Suède - Russie (16 février 2006)

 

Jeux Olympiques de Turin 2006, groupe B.

Après leur défaite initiale contre la Slovaquie, les Russes ne peuvent pas se permettre de perdre face à des Suédois entrés tranquillement dans le tournoi contre le Kazakhstan. L'enjeu est important, ce qui explique que le round d'observation soit long. Du hockey propre, équilibré, mais prudent, avec deux bons gardiens. Contrainte à défendre pendant deux pénalités de Maksim Afinogenov, la Russie commence à prendre goût à s'installer en zone offensive après une prison de Bäckman, mais elle abuse de passes transversales en zone offensive et se fait prendre en contre. Ça va très vite dans la zone russe, de Jörgen Jönsson à Alfredsson, Öhlund puis Mats Sundin devant qui Evgueni Nabokov réalise un excellent arrêt sur une des rares vraies occasions du tiers. Le gardien de San José fait déjà meilleure impression que Bryzgalov hier. C'est qu'il était attendu, ce premier match en équipe de Russie de l'ancien international junior du Kazakhstan. Après de longues années de patience pour que l'IIHF autorise son "changement de nationalité", puis des blessures qui lui ont fait manqué tous les rendez-vous avec la sélection depuis deux ans, on commençait à se demander si Nabokov porterait vraiment le maillot russe un jour.

Le deuxième tiers-temps démarre dans la même configuration, attendant un but pour débloquer la situation. Malkin et Sushinsky sont excellents en infériorité pendant que leur coéquipier Kharitonov purge une prison. Après un peu plus de six minutes, Nabokov enraye une bonne action des frères Sedin, et sur la contre-attaque, Christian Bäckman fait trébucher Frolov. Cette seconde pénalité du défenseur de Saint-Louis est de trop, car le capitaine russe Alekseï Kovalev marque d'un lancer puissant alors que Pavel Datsyuk a parfaitement masqué Henrik Lundqvist au départ du palet (0-1 à 27'13"). Moins d'une minute plus tard, Lundqvist repousse un tir de l'enclave d'Alekseï Yashin, et Samuel Påhlsson est encore en train de chercher où le palet a rebondi qu'Ovechkin l'a déjà envoyé entre ses jambes (0-2 à 28'05"). La Suède n'est pas encore découragée, et elle sait pouvoir compter sur son gardien, magistral face à un 2 contre 1 des deux ailiers du Dynamo. Maksim Sushinsky rentre au banc tout penaud, éberlué de l'arrêt de Henrik Lundqvist. Les affaires de la Tre Kronor se compliquent avec deux pénalités consécutives. Elle passe près de la correctionnelle quand, après une première tentative de Kharitonov, le rebond est placé par Evgueni Malkin sur l'extérieur du poteau. Si la nervosité du capitaine est le thermomètre de son équipe, alors c'est mauvais signe pour la Suède. Après avoir déjà eu maille à partir avec Kasparaitis et Ovechkin au premier tiers-temps, Mats Sundin en vient maintenant aux mains avec Vishnevski. À une minute de la pause, c'est le coup de grâce. Sergueï Zhukov reçoit le palet en sortie de prison et le laisse intelligemment derrière lui à Malkin pour que celui-ci délivre une superbe passe à destination de Sushinsky. Celui-ci redirige la rondelle dans la cage pour un - magnifique - but 100% Superliga russe (0-3 à 38'58").

Le capitaine suédois Mats Sundin montre la voie au retour des vestiaires en fonçant vers la cage. Un peu trop, d'ailleurs, car si Hannula a ensuite poussé le palet au fond, le but est logiquement refusé car Nabokov a été percuté par l'homme au n°13. Sundin prend même deux minutes de pénalité en supplément. La supériorité ne donne rien car les passes près de la cage ne trouvent pas preneur. De retour à égalité numérique, Mats Sundin et Henrik Zetterberg mettent le feu dans la défense russe, provoquant une faute de Yashin. Non seulement cette pénalité est tuée, mais en plus Samuelsson se fait sanctionner dans la foulée pour avoir chargé Korolyuk par derrière. Le temps passe et ces trop nombreuses pénalités rendent la mission suédoise impossible. Plus que dix minutes, et une mauvaise perte de palet de Henrik Sedin en zone neutre permet à Frolov de servir Kozlov pour une parfaite reprise (0-4 à 50'31").

Quatre buts par quatre lignes différentes : quel meilleur signe de la valeur de l'équipe russe quand elle tourne à plein régime ! Les blocs ont été jusqu'à respecter l'ordre de préséance dans leurs réalisations... Mais vous connaissez Afinogenov : il faut qu'il la joue perso. Au lieu de se satisfaire de cette répartition équitable des buts entre toutes les composantes du kolkhoze, ce petit-bourgeois se met en tête de marquer "son" but. Et quand il est lancé en quittant le banc de la prison, personne ne risque de le rattraper. Il glisse donc le palet du revers entre les jambières de Lundqvist (0-5 à 50'31"). La Suède est démoralisée et attend la fin.

Evgueni Nabokov fête donc sa première sélection par un blanchissage. Après s'être fait longtemps désirer, il a peut-être conquis d'emblée le public russe. Ce match restera gravé dans les mémoires, comme l'une de ces prestations ébouriffantes dans seule la Russie est capable. Elle paraît invincible quand elle euphorique sur certaines phases, mais ce n'est pas vraiment dans ce genre de larges victoires qu'on l'attend. C'est quand elle est en difficulté qu'elle doit prouver sa valeur, pas quand elle s'est détachée et que tout lui réussit.

C'est pour cela qu'il est un peu trop tôt pour tirer les enseignements de ce match. Comme les Russes l'ont fait cette nuit, les Suédois auront le temps de se remettre de cette défaite une fois qu'ils auront récupéré leur star Peter Forsberg (même si un journaliste de Philadelphie a lancé une rumeur - démentie - selon laquelle il s'apprêterait à quitter Turin). La Suède attend quand même toujours que les deux stars de NHL que sont Nicklas Lidström et Daniel Alfredsson, qui ont eu beaucoup de déchet aujourd'hui, jouent bien mieux que ça en équipe nationale. Mais elle est bien placée pour savoir qu'une bonne baffe en début de tournoi vaut peut-être finalement mieux qu'une subite désillusion en quart de finale.

Une chose est sûre cependant : la Russie aura désormais un avantage psychologique certain sur la Suède. Celle-ci avait déjà de mauvais souvenirs de Vladimir Krikunov, qui était l'entraîneur du Bélarus en 2002, et ça ne va pas s'arranger. Avec le match pour la troisième place des derniers championnats du monde, cela fait deux fois de suite que la Russie réalise une véritable démonstration en compétition officielle face à la Tre Kronor. Mais que celle-ci ne s'en fasse pas trop pour ça : pour qu'elle retrouve les Russes plus tard dans la compétition, il faut déjà qu'elle passe un autre écueil psychologique, celui du quart de finale olympique.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaire d'après-match

Vladimir Krikunov (entraîneur de la Russie) : "Après la défaite contre la Slovaquie, nous avons dû changer de tactique et jouer un peu différemment. Mais le plus important est que nous ayons changé de gardien. Maintenant je suis prêt à reconnaître que c'était mon erreur, faire confiance à Bryzgalov hier. [...] La vraie équipe de Russie n'est ni celle vue hier ni celle vue aujourd'hui. Vous n'avez pas encore vu la vraie équipe de Russie."

Bengt-Åke Gustafsson (entraîneur de la Russie) : "Nous avons rencontré une équipe splendide. Dès que la Russie a mené au score, elle ne nous a pas laissés retrouver notre jeu. Elle a pressé le porteur du palet. Bien qu'ils aient eu plus de pression que nous après leur défaite initiale, les Russes ont joué ce match à un niveau stupéfiant. Je ne peux pas reprocher à mes joueurs d'avoir été défaillants dans leurs efforts, mais ce n'était pas notre jour : les rebonds du palet ne nous étaient pas favorables. Mais ce n'est pas qu'une question de chance. La Russie était largement meilleure et a mérité sa victoire."

 

Suède - Russie 0-5 (0-0, 0-3, 0-2)

Jeudi 16 février 2006 à 16h05 au Palasport Olimpico de Turin. 8545 spectateurs.

Arbitrage de Don Van Massenhoven (CAN) assisté de Petr Blümel (TCH) et Steven Michael Miller (CAN).

Pénalités : Suède 20' (6', 8', 6'), Russie 16' (6', 6', 4').

Tirs : Suède 24 (9, 9, 6), Russie 32 (8, 11, 13).

Évolution du score :

0-1 à 27'13" : Kovalev assisté de A. Markov

0-2 à 28'05" : Ovechkin assisté de Yashin

0-3 à 38'58" : Sushinsky assisté de Malkin et Zhukov

0-4 à 50'31" : Kozlov assisté de Frolov et Korolyuk

0-5 à 54'04" : Afinogenov assisté de Datsyuk

 

Suède

Gardien : Henrik Lundqvist.

Défenseurs : Christian Bäckman - Kenny Jönsson ; Nicklas Lidström - Mattias Öhlund ; Daniel Tjärnqvist - Ronnie Sundin ; Niclas Hävelid.

Attaquants : Fredrik Modin - Mats Sundin (C) - Daniel Alfredsson ; Tomas Holmström - Henrik Zetterberg - Jörgen Jönsson ; Daniel Sedin - Henrik Sedin - Mikael Samuelsson ; Per-Johan Axelsson - Samuel Påhlsson - Mika Hannula.

Remplaçant : Mikael Tellqvist (G).

Russie

Gardien : Evgeni Nabokov.

Défenseurs : Andreï Markov - Daniil Markov ; Darius Kasparaitis (A) - Sergei Gonchar ; Fedor Tyutin - Anton Volchenkov ; Vitali Vishnevsky - Sergei Zhukov.

Attaquants : Ilya Kovalchuk - Pavel Datsyuk - Alekseï Kovalev (C) ; Aleksandr Ovechkin - Alekseï Yashin (A) - Maksim Afinogenov ; Aleksandr Kharitonov - Evgeni Malkin - Maksim Sushinsky ; Aleksandr Frolov - Viktor Kozlov - Aleksandr Korolyuk.

Remplaçant : Maksim Sokolov (G).

 

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