Interview de Fabrice Lhenry

 

Le gardien de Rouen et de l'équipe de France s'est blessé au tendon d'Achille en août dernier et est revenu au jeu début janvier.

- Vous sentez-vous aujourd'hui revenu à 100% de vos moyens ?

Oui, je pense être revenu à 100% de mes moyens depuis fin janvier. C'est pourquoi, avant cela, j'avais décidé de jouer avec l'équipe de deuxième division de Rouen pour avoir du temps de jeu, reprendre des automatismes pendant un match. Je remercie au passage tous les responsables de la deuxième division et les joueurs qui m'ont permis de jouer quatre matchs.

- Pensiez-vous que ce serait si difficile de regagner votre place de titulaire après votre blessure ?

Oui, je le savais. Je suis conscient du niveau de jeu de Trevor [Koenig], c'est pour cela que je l'avais recommandé au club de Rouen quand on m'a demandé des renseignements sur lui après ma blessure. Je regrette juste de ne pas avoir eu la possibilité de montrer mon niveau de jeu contre une équipe du haut de tableau, à part deux tiers-temps à Briançon fin janvier.

- Avez-vous eu des contacts avec les entraîneurs nationaux Dave Henderson et Pierre Pousse ? Comptent-ils toujours sur vous malgré votre manque de compétition ?

Oui, j'ai eu régulièrement des contacts avec Dave et Pierre. Ils ont pris de mes nouvelles pendant ma rééducation quand j'étais à Cap Breton et par la suite quand j'ai fini mon rétablissement chez un de nos kinésithérapeutes de l'équipe de France, Édouard Manson, qui me permettait d'avoir des soins et de travailler mon renforcement toute la journée dans son cabinet. Ils étaient donc en contact avec lui également. Puis, je les ai rencontrés plusieurs fois quand ils assistent à nos rencontres.

Oui, ils comptent toujours sur moi vu que je viens de recevoir la liste des pré-sélectionnés pour le championnat du Monde en Allemagne. Nous sommes cinq gardiens pour seulement trois places, donc cela sera à moi de leur montrer dans quelle forme je suis. Nous avons huit matchs de préparation donc ils prendront leurs décisions finales après ceux-ci.

- Combien de saisons pensez-vous encore jouer ? Quels sont vos projets pour la suite ?

Je ne sais pas encore vraiment, mais je me suis toujours juré que tant que je prends du plaisir à m'entraîner, à jouer, à m'équiper tous les jours et que ma forme physique le permet, je continuerai. J'estime que j'ai la chance de vivre de ma passion et je veux profiter de ça jusqu'au bout. Le hockey m'a tellement procuré de bons souvenirs que je ne pense pas à l'heure actuelle arrêter.

Mes projets pour la suite sont actuellement à court terme. Je veux bien finir la saison avec Rouen, arriver en bonne forme physique pour la préparation des Championnats du monde.

- L'ouverture d'une école de hockey est-elle une première étape pour préparer votre reconversion ?

Cela fait plusieurs années que j'y pensais, mais je n'avais jamais pris le temps pour créer une école de hockey. On m'a contacté plusieurs fois pour savoir si j'enseignais dans un stage, ou quel stage je pouvais conseiller.

Je ne pense pas que cela soit une reconversion, mais dans tous les clubs où j'ai joué, quand on me le demandait, je m'occupais des jeunes gardiens. Cela m'a toujours procuré beaucoup de plaisir de voir que de si jeunes gardiens peuvent comprendre, assimiler les gestes techniques et les effectuer si vite. Je trouve également que souvent, dans leur club, ils sont laissés à part, sans vraiment d'exercices spécifiques pour gardiens. C'est vrai qu'être gardien de hockey, c'est un sport individuel dans un sport collectif, et c'est pour cela qu'il faudrait beaucoup plus d'entraînements réservés aux gardiens avec des corrections.

- Vous vous êtes associé à Stéphane Barin : de qui vient l'initiative et comment a-t-elle vu le jour ?

On ne sait plus vraiment de qui vient l'initiative mais cela fait depuis plusieurs années qu'on en parle. Cet été on s'est décidé à regarder plus sérieusement où nous pourrions faire ce stage, avoir des bonnes structures d'accueil, aussi bien pour la patinoire, l'hébergement et pour les activités hors glace. Nous avons fait des recherches un peu partout, demandé des devis, et c'est Briançon qui nous paraît être le meilleur site pour notre école de hockey.

Ensuite nous avons contacté des entraîneurs qui ont l'habitude de former de jeunes hockeyeurs et qui sont compétents vu leurs résultats sportifs depuis quelques années. C'est pourquoi Romain Carry, Laurent Deschaume, Antoine Huet, Christopher Lepers et Cyril Papa se sont associés à nous pour les entraînements sur la glace. En ce qui concerne les activités hors glace et la préparation physique pour les jeunes, nous avons fait appel à Christian Fabre qui intervient déjà avec le hockey mineur du club de Grenoble.

Nous avons ensuite cherché un nom qui nous est venu tout naturellement : Educ'Hockey, car nous voulons être des éducateurs qui transmettent leurs expériences réciproque aux stagiaires. (voir le site Educ'hockey)

- Comment jugez-vous la formation spécifique des gardiens en France et avez-vous des idées pour l'améliorer ?

À mon avis, la formation en général dans le hockey français s'est beaucoup améliorée ces dernières années, avec des colloques pour les entraîneurs, l'arrivée de préparateurs physiques dans certains clubs, même pour le hockey mineur, mais par contre, je pense que le hockey français a encore de grosses lacunes au point de vue de la formation spécifique des gardiens de buts. Trop peu de clubs, actuellement, ont un entraîneur de gardiens avec des heures de glace réservées pour eux.

Les idées pour améliorer cette carence seraient que chaque club engage un ancien gardien pour qu'il transmette son expérience, corrige et fasse des entraînements spécifiques pour tous les gardiens du club. Cela peut être aussi bien bénéfique pour les plus jeunes que pour les gardiens seniors.

Sinon, si le club n'a pas les possibilités d'engager un entraîneur à temps plein, il faudrait que certains entraîneurs de gardiens soient engagés épisodiquement pendant la saison afin qu'ils puissent apporter leurs conseils, leurs méthodes de travail, leurs exercices et former les entraîneurs du club. Ils pourraient revenir régulièrement dans ce club pour voir l'évolution des gardiens et améliorer leur progression.

- Les joueurs français sont souvent réticents à s'expatrier dans des championnats de niveau proche. Quels conseils leur donneriez-vous à travers vos expériences en Italie et au Danemark (et en Allemagne à un niveau supérieur) ?

À mon avis ce n'est pas une question de réticence. J'en connais qui ont déjà essayé, mais il me semble que le problème majeur est que le championnat français est méconnu, sous-évalué, et qu'il est très rare de voir un manager étranger assister à des matchs du championnat.

Sinon, les conseils que je peux donner à travers mes expériences sont qu'il ne faut pas croire que jouer à l'étranger est tous les jours facile. Déjà, vous arrivez dans un pays avec une autre culture, une autre langue, vous n'avez plus vos amis à vos côtés, vous devez vous habituer à tout cela, et suivant votre caractère et votre mental, votre temps d'adaptation peut être plus ou moins long. Ensuite, vous êtes engagés pour faire la différence sur la glace, vous devez apporter plus que les joueurs locaux, sinon vous êtes vite catalogués comme un mauvais renfort.

Après, c'est très enrichissant de connaître un autre championnat, un autre pays. Vous apprenez à être très professionnel avec vous-même, à en faire plus tous les jours. Vous avez aussi la possibilité d'apprendre une nouvelle langue, d'autres coutumes, de goûter des spécialités culinaires différentes, de visiter... Cela vous permet de voyager, de vous cultiver tout en exerçant votre passion. Je pense que c'est une chance que pas beaucoup de métiers peuvent apporter. Je garde d'excellents souvenirs de toutes mes expériences à l'étranger qui ont été toutes différentes.

Je remercie Hockey Archives pour cette interview et souhaite une bonne fin de saison à tous les joueurs, les dirigeants et les bénévoles du monde du hockey français.

Propos recueillis le 1er avril 2010 par Marc Branchu

 

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