Interview d'Aram Kevorkian

 

Après le premier match de relégation contre le Belarus (3-2), Aram Kevorkian parle de son expérience avec l'équipe de France des moins de 20 ans et de son futur à Rouen ou ailleurs. [Also in English].

 

- Vous pensiez le Belarus plus fort ?

Personnellement, je les croyais plus rapides. Bien sûr, ils sont meilleurs que nous techniquement, mais on savait que si on jouait défensif, que si on les forecheckait et qu'on ne laissait rien rentrer, on pourrait calmer leur jeu. C'était notre but, d'abord pourrir le leur avant de faire notre jeu.

- Après le premier tiers, quel sentiment dominait ? La déception d'avoir pris un but ou la satisfaction de pouvoir rivaliser ?

La satisfaction de voir qu'on pouvait tenir, même si on prend un but sur une erreur de marquage. On a toujours eu bon coeur, et on est toujours revenu sur la glace dans le même esprit durant ce tournoi.

- Ça fait du bien de faire enfin jeu égal ?

Oh oui ! Nous ne sommes pas habitués à jouer des équipes du groupe A, ni en préparation, ni les autres années. Nous nous sommes améliorés match après match, notre défense a été meilleure, nous avons eu de plus en plus d'occasions.

- Marquer enfin, c'est bon pour le moral ?

Marquer, voir tout le monde content, on attendait ça.

- Aviez-vous prémédité votre but durant les dernières secondes de la prison ?

J'y pensais. Je me disais que j'aurais sans doute à revenir dans la zone, mais que si on récupérait le palet, je pouvais partir en solitaire. Je voulais lui mettre le palet entre les jambes, il a frappé le côté de sa botte, mais heureusement j'ai pu le reprendre.

- Comment avez-vous géré les deux jours de repos et préparé le match ?

Déjà, on s'est bien reposé. On avait besoin de beaucoup de sommeil. On a eu des moments de détente à l'hôtel, on a joué aux cartes, des choses dans le genre, mais en même temps on était tous motivés avec un seul objectif : gagner contre le Belarus. On n'a pas envie de redescendre, c'est important pour la prochaine génération. Moi, je suis de 1982, je ne serai plus là l'an prochain, et je n'ai pas envie de partir sur une descente.

- Et votre réveillon, il a dû être particulier ?

Ben, notre réveillon, c'était 21h30 au lit. On était dans nos chambres à jouer aux cartes. Bien sûr, on s'en est mordu les doigts. On avait un peu le cafard de ne pas pouvoir faire la fête. Mais je préfère être ici que faire le réveillon en France. Si je n'avais pas participé à ce Mondial juniors, je l'aurais regretté.

- L'équipe savoure-t-elle sa victoire ou pense-t-elle déjà au prochain match ?

Là, on savoure, mais je pense que cet après-midi, on commencera à penser au prochain match.

- A combien évalueriez-vous vos chances ?

80 %. On a un super groupe et on y croit toujours.

- Vous pensez que ce sera plus dur au deuxième match ?

Il risque d'y avoir plus de rythme, ils vont peut-être essayer de changer leur jeu. Mais on les a vus en vidéo, on les connaît bien, on connaît leur style de jeu, et on ne changera pas notre manière de les jouer : ils ne seront pas chez nous.

- Globalement, quelle expérience tirez-vous de ce Mondial ?

Une expérience formidable. C'est le meilleur tournoi au monde, on y côtoie les plus grands joueurs de notre catégorie d'âge. Cela montre la différence entre la France et les pays majeurs, bien sûr, mais cela montre aussi qu'il y a du potentiel en France et qu'on doit l'aider à se développer. Il faut que la fédération puisse trouver plus de moyens et organiser plus de stages. On a eu un fin août, un en octobre, un en novembre et un avant de venir. Ce n'est vraiment pas assez, le coach est le premier à le dire, mais les moyens manquent. On a joué des équipes de D1 française, une équipe d'Elite... La seule équipe nationale qu'on ait joué, c'est l'Autriche en novembre, et on a perdu 3-2. Nos adversaires ici, on ne les a jamais joués, on a jamais essayé de techniques de jeu contre des équipes comme ça. J'espère que ce Mondial donnera une meilleure image de nous, qu'on pourra nous engager pour des matches amicaux, et que désormais, si on veut jouer la Finlande et la Russie, ces pays accepteront.

- Vous avez été agacé par les critiques ou les moqueries contre l'équipe ?

Oui, mais on s'est dit : ce ne seront pas eux qui seront là de toute façon, ils n'auront pas la chance de vivre ça, laissons-les dire ce qu'ils veulent. Nous nous défonçons et on a eu des échos comme quoi on nous critiquait dans certains clubs. J'espère que désormais on sera respectés, et que ces gens-là vont fermer leur bouche.

- Venons-en à votre club. Rouen peut-il encore revenir et être champion ?

Ce n'est jamais fini, c'est comme ici, il ne faut pas lâcher. On est des joueurs, on est payés pour ça et on aime ça. On sait que le championnat est serré, que n'importe qui peut battre n'importe qui. Alors on va jouer tous les matches à fond jusqu'au bout. Si Reims perd des points, tant mieux pour nous, sinon, tant pis.

- Par rapport à l'an passé, que manque-t-il à Rouen ?

L'équipe est un peu différente, mais le problème, c'est qu'on est revenus de la Coupe d'Europe un peu fatigués, et surtout avec beaucoup de blessés. On a dû faire jouer beaucoup de juniors, et même un ou deux cadets. On s'est bien défendu, mais on n'a pas gagné de points. Cela dit, il vaut mieux que cela arrive en début qu'en fin de saison. On a eu une période difficile chez nous, on a perdu contre Amiens, fait match nul contre Angers, et on a eu le public contre nous, mais ce n'est pas facile de gérer un équipe avec des blessés. On a un bon moral, une bonne mentalité, c'est ce qu'essaie d'installer Guy Fournier, mais on n'a pas de chance.

- Rouen a souvent laissé partir ses meilleurs jeunes ces derniers temps, pensez-vous pouvoir déroger à la règle ?

C'est vrai qu'à Rouen, on n'a pas trop appliqué de politique de jeunes. Je ne critiquerai pas, car pour ma part j'ai eu ma chance. Mais c'est vrai qu'a posteriori c'est dommage d'avoir laissé partir Dermigny, Amsellem, Loïc Sadoun... Il faut comprendre que ce n'est pas facile de changer de mentalité, Rouen a toujours été un gros club, avec beaucoup d'étrangers, et une grosse pression de résultats, on n'a pas l'habitude d'y faire jouer beaucoup de jeunes. J'espère qu'ils vont me garder et renouvelleront mon contrat à chaque année. Si je reste en France, c'est à Rouen. Il y a une bonne ambiance, une belle patinoire, pas de problèmes financiers... Après, j'aimerais bien partir à l'étranger, mais rien n'est encore sûr.

- Quel pays vous attirerait-il ?

L'Europe.

- C'est vaste...

Oui, mais je ne veux rien dire de plus pour l'instant. Toujours est-il que ce ne sera pas outre-Atlantique, je n'aime pas leur style de jeu. Ce qui me brancherait, ce serait plutôt les pays nordiques, Norvège, Suède, Finlande... J'aime leur jeu, et ces pays m'attirent.

- Pensez-vous que ces Mondiaux juniors aideront à vous faire remarquer ?

C'est difficile, parce qu'on n'a pas fait énormément de jeu, on n'a pas montré grand-chose individuellement. Pour un attaquant, c'est un problème, le jeu défensif ne leur dit rien. Mais je fais de mon mieux, de toute manière je ne vise pas la NHL donc je me fiche des scouts, tant pis.

Propos recueillis par Marc Branchu

 

 

- Did you think Belarus would be stronger ?

I believed they would be faster. For sure, they are better than us technically, but we knew that we could calm down their game if we played defensive and forechecked well. Our goal was to break down their game before playing ours, and we achieved that.

- After first period, how did the team feel ? Disappointed because of the goal against, or satisfied because they could play well ?

The satisfaction was our main feeling. We saw we could hold the game even if we take a goal on a defensive mistake. We have always showed a big heart, and we have always entered the ice with a good spirit during this tournament.

- Not being outplayed anymore is a relief ?

Oh yeah ! We're not used playing Pool A teams, neither during the preparation, nor in previous years. We improved game after game, our defence got better, we got more and more chances.

- Did you think about scoring during the last seconds of your penalty ?

I told myself I would have to go back into the zone, but I knew that if we had the puck back, I could get a breakaway. I wanted to put the puck between his legs, it went back but I could take the rebound.

- How did you spend your two days off ?

First, we got some rest. We needed to sleep a lot. We had some free time at the hostel, playing cards and things like that, but in the same time we were all concentrated on one goal : winning against Belarus. We don't want to go down, it's important for next generation. I'm born in 1982, I won't be there next year, and I don't want to leave with a relegation.

- It was a special New Year's celebration as the game was scheduled on 11 AM on January 1st...

We went in our rooms at 9:30 PM. It was hard, we were upset because we couldn't celebrate. But I prefer being here than celebrating somewhere in France. If I didn't take part to this tournament, I would regret it.

- What are your chances now ?

80 %. We have a great team and we always keep believing.

- Do you think next game will be tougher ?

The pace could be faster, may be they will change their play. But we've seen them on tapes, we know them well, and we won't change our way to play them : we won't let them enter our zone.

- Which experience do you get from this tournament ?

A great experience. It's the best tournament in the world, with the best players of our age. It shows the difference between and major countries, but it also shows there is some potential in France and we have to help its development. Federation has to give more help and organize more preparations. We haven't got enough, the coach is the first to say it, but he can't do anything. We played French division 1 teams, one ELite team, the only national team we faced was Austria in November, and they defeated us 3-2. We never played our opponents here, we never practiced any tactics against those teams. I hope that this World Championships will help us and that countries like Finland and Russia will agree to play friendly games against us.

- Can Rouen still be French champion ?

Reims has taken a good lead, we will do the best at all our games. If they lose some points, that's good for us. If they don't, we would have tried. We had a tough start because many players were injured when we came back from Continental Cup, we hade some bad results at home, the fans criticized us, but it's hard to handle a team with many injured players. We had to ice many juniors - and even younger players.

- Rouen has let its best players go away in the past seasons. Will you be an exception ?

I won't criticize the policy because, as far as I'm concerned, they trusted me. But it's a pity players like Sébastien Dermigny, Antoine Amsellem or Loïc Sadoun left. You have to understand it's hard changing the mentality. Rouen was used being a top-of-the-table club with many foreigners and huge pressure for results. I hope they will keep me and renew my contract every year. If I stay in France, it wil be with Rouen. There's a good atmosphere, a good rink and no financial problems. Afterwards, I'd like to play in a foreign country, but nothing is sure.

- Which country would appeal you ?

Europe.

- It's vast...

Yes, but I don't want to tell more now. All I can say is that it won't be overseas because I don't like North American style of play. I would be more interested by northern countries, Norway, Sweden, Finland... I like their style of play, these countries are attractive to me.

- Do you think these WJC will help you being watched ?

It's hard because we didn't create much play, we didn't show much individually. As a forward, your defensive play don't make people interested. But I do my best and I don't care about the scouts because I don't want to go to NHL.

 

 

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