Russie - Norvège (12 février 1994)

 

Jeux olympiques 1994, groupe A, première journée.

La première surprise de ces Jeux olympiques s'est déroulée... le jour de leur attribution. Comme les JO d'hiver ont été décalés par rapport à ceux d'été, deux années seulement séparaient les éditions de 1992 (Albertville) et de 1994 (Lillehammer). Deux années aussi séparaient donc la désignation de la ville-hôte, six ans auparavant. Cela laissait un temps plus court pour se préparer. Seules des candidatures battues deux ans plus tôt s'étaient donc présentées : dans ce contexte, la capitale bulgare Sofia, qui avait terminé deuxième derrière Albertville, faisait figure de favorite légitime du vote organisé en septembre 1988, alors que l'Union Soviétique existait encore. Chacun était persuadé que le Bloc de l'Est obtiendrait ses premiers Jeux olympiques d'hiver, notamment en récompense de la décision de ne pas avoir boycotté les JO de Séoul en Corée du Sud (contrairement à la Corée du Nord et à cinq autres pays communistes dont Cuba et l'Albanie). Mais si le comité olympique bulgare a réalisé un gros travail en amont, persuadé d'avoir convaincu tout le monde de voter pour lui (des déclarations d'intention à prendre avec précaution au CIO puisque le vote est secret...), sa présentation d'une heure, avant le vote, fut la moins bonne des quatre candidats.

L'intrigue a commencé en fait la veille du scrutin, lors d'un vote n'ayant - apparemment - aucun rapport : Gunnar Ericsson, un Suédois, est élu au comité exécutif aux dépens de René Essomba, un Camerounais. Politiquement, cette élection a affaibli la candidature de la ville suédoise d'Östersund, pour qu'un même pays ne gagne pas sur tous les tableaux, mais elle s'est aussi retournée contre Sofia, car les membres africains du CIO étaient persuadés que les pays communistes avaient trahi leur promesse de soutenir Essomba.

Le jour J, les votes se dispersèrent dès le premier tour entre les quatre candidatures : Lillehammer en tête avec 25 voix, Sofia quatrième et dernier - donc éliminé - avec 17 voix. Une fois le favori tombé, les reports de voix de l'Est éliminèrent les Américains d'Anchorage avant qu'un troisième tour ne fasse gagner Lillehammer par trois voix d'écart contre Östersund. Les Norvégiens étaient eux-mêmes les premiers surpris, mais la petite ville de 22 000 habitants fut désignée attributaire des Jeux olympiques !

Lillehammer a vanté une candidature très compacte dans laquelle les sites sont regroupés dans un petit périmètre. Le second site du tournoi de hockey, la patinoire souterraine de Gjøvik surnommée la "caverne", est un des sites les plus éloignés à 45 minutes de bus au sud. Comme le tournoi débute avant même la cérémonie d'ouverture, cela explique que les hockeyeurs russes y soient absents, où ils sont habituellement les vedettes de leur délégation.

C'est peut-être un signe des temps. Nous sommes en 1994, cinq ans et demi après le vote du CIO. La Bulgarie est en récession comme tout le Bloc de l'Est, l'Union Soviétique n'existe plus, et la Russie a vécu l'exode de ses meilleurs hockeyeurs. La plupart d'entre eux sont en NHL et donc absents, hormis Aleksei Kudashov libéré par les Toronto Maple Leafs où il ne joue guère. Mais en plus, la Suisse n'est pas qualifiée pour les JO et la LNA ne s'interrompt pas non plus. Les négociations avec Fribourg-Gottéron pour faire venir Vyacheslav Bykov et Andrey Khomutov, qui avaient mené l'équipe au titre olympique puis au titre mondial, ont échoué. Sans eux, le vestiaire russe n'a plus de leaders.

Avec son équipe de joueurs évoluant majoritairement au pays, dans la "MHL", la Russie ne fait plus peur. Le "poids lourd" de 110 kilos Sergei Gomolyako, sur lequel un trio devait être centré, s'est blessé juste avant le tournoi. La presse norvégienne s'est alors mise à écrire que les Russes ne sont plus favoris, et donc que la Norvège pourrait les battre. La fièvre olympique qui s'est emparée de Lillehammer a peut-être trouvé dans cette opinion son symptôme le plus excessif...

La Russie en a eu vent et tient à jouer très sérieusement pour montrer son rang. Quelques drapeaux russes se sont frayés un chemin dans la grotte de Gjøvik au milieu des 5000 Norvégiens. Robert Schistad, qui avait tenu les Russes en échec 2-2 au tournoi des Izvestia, encaisse cette fois autant de buts... en quatre minutes. Le jeune Ravil Gusmanov marque sur sa première présence pour sa première compétition internationale, en faisant le tour de la cage sans opposition. Et même si Ivanov prend la première pénalité, Sergei Berezin s'échappe et marque sur l'infériorité numérique.

Marius Rath réduit le score à 4 contre 4 en fin de première période, en reprenant une passe transversale d'Espen Knutsen et en passant dans le dos du défenseur Shargorodsky. Le public reprend espoir pendant la pause, mais Andrei Tarasenko met vite fin au suspense avec le 3-1 en début de deuxième période. Les deux derniers buts russes - Karpov sur une nouvelle contre-attaque en infériorité et Sergei Sorokin sur un tir du poignet après une passe-abandon de Gusmanov - rendent le score un peu lourd et ne rendent pas hommage à la bonne prestation norvégienne. Mais entre résister et battre la Russie, il ne fallait peut-être pas exagérer ses prétentions...

Commentaires d'après-match

Igor Dmitriev (entraîneur-adjoint de la Russie) : "Nous avons été chanceux. C'était évident avec notre défense, parce que nous n'étions pas prêts pour les mouvements précis et rapides des attaquants norvégiens."

Bengt Ohlson (entraîneur de la Norvège) : "Cette équipe russe est très forte. Même s'ils prétendent le contraire, ils savent qu'ils sont forts. Les gars n'ont jamais lâché. Mais ils ont mis le quatrième but, et c'était fini."

Robert Schistad (gardien de la Norvège) : "Ils ne semblent pas aussi affûtés que ce que j'ai vu d'eux auparavant. Ils ne sont certainement plus la machine qu'ils étaient dans les années 70. J'aime vraiment jouer contre les Russes. C'est un challenge, et je joue généralement mieux que contre les autres équipes, donc aujourd'hui c'est un peu décevant."

 

Russie - Norvège 5-1 (2-1, 1-0, 2-0)
Samedi 12 février 1994 à 18h30 au Fjellhall de Gjøvik. 5200 spectateurs.
Arbitrage de Peter Slapke (ALL) assisté de Wilhelm Schimm (ALL) et Milos Benek (SVK).
Penalités : Russie 14' (6', 4', 4'), Norvège 10' (6', 0', 4').
Tirs cadrés : Russie 27 (8, 10, 9), Norvège 18 (10, 5, 3).
Tirs totaux : Russie 43 (10, 20, 13), Norvège 37 (17, 11, 9).
Engagements : Russie 37 (17, 9, 11), Norvège 31 (11, 11, 9).

Évolution du score :
1-0 à 00'23" : Gusmanov
2-0 à 03'27" : Berezin assisté de Kudashov (inf. num.)
2-1 à 18'19" : Rath assisté de Knutsen et C. Andersen
3-1 à 23'17" : Tarasenko assisté de Torgaev
4-1 à 52'36" : Karpov assisté d'Evtyukhin (inf. num.)
5-1 à 54'39" : Sorokin
 

Russie

Attaquants :
12 Sergei Berezin (+3) - 9 Aleksei Kudashov (A, +3) - 29 Ravil Gusmanov (+2)
24 Andrei Nikolishin (-1) - 25 Vyacheslav Bezukladnikov - 19 Aleksandr Vinogradov (-1)
16 Igor Varitsky (2') - 11 Georgi Evtyukhin (+1) - 14 Valeri Karpov (+1)
21 Dmitri Denisov (2') - 23 Pavel Torgaev (+1, 2') - 28 Andrei Tarasenko (+1)

Défenseurs :
5 Aleksandr Smirnov (C, +3, 4') - 4 Sergei Sorokin (+3, 2')
26 Oleg Shargorodsky - 3 Sergei Tertyshny (A, -1)
22 Sergei Shendelev (+1) - 10 Igor Ivanov (+1, 2')
6 Vladimir Tarasov (+1) - 2 Oleg Davydov (+1)

Gardien :
1 Andrei Zuev

Remplaçant : 30 Sergei Abramov (G). En réserve : 20 Valeri Ivannikov (G).

Norvège

Attaquants :
20 Erik Kristiansen (-2) - 23 Morten Finstad (-2) - 10 Geir Hoff (A, -2)
11 Vegar Barlie (-1) - 18 Ole Eskild Dahlstrøm (-2) - 21 Trond Magnussen (-2)
29 Tom Johansen (-1) - 41 Espen Knutsen - 37 Marius Rath
19 Arne Billkvam (-1) - 22 Petter Thoresen (A, -1) - 28 Roy Johansen (-1)

Défenseurs :
2 Petter Salsten (C, -1, 2') - 24 Cato Tom Andersen
7 Tommy Jakobsen (2') - 15 Svein Enok Nørsteb
12 Jan-Roar Fagerli (-2) - 4 Morgan Andersen (-2, 2')
17 Svenn Erik Bjørnstad (-1, 4')

Gardien :
1 Robert Schistad

Remplaçants : 30 Jim Marthinsen (G), 13 Lars Håkon Andersen. En réserve : 35 Steve Allman (G).

 

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