Mannheimer ERC

Chapitre II - Premiers podiums avant le purgatoire

 

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Pas question de tout chambouler pour le championnat 1956/57 sous prétexte qu'un effectif inchangé avait échoué à se maintenir deux ans auparavant. Dans l'ensemble, Mannheim souhaite conserver une bonne stabilité, qualité qui fait la force des équipes bavaroises qui dominent alors le hockey allemand. Certes, les départs des anciens Schumacher et Tessarek sont bien compensés par l'arrivée de Virgil Schoor et la qualification de Konecki et Guttowski. Mais le reste de l'équipe ne bouge pas. La principale différence avec la précédente montée est que le MERC a désormais plus de métier.

Rapidement, il apparaît effectivement que le maintien ne posera pas de problème. Dans la poule nord, Mannheim ne subit plus les cartons adverses, et il prend même sa revanche sur le KEV, le mauvais souvenir d'un 1-22 étant balayé par des 5-2 et 5-0. Des victoires tout aussi convaincantes contre des équipes plus expérimentées comme Düsseldorf ou les Preußen Krefeld lui permettent de se qualifier pour une poule finale où ils rencontreront les trois meilleurs du sud. Les clubs bavarois sont tout de même une classe au-dessus, et les deux nordistes Mannheim et Bad Nauheim n'ont plus qu'à se disputer les miettes. Le club de la Hesse semble prendre avantage un avantage définitif dans les confrontations directes (5-4 et 1-1), mais il reste un match à jouer et le MERC n'abdique pas. Il réussit ainsi l'exploit de terminer par une victoire à Bad Tölz (7-4). Cette persévérance lui permet de devancer Bad Nauheim à la différence de buts - sans l'avoir battu de la saison en quatre occasions - et de prendre du coup une très encourageante quatrième place.

Quatrième, c'est encore la position de Mannheim en 1957/58. Un classement à double tranchant : certes, le MERC réussit à s'imposer comme le premier club hors de Bavière, mais il doit toujours contempler le podium d'assez loin. L'équipe parvient pourtant à se renforcer. Arrivé de Füssen depuis quelque temps déjà, Kurt Sepp peut enfin jouer avec ses coéquipiers après avoir purgé une année de suspension. Il n'avait pu que participer à quelques matches amicaux en fin de saison grâce à une dérogation accordée par la fédération. L'autre grosse recrue est un international, le très physique Eichler, venu de Bad Nauheim. Mannheim continue de déclencher les passions au Friedrichspark où de cinq à neuf mille personnes se pressent pour voir jouer leurs protégés dans les bons et les mauvais moments. Ceux-ci sont tout de même assez nombreux : par exemple, ce match où l'imbattable champion Füssen est mené 2-0, mais où Mannheim se fait remonter et s'incline finalement 2-4, après un malheureux but dévié contre son camp par Guttowski. Du point de vue des spectateurs, on peut aussi y ranger le match contre Düsseldorf (même s'il a été remporté 2-1) car il était difficile de voir grand-chose au palet sous la neige - la patinoire n'était pas couverte en ce temps-là. Mais le point noir de la saison reste le dernier match scandaleux contre Riessersee, où des bouteilles volent sur la glace et où l'arbitre Klopfer est agressé par Werner Lorenz, qui sera suspendu un an.

Torriani repart en catimini

En 1958/59, le hockey allemand entame une nouvelle ère avec la création de la Bundesliga, qui prend la forme d'une poule unique à huit équipes. Mannheim ne pourra donc plus bénéficier du confort du groupe nord, et devra tout de suite s'attendre à une concurrence encore plus relevée. Mais le club s'est maintenant bien installé dans l'élite et rien que le nom de son entraîneur en dit long sur ses ambitions de haut niveau : il s'agit de Bibi Torriani, le plus éminent joueur suisse de tous les temps. L'ancien membre de la fameuse "Ni-Sturm" de Davos, connue pour ses combinaisons, enseigne à Mannheim un jeu plus collectif et plus réfléchi, notamment au fonceur Guttowski, et tout le monde en tire profit, y compris le jeune Eugen Seidl, qui fait ses premiers pas en équipe première. Les équipes plus bavaroises n'ont donc plus aucune raison de faire peur. Pour la première fois, Mannheim s'impose à Garmisch-Partenkirchen contre Riessersee (3-2) et réussit à s'intercaler entre les Bavarois pour monter sur son premier podium, derrière Füssen et Bad Tölz. Il aurait même pu terminer deuxième s'il n'avait pas craqué en fin de championnat, terminant par trois défaites.

Malheureusement, la cohésion de l'ensemble est mise à mal par des rivalités au sein de l'équipe. La formation qui se mouvait comme un seul homme derrière ses leaders Kurt Sepp, Erich Konecki et Hans Schneiders semble maintenant tiraillée de toutes parts. Elle réussit encore un exploit à Bad Tölz (4-3) mais est également vaincue chez elle par Bad Nauheim et les Preussen Krefeld. Le tout dernier match scelle le sort de Torriani, qui repart pour Davos dans la nuit : c'est un 0-7 à domicile contre Riessersee, qui grâce à cette revanche éclatante sur la saison précédente conquiert le titre de champion 1959/60.

Le trophée passe de mains en mains, mais sans quitter la Bavière, puisque c'est ensuite Bad Tölz qui le récupère. Pour Mannheim, qui glisse lentement au classement, il n'est désormais plus question de se mêler à cette lutte, même si en 1960/61 Füssen est à son tour ajouté au tableau de chasse désormais complet (6-3), mais seulement d'assurer le maintien. En 1961/62, il s'en faut de deux points pour devancer le dernier, Dortmund. Les deux principales raisons de cette dégringolade sont l'absence d'un buteur décisif et l'incapacité des gardiens successifs à convaincre et rassurer leur équipe.

Les deux ingrédients qui font défaut pour remonter la pente, Mannheim les trouve en 1962/63, avec un buteur, Peter Rohde, et un gardien titulaire stable, Günter Katzur. Pourvue également d'un entraîneur canadien, Lorne Trottier, et de quelques nouvelles têtes, l'équipe parvient à menacer tout le monde, hormis Füssen redevenu intouchable. L'accès au podium passe encore une fois par Riessersee. Lors du match à Garmisch-Partenkirchen se déroule une bagarre générale qui oblige Katzur, blessé, à quitter la glace et à être remplacé dans les cages par Klaus-Peter Wolff. Ce soir-là, pour l'avant-dernier match du championnat, Riessersee s'impose 7-2, mais Mannheim est plus régulier sur l'ensemble de la saison et devient pour la deuxième fois le troisième meilleur club d'Allemagne.

Mais la réaction des clubs bavarois est spectaculaire en 1963/64 : non seulement Riessersee retrouve le podium, mais Kaufbeuren quitte aussi le fond de classement pour accéder à la poule finale à quatre, et Landshut arrive à son tour à devancer Mannheim, qui n'a plus derrière lui que les deux clubs de Krefeld. En plus, il va falloir digérer la retraite de "Bubi" Guttowski.

On commence à être habitué aux résultats en dents de scie du MERC, et ce n'est donc plus une surprise de le voir encore revenir en force comme presque à chaque année impaire. Comme Riessersee n'a pas réussi à se qualifier pour la poule finale, c'est avec Kaufbeuren que s'y tient le duel pour la troisième place. L'adversaire est plus commode, et, même mené 0-2 à domicile, Mannheim réagit et l'emporte 6-3. Il parvient également à s'imposer à l'extérieur 5-3. Mené par Frank Trottier, le frère de Lorne, et avec le renfort de Bernhard Farthmann (Düsseldorf) et Werner Bingold (issu des juniors du club), le MERC monte donc pour la troisième fois sur le podium en 1964/65.

Est-il condamné à retomber une fois encore ? On le pense à la vue du début de saison 1965/66, puisque les nerfs de Peter Rohde lâchent dès le premier match contre Kaufbeuren. Suspendu, il ne reviendra qu'à la fin de la première phase, et son retour sera apprécié tout comme son doublé contre le KEV (4-2). C'est que l'équipe a besoin de points : elle a du mal à se trouver et accumulent les contre-performances comme chez les Preußen Krefeld (1-6) ou à Düsseldorf (0-5 après neuf minutes de jeu). Le MERC ne doit donc qu'à deux exploits à Landshut (2-0) et Bad Tölz (4-1), deux équipes contre qui il avait perdu chez lui, de se qualifier pour la poule finale à cinq. Mais l'important était de passer, car les compteurs sont remis à zéro. Dès le premier match contre le favori Füssen, Mannheim saisit sa chance comme si les valeurs établies n'existaient plus. Le gardien remplaçant Michael Lotz multiplie les exploits, et Sepp et Rohde marquent les buts d'une incroyable victoire 2-1. Füssen perdu à cause de cette défaite un titre qui lui semblait promis, et il s'en vengera au dernier match, punissant le crime de lèse-majesté par un sévère 13-1. Ces deux résultats extrêmes résument toute la saison d'une équipe de Mannheim beaucoup trop irrégulière. Elle a alterné l'excellent et le catastrophique, et ne termine que quatrième.

La dynastie bavaroise s'achève... mais pas par Mannheim

Günther Katzur contre la DEG

La Bundesliga continue de changer de formule chaque année, et perd en 1966/67 son concept de départ en revenant à deux poules nord et sud. La qualification de Mannheim est dès lors plus tranquille, puisqu'il n'y a guère que le KEV et que Düsseldorf, l'équipe qui monte sous la direction de Hans Rampf, pour lui contester la suprématie hors Bavière. Les duels entre le MERC et le DEG sont d'ailleurs riches en émotions, et un d'eux, disputé devant dix mille spectateurs, se termine même sur le score rare de 0-0, sans qu'aucun des gardiens, Katzur et Schmengler, n'ait daigné céder. La défense, structurée autour des expérimentés Walter Riedl et Heinz Geiger, a semble-t-il resserré les boulons pour mettre fin à l'inconstance chronique du club. Ce n'est guère suffisant néanmoins pour se frotter aux trois meilleurs du sud. Mannheim ne ramène de ces confrontations qu'une victoire à Landshut (5-2), et encore était-ce dans une atmosphère tendue par deux buts refusés aux locaux. Pour amplifier la frustration, voilà que Düsseldorf s'empare d'un titre de champion réservé depuis quinze ans à la dynastie bavaroise, que Mannheim aurait aimé détrôner lui-même.

Alors que Kurt Sepp, qui vient de passer le cap des cent buts marqués en Bundesliga, passe du rôle de joueur à celui d'entraîneur en 1967/68, Mannheim connaît des retards à l'allumage. La poule nord n'est plus une partie de plaisir, et des revers d'entrée contre Düsseldorf et le Krefelder EV annoncent d'entrée l'ampleur de la tâche. Mannheim se retrouve impliqué dans un duel à distance avec le KEV, et alors que celui-ci concède le nul 3-3 contre Bad Nauheim, Mannheim écrase 13-1 les Preußen de Krefeld, une équipe qui a pourtant réussi à se qualifier pour la poule finale mais qui s'y prépare des heures très difficiles, d'autant que celle-ci est rallongée par un double aller-retour. Ce changement et en revanche une aubaine pour Mannheim, qui rate encore son départ et perd ses sept premiers matches. Le MERC parvient ensuite à jouer parfaitement le rôle de trouble-fête. Après avoir contribué au titre de Bad Tölz en battant Füssen trois ans auparavant, il fait cette fois l'inverse, puisqu'un 3-0 contre Tölz facilite le couronnement de l'EVF. Deux faits marquants dans cette saison : la malchance de Peter Rohde (il s'est cassé le nez contre Füssen et a dû sortir sur blessure contre Landshut) et le passage de témoin devant les filets. On pressentait depuis quelques années que cela arriverait, Günter Katzur cède en cours de saison son poste de gardien titulaire à Michael Lotz, qui réalise quelques matches d'anthologie et confirme que son heure est venue.

Peter Rohde

En 1968/69, l'équipe est placée sous la direction du Canadien Ed Reigle, qui peut compter en outre sur un de ses compatriotes dans l'effectif avec David Mazur. Mais il se plaint bien vite d'une préparation raccourcie qui ne lui laisse pas le temps de mettre en place son travail et qui explique les éternels départs chaotiques de Mannheim, qui se répètent encore avec deux défaites contre Bad Nauheim. Mis en difficile position par sa visite au KEV, où il a perdu 4-6 après avoir mené 2-0, le MERC est contraint de cravacher pour accéder à la poule finale, ce qu'il fait avec une revanche 8-1 sur Krefeld et un 2-2 arraché par des buts de Werner Bingold et Manfred Gmeiner contre Düsseldorf. Le DEG sera même battu en deuxième phase (6-5), ce qui est d'autant plus appréciable qu'il a réussit à s'imposer comme un nouveau pôle du hockey allemand avec un titre de champion et un de vice-champion, honneurs que Mannheim n'a jamais réussi à atteindre, malgré Peter Rohde, qui se retire après 194 matches de Bundesliga, au cours desquels il aura marqué 169 buts.

N'ayant pas complètement réussi dans ses projets de renverser les ténors bavarois, Mannheim voit donc d'autres se mettre à le faire à sa place, et paraît moins à l'aise dans une concurrence relevée. Son environnement connaît quand même des évolutions : finis, les vestiaires dans le parc, qui obligeaient les joueurs à en traverser une partie avant de rejoindre la glace. Finie aussi, l'évacuation de la neige aux tiers-temps. La patinoire est enfin coiffée d'un toit en 1969.

Le retour à une poule unique en 1969/70 complique la tâche du nouvel entraîneur, une vieille connaissance puisqu'il s'agit de Bruno Guttowski. Les débuts de saison sont toujours aussi difficiles et le fait de rencontrer des gros d'entrée n'arrange pas les choses. Le retard pris n'est plus aussi aisément rattrapable qu'au temps de la poule nord, et Mannheim glisse lentement à la neuvième place, contraint à jouer le maintien. Pour l'instant, il paraît encore à l'abri, car l'écart de niveau avec les clubs de division inférieure est encore conséquent. Pour l'instant...

Le départ du gardien Lotz et du renfort canadien Mazur mettent en effet en lumière les faiblesses de l'équipe. On s'est laissé à recruter des joueurs et des entraîneurs de prestige, mais ils n'ont pas toujours été dignes de leur valeur, et les jeunes locaux ont parfois été un peu oubliés. Résultat, il reste des finances dans le rouge, une équipe inconstante et peu motivée, et une relève qui n'est pas suffisamment prête pour compenser les errements passés, à l'image du jeune portier Gerhard Hägele, dont les difficultés conduiront à appeler Klaus-Peter Wolff en urgence pour la fin de saison. L'entraîneur Ulrich Finger croit néanmoins au maintien, et une victoire 7-4 contre Kaufbeuren peut lui donner raison.

Et ce fut la chute...

Ils n'étaient que mille à avoir assisté à ce match, et ils avaient tort, car ce fut un événement, la seule et unique victoire de Mannheim pendant la plus grande partie de la saison 1970/71. Si le public revient plus nombreux pour des adversaires plus cotés comme Bad Tölz ou Füssen, il repart frustré. Le MERC perd en effet ces deux rencontres 4-5 et 3-6 après avoir mené 4-2 et 3-1. Manquement grandement de condition physique, Mannheim craque très souvent en fin de match. Rappelé à la rescousse pour remplacer Finger comme entraîneur, "Bubi" Guttowski tente donc d'améliorer la condition physique, mais le chemin est long. À Bad Nauheim, encore une fois, Mannheim laisse échapper une avance de deux buts. Tout comme Krefeld, l'autre adversaire supposé "prenable" et qui met un 6-0 au MERC dès le premier tiers, l'équipe de la Hesse fait ainsi le trou au classement, et laisse Mannheim tout seul, avec ses deux petits points et ses yeux pour pleurer.

Il faut attendre la fin du championnat et des matches sans enjeu pour voir Mannheim remporter deux autres victoires (9-3 contre Augsbourg et 8-6 contre Bad Nauheim). Tout comme les joueurs qui sèchent les entraînements, les spectateurs quittent le navire. Ils ne sont plus que 300 - dont la moitié de supporters visiteurs - à assister au baroud d'honneur contre Bad Nauheim. Ces recettes en baisse n'arrangent évidemment pas une situation financière déjà inextricable. Non seulement la relégation est inévitable, mais, en plus, l'état dans lequel le club termine ces quatorze années consécutives dans l'élite n'est pas fameux.

Malgré sa situation économique précaire, Mannheim parvient à conserver l'essentiel, à savoir une bonne partie de son effectif, avec les défenseurs Duszenko, Maier et Paul, les attaquants Seidl (pour sa dernière saison), Scheytt, Clouth, Zerres, Etz et Meister (qui allait être le meilleur marqueur de l'équipe), et surtout le gardien Wolff, le joker qui n'avait pas pu empêcher la descente mais qui va s'avérer bien utile en Oberliga, nouveau terrain de jeu des Mannheimois. Le MERC intègre les jeunes et a pas moins de vingt joueurs à sa disposition, mais de nombreuses blessures et absences diverses le conduiront souvent à présenter un effectif plus réduit, comme ce match à Regensburg gagné 2-1 avec seulement neuf joueurs. Mannheim parvient donc à s'adapter à son nouvel environnement, même s'il est loin de pouvoir espérer remonter dès la saison 1971/72, Berlin et Rosenheim étant un ton au-dessus.

Après treize années de présence en équipe senior, Eugen Seidl endosse le statut d'entraîneur pour la saison 1972/73. Il accueille le retour au club de Jürgen Steckmeier et l'arrivée du gardien tchèque Jan Marek et du buteur canadien James Münch. Cela ne suffit pour rivaliser avec le Cologne EK, promu en Bundesliga,.

 

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