HC Fribourg-Gottéron

Chapitre I - Six gamins et beaucoup de bras

 

Le Hockey-Club Gottéron fut officiellement fondé en 1938 par six adolescents obstinés âgés de treize à seize ans : Eugène Jaeger (qui fut naturellement désigné gardien car il ne savait pas patiner), Albert et Joseph Jelk, Jean Mulhauser, Walter Schieferdecker et Alphonse Zahno, qui se trouvèrent un premier président en la personne de Jean-Jacques Brohy. Cela faisait quelques années déjà qu'ils s'adonnaient au hockey sur une glace qu'ils obtenaient par eux-mêmes en répandant de l'eau transportée par luge depuis les étangs de pisciculture du Gottéron voisin.

Tout leur équipement était confectionné par leurs soins. Profitant du relief de la région, ils coupaient du bois naturellement courbé dans des frênes poussant abondamment sur les talus, afin d'en faire des crosses. Les jambières du gardien, deux fois trop larges, étaient découpées dans des sièges de voitures trouvés à la casse. Les parents des joueurs étaient eux aussi mis à contribution : le père Jelk, serrurier de son état, fabriquait les cages métalliques, et les mères tricotaient les pulls en laine qui furent les premiers maillots du club. La laine de rembourrage des cuissardes provenait directement des moutons du père Schieferdecker.

Tout un quartier pris par la glace

Les premiers matches furent disputés contre d'autres équipes du quartier, le HC Tirlibaum et le HC International. Les scores très larges en faveur du Gottéron incitèrent ces dernières à la reddition, et elles demandèrent la fusion. Les hockeyeurs du quartier de l'Auge ainsi unis se virent octroyer le terrain des Augustins par l'État de Fribourg. Cette friche avait la fâcheuse particularité d'être en pente, si bien que l'on dut créer dix fois plus de glace d'un côté du terrain que de l'autre. L'arrosage se faisait grâce à du vieux matériel de nettoyage des rues de la commune, dont la vétusté occasionnait des fuites problématiques puisqu'elles transformaient également les ruelles avoisinantes en patinoire, au grand mécontentement des habitants. L'un d'eux confisqua un jour la clé de l'hydrant d'où était captée l'eau, que les membres du HC Gottéron ne purent récupérer qu'au bout d'âpres négociations.

Le club fit tout doucement les premiers pas vers la reconnaissance, et fut admis par la fédération suisse, dont le président avait accueilli avec bienveillance les jeunes émissaires venus de Fribourg à vélo en leur servant un chocolat chaud. L'affiliation ne valait qu'à titre provisoire pour deux ans dans la mesure où tous les membres du club étaient mineurs. Le HC Gottéron intégra ainsi le plus bas niveau régional, la série B, en 1941, alors que, l'équipe première ayant gagné en maturité, Robert Bourqui créait la première équipe de jeunes. Dès la saison 1944/45, les Fribourgeois terminèrent en tête de leur groupe avant de s'incliner contre Le Locle lors des séries finales.

La bande de copains prit une autre dimension la saison suivante quand Walter Essig, un ancien international, arriva à Fribourg pour y installer un commerce avec ses frères. Il devint alors tout naturellement le premier entraîneur de l'histoire du club, tout en continuant à jouer avec son club d'Arosa. Terminant de nouveau par deux fois en tête de son groupe, Gottéron monta finalement en série A en 1947 après sa victoire en demi-finale contre Tramelan. Le Locle lui enlevait certes la finale en prolongation par trois buts à deux, mais les deux clubs étaient promus. Un premier match international eut lieu aux Augustins contre Amsterdam (2-12), et la qualité de la glace était telle que les dirigeants néerlandais, croyant être sur une patinoire artificielle, demandèrent à voir les installations frigorifiques.

Au gré des hivers

Walter Essig avait désormais quitté son club d'Arosa pour se consacrer exclusivement à Gottéron. Pour son baptême en série A, on plaça Gottéron dans un groupe des plus réduits puisqu'il ne comprenait que... deux équipes ! Les Fribourgeois y devancèrent leur unique adversaire, Saint-Imier, avant de s'incliner en barrages contre la réserve des Young Sprinters de Neuchâtel, équipe qu'ils retrouvèrent l'année suivante dans leur groupe. Gottéron termina en tête et eut ensuite l'occasion de prendre une revanche contre un vieux rival en blanchissant Le Locle 3-0. Les Fribourgeois se qualifièrent ainsi pour les finales romandes à Montana, où ils surprirent l'équipe-hôte avant de céder devant Château d'Oex. Cette saison 1948/49 fut marquée par un hiver très rigoureux qui permit de conserver de la glace pendant très longtemps et d'accueillir de nombreuses équipes étrangères, Oxford, Cambridge, et surtout les Suédois de Mora, auteurs d'une démonstration soldée par un succès 14-2.

Gottéron subit le contrecoup atmosphérique en 1949/50 quand un hiver particulièrement doux contraignit le club à louer des heures de glace à la patinoire Ka-We-De de Berne. En effet, si des tribunes avaient été construites après plus de trois années d'efforts au cours desquelles tous les membres avaient fait leur part de travail, elles restèrent vides puisqu'il n'y eut pas la moindre glace avant le 20 janvier. En retard dans sa préparation, Gottéron ne sauva sa place en série A qu'au dernier match face à Genève.

Une patinoire inutilisée

Le nouveau président Fernand Aebischer décida en 1950/51 de construire une patinoire en altitude, à plus de mille mètres, pour s'affranchir enfin des caprices de la météo. Tout le monde fut à nouveau mis à contribution pour aplanir et aménager un terrain à Lac-Noir. Si cette aventure fit la preuve de la résolution des Fribourgeois, ils n'utilisèrent quasiment jamais cette nouvelle glace qui nécessitait beaucoup d'efforts pour peu de considération de la population environnante. Dans le même temps, la réputation de Gottéron en championnat se dégradait. L'année précédente, un joueur avait été longuement suspendu pour avoir lancé un palet au visage d'un arbitre. Cette fois, c'était l'équipe visiteuse de Château d'Oex, menant 3-0 dans une ambiance délétère, qui affirma avoir volontairement concédé le nul pour pouvoir quitter la ville saine et sauve.

Les relations entre les deux clubs s'aplanirent l'année suivante quand les Vaudois proposèrent d'accueillir Gottéron pour un match amical. Mais la rivalité restait intense et les deux équipes se retrouvaient en championnat à Gstaad pour un match serré que les Fribourgeois remportèrent 5-4. Ils se qualifièrent ainsi pour les finales romandes où ils démontraient des réserves d'énergie impressionnantes en gagnant leurs deux matches programmés le même jour, le matin contre Tramelan (1-0) et l'après-midi contre leurs hôtes supposés plus frais de Montana (2-0). Gottéron était ainsi sacré champion romand de série A et se qualifiait pour les demi-finales contre Grindelwald, en un match sec. Vint l'heure des négociations pour savoir où se déroulerait la rencontre. Selon l'usage en vigueur, chacune des deux équipes proposa 800 francs suisses de dédommagement pour recevoir, et aucune ne voulut céder, pas même quand les Fribourgeois proposèrent de jouer à Berne sur terrain neutre. La fédération suisse trancha en faveur de Grindelwald qui, avec un Canadien et un Anglais dans ses rangs, s'imposa 4-3.

Vers la promotion

Gottéron pouvait désormais regarder vers le haut et devança un club de LNB, Gstaad, à la Coupe Rialto. Il s'offrit même le luxe d'inviter le champion suisse Arosa pour une rencontre amicale perdue 4-14. Quant aux Grasshoppers, eux aussi en LNA, ils se baladaient 8-1, mais un an plus tard, l'écart s'était réduit à 4-3. C'est que Gottéron s'était doté entre-temps de son premier renfort étranger, l'Autrichien Wolfgang Gosnik, venu de Villach. Château d'Oex, dominé 7-1 et 9-3, n'était maintenant plus de taille. Les finales romandes 1953 ne seraient donc plus qu'une formalité, d'autant qu'elles étaient programmées à Fribourg... Mais Gottéron fut cueilli à froid par Corgémont (3-5), ce qui aurait dû leur barrer la route des finales si les Jurassiens n'avaient pas à leur tour perdu contre Montana le lendemain matin. Les Fribourgeois revinrent ainsi dans la course, et devaient l'emporter par trois buts d'écart pour remporter cette poule finale romande à trois. Ils blanchirent Montana, qui avait à son tour le "privilège" de jouer son deuxième match de la journée, 4-0.

Ayant la chance d'évoluer à domicile, Gottéron disposa de Langnau (5-1) en demi-finale, puis des vétérans de Zurich, qui comptait dans ses rangs des ex-internationaux comme Bieler, Kessler et Ernst. Mais les perdants remirent en cause l'homologation du match en raison de l'état de la glace, et le match dut être rejoué à Zurich. Battus 3-2, les Fribourgeois se qualifièrent néanmoins pour les barrages de promotion car les équipes de vétérans ne pouvaient monter dans les divisions nationales. Pour Fribourg, qui avait déjà battu deux formations de LNB en amical (Viège et Rot-Blau Berne), le dernier de cette division, Thalwil, ne représentait pas un obstacle insurmontable, et fut d'ailleurs liquidé 12-2. Walter Essig se retirait alors après avoir obtenu la consécration tant attendue, la promotion en LNB, et Wolfgang Gosnik fut finalement choisi pour lui succéder au poste d'entraîneur.

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