Lettonie - Russie (4 mai 2003)

 

Championnats du monde 2003, deuxième tour, groupe F.

Le début de la compétition a pour l'instant été mi-figue mi-raisin pour la Russie, et on évoque de plus en plus le démantèlement de la "ligne NHL", c'est-à-dire le deuxième trio offensif, jusqu'ici le plus décevant. Changer les lignes, c'est quelque chose que l'on fait avec beaucoup de parcimonie en Russie, compte tenu de la grande tradition soviétique où les blocs devaient apprendre ensemble et progresser ensemble. Finalement, Plyushchev ne fait pas de révolution de palets, et se contente de faire une tournante sur la quatrième ligne pour utiliser les deux joueurs supplémentaires à disposition sans mettre toujours les mêmes au repos.

Le statu quo paraît suffisant pour l'équipe russe, qui ne devrait pas avoir de mal à battre la Lettonie en se contenant de jouer comme elle l'a fait jusqu'ici, sans que tout le collectif soit vraiment à la hauteur. En effet, l'équipe balte a des chances de qualification extrêmement minces depuis hier, puisqu'elle s'est trouvée à court d'énergie dans le troisième tiers-temps capital face aux Suisses. Le treizième anniversaire de l'indépendance de leur pays (4 mai 1990) suffira-t-il aux Lettons pour trouver des forces insoupçonnées face à l'ancien occupant, la Russie ?

De plus, ils ne peuvent plus compter sur leurs très chauds supporters. Ceux-ci étaient quatre mille cinq cents à suivre les rencontres du premier tour, ils ne sont plus maintenant que quelques centaines. N'y voyez aucune désaffection, mais simplement une question de budget et de moyens. Ces supporters peuvent programmer d'assister au premier tour, mais pas anticiper un deuxième tour sans savoir où leur équipe jouera (pour avoir vu la mine triste de quelques-uns d'entre eux à Cologne en 2001, alors que la Lettonie jouait au même moment la poule de relégation à Nuremberg, je les comprends), surtout dans un pays aussi cher que la Finlande.

Bref, pour la Lettonie, il faudrait un petit miracle. Tant qu'à tenter le tout pour le tout, il est logique de titulariser Arturs Irbe, gardien très inconstant, mais capable de dégoûter n'importe qui quand il est dans un grand jour. Et on comprend très vite que c'est le cas, dès la première minute de jeu, quand Datsyuk perce la défense et fait une passe magistrale à Kovalchuk, à qui Irbe dénie le but on ne sait trop comment alors qu'il est étendu sur la glace et a même perdu sa crosse.

Si Irbe a la baraka, le match peut devenir intéressant, d'autant que les Lettons ont d'autres atouts. Physiquement inférieurs aux Russes, ils parviennent à contourner leur défense par les ailes et à porter le danger plus souvent qu'à leur tour sur la cage de Podomatsky, dont les coéquipiers sont nerveux et concèdent des pénalités. La fougue de Kaïgorodov et Soïn permet ainsi aux Lettons de se retrouver à cinq contre trois en deuxième période, sans conséquences.

Tous les défauts de l'équipe russe sont comme cristallisés dans ce match, notamment une lenteur en zone neutre qui ne correspond pas à son jeu, et une grande difficulté à faire de longues passes précises. Difficile dès lors de mettre hors de position une équipe lettonne bien dans son match et sous contrôle. La seule ligne qui parvient à se sortir d'affaire est encore celle de Vladimir Antipov, qui est l'un des seuls à désarçonner ses adversaires et fait globalement un bon championnat du monde.

Dans l'ensemble, la Russie parvient enfin à établir sa domination au cours du deuxième tiers-temps, mais c'est le plus souvent par des actions individuelles. La meilleure occasion est pour Arkhipov, mais il ne parvient pas à reprendre avec assez de précision la passe parfaite de Frolov. Cela reste insuffisant, et comme souvent en de pareilles occasions, Plyushchev décide de passer à trois lignes pour le troisième tiers-temps, désignant ainsi les coupables condamnés au banc : Kaïgorodov, Suglobov et Saprykin, plus la quatrième paire de défenseurs.

Mais la reprise n'est pas du tout celle escomptée pour les Russes : beaucoup plus agressifs dans la conquête du palet, les Lettons assomment la première ligne russe et ouvrent le score en quinze secondes par Leonids Tambijevs. Le travail du jeune Aleksandr Frolov, sauvé du naufrage ce soir, permet d'égaliser sur la présence suivante. Mais la Russie s'incline finalement en toute logique, une succession d'erreurs défensives ouvrant le chemin du but décisif à Romanovskis.

Les Russes ne peuvent pas réagir, et ils n'ont de toute façon jamais réussi à effectuer une passe assassine ou un décalage intelligent en zone offensif. Hormis l'action de Frolov citée plus haut, seul Pavel Datsyuk a réellement distribué de bonnes passes, mais sa prestation globale est pourtant tout aussi médiocre que celle du reste de son équipe : son bilan aux mises au jeu est ainsi un pitoyable et inhabituel 2/17 ! Privée de palets, la première ligne pouvait difficilement créer du jeu, et cette seule statistique est symbolique de l'emprise qu'ont eu les Lettons sur ce match.

Comme à Saint-Pétersbourg il y a trois ans, la Russie concède une défaite humiliante contre des Lettons remontés à bloc. Mais cette défaite est beaucoup moins prévisible que la précédente, où l'équipe russe était déjà mal en point et n'avait qu'à être achevée. La formation de Plyushchev n'avait pas complètement convaincu, mais elle paraissait à l'abri d'un tel faux-pas.

L'intérêt de ce groupe est donc complètement relancé, et la place en quart de finale de la Russie peut maintenant être menacée par les Baltes. Malheureusement pour eux, Plyushchev ne leur a pas fait le cadeau de sortir son gardien en fin de match, ce qui aurait permis aux Lettons de devancer les Suisses en cas d'une éventuelle égalité à trois. Cette performance exceptionnelle risque donc de n'être pas suffisante pour la Lettonie, désormais contraints d'espérer que la Suisse puisse accrocher un point contre le Canada ou la Suède pour pouvoir éventuellement éliminer la Russie, ce qui constituerait un gigantesque coup de tonnerre.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Vladimir Plyushchev (entraîneur de la Russie) : "Il m'est difficile de commenter un match dans lequel l'arbitre n'a pas jugé de la manière requise. Je n'ai pas du tout compris ce qu'il faisait sur la glace. Tout le monde peut faire des erreurs, mais quand l'arbitre ne voit pas une bonne dizaine de fautes dans la troisième période. C'est comme face aux Suédois, je ne comprends pas pourquoi toutes ces erreurs arbitrales sont toujours en notre défaveur. Félicitations néanmoins à la Lettonie, à la fois pour sa victoire et pour le jour anniversaire de son indépendance."

Ilya Kovalchuk (attaquant de la Russie) : "Nous nous sommes mal conditionnés pour ce match, nous avons pris notre adversaire à la légère. Mais les Lettons se sont donnés à fond, comme si jouer était aussi essentiel pour eux que respirer. [Sachant que s'il avait marqué aujourd'hui pour le cinquième match consécutif, il aurait pu battre le record de la sélection russe :] Si on avait gagné, j'aurais probablement pu me concentrer sur ce record, mais je suis maintenant dans la confusion la plus totale. Je devrais repenser ma préparation d'avant-match, je n'avais plus de forces à la fin... Nous irons en quarts de finale, cela ne se discute même pas, que serions-nous venus faire ici sinon ? Demain, nous battrons les Canadiens."

Curt Lindström (entraîneur de la Lettonie) : "Nous avons eu la possession du palet et l'avantage territorial, et nous avons été très combatifs dans la zone adverse. Nous les avons aussi empêchés de forechecker et d'utiliser leur vitesse. Nous avons gagné la majorité des duels alors que nous avons un banc bien moins fourni. De plus, tous les joueurs ont cru à la victoire et n'ont pas baissé de rythme même quand les Russes ont égalisé."

Arturs Irbe (gardien de la Lettonie) : "La victoire de 2000 était plus forte, nous nous battions sur chaque palet comme si notre vie en dépendait. Aujourd'hui, le match a été plus plat. Les Russes nous ont d'abord sous-estimés et ont joué trop tranquillement. Puis, comme le score était toujours de 0-0 à la fin de la première période, ils ont senti qu'il fallait faire quelque chose. Mais nous avions déjà obtenu plusieurs occasions et nous avions pris confiance. Ils ont attaqué mes cages moins fréquemment que les Canadiens au tour précédent. Ils ne sont pas allés au rebond, ils n'ont pas fait d'écrans, j'ai pu voir tous les lancers et je pouvais facilement anticiper les situations."

 

Lettonie - Russie 2-1 (0-0, 0-0, 2-1)

Dimanche 4 mai 2003 à 20h00 à l'Élysée Arena de Turku. 4598 spectateurs.

Arbitrage de Wilhelm Schimm (ALL) assisté d'Ales Lesnjak (SVK) et Anton Semionov (EST).

Pénalités : Lettonie 6' (4', 0', 2'), Russie 10' (6', 4', 0').

Tirs : Lettonie 21 (8, 7, 6), Russie 30 (7, 13, 10).

Engagements : Lettonie 35, Russie 20.

Évolution du score :

1-0 à 40'15" : Tambijevs assisté de Kercs et Semjonovs

1-1 à 40'48" : Frolov assisté de Soïn

2-1 à 51'31" : Romanovskis assisté de Sorokins et Cubars

 

Lettonie

Gardien : Arturs Irbe.

Défenseurs : Atvars Tribuncovs - Arvids Rekis ; Krisjanis Redlihs - Karlis Skrastins ; Olegs Sorokins - Rodrigo Lavins ; Vents Feldmanis.

Attaquants : Aleksandrs Kercs - Aleksandrs Semjonovs - Leonids Tambijevs ; Aleksandrs Nizivijs - Aigars Cipruss - Aleksandrs Macijevskis ; Grigorijs Pantelejevs - Vjaceslavs Fanduls - Vadims Romanovskis ; Sergejs Cubars - Janis Sprukts - Aleksejs Sirokovs ; Girts Ankipans.

Remplaçant : Edgars Masalskis (G).

Russie

Gardien : Egor Podomatsky.

Défenseurs : Dmitri Kalinin - Aleksandr Khavanov ; Vassili Turkovski - Sergueï Gusev ; Vitali Proshkin - Dmitri Erofeïev ; Sergueï Vyshedkevich - Aleksandr Guskov.

Attaquants : Ilya Kovalchuk - Pavel Datsyuk - Igor Grigorenko ; Aleksandr Frolov - Denis Arkhipov - Igor Saprykin ; Aleksandr Suglobov - Sergueï Zinoviev - Vladimir Antipov ; Aleksandr Semin - Aleksei Kaigorodov - Sergueï Soïn.

Remplaçant : Maksim Sokolov (G). Surnuméraires : Aleksandr Zhdan, Ivan Novoseltsev.

 

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