Russie - Finlande (12 mai 2005)

 

Quart de finale des championnats du monde 2005.

Parcours très différent jusqu'ici pour la Russie, seule équipe invaincue du tournoi, et la Finlande, qui n'a pas encore réussi à battre le moindre "gros". Dans ces conditions, il est logique que la première passe à l'attaque et que la seconde adopte une posture défensive. Un but rapide de Petri Pakaslahti tout seul à deux mètres du but (0-1 à 07'34") ne fait que renforcer cette configuration, qui favorise les rapides contres finlandais. Niklas Hagman perce ainsi dans l'axe grâce à un une-deux avant de se heurter à Sokolov. Celui-ci encaisse un second but pendant que la domination russe reste stérile. Il dégage le rebond d'un tir de Jukka Hentunen mais le palet est contré par Denis Denisov et revient entre ses jambières (0-2 à 12'13"). Un "but contre son camp" cruel pour la Russie, qui se trouve dans la même situation que les Tchèques plus tôt dans la journée, menée de deux buts contre le cours du jeu et obligée de déployer son talent offensif à la merci des contres.

Jarkko Ruutu relance cependant les Russes bien malgré lui : il rate une réception de passe en zone neutre et permet à Aleksandr Ovechkin de partir à la cage et de réduire le score entre les jambières de Niklas Bäckström (1-2 à 16'03"). Le gardien finlandais n'a pas le temps de s'en remettre qu'il prend un but-casquette sur un tir de la bleue de Sergueï Gusev qui ne semblait même pas cadré et qu'il fait rentrer en le déviant de la mitaine (2-2 à 17'45"). Le scénario prend tout son sel si l'on se souvient que Gusev était censé ne plus jouer après sa blessure en première période contre les Tchèques (on pensait alors que Krikunov, qui avait choisi de prendre quatorze attaquants, devrait finir la compétition avec sept arrières), mais il est finalement revenu au jeu avec une protection spéciale à l'épaule ! Tout est à refaire pour la Finlande qui a dilapidé en deux erreurs un matelas si précieux. Mais qu'elle se rassure, ce match est complètement fou. Elle se retrouve en supériorité, et Kimmo Timonen marque de la bleue pendant que Maksim Sokolov penche la tête pour voir quelque chose, masqué qu'il est par son défenseur Aleksandr Karpovtsev, qu'il regarde avec dépit après ce troisième but encaissé en huit tirs (2-3 à 18'52").

Quel sera le gardien qui saura le mieux digérer psychologiquement ce premier tiers-temps ? Niklas Bäckström est bien mieux loti car il peut vite reprendre confiance grâce à de nombreux lancers russes. Maksim Sokolov, au contraire, est laissé avec ses doutes car il n'a plus aucun travail. Il doit maintenir sa concentration en restant froid pendant plusieurs minutes, puis a soudain très chaud au début d'une pénalité de Semin. Mais c'est la Russie qui marque en infériorité grâce à Pavel Datsyuk, qui tire du poignet entre les jambières de Nummelin et place le palet en lucarne (3-3 à 31'04"). Les Finlandais ont pourtant une belle occasion quand Jani Rita, en ratant son contrôle, attire Sokolov derrière la cage. Il donne alors en retrait à Jari Viuhkola dont le tir croisé frôle le poteau. Les attaquants russes sont de plus en plus impressionnants en patinage, et de plus en plus difficiles à contrôler pour la défense. Un léger accrochage de Peltonen, et Pavel Datsyuk a deux fois la cage ouverte pendant la supériorité numérique. La première fois il rate son tir, et la seconde... il casse sa crosse.

Le jeu se durcit au troisième tiers-temps. Le capitaine russe Alekseï Kovalev prend 2'+10' pour une charge dans le dos, et Hentunen est pénalisé pour un cross-check dans le dos de Datsyuk qui avait encore porté le danger devant la cage. Dans l'un et l'autre cas, les jeux de puissance ne concrétisent pas. La tension monte et le rythme de jeu, très haut pendant quarante minutes, descend. Markov est à son tour à deux doigts de remettre le palet dans ses propres filets, mais Maksim Sokolov dégage sur sa ligne d'un rapide réflexe de la jambière. Les Finlandais demandent à l'arbitre de consulter la vidéo, qui confirme qu'il n'y a clairement pas but. Cette fin de match est plus équilibrée, les Russes sont un peu moins gourmands offensivement, et on va tout droit à la seconde prolongation de la journée. Le public viennois en a décidément pour son argent.

C'est le quatrième match nul de suite pour la Finlande (!), mais dorénavant, on n'est plus en poule, et il va falloir trancher, dans un sens ou dans l'autre. À quatre contre quatre, les patineurs russes devraient s'engouffrer dans les espaces, mais ils jouent eux aussi la peur au ventre et restent prudents. Seuls un ou deux joueurs attaquent, et on s'en remet plus que jamais à des exploits individuels. Aleksandr Ovechkin (avec son beau costume de Bioman, force rouge, muni de sa désormais fameuse visière fumée) essaie de dribbler Karalahti, mais Jere le terrible ne s'en laisse pas compter et scotche finalement le jeune foie-tendre contre la bande tel un trophée à son tableau de chasse. Sans arrêts de jeu, mais aussi sans vraies occasions, la prolongation passe très vite et aboutit à l'inévitable dénouement : une nouvelle séance de tirs au but.

Petteri Nummelin cherche le tir bas mais Sokolov détourne de la jambière. Aleksandr Kharitonov déporte complètement Bäckström, mais son revers en angle fermé ne trouve que le poteau. C'est néanmoins déjà une bonne indication sur la suite. Ville Peltonen feinte bien vers la droite mais ne lève pas son palet, au contraire de Niklas Hagman et de Niko Kapanen qui vont au bout de leurs tentatives après des mouvements similaires. Mais entre-temps, Alekseï Yashin et Pavel Datsyuk a donné l'avantage à la Russie en dribblant aisément Bäckström. Le gardien finlandais est désemparé face aux techniciens russes qui se régalent les uns après les autres. Même le beau et inefficace Maksim Afinogenov n'a pas de problème de réalisme cette fois-ci. Olli Jokinen part sur le droite et se recentre mais se heurte à Sokolov. C'est fini. Les trois leaders finlandais (Nummelin, Peltonen et Jokinen), tous trois diminués par des blessures, ont raté. Mais dans cette séance où les Russes se sont amusés du pauvre Bäckström, les plus talentueux ont gagné de toute façon.

Élus meilleurs joueurs du match : Maksim Afinogenov pour la Russie et Jani Rita pour la Finlande.

Compte-rendu signé Marc Branchu / photos Francis Larrède

 

Commentaires d'après-match

Vladimir Krikunov (entraîneur de la Russie) : "Le match a plus mal commencé que d'habitude. Notre défenseur Denisov a vécu une journée noire, il est rare de voir un joueur marquer deux buts contre son camp dans un même match. Néanmoins, les joueurs sont restés calmes et ont su vite revenir au score. Merci à Pavel Datsyuk pour son superbe but. Ensuite, c'était au premier qui marquerait. En prolongation, il faut des joueurs rapides à quatre contre quatre, c'est pourquoi Kovalev est resté sur le banc. La liste des tireurs, je l'avais composée à 14h, trois heures avant de réunir l'équipe. Le cinquième prévu était Kovalev, et le sixième en cas de besoin était Semin. La liste s'arrêtait là. Les consignes étaient claires. Il faut contourner le gardien, pas tirer. [...] Dans notre équipe, il n'y a pas de titulaires indiscutables, à part peut-être Datsyuk et Sokolov."

Maksim Afinogenov (meilleur joueur de la Russie) : "Je savais ce que j'allais faire. J'ai décidé de feinter le gardien, car il s'était un peu avancé. J'ai feinté, Bäckström s'est déplacé vers la droite, et j'ai brutalement obliqué vers la gauche pour tirer dans la cage ouverte. C'est ma feinte préférée. Le gardien avait très bien joué dans les deuxième et troisième tiers-temps. Nous y avons fait tout ce que nous avons pu, je dirais même que nous y avons écrasé les Finlandais, mais nous n'avons pas pu concrétiser nos occasions. La réussite que nous n'avons pas eu pendant le match est apparue aux tirs au but."

Erkka Westerlund (entraîneur de la Finlande) : "Je félicite la Russie de sa victoire et de sa qualification en demi-finale. Je ne suis pas capable pour l'instant d'analyser ce match, mais je suis fier de mon équipe. J'avais eu une seule requête envers mes joueurs : se donner entièrement. Ils l'ont fait. Il n'y a rien à redire sur le mode d'élimination, puisque l'adversaire a été plus fort. Oui, j'avais pensé à changer de gardien avant les tirs au but. Vous avez vu ma décision..."

 

Russie - Finlande 3-3 (2-3, 1-0, 0-0, 0-0) / 3-2 aux tirs au but

Jeudi 12 mai à 20h15 à la Stadthalle de Vienne. 7530 spectateurs.

Arbitrage de Brent Reiber (SUI/CAN) assisté de Petr Blumel (TCH) et Derek Doucette (CAN).

Pénalités : Russie 6' (4', 0', 2'), Finlande 14' (6', 4', 4').

Tirs : Russie 42 (14, 12, 9, 7), Finlande 27 (8, 7, 8, 4).

Évolution du score :

0-1 à 07'34" : Pakaslahti assisté de Karalahti et Rita

0-2 à 12'13" : Hentunen (sup. num.)

1-2 à 16'03" : Ovechkin assisté d'Afinogenov et Ryazantsev

2-2 à 17'45" : Gusev assisté de Kovalev (sup. num.)

2-3 à 18'52" : Timonen assisté d'O. Jokinen et Peltonen (sup. num.)

3-3 à 31'04" : Datsyuk (inf. num.)

Tirs au but :

Finlande : Nummelin (arrêté), Peltonen (arrêté), Hagman (réussi), Kapanen (réussi), O. Jokinen (arrêté).

Russie : Kharitonov (poteau), Yashin (réussi), Datsyuk (réussi), Afinogenov (réussi).

 

Russie

Gardien : Maksim Sokolov.

Défenseurs : Andreï Markov - Sergueï Vyshedkevich ; Dmitri Kalinin - Dmitri Gusev ; Denis Denisov - Aleksandr Karpovtsev ; Vitali Proshkin - Aleksandr Ryazantsev.

Attaquants : Aleksandr Kharitonov - Pavel Datsyuk - Alekseï Kovalev (C) ; Ilya Kovalchuk - Sergueï Zinoviev - Viktor Kozlov ; Aleksandr Semin - Alekseï Yashin - Vladimir Antipov ; Aleksandr Ovechkin - Evgueni Malkin - Maksim Afinogenov.

Remplaçant : Sergueï Zyvagin (G). Absents : Ivan Nepryaev, Fedor Fedorov (surnuméraires).

Finlande

Gardien : Niklas Bäckström.

Défenseurs : Kimmo Timonen - Jere Karalahti ; Antti-Jussi Niemi - Petteri Nummelin ; Lasse Kukkonen - Ossi Väänänen ; Toni Soderholm.

Attaquants : Ville Peltonen - Olli Jokinen - Tomi Kallio ; Timo Pärssinen - Niko Kapanen - Jukka Hentunen ; Niklas Hagman - Jussi Jokinen - Jari Viuhkola ; Jarkko Ruutu - Petri Pakaslahti - Jani Rita ; Kimmo Eloranta.

Remplaçant : Pasi Nurminen (G). Absents : Fredrik Norrena (blessé), Pekka Saravo, Riku Hahl.

 

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