Interview de Baptiste Amar

 

Formé à Gap, Baptiste Amar a débuté en seniors à Lyon puis a été champion de France avec Rouen avant de passer deux années universitaires aux États-Unis et de revenir en France à Grenoble. Il est aujourd'hui un pilier de la défense de l'équipe de France et s'implique dans le hockey sur glace français en participant à la création de la nouvelle AJHG (Association des Joueurs de Hockey sur Glace).

- Tout d'abord, vous êtes revenu du tournoi de Krynica blessé à l'épaule, qu'en est-il exactement ?

En fait, c'est un problème qui était apparu lors de mon passage aux États-Unis. Depuis, mon épaule bouge régulièrement sans se luxer totalement. J'ai pris l'habitude de faire avec, mais récemment l'instabilité a augmenté et la douleur a du mal à se dissiper, d'où la décision de me mettre au repos pour faire des examens complémentaires.

- Le Mondial de Prague était-il un accident de parcours ou une illustration du fossé qui s'est creusé ces dernières années entre l'équipe de France et l'élite mondiale ?

Ce Mondial a révélé beaucoup de choses. Déjà, le fossé au niveau de la préparation des équipes (stage d'une semaine à Asnières dans des conditions déplorables pour notre part). Mais aussi, ce Mondial a démontré que notre niveau individuel est assez largement inférieur à nos adversaires et que sans efforts maxima de notre part, nous n'avions aucune chance contre des équipes du groupe A. Maintenant, il est certain que végéter quelques années en groupe B ne nous a pas aidés à élever notre niveau de jeu.

- Quel est selon vous le pourcentage de chances de l'équipe de France au tournoi de qualification olympique à Klagenfurt ?

De manière purement mathématique 25% (quatre équipes), mais à en juger par nos scores lors des derniers Mondiaux contre les rivaux que nous retrouverons en Autriche, peu de gens vont nous désigner favoris. L'idée est d'y aller en étant au top physiquement et mentalement, et de créer la surprise.

- Une non-participation aux JO serait-elle grave pour le hockey français ?

Il est difficile de savoir à l'avance. J'espère juste que si une telle éventualité se présente, les efforts mis en place actuellement pour développer notre sport ne seront pas stoppés pour des raisons financières.

- Sur quels points y a-t-il eu continuité entre Heikki Leime et Dave Henderson ? Et sur quels points y a-t-il eu des changements notables ?

L'ossature du groupe est restée stable malgré l'absence d'un ou deux anciens, en revanche Dave est beaucoup plus direct sur la glace, on ne s'éparpille pas, il y a du rythme aux entraînements, chose qui était un peu perdue je pense avec Heikki au fil des années. Je suis satisfait du changement, bien que je n'aie rien de personnel à l'encontre de Heikki. Je pense que nous avions besoin de quelqu'un de nouveau pour tourner la page après notre saison internationale catastrophique.

- Dans le championnat de France cette année, on a beaucoup parlé de Rouen et Mulhouse. Pensez-vous que la discrétion soit un avantage pour Grenoble ?

On a beaucoup parlé du recrutement de ces clubs. Le nôtre est peut-être plus discret, mais les joueurs ne sont pas dupes. Je pense que tout le monde est conscient que le championnat est ouvert cette année et qu'il ne faut enterrer personne trop tôt.

- Êtes-vous surpris de l'actuelle réussite de Tours ?

Au vu de leur effectif, non. Avec autant d'étrangers, c'est le moindre mal que je leur souhaite. Je trouve positif qu'une nouvelle ville se hisse au premier plan. J'espère que financièrement le club n'aura pas de souci en fin d'année. Par contre, quant à la composition de l'équipe à 95 % étrangère, je trouve ça déplorable.

- Qui voyez-vous en finale de la Ligue Magnus au printemps prochain ?

Grenoble et un autre... Peu importe ! Pour l'instant, j'ai trouvé Rouen très légèrement au-dessus.

- Quelle est selon vous la meilleure formule de championnat à terme pour le hockey français ?

Je pense qu'une réduction de la ligue à 12 par exemple serait plus intéressante, maintenant je ne pense pas que l'on soit prêt dès l'an prochain.

- Envisagez-vous de repartir à l'étranger ?

C'est une éventualité que je garde dans un coin de ma tête, surtout que je devrais en finir avec mon diplôme d'ingénieur en fin d'année.

- Vous vous étiez investi au sein de l'AAHF. Comment avez-vous vécu les évènements de la saison écoulée, alors que vous étiez sous l'égide de la fédération en tant qu'international ?

Au départ, la situation était un peu effrayante, d'ailleurs c'est pourquoi Luc Tardif m'avait conseillé de trouver d'autres internationaux intéressés pour qu'il n'y ait pas qu'un seul gars isolé. En tout cas, la fédération n'a jamais fait de pressions sur nous. Enfin, je suis satisfait de voir que notre action n'a pas été vaine.

- Quelques mois après les élections fédérales, pensez-vous que les choses aient évolué dans le bon sens ? Êtes-vous plus confiant pour l'avenir du hockey français ?

Je pense que le changement de président était nécessaire. Il était aussi important que nous ayons des personnes motivées à la tête de notre sport, ce qui je pense est le cas aujourd'hui. Maintenant, le changement radical n'est pas possible. D'une part, politiquement, il n'est pas possible de tout bouleverser du jour au lendemain, il faut du temps. D'autre part, il est parfois utile de conserver certaines personnes ayant déjà œuvré au sein de la fédération pour qu'elles nous fassent part de leur expérience sur certains sujets. Cela pourrait éviter de reproduire des erreurs ayant déjà été commises.

- Stéphane Gachet avait fondé en son temps une Association des Hockeyeurs Français. Qu'est-ce qui motive la création d'une nouvelle association ?

L'Association des Joueurs de Hockey sur Glace veut travailler dans le prolongement de ce qu'avait effectué Stéphane à son époque. Nous voulons relancer les joueurs puisque l'AHF était un peu passée dans l'oubli l'an dernier, et développer la structure de celle-ci pour qu'elle prenne de plus en plus de poids dans le hockey français.

Le but de l'association est d'une part de représenter les joueurs à la fédération. Nous sommes quand même les acteurs principaux de notre sport. Nous avons un droit de regard sur les décisions prises à la fédé, et nous souhaitons influer sur celles-ci pour que les droits des joueurs soient respectés. L'un de nos axes de travail est l'amélioration de la couverture de notre assurance fédérale. Il y a de plus en plus de problèmes avec la SATEC (société d'assurance qui travaille avec la fédé actuellement) pour être couvert lors d'accidents sur la glace.

D'autre part, nous souhaitons aiguiller les joueurs lorsqu'ils se posent des questions sur leurs contrats, leurs droits. N'ayant pas d'agents en France, il y a un réel manque de ce côté-là. Les jeunes joueurs ignorent souvent tout sur les différents modes de rémunération et les risques parfois encourus. L'idée n'est pas de négocier les salaires pour les joueurs, mais d'essayer de les renseigner le mieux possible.

- Quelles leçons avez-vous tirées du bilan de l'AHF ? Était-elle suffisamment médiatique et écoutée ?

Étant aux États-Unis lors des deux années de lancement de l'AHF, j'avais suivi l'assoce de loin. Je ne peux donc pas porter de jugement précis sur son fonctionnement. En revanche, Stéphane nous a fait passer ses archives récemment, et celles-ci sont la preuve de travail important qu'il avait produit. Il avait fait de nombreuses recherches sur le statut des joueurs ou sur les contrats des autres sports collectifs. Tout cela va nous aider à avancer plus vite.

- Comment se répartissent les fonctions au sein du bureau de cette nouvelle association ?

Actuellement, Stéphane Barin est président, Laurent Meunier vice-président, Fabrice Lhenry secrétaire, et moi-même trésorier. Ces mandats sont valables pendant un an et renouvelables lors de l'assemblée générale qui se déroulera en fin de saison. Si d'autres personnes veulent aussi s'impliquer, elles pourront se présenter à ce moment-là.

- À qui la nouvelle association sera-t-elle ouverte ? Français ou étrangers ? Joueurs d'élite ou des divisions inférieures ?

Elle est ouverte aux étrangers comme aux Français. Il est vrai que nous voulons travailler avec l'AEHF pour réduire le nombre d'étrangers dans nos championnats. En revanche, à l'heure actuelle, il n'y a pas assez de joueurs français pour "remplir" tous les clubs de toutes les divisions. D'autre part, nous avons besoin des étrangers pour élever notre niveau de jeu. Le tout est de trouver des solutions pour limiter les abus dans certains clubs et d'arriver à inciter les clubs à engager des étrangers de qualité. Par ailleurs, les joueurs étrangers sont aussi concernés par les problèmes d'assurance que les joueurs français. Ils ont eux aussi tout intérêt à ce que les choses bougent.

Nous avons fini le tour des clubs de Ligue Magnus et avons contacté un joueur-relais dans chaque club. De nombreux clubs de D1 ont aussi été contactés. Nous sommes plus tournés vers ces deux championnats en ce moment, mais la porte n'est fermée pour aucun joueur, et si des gars de D2 veulent des renseignements, nous attendons leurs questions.

- Pourquoi un hockeyeur aura-t-il intérêt à adhérer à l'AJHG ?

Pour que notre travail soit écouté et que l'on soit pris au sérieux, nous avons besoin de réunir un maximum de joueurs derrière nous. Nous voulons mettre en place les bases d'une association de joueurs qui va se développer d'année en année, et qui apportera de plus en plus aux joueurs.

- L'AJHG pourra-t-elle bientôt devenir un interlocuteur incontournable ?

Plus nous serons nombreux, plus nous serons écoutés. Pour l'instant, nous sommes conviés à participer aux réunions fédérales. L'idée est toujours la même, nous voulons grandir petit à petit pour qu'un jour nous soyons réellement incontournables.

- On a souvent évoqué la difficulté du hockey français, notamment des clubs, à présenter un front uni. Les joueurs pourront-ils, eux, former un bloc solidaire ?

L'avenir nous le dira, j'espère que les joueurs vont être intéressés et vont montrer un minimum d'engagement, surtout que le prix d'adhésion est loin d'être élevé puisqu'il est fixé à 15 € pour les seniors et 5 € pour les juniors et espoirs.

- Quels sont les trois dossiers les plus importants sur lesquels le hockey français devra se pencher l'année prochaine ?

La formule des championnats est un point capital afin de trouver un bon équilibre entre la volonté d'élever le niveau de jeu et celle de stabiliser la santé financière des clubs.

La formation des jeunes est un chantier monstrueux, nous avons des années de retard sur les autres pays. Même des pays comme la Slovénie ou le Danemark sortent de plus en plus de jeunes de très bon niveau, qui s'exportent très tôt à l'étranger. Il faut aussi améliorer le niveau de nos formateurs qui à mon sens est insuffisante en général.

Enfin, le changement de statuts au sein de la fédération est une œuvre importante à effectuer pour obtenir l'indépendance de chaque discipline à moyen terme.

Propos recueillis le 22 décembre 2004 par Marc Branchu

 

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