Interview de Virgile Mariette

 

Deux mois avant la fin de saison, l'attaquant de Cherbourg a dû devenir entraîneur du jour et lendemain pour remplacer au pied levé Jean-François Lethorel. Il revient sur cette expérience et sur une saison qui a vu son équipe sportivement reléguée, de peu.

- Quand et comment Jeff Lethorel vous a-t-il expliqué son départ ?

Il a prévenu le club le mardi avant le dernier match de première phase contre Brest et m'a téléphoné pour me parler de sa situation. Il ne pouvait plus continuer à entrainer et coacher pour des raisons personnelles.

- Comment avez-vous réagi ?

J'étais un peu surpris, surtout que nous avions déjà beaucoup de mal cette saison avec les blessure…s, mais j'ai compris sa décision, il ne pouvait pas faire autrement.

Le club m'a donc demandé si cela m'intéressait de reprendre le groupe pour la fin de saison. J'ai d'abord hésité un court instant et j'ai décidé d'essayer, même si la tâche s'annonçait difficile juste avant les play-down et avec le faible effectif qui nous restait de valide. J'ai donc pris mes fonctions le mercredi soir pour mon premier entraînement.

- Avez-vous envisagé alors de n'être qu'entraîneur, et non entraîneur-joueur, d'autant que votre genou vous faisait souffrir ?

C'est vrai que j'y ai pensé car je trouvais ça difficile de faire les deux et cela aurait été l'occasion de me soigner. Mais après avoir discuté avec les joueurs, qui souhaitaient que je continue à jouer, j'ai allié les deux du mieux que je pouvais, et de toute façon notre faible effectif ne me permettait pas d'arrêter. Et puis franchement je viens d'avoir 25 ans (en janvier) et j'aime tellement jouer que cela n'aurait pas été réfléchi, je ne voulais pas vraiment arrêter de jouer comme ça. J'ai d'ailleurs signé hier mon contrat comme entraîneur senior pour la saison prochaine, je reste joueur mais si l'effectif le permet je serai plus en réserve.

- Est-ce facile d'être propulsé du jour au lendemain de coéquipier à capitaine, puis de capitaine à entraîneur ? Comment les autres joueurs se sont-ils adaptés dans leur comportement avec vous ?

Pour ce qui est du premier changement (joueur à capitaine), quand Maxime Levallois s'est blessé, le coach m'a proposé ce rôle de capitaine et les joueurs ont tout de suite été d'accord, j'étais d'ailleurs honoré d'être le capitaine de cette équipe.

Ensuite, pour le poste d'entraîneur, tout s'est passé très vite, je n'ai pas vraiment eu le temps de réfléchir et mes premières paroles ont été que je redonnerais la chance à tous les joueurs de l'effectif, du coup les joueurs ont très bien accepté ce changement et ont été très respectueux envers moi (il n'est pas simple de passer de simple coéquipier à entraîneur). Beaucoup de choses sont amenées à changer, les gars ont dû écouter mes consignes et me respecter comme coach. Je les remercie car tout s'est bien passé et ils ont effacé les quelques doutes que j'avais en tête par rapport à la reprise d'une équipe sénior.

- On vous sait très attaché au hockey mineur, vous lui avez même consacré un site, pensez-vous continuer à privilégier la formation ou cette expérience vous a-t-elle donné le goût d'encadrer une équipe senior ?

J'ai toujours voulu encadrer une équipe sénior, c'est vrai qu' à 25 ans commencer par une équipe de D2 sans avoir encadré une équipe junior n'est pas simple, mais je prend des conseils auprès de mes aînés et j'observe la façon de travailler d'autres coachs. J'ai eu la chance d'avoir de très grands entraîneurs dans ma carrière (Bertrand Pousse, Rodolphe Garnier, Anton Statsny et Gary Sheehan entre autres). Je m'inspire donc de tout ça. Beaucoup de gens m'ont dit que c'était trop tôt par rapport à mon âge, mais quand on voit quelqu'un comme Julien Guimard de Rouen, cela prouve que la réussite est possible, j'en profite pour le féliciter pour ses résultats avec la D2 et son titre en espoirs élite.

Pour ce qui est du hockey mineur, j'y reste évidemment très attaché car je pense que la formation est la priorité pour le hockey français et j'adore m'occuper des jeunes sur la glace. Je suis toujours l'entraîneur du mineur à Cherbourg.

Pour ce qui est du site, je n'ai malheureusement pas pu m'en occuper cette saison mais j'espère que l'idée sera reprise car cela reste un bon outil de communications pour les jeunes et leurs responsables d'équipe. Un projet est d'ailleurs en cours.

- Que ressent-on quand on prend 22 buts dans un match comme contre Brest ?

Pour un premier match ce n'est pas le plus simple comme équipe à affronter, mais je me doutais que ce serait très difficile. J'ai profité de ce match pour faire jouer tous les joueurs et les deux gardiens ont eu leur chance.

J'ai fait filmer le match et il m'a servi comme base de travail pour la suite de la saison, il n'y a rien de mieux pour travailler que de jouer contre une équipe qui à chaque erreur te met un but.

Après, 22 buts, c'est long, mais l'avantage ici est que notre public est tellement extraordinaire et continue à nous encourager que cela devient plus facile.

- Le fait qu'un repêchage paraissait probable, notamment via la possible fusion Mont-Blanc/Chamonix, a-t-il pesé sur les esprits lors de la poule de maintien ?

Oui et non, car je me suis refuser à regarder cette possibilité, notre objectif était de se maintenir sportivement, malheureusement on finit deuxième de la poule de relégation à égalité de points avec Mont-Blanc et nous sommes relégués au goal-average. C'est ragent, un but nous manque contre ACBB (8-8 à domicile) ou contre Mont-Blanc (4-3 et 2-3) pour nous maintenir.

Maintenant j'espère que nous serons repêchés car nous ne méritons pas ça, nous avons vécu une saison horrible : décisions tardives pour le recrutement, joueurs qui se désistent, énormément de blessures de joueurs majeurs, départ de l'entraîneur... Cette saison a été difficile pour tout le monde mais nous n'avons jamais lâché.

- Vous avez fini la saison par trois victoires. Qu'est-ce qui explique ce déclic ?

C'est une super fin de saison, on a fait des très bons play-down contre des équipes qui sont, je pense, meilleures que beaucoup d'équipes de notre poule de départ.

Finir par trois victoires est une récompense pour nous et pour le public toujours fidèle, d'ailleurs nous n'avons pas perdu à domicile pendant les play down (2 victoires et 1 nul) et nous avons échoué seulement d'un but à Mont-Blanc. Ce déclic, je ne pense pas que cela vienne du changement d'entraîneur, mais surtout de l'implication des gars aux entraînements.

On a fini avec un groupe restreint à deux blocs et souvent un gardien, donc tout le monde a donné son maximum et ça a payé, après les consignes ont été respectées (discipline, pressing…) et l'envie a toujours été là, l'ambiance est redevenue agréable sur et hors glace, un groupe s'est formé lors de ces play-down, un peu tard malheureusement !

- Y a-t-il un moment dans la saison qui vous laisse des regrets par rapport au maintien ?

Je pense à la première phase en général, mais là encore les blessures de nos joueurs majeurs ont pesé très lourd. Levallois, Maréchal et Svensson se sont blessés pour la saison, Denain a dû partir pour des raisons professionnelles, ajoutons à ça les indisponibilités d'un mois de Legendre, Lebiez, Chéradamme et moi ainsi que les empêchements professionnels de certains, il était difficile de travailler dans de bonnes conditions.

Après il est sûr que sur certains matchs, nous n'avons pas assez mouillé le maillot et nous avons eu des décisions arbitrales en notre défaveur. Nous avons perdu beaucoup de confrontation contre nos adversaires directs d'un but et cela nous coûte cher, cette saison il n'y avait pas le facteur chance avec nous, mais encore une fois nous n'avons rien lâché et les résultats des play-down sont notre récompense.

- Aujourd'hui, le club de Cherbourg se prépare-t-il d'ores et déjà pour une nouvelle saison de D2 ou planifie-t-il une D3 ?

Actuellement on espère vraiment être repêché (même si malheureusement cela se fera au détriment d'autres clubs) donc on se prépare en conséquence, nous sommes dans nos bilans comptables et je commence à voir des joueurs pour évoluer en division 2. Une descente serait très difficile pour notre petit club car une dynamique s'est mise en place depuis quelques années et cette descente casserait tout le travail de nos bénévoles qui se battent pour que ce club vive. Ce serait également dommage pour notre public, qui est très nombreux, même si je sais qu'ils seront autant en D3.

Après, si nous devons passer en D3, nous refixerons des objectifs et reconstruirons pour remonter au plus vite. Je reste persuadé que nous sommes à notre place en Division 2. 

- Les joueurs étrangers de cette saison reviendront-ils ?

Nous sommes actuellement en train de rencontrer les joueurs en général, la décision de D2 ou D3 pèse énormément dans l'avenir de ces joueurs.

Je peux vous annoncer que Tommy Karlsson et Peter Lietava ne seront pas conservés, pour Mattias Svensson et Dmitry Lavrov nous sommes en train de discuter et voir les possibilités et les envies de chacun d'eux et celles du club.

- Comment attirer des joueurs français dans un département isolé comme la Manche ?

C'est vrai que ce n'est pas évident car beaucoup de joueurs aspirent au plus haut niveau et ont une mauvaise image de cette région magnifique. J'ai été moi aussi agréablement surpris de cette ville lors de mon arrivée, j'avais aussi des a priori (temps pluvieux…...). Mais je suis encore ici malgré de nombreuses propositions à chaque intersaison, avec ma copine (que je remercie car elle m'a toujours suivi et encouragé) nous nous plaisons ici et les gens sont super accueillants. Quel bonheur de jouer devant ce public !

Pour ce qui est de faire venir des joueurs, j'essaye de faire marcher mes réseaux d'amis et on essaye de proposer le maximum aux joueurs qui désirent s'engager à Cherbourg.

Ici il n'y a pas beaucoup de structures scolaires comme dans une ville universitaire mais certaines branches sont disponibles, pour le travail le club essaye au maximum de faire bosser les joueurs. Et une chose est sûre, le club de Cherbourg (contrairement à certains) donne toujours ce qu'il propose, ici, il n'y a pas de mauvaise surprise, c'est aussi pour ça que tous les étrangers qui sont passés ici depuis 3-4 ans veulent revenir. Cette saison certains joueurs ont fait les allers-retours de Caen pour venir jouer à Cherbourg, car ici je donne un temps de glace à tout le monde y compris les jeunes. Nous allons d'ailleurs avoir plusieurs joueurs à l'essai ces prochaines semaines.

Il faut que ces joueurs se servent de Cherbourg comme un tremplin à l'exemple de Kévin Da Costa ou bien avant d'Alexis Gomane, Samson Samson. Ces joueurs se sont montrés en jouant ici avec un gros temps de jeu et ont pu partir pour un meilleur club.

Si nous pouvons permettre à des jeunes de se montrer pour s'ouvrir une porte vers un plus haut niveau, cela nous va, même si j'aimerais garder tous ces joueurs.

- Quels sont les priorités du club pour les prochaines années ?

La priorité du club et de se maintenir et de ce structurer. Nous aimerions pouvoir disposer d'un grand réservoir de jeunes, mais tous nos meilleurs espoirs sont obligés de partir pour poursuivre leurs études, ou sont recrutés par de meilleurs clubs et cela est donc difficile pour nous.

Un gros travail de communication est actuellement en route pour promouvoir notre sport. Mais la priorité principale reste la formation de nos jeunes.

- Qu'est-ce que Cherbourg envisage de faire pour recruter plus de jeunes dans ses catégories mineures ?

Il est vrai qu'il n'est pas facile de recruter des jeunes, Cette saisons a été marquée par le nombre important de nouveaux licenciés et cela fait plaisir.

Le club a mis plusieurs choses en place depuis plusieurs années. Nous proposons des essais gratuits où l'on prête le matériel. Ensuite, nous proposons de louer un sac complet à l'année afin de réduire le coût pour les parents, et nos cotisations ne sont vraiment pas chères par rapport à beaucoup d'autres clubs. Nous avons mis en place une journée portes ouvertes et un stage d'été, et pourquoi pas dans quelque temps un sport-études.

Nous encadrons aussi les scolaires sur la glace et démarchons les centres de loisirs afin de toucher un maximum de public. Nous participons aussi à des forums associatifs pour promouvoir notre beau sport.

Après, ici, la difficulté et de garder ces jeunes car la région est composée essentiellement de personne qui travaillent dans la marine, l'EDF ou encore la centrale, donc ils sont régulièrement mutés. Nous avons donc chaque année de nombreux départs et là est notre souci principal car on ne peut rien faire contre ça. Depuis que je suis à Cherbourg (3 ans) on a dû perdre l'équivalent de deux équipes de jeunes à cause de ces départs, ce qui fait que nos effectifs ont du mal à être complets.

Nous sommes dans une région de très bon niveau pour les jeunes, il est donc difficile de se faire une place et difficile pour les jeunes, car quand tu joue avec seulement 10 joueurs (et encore) contre Caen et Rouen, comme on dit, ça pique. Les jeunes ont tendance à se décourager face à ces grosses armadas, mais on se rend compte que lors de nos tournois de fin de saisons nous somme loin d'être ridicules.

- Un dernier mot ?

Je tiens à remercier toutes les personnes du club pour leur confiance et j'espère permettre à Cherbourg (avec l'aide de ses bénévoles) de grandir…. Je remercie aussi les joueurs pour leur implication et leur sérieux pour ces play-down et je passe le bonjour habituel à Barette (La Roche) et Boris Selin de Nice. Et puis je souhaite bon courage à Caen pour la fin de saison.

Enfin, merci à Hockey Archives et à toi pour le travail que vous effectuez pour promouvoir notre sport et permettre à des clubs comme nous de se faire connaître. J'attends avec impatience ton prochain livre……….

Si des joueurs sont intéressés pour venir tenter l'aventure à Cherbourg, qu'ils me contactent : Virgile.mariette@nchop.com

Propos recueillis le 17 avril 2009 par Marc Branchu (photos d'Antoine Soubigou)

 

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