CSKA Moscou

Chapitre VII - la résurrection d'un grand club

 

Chapitre précédent (la guerre des deux CSKA)

 

Retour au sommet avec Bykov

L'arrivée de Vyacheslav Bykov - un peu oublié en Suisse où il n'était qu'entraîneur-adjoint - est très critiquée au début, tant par la presse que par les supporters qui attendent un homme d'expérience. Le CSKA s'apprête à faire volte-face. Piotr Vorobyov, l'entraîneur du Lada Togliatti, est déjà choisi à sa place. Bykov est sur le point de remettre sa démission quand son ex-coéquipier Vyacheslav Fetisov - qui occupe alors un poste équivalent à ministre des sports - fait jouer ses relations pour qu'il reste.

Adepte d'un hockey offensif et d'une psychologie qui fait confiance et libère les joueurs, Bykov est l'exact opposé de Vorobyov qui met ses hommes dans un moule conduit son Lada à multiplier les 0-0. Le vieil entraîneur se montre condescendant envers le nouveau venu qu'il accuse de ne rien comprendre à l'efficacité tactique. Slava Bykov est très critiqué pendant toute sa première saison. Mais c'est bien Slava Bykov qui sort vainqueur dans l'esprit et même dans les résultats, jusqu'à se voir confier le destin de l'équipe nationale en 2006.

2004/05 (10e) : présentation et bilan

2005/06 (5e) : présentation et bilan

Le sélectionneur Slava Bykov fait émerger de jeunes joueurs (le défenseur Korneev et le duo offensif Parshin-Shirokov). Il réussit des succès sur les deux tableaux - en club et en équipe nationale - mais pas en même temps. Il conduit le CSKA à une demi-finale perçue comme un grand succès, mais la médaille de bronze aux Mondiaux de Moscou ne satisfait pas totalement. La consécration vient ensuite quand Bykov mène la Russie - après quinze ans de disette - à deux titres consécutifs de championne du monde en 2008 et 2009. Mais lors de cette deuxième médaille d'or, il a déjà enlevé sa double casquette d'entraîneur du CSKA. Il a annoncé sa démission en rejoignant l'équipe nationale après une élimination sèche en play-offs contre le Dynamo. Il est accusé par les dirigeants du CSKA de les avoir trahis en cédant aux sirènes financières du Salavat Yulaev Ufa.

2006/07 (4e) : présentation et bilan

2007/08 (5e) : présentation et bilan

2008/09 (6e) : présentation et bilan

Crise des années Nemchinov

Un an après avoir joué un rôle important dans la création de la KHL, la nouvelle ligue russe instituée en 2008, Vyacheslav Fetisov arrive en grande pompe à la présidence du CSKA. Pour autant, le pouvoir revient toujours à l'actionnaire majoritaire Norilsk Nickel, qui impose de conserver Viktor Tikhonov comme président d'honneur. Fetisov est donc obligé de parler respectueusement de celui qu'il dénonçait autrefois comme un tyran, et même de le consulter sur les problèmes du club. Et des problèmes, il y en a, même si Fetisov fait diversion en redevenant joueur le temps d'un match à 51 ans.

Le nouvel entraîneur Sergei Nemchinov fait beaucoup moins bien que Bykov. Les résultats déclinent aussi parce que le club s'enfonce dans les problèmes financiers. Plusieurs joueurs claquent la porte face aux réductions de salaire imposées et à l'attitude autoritaire de Nemchinov, qui tient aussi le rôle de directeur sportif. Le CSKA s'écroule en fin de classement en laissant filer ses joueurs en fin de saison parce qu'il a raté les play-offs. Pire, il tombe à la dernière place de la KHL en moyenne de spectateurs malgré le retour après six ans d'absence de l'ancien joueur-symbole Pronin.

2009/10 (13e) : présentation et bilan

2010/11 (19e) : présentation et bilan

Le CSKA est dans une telle déshérence qu'il fait appel au Kremlin pour qu'on y "désigne" un sponsor chargé de financer le club. Ce sera la compagnie pétrolière d'État, Rosneft. Celle-ci est prête à investir son argent, mais à condition de placer ses cadres pour surveiller ce qui se passe. L'un d'eux déloge de son bureau le nouvel entraîneur slovaque Julius Supler, arrivé dans un véritable marigot. Même s'il n'occupe plus que la fonction de manager, Sergei Nemchinov continue de se mêler des affaires du vestiaire. Fetisov critique maintenant son ancien ami Nemchinov - qu'il avait recruté trois ans plus tôt - et démissionne du club en janvier 2012 avec le fracas médiatique qu'il sait provoquer par ses déclarations toujours retentissantes. Isolé en interne, Supler arrive à arracher la qualification des play-offs, mais il n'y participe pas.

2011/12 (16e) : présentation et bilan

Après trois années de crise financière puis managériale, un autre ancien hockeyeur de légende, Sergei Fedorov, arrive aux commandes du club, alors qu'il vient tout juste de raccrocher les patins comme joueur. Il est doté de moyens financiers conséquents, comme le prouve l'arrivée de l'attaquant Aleksandr Radulov, star du Salavat Yulaev Ufa champion 2011 (entraîné par Bykov) recrutée à prix d'or. Le CSKA revient dans le haut du tableau, et pourtant il licencie en cours de saison son entraîneur Valeri Bragin. Comme un an plus tôt, c'est Vyacheslav Butsaev qui reprend l'équipe en plein championnat. Il ose même renvoyer Radulov du vestiaire et l'exclure du groupe pendant une semaine. Butsaev sera poussé à la démission pendant l'été 2013, en se faisant escorter par des gardes pour s'assurer qu'il quitte la patinoire. Mais si les supporters se plaignaient d'un style de jeu défensif qui ne perpétue plus la tradition du club, ils n'ont encore rien vu en termes de reniement historique...

2012/13 (6e) : présentation et bilan

L'Américain qui interdit de viser la lucarne

Pour sa seconde saison, Sergei Fedorov a mis fin aux dissensions internes du CSKA puisqu'il a viré tout le monde. L'ancienne vedette des Red Wings de Détroit décide alors de recruter son staff aux États-Unis, où il trouve de "vrais professionnels" par opposition aux spécialistes locaux. La communauté des entraîneurs russes est aussi vexée par ces propos que les journalistes ou supporters traditionalistes sont choqués.

Mais ce sont surtout les joueurs qui ne sont pas convaincus. La recrue-phare de l'intersaison est l'attaquant Aleksei Morozov. La preuve que l'on compte sur lui est que le nouvel entraîneur américain John Torchetti lui confie le capitanat à la place de Radulov dont les problèmes de discipline étaient notoires en NHL. Mais à 36 ans, on ne change guère son style de jeu. Une des grandes qualités de Morozov est son tir vers les lucarnes, qui constituent ses cibles favorites. Torchetti lui interdit formellement ses tirs favoris du revers et le rappelle à l'ordre quand il ne respecte pas les consignes : selon lui, il y a trop de risque qu'en manquant le cadre, le palet tourne autour du plexiglas et provoque une contre-attaque. Le staff fait inlassablement travailler à l'entraînement un jeu nécessitant moins de qualités techniques : lancer dès l'entrée de zone dans la jambière opposée du gardien pour qu'un autre joueur aille y prendre le rebond. Morozov perd son efficacité habituelle pour ce qui sera sa dernière saison, le CSKA n'a que la quinzième attaque et se fait éliminer sans gloire au premier tour.

2013/14 (14e) : présentation et bilan

Champion sans célébrations

Le CSKA efface très vite le mauvais souvenir de sa saison américaine. Le championnat suivant débute par 16 victoires en 17 rencontres, porté par une première ligne dominante Igor Grigorenko - Stéphane Da Costa - Aleksandr Radulov qui sera ensuite modifiée. L'entraîneur Dmitri Kvartalnov ne garde jamais ses trios bien longtemps et ne s'inscrit jamais dans la tradition soviétique, en demandant à ses joueurs d'envoyer le palet au fond, mais son système fonctionne, au contraire de son prédécesseur américain. Le CSKA domine la saison régulière avec le plus haut pourcentage de victoires depuis neuf ans, et il mérite donc amplement le titre de champion de Russie que la fédération décide d'attribuer au premier du classement. Mais ce titre - le premier du club depuis la chute de l'URSS - n'est pas savouré car il faut tout de suite enchaîner avec les play-offs, seule compétition reconnue par la KHL. Le CSKA mène 3 victoires à 0 en finale de Conférence ouest contre le SKA Saint-Pétersbourg mais il se fait rattraper et dépasser. C'est cette élimination très frustrante qui est le dernier moment gardé en mémoire de cette saison, et pas le titre de champion de Russie. Celui-ci est d'autant plus anecdotique que la fédération change de nouveau la règle l'année suivante et ré-attribue le titre au vainqueur de la Coupe Gagarine, ce qui fait de ce titre 2015 une parenthèse anecdotique.

2014/15 (1er) : présentation et bilan

La saison suivante, sans Grigorenko parti à Ufa et avec Da Costa encore plus souvent blessé, Aleksandr Radulov change encore plus souvent de partenaires. Néanmoins, il est plus que jamais le leader de l'équipe, joueur d'émotion qui se donne à fond et assume toutes les responsabilités. Malgré son exemplarité sur la glace, il sera considéré comme un "traître" par les dirigeants du CSKA pour les conditions de son départ. Il s'est vu proposer un gros contrat de cinq ans, et avait reçu une montre de luxe pour son père en prime de signature... mais n'a jamais signé ce nouveau contrat. Il est donc reparti en NHL en 2016 sur une dernière frustration. Si le CSKA a pris sa revanche sur le SKA, il a perdu la finale contre Magnitogorsk, encore une fois au match 7.

Ces années Kvartalnov restent donc non abouties, malgré trois places de premier en saison régulière. Il a peut-être manqué un gardien dominant, car les Stanislav Galimov, Kevin Lalande, Viktor Fasth et Ilya Sorokin alternent sans mener leur équipe jusqu'au bout. Le système de jeu a pris le pas sur les joueurs au cours de ces années qui ont vu le CSKA devenir un fournisseur officiel d'attaquants défensifs de quatrième ligne pour l'équipe nationale (Ivan Telegin, Roman Lyubimov, Sergei Andronov). Le public ne suit pas car le spectacle s'en ressent, et les adversaires finissent par trouver la parade. Une élimination précoce contre le Lokomotiv Yaroslavl sonne le glas de Kvartalnov.

2015/16 (2e) : présentation et bilan

2016/17 (5e) : présentation et bilan

Abondance d'hommes... ou de robots

Un homme-clé entre alors en scène : Igor Esmantovich. Brièvement international soviétique (8 sélections), cet ancien hockeyeur des Krylia Sovietov Moscou avait joué un rôle plus trouble de dirigeant de ce club, en précipitant sa chute au tournant du siècle. Il a resurgi dans l'organigramme du CSKA en 2012, dans les valises de Rosneft, et en est devenu président en 2016. Mais c'est un an plus tard que cet ambitieux sort de l'ombre en reprenant les pouvoirs opérationnels de Fedorov. Il dirige alors la campagne de recrutement la plus incroyable et agressive de l'histoire russe, avec un budget qui semble illimité. Il assemble les meilleurs joueurs du championnat russe dont le grand espoir Kirill Kaprizov, nanti d'un contrat de trois ans comme le gardien Igor Sorokin. Ce recrutement est perçu comme une cause nationale qui sert les intérêts de l'équipe de Russie : à quelques mois des Jeux olympiques de Pyeongchang qui se déroulent sans les joueurs de NHL, il s'agit de retenir au pays tous les meilleurs joueurs. Cet objectif "patriotique" est atteint, avec plus de difficulté que prévu. La Sbornaïa redevient championne olympique, après plus d'un quart de siècle d'attente, en retournant la situation in extremis en finale contre l'Allemagne grâce au jeune Kaprizov.

Le CSKA, lui, peine à digérer ce recrutement. Il a tellement concentré les meilleurs joueurs qu'il aborde la saison avec six lignes complètes (!) et que les joueurs tournent à chaque match sans que personne n'ait une place garantie de titulaire. Une rotation permanente qui ne paraît pas résoudre les défauts de l'équipe, mais plutôt les prolonger. Comme l'année précédente, Sorokin perd sa place de titulaire en play-offs face à son concurrent suédois (Lars Johansson). L'ancien adjoint Igor Nikitin prolonge le travail de Kvartalnov avec un hockey très analytique et systémique, mais le CSKA succombe encore en finale contre un adversaire plus expérimenté dans ce type de hockey défensif (Kazan). Il n'a donc pas exploité la supériorité de son effectif qui regorge de talents...

2017/18 (2e) : présentation et bilan

Le CSKA aborde alors un tournant de son histoire. Il déménage dans la plus belle salle de Moscou, le palais de glace du Parc des légendes, qui est rebaptisé "CSKA Arena". Il quitte donc son quartier historique pour une patinoire d'une capacité deux fois plus grande (12 000 places) alors même qu'il ne remplissait pas sa vieille enceinte. Il arrive à gagner un nouveau public, qui n'est pas composé des amateurs traditionnels de hockey mais d'invités des sponsors et de personnalités. Il archi-domine encore le championnat avec son équipe surdimensionnée y compris par ses gabarits : elle impose ainsi sa possession et use ses adversaires dans les bandes. Cette fois, le gardien Sorokin reste performant jusqu'à la finn, avec deux blanchissages consécutifs en finale, et le CSKA peut enfin soulever la Coupe Gagarine.

2018/19 (1er) : présentation et bilan

Il est encore nommé champion de Russie par la fédération en 2020, mais sans titre attribué par ma KHL car la pandémie de Covid-19 interrompt les play-offs. Or, le CSKA sait depuis longtemps que l'été 2020 tombera comme un couperet avec l'installation d'un plafond salarial "dur", que le club ne pourra plus contourner en payant une taxe de luxe. Esmantovich s'est démené pour faire changer la ligue d'avis., mais il reste minoritaire. Au moment où les contrats de Kaprizov et Sorokin s'achèvent, l'effectif doit beaucoup perdre en qualité. Le hockey analytique d'Igor Nikitin peut-il gagner sans les vedettes ? Le mot "robots" est alors utilisé de plus en plus fréquemment pour désigner les joueurs du CSKA, mais les androïdes échouent encore en finale.

2019/20 (1er) : présentation et bilan

2020/21 (2e) : présentation et bilan

Nikitin est alors débarqué et Igor Esmantovich installe comme entraîneur Sergei Fedorov, malgré sa faible expérience à ce poste. Il essaie même de l'installer à la tête de l'équipe nationale. Esmantovich n'y parvient pas tout à fait, mais dans cette lutte d'influence, il parvient à se faire nommer dans le staff de la sélection où il remplace officieusement Roman Rotenberg (SKA Saint-Pétersbourg) dans le rôle de l'influent tireur de ficelles. D'un fils d'oligarque à un ex-hockeyeur devenu dirigeant controversé, les supporters russes sont fatigués de ces ambitieux qui déstabilisent la Sbornaïa pour leurs intérêts personnels. Malgré un championnat interrompu avant l'heure (notamment sur influence d'Esmantovich) pour assurer que les internationaux ne soient pas contaminés par une nouvelle vague de Covid-19, la Russie perd cette fois la finale olympique. Quatre jours plus tard, l'armée russe entre en Ukraine et déclenche la guerre. Les visées d'Esmantovich sur la FHR paraissent alors bien vaines, puisque la fédération dont il veut s'emparer est alors bannie du hockey international et contrainte à l'isolement.... 

Marc Branchu

 

 

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