la grande colère de l'entraîneur Benoît Laporte. "C'est un incident qui ne méritait pas qu'on en parle tant. Je me sentais coupable, mais j'étais aussi énervé de la situation. Brest n'avait qu'une grosse ligne à mon avis, mais cette ligne est arrivée à nous battre. Laporte m'a engueulé dans le vestiaire, j'ai eu le malheur de répondre. Il m'a menacé en brandissant son poing devant mon visage, il n'était donc pas tout blanc non plus. Il m'a dit que j'étais écarté et que je rentrerais pas avec l'équipe. J'ai fait le voyage du retour dans la voiture du médecin." Pouget en reste là de son aventure rouennaise, mais pour une autre raison.

Mannheim : des titres et des scandales

L'arrêt Bosman change en effet le paysage du sport européen, et pas uniquement en France avec l'ascension brestoise. Le club allemand de Mannheim recrute alors des joueurs de "petits pays" de hockey, un Autrichien, un Belge... et un Français, Christian Pouget. C'est la consécration : il peut jouer dans une équipe très forte, à un niveau dont tout hockeyeur français peut rêver. Dans le même temps, paradoxalement, Bozon doit se contenter de jouer en LNB suisse, à Lausanne. Pas pour longtemps. Mannheim a un œil sur lui et est parfaitement au courant des problèmes financiers du LHC. Les dirigeants demandent à Pouget d'appeler son ami, qui est évidemment intéressé à l'idée de le rejoindre. En décembre, Lausanne est en faillite, et le duo est réuni. La complémentarité des deux hommes n'est plus à démontrer. Le sens du jeu de Pouget lui permet de voir où Bozon va partir. Le finisseur s'engouffre dans le moindre espace sans même que le passeur ait besoin d'amorcer son geste. Ce titre que les supporters de Mannheim attendent depuis 17 ans, leurs nouvelles idoles françaises vont le célébrer avec eux. Christian Pouget marque le but décisif au premier match de la finale contre Kassel, puis l'ultime but en cage vide avant la fête au troisième match.

Christian Pouget estime avoir franchi un palier, comme il le confie à L'Équipe pendant les JO de Nagano : "Je pense avoir passé un cap au niveau international quand j'ai été appelé, à vingt-huit ans, à jouer à Milan avec Christophe Ville. En tant qu'étranger, on m'a alors confié des responsabilités. En Allemagne, depuis deux ans, j'ai l'impression d'avoir épuré mon jeu. Je pense plus efficace, plus collectif, dans l'intention d'apporter le danger. Peut-être qu'avant, la satisfaction me venait un peu trop facilement."

Mais au moment de cette déclaration, Pouget a déjà "allumé" le premier feu d'un épisode qui empoisonnera sa carrière. En décembre 1997, pendant les fêtes de fin d'année, il a fumé un joint lors d'une soirée avec des amis à Gap. Une bête indiscipline, car le ministère des sports français renforce alors les contrôles à deux mois des Jeux Olympiques. Il est contrôlé positif pendant le tournoi du Mont-Blanc. La FFSG s'appliquera alors à cacher scrupuleusement le dossier sous le tapis pendant les JO de Nagano. Le cas ne pose alors pas de problème vis-à-vis des instances internationales, qui ne répriment pas (encore) la consommation de cette "drogue sociale" qui n'augmente pas les performances, du moins dans les sports qui demandent plus de qualité musculaire que de concentration ou de relâchement. Le champion olympique de snowboard cette année-là, le Canadien Ross Rebaglati, sera contrôlé positif au cannabis après sa victoire mais conservera sa médaille d'or.

Il s'agit surtout un problème d'image. Quelques semaines plus tard, le dossier ressort, et le contrôle de Pouget est révélé. La nouvelle ne tarde pas à franchir le Rhin. Il est suspendu un week-end avant la décision de la fédération allemande, qui classe le cas et n'étend pas la sanction. Il sera suspendu uniquement sur le territoire français, et seulement six semaines (contre deux mois pour les gardiens de foot Barthez et Lama au même moment). Les deux semaines de différence correspondent par une étrange coïncidence à la durée des championnats du monde... Pour autant, Pouget, nanti d'un deuxième titre de champion d'Allemagne, n'ira pas au Mondial 1998, faute d'avoir fait le stage de préparation sur le sol français.

La polémique désenfle mais l'international français est désormais une cible des journaux à scandale en Allemagne où il subit des contrôles à répétition. Ce qui va provoquer sa perte, ce sont quelques mots de trop à l'égard de l'entraîneur Lance Nethery. Il raconte : "C'était un match que l'on n'a pas joué, comme cela nous était déjà arrivé les années précédentes à la veille des play-offs. On sort énervé, et j'intériorisais ma colère, ce qui ne plaisait pas à l'entraîneur. Je monte au bar, je vais vers mon épouse, et je vois un gars sympa. Je lui lance 'Je vais tuer le coach', mais juste comme ça, sans le penser. Il est allé le répéter et c'est paru dans le Bild. Le lendemain matin, j'arrive normalement à l'entraînement sans me douter de rien. Le coach me convoque et me dit : 'Tu t'en vas, tu ne vas même pas dans le vestiaire prendre ton sac, tu ne dis même pas au revoir aux joueurs'. Il est vrai que je m'étais préparé moins sérieusement l'été d'avant, et que je jouais moins bien, mais je ne m'attendais pas à une fin aussi abrupte. Le club s'est mal comporté avec moi, il a même envoyé un contrôleur le lendemain à mon domicile, afin de tout faire pour casser mon contrat. Cette troisième saison en Allemagne a vraiment été poissarde. Il y a aussi eu l'incident avec Sergei Stas, le Biélorusse, un des joueurs les plus pénalisés de la ligue. En début de match, il me met un cross-check sur mon épaule déjà douloureuse. Ensuite, en milieu de match, il va pour envoyer le palet au fond, je me prépare à le mettre en échec, et il me donne un coup de coude dans le nez. En tombant, je lui mets un coup de crosse, par réflexe. Je ne cherchais évidemment pas à le frapper au visage, je sais que ça ne se fait pas, mais je l'atteins au menton. J'ai pris huit matches de suspension, et il m'a poursuivi devant la justice pour agression avec arme. J'y ai laissé beaucoup d'argent."

Reconversion pas si tranquille

Christian Pouget rejoint ensuite La Chaux-de-Fonds en LNB suisse, recruté par Jaroslav Jagr qui avait été son entraîneur à Gap. Il fait un peu office d'homme à tout faire, finissant même l'année en défense. Mais il n'est pas gardé car il n'a pas vraiment le profil-type d'un étranger de LNB : il est un joueur polyvalent, pas un gros pointeur.

Pouget s'est alors éloigné de l'équipe de France et revient à Chamonix comme entraîneur-joueur, avec un brevet d'État récemment en poche. À 34 ans, et bientôt père pour la seconde fois, il entend rejoindre un championnat moins astreignant, la division 1. Pour rester dans le rythme malgré des entraînements moins fréquents, il envisage alors une reconversion sur la glace, en défense, en plus de son nouveau r&iocirc;le. Mais Chamonix est liquidé au bout d'un mois, et il se retrouve finalement à Grenoble, où il oscille entre défenseur et attaquant au gré des besoins. En fin de saison, il fait même son retour en bleu à l'occasion des Mondiaux de division I qui se déroulent "sur place" à Grenoble. Ce seront les dernières apparitions ensemble de Bozon et Pouget.

La saison suivante, c'est surtout à son apport offensif resté exceptionnel que le défenseur reconverti doit son troisième trophée de joueur de l'année, le seul à avoir fait débat compte tenu des discussions liées à ses changements de position et à ses coups de colère.

Une saison entière partie en fumée

Défenseur ou attaquant, la question se dissipe bientôt dans un nuage de fumée. En décembre 2001, Pouget a été contrôlé une seconde fois au cannabis. Les circonstances sont cependant différentes, car la ligne de défense du joueur a bien changé. Il est en effet victime de crises d'épilepsie depuis qu'il a 33 ans, tous les deux mois environ. Un médecin genevois lui a diagnostiqué une sclérose hippocampique et s'est montré surpris de l'espacement de ses crises, qui devraient être plus fréquentes selon lui. Lors de l'interrogatoire du patient, Christian Pouget a expliqué qu'il est un fumeur occasionnel de cannabis et s'est entendu répondre que cela aurait peut-être contribué à espacer ses crises. Le motif thérapeutique n'attendrira cependant pas la commission. Il n'empêchera pas le récidiviste Christian Pouget d'écoper d'un an de suspension, la suspension la plus lourde pour une telle faute. A posteriori, l'argumentaire médical s'avèrera faux. L'épilepsie n'était pas due à une sclérose mais à une dysplasie, et ce n'est que trois ans plus tard que Pouget sera enfin débarrassé de ses crises, grâce à de bons médicaments (qui ne se fument pas).

Après sa saison blanche forcée, Christian Pouget retourne à Chamonix en division 1. Il paraît enfin tranquille et s'apprête à une fin de carrière en douceur dans sa terre d'adoption. Mais lorsque Jean-François Bonnard se blesse juste avant les championnats du monde, l'équipe de France recherche désespérément un défenseur. D'où l'idée un peu dingue de faire appel à Christian Pouget, qui ne joue même plus dans l'élite française, alors même que les Bleus doivent faire leur retour dans le Mondial élite, au plus haut niveau international.

L'intéressé accepte sans rechigner : "Quand on me demande de l'aide, je suis comme ça, j'y vais. Je connaissais la pauvreté de la France au poste de défenseur, même si c'était un poste que j'occupais depuis très peu de temps, et pas du tout à un tel niveau. La préparation s'est bien passée, mais au bout d'un moment le rythme n'y était plus, je n'avais pas la 'caisse'. À la fin du championnat du monde, j'ai raté une réunion et je suis arrivé en retard à une autre. J'avais demandé aux joueurs s'il y avait un meeting le lendemain, et ils m'avaient dit oui en rigolant, je pensais qu'ils plaisantaient. J'étais donc resté au lit. Le staff a alors dit aux joueurs de ne pas aller me chercher car je ne jouerais pas le dernier match contre le Japon. C'était la parano ambiante de l'époque en équipe de France, la peur que les anciens sèment le désordre. On ne prenait pas Stéphane Barin parce qu'on avait peur qu'il soit négatif pour l'équipe, alors que c'est un gars sympa que tout le monde apprécie ! Le plus incroyable, c'est que le lendemain, l'entraîneur [Heikki Leime] vient me voir en s'excusant. Après ce championnat, j'ai dit officiellement aux joueurs que j'arrêtais. Autant le faire moi-même avant qu'on me mette à la porte... Les années suivantes, je jouais à un meilleur niveau, et de moi-même, j'y serais bien allé, mais je savais bien que personne ne me rappellerait."

En effet, alors qu'il avait semblé vouloir se détacher assez tôt du haut niveau, Christian Pouget ne baisse pas de pied. Il retourne jouer en Ligue Magnus avec le Mont-Blanc en 2005 et y passe quatre saisons. Le quarantenaire, qui continue à jouer en défense tout en prêtant main forte en attaque en cas de besoin, épate tout le monde par ses performances et son influence essentielle dans l'équipe. Il ajoute la longévité à ses multiples qualités, ne raccrochant les patins qu'à 43 ans. Il s'est préparé à une reconversion en douceur et s'imagine volontiers en adjoint de son dernier entraîneur Ari Salo. Mais une fois de plus, sa carrière prend une tournure inattendue : le président rouennais Thierry Chaix, gapençais lui aussi et ancien coéquipier, lui demande de reprendre en mains son équipe. Ses débuts comme entraîneur, Christian Pouget les fait donc à Rouen, le club sans doute le plus exigeant de France au niveau des résultats.

Marc Branchu

 

 

Statistiques

                                                (Saison régulière)              (playoffs)
                                              MJ    B   A  Pts    Pén     MJ    B   A  Pts    Pén
1983/84 Gap                         France    36   21
1984/85 Draveurs de Trois-Rivières  LHJMQ     62   15  22   37    50'      7    2   2    4     6'
1985/86 Draveurs de Trois-Rivières  LHJMQ     66   22  35   57    93'      3    0   3    3     6'
1986/87 Gap                         France    36   35  23   58    59'
1986/87 France                      Amicaux    9    4   4    8
1987    France                     Mondial B   7    5   4    9     2'
1987    France                     Qualif JO   2    1   0    1     0'
1987/88 Gap                         France    33   23  28   51    75'
1987/88 France                      Amicaux   10    4   0    4
1988    France                       J.O.      2    0   0    0     2'
1988/89 Gap                         France    24   26  14   40    64'
1988/89 France                      Amicaux   10    4   0    4
1989    France                     Mondial B   6    3   3    6     8'
1989/90 Grenoble                    France    36   30  33   63    66'      5    5   5   10     4'
1989/90 France                      Amicaux   11    5   3    8
1990    France                     Mondial B   7    1   3    4     8'
1990/91 Grenoble                    France    26   19  21   40    68'     10    3   4    7    12'
1990/91 France                      Amicaux    7    1   2    3
1991    France                     Mondial B   7    4   2    6    12'
1991/92 Chamonix                    France    34   29  22   51    38'
1991/92 France                      Amicaux   11    1   1    2
1992    France                       J.O.      8    0   0    0     8'
1992    France                     Mondial A   6    1   1    2     6'
1992/93 Chamonix                    France    28   18  18   36    38'
1992/93 France                      Amicaux   11    4   3    7
1993    France                     Mondial A   6    1   0    1     2'
1993/94 Devils Milan               Alpenliga
1994/95 Chamonix                    France    26   25  13   38    76'     10   12   8   20    12'
1994/95 France                      Amicaux   15    7   4   11    25'
1995    France                     Mondial A   6    2   6    8     4'
1995/96 Rouen                       France    27   17  18   35    20'      9    6  11   17    10'
1995/96 France                      Amicaux   14    1   9   10
1996    France                     Mondial A   7    4   0    0    39'
1996/97 Mannheim                     DEL      50   17  32   49    48'      9    5   9   14     4'
1996/97 France                      Amicaux    3
1997    France                     Mondial A   8    2   6    8    29'
1997/98 Mannheim                     EHL       6    4   4    8    61'
1997/98 Mannheim                     DEL      34    9  14   23    53'     10    2   8   10    12'
1997/98 France                      Amicaux    3    2   2    4
1998    France                       J.O.      4    1   2    3     8'
1998/99 Mannheim                     EHL       4    0   3    3     6'      2    2   0    2     0'
1998/99 Mannheim                     DEL      44    9  23   32    35'
1998    France                     Qualif CM   3    0   4    4     2'
1998/99 France                      Amicaux    3    0   0    0
1999    France                     Mondial A   3    0   0    0     6'
1999/00 La Chaux-de-Fonds            LNB      32   16  15   31   101'     14    3   6    9    28'
2000/01 Grenoble                    France    14    7  10   17     4'     12    6   4   10
2001    France                      Amicaux    3    1   1    2
2001    France                     Mondial B   5    1   4    5     4'
2001/02 Grenoble                    France    35   13  34   47   148'
2002/03 -------------suspendu-------------
2003/04 Chamonix                    Fra.D1    28   16  24   40    34'
2004    France                      Amicaux    3    1   1    2
2004    France                     Mondial A   5    0   0    0     2'
2004/05 Chamonix                    Fra.D1    26   10  17   27    20'
2005/06 Mont-Blanc                  France    26    2  16   18    44'      6    2   3    5     6'
2006/07 Mont-Blanc                  France    18    5  16   21    28'      2    0   0    0     0'
2006/07 Valpellice                  Ita.A2                                 8    1   7    8    10'
2007/08 Mont-Blanc                  France    24    5   4    9    42'      6    1   5    6     2'
2008/09 Mont-Blanc                  France    24    3  13   16    88'      4    1   3    4     0'
Totaux EHL                                    10    4   7   11    67'      2    2   0    2     0'
Totaux DEL                                   128   35  69  104   136'     19    7  17   24    16'
Totaux Championnat de France élite           447  278 283  540   858'     64   36  43   79    46'
Totaux équipe de France                      206   61  65  126

 

Palmarès

- Champion d'Allemagne 1997, 1998, 1999

- Champion de France 1991

- Champion de France cadets 1983

- Champion de France minimes 1981

- Champion de France benjamins 1979

Honneurs individuels

- Meilleur joueur français du championnat (trophée Hassler) 1986/87, 1994/95 et 2001/02

 

 

Retour à la liste des biographies