Suède - Canada (13 mai 1997)

 

Finale des championnats du monde 1997, deuxième manche.

Les Finlandais, qui auraient sans doute soutenu les adversaires de leurs ennemis suédois en d'autres circonstances, ne le font pas cette fois. La banderole "Go Home Brutes" affichée par un spectateur des gradins supérieurs de la Hartwall Arena est révélatrice : il n'y a pas grand monde pour souhaiter une victoire des Canadiens dans ce championnat. Leur comportement général, et a fortiori leur bagarre contre les Tchèques, leur ont mis le public à dos.

Mais c'est souvent dans l'adversité que les équipes canadiennes trouvent leur motivation, et hier Andy Murray a eu des entrevues privées avec chacun de ses joueurs afin de leur rappeler qu'il attendait d'eux le même comportement de gagneur que celui qui les avait menés, malgré tout, jusqu'à cette finale. Le coach ne s'est pas contenté de psychologie, il a aussi modifié ses lignes pour ce match. Le grand espoir Chris Gratton, qui avait atteint la barre des 30 buts (et des 200 minutes de pénalité) en NHL cette saison avec Tampa Bay, n'a toujours pas marqué depuis le début du tournoi. Même s'il est sans doute trop tard pour sauver sa sélection olympique, on doit quand même lui trouver une utilité. En le plaçant entre les rapides ailiers Jeff Friesen et Anson Carter, sa puissance s'exprime bien mieux. C'est d'ailleurs Carter qui se crée la meilleure occasion du premier tiers-temps avec un revers à bout portant sur Salo.

On comprend lors ce deuxième match pourquoi Kent Forsberg était si énervé que le Canada ait été désigné équipe recevante lors du premier. Maintenant qu'il bénéficie de cet avantage, il s'en sert grandement. Il a en effet l'intention de "matcher" les lignes de Murray et de répliquer ainsi directement à ce qui est une habitude canadienne. Le centre défensif Keith Primeau a souvent été envoyé contre le meilleur trio adverse dans ce tournoi, et il est donc destiné à neutraliser Nylander, mais aujourd'hui c'est Forsberg qui décide, et il met la quatrième ligne de Marcus Thuresson face à Primeau. Quels que soient les centres qui se retrouvent face-à-face, ceci dit, l'avantage est au Canada. Et ce sont justement les mises au jeu gagnées en zone offensive qui lui permettent de prendre de bons tirs sur Salo, ce qu'il n'avait pas su faire avant-hier. Le résultat est un match beaucoup plus offensif et moins fermé que le premier.

Outre Gratton, il y a un autre joueur qui devait faire ses preuves mais qui a hypothéqué ses chances de participer aux JO, c'est Geoff Sanderson. Après huit matches consécutifs sans marquer, c'est finalement lui qui ouvre le score pour le Canada en déviant un tir de Travis Green. Pourtant, lui-même n'est pas convaincu d'avoir réellement inscrit ce but qui lui est crédité. Il a bien fait un mouvement avec sa crosse, mais il pense qu'il a simplement touché le défenseur suédois, et que c'est en fait le corps de Roger Johansson qui a modifié la trajectoire du palet.

Cet avantage ne dure pas longtemps. Trente secondes plus tard, Chiasson part en prison pour avoir retenu une crosse suédoise. Le jeu de puissance de la Tre Kronor réalise une superbe séquence, initiée comme toujours par Michael Nylander qui n'en finit plus d'adresser des merveilles de passes dans toutes les positions, et conclue par Per Eklund sur un service au second poteau de Jonas Höglund. C'est mérité pour Eklund qui avait déjà pris le meilleur tir scandinave en première période sur un rebond, après une longue présence installée en zone canadienne. Peu après l'égalisation, Tommy Albelin peut même faire passer la Suède devant, mais Sean Burke est à la parade. Une nouvelle supériorité voit le chef d'orchestre Nylander se démener pendant deux minutes pleines, mais personne ne profite de ses caviars.

C'est alors que la fameuse tactique déjà employée au premier match trouve enfin la consécration. Jeff Friesen s'avance derrière ses deux défenseurs-déblayeurs et remonte la glace, et ce coup-ci la ligne d'attaque sait poursuivre l'élan donné par ce passage en force en poursuivant l'action collective par des passes sans contrôle. Chris Gratton sert dans le slot Anson Carter qui marque. Le Canada rejoint les vestiaires en menant au score.

Encore faut-il préserver ce but d'avance, ce qui n'est pas gagné en début de troisième période quand on voit Travis Green perdre le palet à sa ligne bleue. Mais Burke se montre décisif sur le breakaway de Michael Nylander, tout comme il l'avait été sur les tirs successifs de Svensson. Et Mark Recchi enfonce le clou par un tir lointain qui passe entre les jambières de Tommy Salo, pris en faute après avoir joué une très bonne finale jusqu'ici. La fin de match est hachée par les coups de sifflet de M. Müller, mais ni les supériorités numériques ni la sortie de Salo à deux minutes de la fin ne permettent aux Suédois, qui finissent à six contre quatre, de revenir au score.

Les légères entorses à la discipline en fin de rencontre ne doivent pas masquer la bien meilleure maîtrise qu'a eu le Canada pendant la majeure partie du temps. Persévérant dans ses mises en échec, exemplaire dans ses sacrifices défensifs à l'image de Robert Errey en infériorité qui se couche devant les lancers, il a mis la pression d'entrée et a logiquement ramené la série à parité. Un match décisif décidera du champion du monde.

Désignés joueurs du match : Magnus Svensson pour la Suède et Sean Burke pour le Canada.

Commentaires d'après-match

Kent Forsberg (entraîneur de la Suède) : "Même si ce n'est pas une excuse, ce n'est pas facile de jouer contre une équipe qui est à la vie à la mort quand on ne l'est pas soi-même."

Anson Carter (attaquant du Canada, photo) : "Prendre l'avantage en fin de première période nous a portés psychologiquement. Nous pouvons nous servir de cette victoire pour demain. Le match final sera difficile, nous devrons rester en dehors de la prison. Nous avons été élevés au Canada et, dans ce tournoi, nous avons souvent laissé nos émotions remonter à la surface, surtout dans les fins de match où nous avons montré notre frustration. Nous devons garder le contrôle. Si nous ne nous battons pas nous-mêmes, nous pouvons gagner. j'espère que les gens remarquent ce que je fais sur la glace, mais mon principal objectif pour le moment est de ramener la médaille d'or au Canada. J'ai aimé notre ligne et j'espère que nous resterons ensemble. Burkie a été fort durant tout le tournoi. On ne gagne pas un grand match sans avoir un gardien d'exception."

Andy Murray (entraîneur du Canada) : "Je suis convaincu que nous allons y arriver. Car si l'on compare nos trois confrontations face à la Suède dans ce tournoi, nous nous sommes améliorés à chaque fois."

Sean Burke (gardien du Canada) : "Nous savions que nous devions mieux jouer qu'au dernier match. Nous avions perdu 3-2 en étant seulement à 70% de nos possibilités. Donc nous nous sommes dit qu'en passant à 100%, nous pourrions gagner. Si nous jouons notre meilleur hockey demain, nous serons champions. Ce sera le plus grand match de ma carrière et je suis déjà excité."

 

Suède - Canada 1-3 (0-0, 1-2, 0-1)
Mardi 13 mai 1997 à 19h00 à la Hartwall Arena de Helsinki. 13 316 spectateurs.
Arbitrage de Gerhard Müller assisté d'Aleksandr Poliakov et Rudolf Lauff
Pénalités : Suède 8' (0', 4', 4') ; Canada 20' (2', 8', 10').
Tirs : Suède 30 (8, 8, 14) ; Canada 29 (14, 11, 4).

Évolution du score :
0-1 à 29'11" : Sanderson assisté de Green
1-1 à 30'56" : Eklund assisté de Höglund et Nylander (sup. num.)
1-2 à 38'09" : Carter assisté de Gratton et Friesen
1-3 à 47'32" : Recchi assisté de Green et Chiasson
 

Suède

Attaquants :
Johan Lindbom - Anders Carlsson (A) - Niklas Andersson (2')
Jonas Höglund (-3) - Michael Nylander (-3) - Nichlas Falk (-3)
Per Eklund - Stefan Nilsson (C) - Magnus Arvedson
Niklas Sundblad (4') - Marcus Thuresson - Jörgen Jönsson

Défenseurs :
Roger Johansson (-2, 2') - Tommy Albelin (A, -1)
Marcus Ragnarsson - Magnus Svensson (-1)
Mattias Norström (-1) - Mattias Öhlund (-1)

Gardien :
Tommy Salo

Remplaçants : Johan Hedberg (G), Ronnie Sundin (D), Per Svartvadet (A).

Canada

Attaquants :
Rob Zamuner - Keith Primeau (A) - Jarome Iginla
Robert Errey - Dean Evason (C) - Owen Nolan
Geoff Sanderson (+2, 2') - Travis Green (+2) - Mark Recchi (+2)
Jeff Friesen (+1, 2') - Chris Gratton (+1) - Anson Carter (+1)
Shean Donovan

Défenseurs :
Don Sweeney (+1) - Chris Pronger (+1, 2')
Bryan McCabe (+1, 4') - Rob Blake (A, +1, 8')
Cory Cross (+1) - Steve Chiasson (+1, 2')
Joël Bouchard

Gardien :
Sean Burke

Remplaçant : Rick Tabaracci (G).

 

Retour aux championnats du monde