République Tchèque - Suède (29 août 1996)

 

Match comptant pour le groupe Europe de la Coupe du monde 1996.

Face à l'uniformisation américaine qui nie les spécificités culturelles, voilà que les Canadiens, touchés dans la chair de leur hockey, se sentent solidaires des Européens, victimes des mêmes maux. Matthew Fisher, l'envoyé spécial du Toronto Sun, écrit en effet : "Hormis les hymnes nationaux, quelqu'un de la NHL a décrété qu'il n'y aurait pas de musique locale de quelque genre que ce soit. Les types du marketing de la NHL ont décidé de jouer le même panel étroit de tubes rock anglophones qui font que le hockey sonne partout pareil, qu'il soit joué à Anaheim, Tampa ou Ottawa. La NHL a aussi importé les stupidités qui font vendre le hockey dans beaucoup de patinoires américaines, les lumières, les mini-shows d'avant-match, l'activité incessante. Ce que les impérialistes culturels de New York n'ont pas pu ou voulu prendre en compte, c'est que le public ici n'a pas besoin qu'on lui vende le hockey. Il connaît déjà ce sport, il l'aime et a ses propres traditions, profondément ancrées culturellement, et son propre rythme en le regardant. Les amateurs de hockey européens ne savaient s'ils devaient rire ou pleurer de l'américanisation crasse de leur sport favori. Les Tchèques, à leur crédit, ont chanté leurs propres chansons quand l'envie leur prenait."

Le problème, c'est que l'envie les a vite quittés en voyant la prestation pitoyable de leur équipe. À la sirène finale, les Tchèques ne chantaient plus. Ils sifflaient, huaient, et jetaient même des canettes de bière sur la glace. Prague n'avait jamais vu de telles scènes, que s'est-il passé pour qu'une telle fracture s'ouvre entre le public et sa Reprezentace ?

Les Suédois abordent ce match avec un de leurs cinq joueurs des New York Islanders en moins, Kenny Jönsson. Blessé à l'aine, celui-ci avait manqué le dernier match de préparation, mais avait repris le jeu contre l'Allemagne, un match où il ne s'était signalé que par deux pénalités, un coup de coude sur Hecht et un cinglage sur MacKay. Malheureusement, ses douleurs se sont réveillées, et il doit de nouveau céder sa place à Popovic. Ce changement ne perturbe en rien le jeu des Suédois, et les diagnostics de la première journée se sont entièrement confirmés ce soir.

Pourtant, le début de match avait laissé espérer un sursaut d'orgueil des Tchèques après leur déroute d'Helsinki. Devant leurs supporters, ils se devaient de retrouver une âme et ont pratiqué un jeu plus consistant. En infériorité à deux reprises, ils ont montré bien plus d'abnégation qu'avant-hier. Mais il a suffi d'un homme pour annihiler ces bonnes intentions. Ce bourreau, c'est Mats Sundin, qui a réussi un incroyable exploit individuel après une excellente passe de Lidström en perforant la défense tchèque sur l'aile droite avant de ramener le palet sur son revers en une action à l'exécution parfaite qui trompa Roman Turek.

Une fois son équipe en avance, Kent Forsberg a mis en place un jeu plus nord-américain, plus physique, et usant partiellement la trappe en zone neutre. Mais il a gardé néanmoins la spécificité du hockey suédois, une maîtrise tactique de tous les instants qui minimise le nombre d'erreurs commises. Les Tchèques se sont complètement englués dans la zone scandinave, désespérant de trouver une solution au point de provoquer l'ire de leur public. Ils ont fait peine en deuxième période. Pendant qu'ils ne réussissaient qu'un seul tir cadré, la Tre Kronor inscrivait deux buts par des défenseurs. Calle Johansson transperce Turek dès la reprise, et Jonas Bergqvist, la légende de Leksand qui a reçu un ultime hommage en étant enfin élu joueur de l'année en Suède à trente-quatre ans, utilise Roman Hamrlík comme écran pour placer un très bon tir du poignet.

Désarmant pour les Tchèques qui baissent complètement les bras après deux supériorités numériques inefficaces au début du dernier tiers-temps. Les dernières minutes sont pathétiques et le public tchèque abrège ce match à sept secondes de la fin en jetant ce qui lui tombe sous la main sur la glace. Il en a assez vu, ou plutôt il n'a rien vu, tant il se demande où est passé le jeu offensif de sa sélection. Pour son premier match au pays sous les couleurs de l'équipe nationale tchèque, un Jágr hors de forme aurait sans préféré un autre scénario.

Étoiles du match : *** Mats Sundin (SUE), ** Calle Johansson (SUE), * Daniel Alfredsson (SUE).

Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Ludek Bukac (entraîneur de la République Tchèque) : "Ce tournoi est une bonne opportunité pour voir comment nous pouvons combiner les joueurs de NHL et les joueurs d'Extraliga en vue des prochains Jeux Olympiques. Le manque de temps pour nous préparer fait que notre condition physique est déficiente. Mais le tournoi reste ouvert et le match contre l'Allemagne décidera de l'équipe qui se qualifiera pour la suite."

Jaromír Jágr (attaquant de la République Tchèque) : "Vu notre jeu, je n'étais pas été surpris de la réaction de la foule. À leur place, j'aurais sans doute jeté des canettes moi aussi. Nous avons joué un hockey étrange ce soir. Je n'ai pas confiance en moi, l'équipe n'a pas confiance en elle, nous devons avoir peur de quelque chose. Nous jouons stupidement, nous ne paraissons pas capables de jouer en équipe. Peut-être ne sommes-nous pas assez bons pour ce tournoi. Après les deux matches que cette équipe a effectués, je ne serais pas surpris si nous perdions [contre l'Allemagne]."

Mats Sundin (attaquant de la Suède) : "Nous avons gagné parce que nous avons suivi notre plan, qui était de jouer simple et avec beaucoup de rythme. Ils ont débuté fort et, pendant un moment, le match aurait pu basculer en leur faveur. Mais ensuite nous avons pris le contrôle. Le match contre la Finlande est très important pour nous, surtout en sachant que les Finlandais sont devenus champions du monde il y a un an. Nous jouons des styles similaires avec une défense solide et beaucoup de talent devant. Ce devrait être un super match."

 

République Tchèque - Suède 0-3 (0-1, 0-2, 0-0)
Jeudi 29 août 1996 à 19h00 à Prague (TCH). 13861 spectateurs.
Arbitrage de Dan Marouelli (CAN) assisté de Gord Broseker (USA) et Shane Heyer (CAN).
Pénalités : République Tchèque 12' (4', 4', 4'), Suède 8' (2', 2', 4').
Tirs cadrés : République Tchèque 21 (10, 1, 10), Suède 31 (11, 9, 11).

Évolution du score :
0-1 à 10'18" : Sundin assisté de Lindström et Norström
0-2 à 20'57" : C. Johansson assisté de Forsberg
0-3 à 33'44" : Bergqvist assisté de C. Johansson et Nilsson
 

République Tchèque

Attaquants :
21 Robert Holík (-1) - 93 Petr Nedved (-1) - 68 Jaromír Jágr (A, 2')
25 Martin Rucinský (-1) - 26 Robert Reichel (C, -1) - 13 Robert Lang (A, -1, 2')
76 Radek Bonk - 16 Jirí Dopita - 42 Josef Beránek
20 Martin Procházka (-1) - 10 Pavel Patera (-1) - 24 Otakar Vejvoda (-2, 2')

Défenseurs :
28 Jirí Šlégr (-1, 4') - 44 Roman Hamrlík (-1, 2')
12 Frantisek Kaberle (-1) - 5 Drahomir Kadlec (-1)
94 Stanislav Neckar (-1) - 38 Michal Sýkora (-1)

Gardien :
2 Roman Turek

Remplaçant : 1 Petr Briza (G). En réserve : 29 Roman Cechmánek (G), 7 Jirí Veber, 4 Jirí Vykoukal (D), 82 Martin Straka, 14 Jirí Kucera, 17 Petr Sýkora (A).

Suède

Attaquants :
13 Mats Sundin (+1) - 24 Niklas Sundström (+1) - 34 Mikael Andersson (+1)
11 Daniel Alfredsson (+1) - 21 Peter Forsberg (+2) - 29 Johan Garpenlöv (+1)
25 Markus Näslund (2') - 92 Michael Nylander - 22 Ulf Dahlén (A)
5 Patrik Juhlin - 10 Fredrik Nilsson (+1) - 18 Jonas Bergqvist (+1)

Défenseurs :
14 Mattias Norström (+1) - 4 Nicklas Lidström (A, +1)
6 Calle Johansson (C, +2, 2') - 36 Peter Popovic (+1, 2')
31 Roger Johansson - 3 Tommy Albelin (+1, 2')

Gardien :
30 Tommy Söderström

Remplaçant : 35 Tommy Salo (G). En réserve : 1 Johan Hedberg (G), 19 Kenny Jönsson, 27 Leif Rohlin (D), 5 Patrik Juhlin, 17 Tomas Holmström, 32 Niklas Andersson (A).

 

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