Finlande - Russie (24 février 2006)

 

Demi-finale des Jeux Olympiques de Turin 2006.

La Suède attend avec impatience son adversaire : la Finlande (pour le derby des derbys) ou la Russie (qui ne lui réussit pas) ? Ce sont de l'avis général les deux équipes qui ont le plus impressionné dans ce tournoi, mais il n'y aura qu'un vainqueur dans cette finale avant la lettre.

Du fait de la suspension de Malkin, et comme il l'avait fait à la fin du quart de finale, Aleksandr Ovechkin, qui prend avec plaisir ce temps de glace supplémentaire, est aligné sur deux blocs différents ce soir, le deuxième et le quatrième. La place de Malkin sur la troisième ligne est prise par Andreï Taratukhin, qui veut prouver immédiatement qu'il a sa place parmi les grands avec une rude charge sur la montagne Berg.

Face à la Finlande modèle de discipline, les Russes n'ont pas le droit à la moindre incartade. Petites fautes, lourdes conséquences... Obstruction de Gonchar sur Kapanen : un tir de la bleue de Timonen est dévié par Ville Peltonen, l'attaquant de Lugano qui confirme sa réputation de buteur dans les matches importants (1-0 à 06'13"). Sushinsky accroche Peltonen : cette fois c'est Olli Jokinen qui passe très près du deuxième but. La pénalité finlandaise contre Ruutu donne au contraire le loisir d'apprécier de nouveau le travail en infériorité de Laaksonen. Chacun vient défier l'adversaire sur son terrain : la Russie n'hésite pas à malmener physiquement les Finlandais, mais ceux-ci a contrario ne se privent pas de provoquer en un contre un comme les Russes savent le faire. Saku Koivu fait ainsi un petit pont à Vishnevski pour sortir du coin et venir à la cage. La Finlande domine son sujet et ses deux premières lignes offensives ne passent pas une présence sans se créer une occasion. Nouvel exemple, ce tir contré de Peltonen qui lobe Nabokov et retombe juste sur la transversale. La Russie de son côté n'a été menaçante que sur des accélérations solitaires en puissance d'Ovechkin. Incapable pour sa part de rééditer sa performance du quart de finale, Kozlov prend une pénalité dans les dernières secondes du tiers-temps.

Les fautes finlandaises ne seront pas nombreuses et la Russie se doit d'en profiter. Après sept minutes de jeu en deuxième période, Antti Laaksonen mord à la feinte de lancer d'Andreï Markov, se fait contourner et est pris à la faute. Le jeu de puissance russe est inefficace avec des lancers même pas cadrés de Sergueï Gonchar. Au retour à égalité numérique, un palet renvoyé vers l'enclave du revers par Saku Koivu est repris instantanément par Tony Lydman (2-0 à 29'33"). C'est du jeu très direct, mais avec un souci d'utilité collective, ce qui manque dans les tentatives russes unidimensionnelles. Le réserviste Ivan Nepraïev (qui remplace Korolyuk blessé) accroche Hagman. On ne saurait lui reprocher cette pénalité "utile" car le Finlandais était en bonne position, mais le résultat est là. C'est le troisième but finlandais, mélange de chance et de volonté. Saku Koivu, rageur, met au fond avec le tibia un palet qui a rebondi contre la bande (3-0 à 33'51"). Jarkko Ruutu fait trébucher Kharitonov à la bleue, et il est rejoint en prison par son capitaine Koivu vingt secondes plus tard. Cette double supériorité numérique est l'occasion que les Russes ne peuvent se permettre de manquer. Pauvres en créativité, ils prennent des lancers... et les Finlandais dégagent systématiquement les rebonds. De retour à égalité numérique, les dernières minutes sont un calvaire pour la Russie, asphyxiée.

Il faut tenter quelque chose en troisième période. Krikunov le sait et intervertit les positions de Kovalchuk et Ovechkin. Pour sa première présence sur la première ligne, Aleksandr Ovechkin met beaucoup d'agressivité avec deux mises en échec. Il a incontestablement réussi à se mettre en valeur personnellement dans ce tournoi olympique, mais peut-il aider la Russie en panne de collectif ? Elle n'arrive pas à faire plier les deux lignes "défensives" finlandaises, et face aux deux lignes "offensives", la punition est la même... avec la contre-attaque en plus. Une passe sans intérêt de Kovalchuk en zone offensive est interceptée, Ville Peltonen part en contre-attaque et délivre une excellente passe à son partenaire de ligne Olli Jokinen qui piège Nabokov par un tir bas (4-0 à 49'17"). Ilya Kovalchuk n'arrange pas son cas avec deux fautes sur la même action et laisse son équipe dans la mouise. On compatit alors aux malheurs de Darius Kasparaitis qui dévie avec sa propre crosse un lancer d'Olli Jokinen en plein vers son menton. Le pauvre reviendra vite sur la glace... pour prendre lui aussi 2'+2'. Plus de sept minutes consécutives d'infériorité numérique pour une équipe qui n'a plus de temps à perdre pour revenir au score ! Une équipe qui a baissé les bras depuis longtemps...

Certes, la blessure de Korolyuk et la suspension de Malkin ont gêné la Russie en ruinant l'équilibre entre ses quatre lignes. Mais le problème de fond est plus récurrent. La Russie a fait le spectacle en début de tournoi, mais elle n'a plus tenté la moindre combinaison offensive dans ces matches importants. Quand la situation devient plus compliquée, chacun se remet à patiner tout droit en espérant sauver tout seul la patrie. Cela a fonctionné une fois, pas deux. Car la Finlande était mieux organisée, plus confiante et plus disciplinée que le Canada.

C'est le troisième blanchissage pour Antero Niitymäki dans ce tournoi et le cinquième au total pour cette équipe de Finlande si solide que la perte sur blessure d'un défenseur important - Sami Salo - ne s'est même pas fait ressentir. Emmenée par un capitaine débordant d'énergie, Saku Koivu, cette équipe dégage une assurance de plus en plus insolente. Si les Russes n'ont rien fait, c'est peut-être aussi parce qu'elle les a privés de palet. Les Finlandais ont en effet archi-dominé les mises au jeu, et leur duel face aux centres suédois, les meilleurs du tournoi aux engagements, vaudra le détour en finale.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Jarkko Ruutu (attaquant de la Finlande) : "Je pense que nous avons joué beaucoup de matches parfaits ici. Tout est dans le jeu collectif, le système. De la première à la quatrième ligne, aucun joueur n'est égoïste. La faiblesse de la Russie est d'avoir beaucoup de talent individuel, mais de ne pas jouer collectivement. Quand elle joue contre une bonne équipe comme nous l'avons été pendant tout le tournoi, ça fait la différence. On récupère les palets et on les exploite, on ne s'occupe pas de qui marque. Tout ce qui nous importe, c'est la victoire."

Saku Koivu (attaquant de la Finlande) : "Cela remonte à bien longtemps quand nous étions sous le joug suédois. Nous avons toujours tendance à penser qu'ils sont meilleurs que nous. Nous les avons affrontées si souvent pendant tant d'années. Chaque pays a un adversaire qu'il veut battre, et pour nous, c'est la Suède. Les premiers souvenirs de hockey, ce sont les matches que l'on regarde avec son père, et celui qu'on se rappelle, c'est Suède-Finlande. [...] Beaucoup n'ont pas voulu jouer pour notre pays parce qu'ils pensaient que l'on n'irait nulle part. Je pense que nous avons montré qu'avec vingt types ensemble, de belles choses peuvent se produire."

Vladimir Krikunov (entraîneur de la Russie) : "Malheureusement, les joueurs avaient disputé leur finale contre le Canada. Il ne leur restait plus d'énergie, et ils n'ont pas pu forcer le verrou défensif finlandais. La suspension de Malkin nous a privés d'une ligne et Korolyuk nous aurait été utile. À part un peu Datsyuk et Ovechlkin par sa technique, personne n'a rien montré. Ni les défenseurs ni les attaquants. Chaque ligne a encaissé un but. Kovalchuk ne m'a pas déçu, je le connais, il joue toujours comme ça. Sur une grande glace, il faut travailler plus. En NHL aussi, d'ailleurs, vous avez vu son +/- ? Yashin a perdu huit engagements en première période : avec la fatigue, la vitesse de réaction diminue. Même Nabokov n'était plus très frais, je vous avouerais que j'ai songé à le remplacer à 2-0, même si aucun but n'est vraiment pour lui. [...] En jeu de puissance, ils mettent deux joueurs devant la cage, nous en mettons deux des nôtres, et du coup le gardien ne voit plus rien. Il faudrait les écarter, mais surtout il faudrait prendre moins de pénalités. Nous avons eu le temps d'étudier tactiquement les Finlandais, mais nous n'avions pas la mobilité nécessaire pour les battre. À la pause, j'ai dit aux joueurs de simplifier leur jeu au maximum. Sans fraîcheur, il faut jouer un hockey plus pragmatique, prendre un lancer avec un deuxième joueur qui va à la cage, mais on l'a mal fait. [...] Si elle joue comme ce soir, la Finlande peut gagner. Mais elle fait un complexe contre la Suède. C'est comme les Slovaques quand ils ont appris qu'ils joueraient les Tchèques en quart de finale. [...] Je quitterai la sélection après les championnats du monde. Mon club me presse et sa situation est difficile."

 

Finlande - Russie 4-0 (1-0, 2-0, 1-0)

Vendredi 24 février 2006 à 21h05 au Palasport Olimpico de Turin. 8702 spectateurs.

Arbitrage de Don Van Massenhoven (CAN) assisté de Milan Masik (SVK) et Anthony Sericolo (USA).

Pénalités : Finlande 8' (2', 6', 0'), Russie 16' (6', 2', 8').

Tirs : Finlande 30 (11, 10, 9), Russie 21 (9, 10, 2).

Évolution du score :

1-0 à 06'13" : Peltonen assisté de Timonen (sup. num.)

2-0 à 29'33" : Lydman assisté de S. Koivu

3-0 à 33'51" : S. Koivu assisté de Timonen et Selänne (sup. num.)

4-0 à 49'17" : O. Jokinen assisté de Peltonen et Kapanen

 

Finlande

Gardien : Antero Niittymäki.

Défenseurs : Kimmo Timonen - Teppo Numminen ; Petteri Nummelin - Toni Lydman ; Aki-Petteri Berg - Antti-Jussi Niemi.

Attaquants : Jere Lehtinen - Saku Koivu (C) - Teemu Selänne ; Ville Peltonen - Olli Jokinen - Jussi Jokinen ; Ville Nieminen - Niko Kapanen - Niklas Hagman ; Jarkko Ruutu - Mikko Koivu - Antti Laaksonen.

Remplaçants : Fredrik Norrena (G), Lasse Kukkonen, Jukka Hentunen. Absent : Sami Salo (blessé à l'épaule en quart de finale, remplacé par Kukkonen).

Russie

Gardien : Evgeni Nabokov.

Défenseurs : Andreï Markov - Daniil Markov ; Fedor Tyutin - Anton Volchenkov ; Darius Kasparaitis (A) - Sergei Gonchar ; Vitali Vishnevsky - Sergei Zhukov.

Attaquants : Ilya Kovalchuk [puis Ovechkin à 40'00"] - Pavel Datsyuk - Alekseï Kovalev (C) ; Aleksandr Ovechkin [puis Kovalchuk à 40'00"] - Alekseï Yashin (A) - Viktor Kozlov ; Aleksandr Kharitonov - Andreï Taratukhin - Maksim Sushinsky ; [Ovechkin puis Kovalchuk à 40'00"] - Ivan Nepryaev - Maksim Afinogenov.

Remplaçant : Maksim Sokolov (G). Absents : Evgeni Malkin (suspendu), Aleksandr Korolyuk (adducteurs, remplacé par Nepryaev).

 

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