Berne - Lugano (8 avril 2004)

 

Finale de la LNA suisse, quatrième manche.

Plus de 16000 personnes à la Bern Arena, une belle affluence au niveau européen pour une partie où les Ours bernois doivent relever la tête après leur dernière partie franchement décevante, face à des Luganais re-motivés, et pour tout dire donnés favoris de cette rencontre par le corps journalistique. La troupe de Larry Huras bénéficie du retour d'Olivier Keller, bien que celui-ci reste encore fragile pour jouer durablement toute la partie.

Au bout de vingt minutes, Lugano, avec trois buts d'avance, est déjà en ballottage favorable pour la suite de la finale. Rien n'est encore joué à cet instant de la partie mais les Tessinois ont alors montré un hockey plus prudent mais plus précis que celui de leurs adversaires bernois, bien moins efficaces. Ce premier tiers, tout comme le reste de la partie, est joué dans un registre bien plus animé que le match précédent, avec beaucoup d'engagement physique, de rapidité aussi, tout cela dans une ambiance, on l'imagine, assez chaude entre partisans adverses.

Berne met rapidement le feu aux poudres, bien aidé par une première supériorité, mais Lugano, en rupture, manque d'ouvrir les hostilités. Ce n'est que partie remise. Adrian Wichser, dans les instants qui suivent, contourne la cage de Marco Bührer et lance victorieusement dans la cage locale alors que le portier est masqué par sa défense (0-1 à 6'11"). Ce but n'assomme pas trop les Ours, qui ont élevé leur niveau de jeu, pressant un peu plus physiquement leurs adversaires, mais la première alerte bernoise vient suite à un tir violent de Sarault (8'29"), Lugano reste plus prudent, même s'ils sont obligés de recourir à des méthodes illicites pour freiner les initiatives d'un Christian Dubé idéalement lancé par Ivo Rüthemann. Le Canadien est gêné et, d'une main (l'autre étant retenue par Andreas Hänni), ne peut finir son action (10'35"). La supériorité est pourtant laborieusement exécutée et c'est même Lugano, toujours en rupture, qui envoie Sandy Jeannin buter sur Bührer (10'58"). Dans la foulée, les Tessinois sont de nouveau sanctionnés d'un surnombre, mais la double supériorité bernoise bute toujours sur une crosse adverse ou sur Ronnie Rüeger impeccable à bout portant face à Sébastien Bordeleau. Un manque de réalisme condamnable car Lugano va, lui, être impressionnant dans ce registre dans les minutes qui suivent. Installation dans le camp bernois, premier lancer et Ville Peltonen tente un spectaculaire contournement. Il est contré mais le palet revient vers Nummelin à la bleue qui lance vers la cage à Ryan Gardner, décentré et démarqué pour le 0-2 (15'21"). Les Bernois restent concentrés et répondent par un essai collectif qui frôle le poteau de Rüeger (15'44") avant que Lugano n'enfonce le clou sur une nouvelle supériorité, et un missile armé de Petteri Nummelin (18'17"). Le retour aux vestiaires peut paraître dur pour les locaux qui sont sans doute moins précis que leurs adversaires, mais l'écart au score ne représente pas réellement la physionomie de la partie, plutôt intense.

Pour les Ours, il faut revenir rapidement au score, Kent Ruhnke a échangé les postes de Bordeleau et Sarault, sans doute afin de disposer de deux grosses lignes plus présentes. Pourtant, les locaux mettent du temps à chauffer la machine, péchant encore en précision. Un premier break en infériorité de Sarault (24'22") voit le tir en cloche du Canadien buter derrière la transversale, puis c'est Bordeleau qui part en solo (25'52") avant que Hänni ne stoppe illicitement l'essai. Sur la supériorité, c'est pourtant Lugano qui manque d'aggraver le score par ses deux défenseurs les plus offensifs - poteau d'Hirschi (27'11'') puis contre de Nummelin (28'00"). Dès lors, Berne reprend le contrôle, Dubé lance de la bleue, et Bordeleau exploite enfin le rebond (29'11"). Les locaux revigorés écrasent alors progressivement leurs adversaires, les pressant dans leur moitié de terrain. À un essai d'André Rötheli au-dessus (30'14"), Lugano répond par un échange Gardner-Peltonen (30'55"). Mais dans l'ensemble, les Tessinois subissent de plus en plus le match, qui est très peu coupé par les arrêts de jeu, hormis sur des fautes. Lugano évolue d'ailleurs en infériorité quand Martin Steinegger envoie de la bleue mais le tir est repoussé (35'40"), ce n'est que partie remise, Dubé lance de nouveau de la bleue, le tir est repoussé par Rüeger qui, masqué par Bordeleau, ne peut contrer Rüthemann en embuscade (35'52"). L'ambiance devient alors survoltée dans l'arène, les partisans ressortent le costume de sixième homme pour mieux aider les leurs. Lugano parvient à rester dangereux par deux contres de Wichser (36'40") puis Lecompte (38'10"), mais Berne laisse de moins en moins de place au HCL, les vingt dernières minutes vont être palpitantes.

D'autant qu'après un nouveau début timide, Berne reprend les rênes, avec un tir de Rolf Ziegler sur lequel Rüeger s'en tire bien malgré une boulette-rebond (41'55"). Ronnie Rüeger laisse d'ailleurs de plus en plus de rebonds, et Ruhnke a dû demander à ses joueurs de tirer dès que possible sur le portier tessinois. C'est ainsi que Sarault en entrée de zone décoche un tir violent repoussé par l'épaule de Rüeger, mais le portier cherche le palet qui sera promptement catapulté au fond des filets par Marc Weber dans un plongeon énergique (44'37"). On ne donne alors plus cher de la peau de la troupe de Larry Huras, littéralement acculée dans sa zone face aux locaux de plus en plus déchaînés, sur ce cafouillis de Bordeleau devant Rüeger (47'14"), et ce malgré un déboulé d'Hirschi (47'45"), toujours sur une action en rupture, les Luganais évoluant rarement sur des actions collectives depuis déjà un bon moment. Berne pousse et bénéficie encore d'une grosse occasion quand Rüthemann lance idéalement Dubé, mais son tir est miraculeusement repoussé au-dessus de la barre transversale. C'est le tournant du match car Lugano reprend alors progressivement des couleurs, d'abord par Wichser qui exploite sans conséquences une mauvaise relance adverse (52'29"). Les esprits s'échauffent, notamment entre Sarault et "JJ" Aeschlimann, mais le match ne perd pas en qualité de jeu. Berne dépense ses dernières cartouches, encore une supériorité mal négociée malgré un nouvel essai de Bordeleau (55'33"). Lugano revient à cinq contre cinq, Rolf Schrepfer tente une nouvelle avancée mais négocie mal son dribble en zone neutre, erreur qui va se révéler "catastrophale" (selon l'expression de Paul-André Cadieux, entraîneur de Bâle et consultant télé pour l'occasion) car Nummelin part en contre et s'en va crucifier Bührer (56'59"). Dès lors, Lugano reste concentré derrière et gêne Berne qui parvient péniblement à sortir son gardien pour espérer arracher une prolongation. Hormis une déviation in extremis de Dubé (59'52"), le SCB a perdu sa détermination et par là même l'occasion de fêter un onzième titre chez lui.

Comparée au match précédent, la partie fut somptueuse, pour reprendre une expression journalistique. Énormément d'engagement physique (sans brutalité excessive pour autant), une avalanche d'occasions, des renversements de situation, ce fut un excellent match.

Berne a révélé un bien meilleur profil et paie cher un premier tiers brouillon, et surtout sa seule grosse erreur de la seconde moitié de match. "Seulement" trois blocs alignés, dont deux en majorité sur la glace pour mieux presser l'adversaire, mais encore pas mal de réalisme à travailler, notamment en supériorité, où les Ours ont peut être trop cherché à fignoler. L'ultime partie risque d'être plus ardue car les Bernois vont devoir se déplacer à la Resega, dans l'antre des Luganais, et surtout, ils ont perdu l'ascendant psychologique qu'ils avaient en menant deux victoires à zéro.

Les Tessinois, mine de rien, viennent de se relancer dans la finale après avoir perdu les deux premières manches (tout comme ils l'avaient fait en demi contre Zurich). Cependant, si leur victoire au troisième match ne souffrait d'aucune contestation, celle de ce soir est bien plus chanceuse, sinon opportuniste. Hormis un premier tiers plus précis que celui des bernois, les Luganais ont avant tout tenu le reste du match qu'ils n'avaient, après tout, pas à continuer de dominer. On a noté de belles facultés pour Wichser qui confirme, ainsi que celles de Nummelin, décidément l'homme fort du HCL. Une victoire acquise avec les tripes, c'est sans doute ce qu'on pourra retenir de ce match (et pas ce furtif doigt levé, rapidement suivi par un poing rageur, de Larry Huras au coup de sifflet final, face à la caméra... Le stress sans doute...)

Compte-rendu signé Stéphane Rault

 

Commentaires d'après-match

Christian Dubé (attaquant de Berne) : "La progression de Lugano est indéniable, ce serait une faute que de la nier. Mais les quarante dernières minutes ont montré que Berne existe encore et peut rivaliser même avec une équipe plus efficace et plus déterminée qu'au début de la série. Nous perdons ce match sur une faute de débutant, mais si nous avions concrétisé une seule occasion de plus, le championnat serait déjà fini. L'équipe qui fera le moins d'erreurs gagnera le match décisif. Inutile de parler de prouesses individuelles ou autres. Il sera question de ne pas prendre de pénalités, d'être disciplinés, patients, et de soigner chaque petit détail. Les chances de victoire, c'est du cinquante-cinquante, sans l'ombre d'un doute. Si nous jouons comme dans la troisième période de ce soir en fore-checkant leurs défenseurs, nous les battrons sans problème. Le hockey est un sport d'équipe, il n'y a pas de malédiction sur ma personne. Je n'ai jamais été champion ici, mais avant de venir en Suisse, j'ai déjà remporté des titres [champion du monde juniors avec le Canada]. Je sais quoi faire dans ce type de rencontres, je passe beaucoup de temps sur la glace, mais je ne peux pas tout faire."

Larry Huras (entraîneur de Lugano) : "En préparant ce match, nous avons longuement insisté sur toutes les choses qui allaient bien et qui étaient faites de la bonne façon, ce qui a permis à notre jeu de fonctionner correctement. Nous avons aussi demandé aux joueurs d'observer et même d'étudier un peu Berne pour voir s'il y avait de nouvelles incertitudes à exploiter. Tout s'est bien passé. Nous étions plus ou moins à égalité au nombre de tirs, mais la différence est que nous avons marqué. Nous avons peut-être eu un peu de réussite, mais nous savions que devions frapper de suite, parce que Sarault & co auraient été crescendo à partir de la deuxième période. C'est d'ailleurs ce qui s'est aussi passé ce soir. Nous avons trop baissé le barycentre de notre jeu au deuxième tiers-temps, et il était impératif de le remonter parce que nous ne sommes pas très bons dans cette configuration. L'idée était de balancer plus de palets derrière la cage et de remettre leur arrière-garde sous pression . En somme, pousser Berne à commettre des erreurs dans une zone plus chaude. Ensuite, Nummelin a fait le reste avec un but qui vient de son idée."

 

Berne - Lugano 3-4 (0-3, 2-0, 1-1)

Jeudi 8 avril à 20h00 au Resega de Lugano.

Arbitrage de Brent Reiber.

Pénalités : Berne 16' (6', 6', 4'), Lugano 22' (8', 10', 4').

Tirs : Berne 39 (9, 14, 16), Lugano 22 (8, 6, 8).

Évolution du score :

0-1 à 06'11" : Wichser

0-2 à 15'21" : Gardner assisté de Nummelin et Peltonen (sup. num.)

0-3 à 18'17" : Nummelin assisté de Peltonen (sup. num.)

1-3 à 29'11" : Bordeleau assisté de Dubé

2-3 à 35'52" : Rüthemann assisté de Dubé et Bordeleau (sup. num.)

3-3 à 44'37" : Weber assisté de Sarault

3-4 à 56'59" : Nummelin

 

Berne

Gardien : Marco Bührer.

Défenseurs : Sylvain Lefèbvre - Martin Steinegger (C) ; David Jobin - Rolf Ziegler ; Dominic Meier - Beat Gerber ; Marc Leuenberger.

Attaquants : Ivo Rüthemann - Christian Dubé - Yves Sarault (puis Bordeleau à 20'00") ; Marc Weber - Sébastien Bordeleau (puis Sarault à 20'00") - André Rötheli ; Rolf Schrepfer - Luca Cereda - Thomas Ziegler ; Alex Châtelain - Vjeran Ivankovic.

Remplaçants : Marc Eichmann (G), Steven Tschannen. Absents : Philippe Furrer (hanche), Patrik Juhlin (fracture du poignet), Philippe Wetzel (épaule), Caryl Neuenschwander (genou), Igor Chiriaev (étranger surnuméraire).

Lugano

Gardien : Ronnie Rüeger.

Défenseurs : Steve Hirschi - Petteri Nummelin ; Patrick Sutter - Noël Guyaz ; Ralph Bundi - Andreas Hänni.

Attaquants : Éric Lecompte - Ryan Gardner - Ville Peltonen ; Adrian Wichser - Flavien Conne - Sandy Jeannin ; Keith Fair - Jean-Jacques Aeschlimann - Andy Näser ; Krister Cantoni - Régis Fuchs - Raffaele Sannitz.

Remplaçants : David Bochy (G), Daniel Peer, Olivier Keller. Absents : Mark Astley (suspendu), Mike Maneluk (blessé), Mike Fountain (étranger surnuméraire).

 

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