Russie - Suède (2 mai 2003)

 

Championnats du monde 2003, deuxième tour, groupe F.

Les Suédois, battus par leur premier adversaire de haut rang, le Canada, doivent absolument retrouver le chemin du succès et du but. La Russie, au contraire, s'est sortie tranquillement de son groupe, et elle passe ici son premier véritable test. Elle s'est renforcée d'Aleksandr Khavanov, le défenseur de Saint-Louis, et du jeune attaquant Aleksei Kaigorodov. La Suède, de son côté, a utilisé les deux jokers autorisés au début du deuxième tour pour enfin incorporer à son effectif les arrières Niklas Kronwall et Per Gustafsson. Ils n'ont jamais cessé de s'entraîner avec l'équipe, mais avaient été laissés en réserve pour disposer le plus vite possible de toutes les forces offensives venues de NHL. Les Suédois avaient ainsi pris le risque de disputer le premier tour avec six défenseurs, sans que ce surarmement offensif ait été suivi d'effets, puisque l'attaque a été le point noir avec deux buts par match.

Chacun veut marquer son territoire dans ce match qui prend une allure virile et engagée avec la bénédiction de l'arbitre. La Suède a pris l'avantage dans ce domaine, avec une spectaculaire mise en échec à la ligne bleue de Jönsson sur Arkhipov, mais elle le prend surtout au score : Tärnström évite le défenseur qui s'était couché devant lui et décale parfaitement du revers Henrik Zetterberg (0-1 à 08'12"). Ce but rapide est exactement ce dont les Suédois ont besoin pour reprendre confiance en eux. Les nouveaux alignements offensifs vont-ils mettre fin à la panne d'efficacité ?

Le match est lancé, pas seulement contre les bandes, mais aussi et surtout sur la glace, avec de grandes occasions de par et d'autres, et même un poteau d'Aleksandr Suglobov, pour lequel le capitaine russe Gusev demande a posteriori à l'arbitre de faire appel à la vidéo, croyant à un possible but. Du rythme, du mouvement, cette première période est vraiment un régal de hockey sur glace. Alors qu'un Suédois a perdu son casque et doit regagner son banc, Igor Grigorenko en profite pour s'infiltrer, et même s'il paraît un temps déséquilibré, il se rattrape et tire dans la foulée (1-1 à 18'29"). Un poteau de Renberg dans les dernières secondes clôt ces vingt premières minutes enthousiasmantes et donne rendez-vous pour le deuxième tiers-temps.

Un des faits du match, c'est qu'on est en train de retrouver le vrai Mats Sundin. Le dentiste de Toronto lui avait pourtant fortement déconseillé de faire le voyage, mais le n°13 a tenu à honorer sa sélection malgré la douleur du coup qu'il avait reçu à la mâchoire. Et il reprend sur la glace le rôle de leader naturel qu'il est en équipe nationale. En supériorité numérique, il contrôle la situation de l'arrière, depuis la bleue, et reste très longtemps sur la glace. Cependant, le jeu de puissance suédois, avec beaucoup de joueurs près de la cage mais peu de construction et peu de mouvement, ne fonctionne pas lors d'une phase à cinq contre trois. En plus, son étrange positionnement, qui n'utilise pas tout l'espace, n'assure même pas la couverture de zone. C'est donc à égalité numérique que la Suède reprend l'avantage par Jonas Höglund, sur une passe transversale précise et bien sentie de Henrik Zetterberg, qui était pourtant gêné par Novoseltsev (1-2 à 33'28"). Ce but traduit l'ascendant pris par les Scandinaves sur la rencontre.

Autre acteur à suivre de ce match, Maksim Sokolov, qui avait une occasion de reprendre la place de titulaire menacée par Podomatsky. Malheureusement pour lui, le troisième but suédois risque d'être retenu contre lui. Le gardien russe est en effet allé dégager derrière son but, mais il est surpris par l'arrivée de Peter Nordström qui surgit (comme une vraie torpille, même si toute allusion au mot de "torpedo" est désormais tabou dans l'équipe suédoise depuis qu'il a été un peu abusivement utilisé par la presse aux JO) pour lui prendre le palet et le remet directement en retrait à Jörgen Jönsson face à la cage vide (1-3 à 41'11"). La vivacité et le pressing haut des Suédois a eu raison de la vigilance russe.

La fougueuse jeunesse russe ne se laisse pourtant pas abattre : Igor Grigorenko travaille avec maîtrise dans la défense et passe du revers à Ilya Kovalchuk, lancé, qui allume la lucarne (2-3 à 43'36"). La Suède est alors contrainte d'attendre que les Russes, un temps euphoriques, daignent baisser le rythme. À la sortie d'une prison pas exploitée par la Russie, Thomas Rhodin s'échappe mais, un peu retenu par Khavanov, manque son tir. Il récupère le palet derrière la cage et insiste sur Sokolov sans succès. Cette alerte calmera les ardeurs russes.

S'il est une évolution symbolique du potentiel offensif retrouvé des Suédois, c'est celle de Henrik Zetterberg. Il avait du mal, à l'époque où il jouait à Timrå, à conserver son efficacité lorsqu'il revêtait le maillot de l'équipe nationale, sans doute impressionné. Le rookie de Detroit est maintenant désinhibé, et il n'hésite pas à prendre des responsabilités offensives. Pour ceux qui s'interrogeaient sur l'issue de son duel avec son compagnon de ligne chez les Red Wings, Pavel Datsyuk, il n'y a pas eu photo : le Suédois l'a remporté haut la main. À cinq minutes de la fin, Zetterberg a réussi un magnifique petit pont sur Khavanov et n'a été entravé dans son action que parce qu'il a été retenu par Grigorenko, qui ajoute une méconduite à sa pénitence.

Le dernier but suédois n'est finalement inscrit qu'en cage vide, mais l'identité de son auteur a une importance, puisqu'il s'agit de Mats Sundin (2-4 à 59'16"). Cela fait du bien au moral d'ouvrir son compteur alors que, même s'il a retrouvé ses sensations, il n'a pas été très efficace aujourd'hui, manquant parfois une cage ouverte. C'est toute la Suède qui se réjouit de la renaissance de la Tre Kronor, mais ce sont plus généralement tous les amateurs de hockey qui applaudissent au spectacle proposé ce soir, à ce match rythmé et offensif dont on savait ces deux équipes capables. La Russie s'interroge néanmoins sur les duels perdus et sur cette équipe suédoise qui l'a battue sur ses points forts, la vitesse et l'agressivité.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Vladimir Plyushchev (entraîneur de la Russie) : "Les Suédois ont été très convaincants, mais nous n'avons pas pu nous adapter à cet arbitrage illogique... et même le sourire sceptique de l'ancien arbitre Leonid Weisfeld dans cette salle de presse ne me dissuadera pas de le dire. Cela ne diminue en rien les mérites de la Suède, dont la victoire est méritée. Notre équipe a été asphyxiée par son rythme de jeu impressionnant. Notre défense n'a pas été très sûre. Il me semble de plus que les Suédois avaient dès le coup d'envoi plus de motivation que nous."

Maksim Sokolov (gardien de la Russie) : "Encaisser de tels buts est toujours vexant, surtout quand ils sont aussi décisifs. En troisième période, nous jouions mieux, et mon erreur a été déterminante. Cela faisait longtemps que le palet était dans notre zone, et quand il est arrivé derrière le but, je voulais aider mes coéquipiers en les déchargeant de cette tâche. J'avais vu l'attaquant arriver à toute allure, mais je pensais qu'il n'aurait pas le temps d'arriver ou qu'Arkhipov l'arrêterait. Quand il a été tout près, j'ai essayé de dégager le palet, mais il me l'a très bien subtilisé."

Hardy Nilsson (entraîneur de la Suède) : "Nous sommes très contents de cette victoire qui nous permet d'envisage de finir premiers de ce groupe, mais nous sommes surtout contents d'avoir pu jouer aussi bien contre cette très bonne équipe qui ravive les traditions du hockey russe. Nous avons agi intelligemment, nous avons eu le contrôle du palet, et nous avons eu l'avantage tactique, en empêchant les Russes d'avoir la possession du palet."

 

Russie - Suède 2-4 (1-1, 0-1, 1-2)

Vendredi 2 mai 2003 à 20h00 à l'Élysée Arena de Turku. 5721 spectateurs.

Arbitrage de Vladimír Sindler (TCH) assisté de Petr Blumel (TCH) et Valeri Goutsoulia (RUS).

Pénalités : Russie 22' (2', 8', 2'+10'), Suède 8' (0', 4', 4').

Tirs : Russie 20 (8, 7, 5), Suède 35 (8, 18, 9).

Engagements : Russie 33, Suède 28.

Évolution du score :

0-1 à 08'12" : Zetterberg assisté de Tärnström et Forsberg

1-1 à 18'29" : Grigorenko assisté de Khavanov et Datsyuk

1-2 à 33'28" : Höglund assisté de Zetterberg et D. Tjärnqvist

1-3 à 41'11" : Jönsson assisté de Nordström et Norström

2-3 à 43'36" : Kovalchuk assisté de Grigorenko

2-4 à 59'16" : M. Sundin assisté de Forsberg (cage vide)

 

Russie

Gardien : Maksim Sokolov (sorti de sa cage à 58'13" à 59'16").

Défenseurs : Aleksandr Khavanov - Dmitri Kalinin ; Vitali Proshkin - Dmitri Yerofeïev ; Vassili Turkovski - Sergueï Gusev ; Aleksandr Zhdan - Sergueï Vyshedkevich.

Attaquants : Ilya Kovalchuk - Pavel Datsyuk - Igor Grigorenko ; Aleksandr Frolov - Denis Arkhipov - Igor Saprykin ; Aleksandr Suglobov - Sergueï Zinoviev - Vladimir Antipov ; Sergueï Soïn - Aleksei Kaigorodov - Ivan Novoseltsev.

Remplaçant : Yegor Podomatsky (G). Surnuméraires : Aleksandr Guskov, Aleksandr Semin.

Suède

Gardien : Tommy Salo.

Défenseurs : Daniel Tjärnqvist - Dick Tärnström ; Ronnie Sundin - Magnus Johansson ; Mattias Norström - Thomas Rhodin ; Per Gustafsson.

Attaquants : Henrik Zetterberg - Peter Forsberg - Mathias Tjärnqvist ; Niklas Andersson - Mats Sundin - Per-Johan Axelsson ; Peter Nordström - Jörgen Jönsson - Jonas Höglund ; Mikael Renberg - Johan Davidsson - Mika Hannula ; Mathias Johansson.

Remplaçant : Henrik Lundqvist (G). Surnuméraires : Marcus Nilson (blessé), Niklas Kronwall.

 

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