HC Fribourg-Gottéron

Chapitre II - Transition instable

 

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Gottéron ne tarda pas à se sentir comme un poisson dans l'eau en LNB. Dès le premier match, le Rot-Blau Berne, qui avait pris une avance de deux buts, dut d'incliner 4-2. Les Fribourgeois accrochèrent ensuite Viège à leur tableau de chasse et terminèrent à une respectable troisième place de leur groupe de cinq remporté par La Chaux-de-Fonds. Comme l'Autrichien Wolfgang Gosnik était convoité par ailleurs, le club engageait en 1954/55 un nouvel entraîneur débutant, Fredy Streun, un ancien international qui arrivait du SC Berne. Il trouva une équipe à la préparation retardée par la clémence de l'hiver. Privé de glace, Gottéron ne put commencer sa saison que mi-décembre et eut alors un calendrier plus chargé. Pour rattraper le retard, il dut disputer le match retour décisif contre Montana (vainqueur 4-3 à l'aller) sur la glace artificielle de Lausanne. Le match nul 2-2 semblait condamner Fribourg à la deuxième place, mais il rejoignit Montana en tête de la poule à la faveur de la défaite de ce club contre Langnau. Il y aurait donc dû avoir un match de barrage, mais Montana déclara forfait faute de pouvoir jouer à domicile. Dès sa deuxième saison de LNB, Gottéron accédait ainsi à la poule d'accession en LNA, mais eut affaire à trop forte partie avec la Chaux-de-Fonds, futur promu, qui s'imposa sur le score cruel de 19-1.

Pour la troisième fois de suite, on assista à un changement d'entraîneur : Gstaad ayant fait barrage à l'arrivée de l'Américain Cerny, Fribourg jeta son dévolu sur Jimmy Raesbeck, un ancien des Trail Smoke Eaters. Mais le manque de glace contraignait à un calendrier condensé et à ne jouer aux Augustins qu'à partir de février, après avoir disputé les matches aller à l'extérieur. Se rattrapant brillamment à domicile, Fribourg remonta à la troisième place grâce aux talents de buteur de son entraîneur-joueur canadien Raesbeck, que les problèmes récurrents de patinoire incitèrent à fuir à l'issue de la saison.

Une patinoire artificielle indispensable

Pourtant, le club en avait pleinement conscience et envisageait déjà la construction d'une glace artificielle aux Augustins grâce à une subvention cantonale prélevée sur les paris sportifs. Le projet initié au début du printemps ne tardait pas à être bouclé grâce au soutien des collectivités locales, et la patinoire fut inaugurée par la coupe Mauroux-Sports, un tournoi international remporté par Chamonix, et... bénie par le curé local le 25 novembre 1956.

Même s'ils disposaient d'un nouvel outil de travail et de la bénédiction divine, les Fribourgeois étaient toujours en manque de stabilité et essayaient encore deux nouveaux entraîneurs-joueurs canadiens, tous deux arrivés du championnat britannique professionnel. Le premier, le flegmatique mais tenace Mike O'Brien, amena son équipe à la deuxième place de son groupe en 1957/58. Quant au second, Raymond Maisonneuve, il effectua un premier championnat très moyen. Il était cependant le premier entraîneur depuis cinq ans à rester à l'intersaison, et en était récompensé en conduisant le club à un des premiers exploits de son histoire, préparé en amical par une étonnante victoire 9-4 contre le champion suisse Davos. Certes, les Fribourgeois étaient pour l'occasion renforcés du Canadien de Berne, Bruce Hamilton, mais ce match leur faisait prendre confiance en leurs moyens.

Premier exploit, une demi-finale de coupe

Rapidement éliminés lors des deux premières éditions de la Coupe de Suisse, ils se défaisaient cette fois de Winterthur et Soleure pour accéder aux quarts. Le quart de finale contre La Chaux-de-Fonds donna lieu à un match mémorable, qui fut arrêté pendant plus de vingt minutes après que le gardien Egger eut reçu un palet au visage. Cela ne déstabilisa pas les Fribourgeois qui maîtrisèrent parfaitement leur adversaire plus huppé et obtinrent une victoire 4-3. Ils se qualifièrent ainsi pour une demi-finale somptueuse contre les Young Sprinters. À Neuchâtel, devant quatre mille spectateurs, ils résistèrent vaillamment dans une rencontre riche en buts, avant de céder du terrain en fin de match et de s'incliner 13-7. Mais Gottéron avait laissé des forces dans ce parcours en coupe et connut un championnat très difficile à cause de la longue blessure de son entraîneur-joueur Maisonneuve. Désireux de prendre sa revanche, La Chaux-de-Fonds fut sans pitié (7-3 et 15-1) face à une équipe fribourgeoise qui s'enfonçait de match en match. Elle devait se battre pour ne pas descendre, et ne s'en assura qu'à quelques journées de la fin contre son rival direct pour le maintien, la vieille connaissance Montana (5-1).

Beaucoup de changements attendaient le HC Gottéron pour la saison 1959/60. À la tête du club tout d'abord, où Fernand Aebischer passait la main à Franz Spicher après neuf années de présidence. Dans le règlement également, puisqu'il n'autorisait plus les équipes à aligner un joueur étranger. Le nouveau Canadien, Bruce Hamilton, champion de Suisse avec Berne et déjà vu à l'occasion d'une "pige" la saison précédente, ne pouvait donc jouer qu'en amical et se concentrait uniquement sur son rôle d'entraîneur pendant le championnat. Pour la première fois, Gottéron remporta "sa" coupe Mauroux-Sports en battant Chamonix 7-3 en finale. Même si la coupe de Suisse n'était pas du même tonneau avec une défaite au deuxième tour contre Bâle, c'était de bon augure avant le championnat. Hamilton y fit rentrer des jeunes qui apportaient un air de fraîcheur à une équipe qui tutoyait les sommets, terminant deuxième de la poule derrière le Langnau des frères Wittwer.

À deux buts de la LNA

À l'orée de la saison 1960/61, Gottéron ne put empêcher Chamonix, vainqueur 4-3, de remporter pour la troisième fois la Coupe Mauroux-Sports et en conséquence d'emporter définitivement le trophée chez lui. Les Fribourgeois tentèrent ensuite une petite innovation : après avoir reçu année après année des adversaires venus de toute l'Europe, ce furent eux qui se déplacèrent pour une tournée en Yougoslavie (où ils furent battus 7-5 par l'équipe nationale) puis en Autriche (où ils furent défaits 8-4 à Klagenfurt et 5-3 à Vienne). Le championnat vit Gottéron et la Chaux-de-Fonds se livrer à un duel de longue haleine. À égalité de points, les deux équipes se retrouvèrent aux Augustins pour se départager, et les Fribourgeois prirent le large 6-1. Deux jours plus tard, ils s'inclinèrent 2-3 en barrage aller à Langnau, avant de céder 4-5 le surlendemain au match retour. À bout de souffle, Gottéron était passé à deux buts de la LNA, dont il n'avait jamais été aussi proche. Pour fêter ce qui était la plus belle saison de leur histoire, les Fribourgeois, renforcés respectivement d'Orville Martini et Larry Kwong, organisaient deux rencontres de gala face au champion de France, l'ACBB (5-10), et au champion d'Allemagne, Füssen (3-2).

Battu en finale de la coupe Mauroux-Sports par Villars (0-8), puis au deuxième tour de la coupe par Ambrì (3-5), Gottéron était incapable de rééditer son exploit en 1961/62. Il dut se contenter d'assurer son maintien grâce à ses victoires dans les deux confrontations avec Martigny. On décida donc de recruter un nouvel entraîneur canadien, André Girard, pour repartir du bon pied en 1962/63. La résistance face à Villars, désormais promu en LNA dont il deviendra même champion, fut meilleure lors du traditionnel tournoi amical local (1-5). Mais Genève, qui y fut battu en demi-finale, prit sa revanche au deuxième tour de la coupe (7-2). Le championnat fut d'une meilleure tenue, mais les nets revers enregistrés face aux Grasshoppers montraient tout le chemin qu'il restait à parcourir pour prétendre à la montée

Un entraîneur suisse, Reto Delnon

Après huit années de commandement canadien, Gottéron réengagea en 1963/64 un entraîneur suisse, et pas n'importe lequel, Reto Delnon, un des meilleurs joueurs helvétiques de la fin des années quarante et des années cinquante. Delnon avait même été nommé entraîneur de l'équipe nationale en 1961, mais avait dû très rapidement se retirer, car certains dirigeants du sport suisse ne supportaient pas qu'un membre du Parti du Travail, ancré à l'extrême-gauche, occupât une telle fonction.

Les Fribourgeois ne se préoccupaient guère de ce genre de débats et attendaient surtout une amélioration des résultats. Elle arriva très vite avec la Coupe de Suisse, où ni Binningen (15-1), ni Bienne (6-4), ni Herisau (10-0) ne firent le poids. Gottéron se retrouvait en quart de finale et pouvait légitimement prétendre à mieux puisque son adversaire, Lugano, n'était qu'un club de 1ère ligue. Mais les Fribourgeois commirent l'erreur de sous-estimer les Tessinois et eurent la mauvaise idée de jouer un match amical la veille, une légèreté fatale face à une équipe plus fraîche et plus motivée, et une belle occasion bêtement gâchée. Un championnat correct laissait augurer d'un potentiel préservé, mais Delnon semblait déjà plus pessimiste.

Opération sauvetage, tout le monde doit écoper

Il décida même de revenir sur la glace en 1964/65, malgré le poids des ans, pour épauler ses joueurs. Ceux-ci en avaient bien besoin. Même si les courtes défaites d'un but avaient succédé aux cuisants échecs, ils étaient bons derniers avec trois points et promis à la relégation... avant de remporter leurs trois dernières rencontres, chez l'adversaire direct Fleurier puis face à Bienne et enfin Martigny, avec un triplé de Reto Delnon. La coupe Mauroux-Sports n'existant plus depuis la saison précédente, il fallait trouver un moyen de préparer convenablement la saison 1965/66. Delnon emmena donc son équipes en Tchécoslovaquie, où ils se frottèrent au vrai haut niveau, battus 8-2 à Poprad et même 18-2 à Kosice. Ce contact avec des clubs de haut calibre permit à Gottéron de réussir un bien meilleur début de championnat et d'engranger des points... dont il eut bien besoin par la suite quand les effets de cette mise en condition se dissipèrent.

L'équipe 1967 de Gottéron

La limite de Gottéron résidait clairement dans son effectif vieillissant, qui perdait encore trois cadres, Schaller, Grossrieder et Neuhaus, avant le championnat 1966/67. Le nouveau président Maurice Bouquet décida pourtant de marquer le coup en se séparant de Reto Delnon après les premières défaites. La prise de fonction de Jean-Marie Schaller provoqua certes le bien connu choc psychologique, mais celui-ci fut bref, et Gottéron ne tarda pas à replonger dans la crise. C'est l'ex-président Franz Spicher qui prit l'initiative de créer un comité d'urgence. Celui-ci décida de réintégrer Reto Delnon et de demander à tous les joueurs récemment partis à la retraite mais encore capables de rendre service de revenir aider l'équipe, ce que firent Grossrieder, Schaller mais aussi Kaeser.

On avait bien besoin d'eux car Gottéron devait disputer une poule de promotion/relégation particulièrement difficile du fait de la réduction de la LNB à huit équipes par groupe. Sur six formations, trois sortants et trois prétendants, seule la première place permettait de rester en LNB. Qui plus est, les six adversaires ne se rencontraient qu'une fois, et Gottéron dut affronter pour finir son principal rival, Villars, chez lui. Mais peut-on encore parler de match à l'extérieur quand les Fribourgeois se déplacent en masse dans le canton de Vaud, jusqu'à constituer la moitié des 2300 spectateurs recensés ? Pour la seconde fois en trois ans, l'équipe de Reto Delnon réussit à échapper au forceps à la relégation, en remportant ce match-couperet 5-3. C'est ce jour-là que choisit le jeune gardien "Seppel" Boschung pour se révéler par des arrêts prodigieux. Il y a donc matière à croire en l'avenir pour Gottéron. Pourtant, le nom de celui-ci est sur le point de disparaître...

Chapitre suivant (Fribourg perd son Gottéron)

 

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