Championnats du monde 2006, deuxième tour, groupe E.

Shanahan avait déclaré que ce match serait un test et une expérience à vivre pour ces jeunes coéquipiers. Il va effectivement devenir une drôle d'expérience d'un environnement hostile...

L'arbitre désigné est M. Looker, qui avait déjà tendance à siffler pas mal avec les nouvelles consignes. En mode tolérance zéro, donc, il est logique qu'il ne laisse plus rien passer (voir les commentaires désabusés de Sannitz après Suisse-Italie). Si les Lettons veulent avoir une chance, on comprend très vite qu'ils doivent y faire très attention, car un premier échange de pénalités donne sans surprise une impression favorable au Canada où la crosse magique de Crosby paraît capable de faire des merveilles à tout moment.

Derrière la cage canadienne, Herberts Vasiljevs accroche Trevor Daley qui n'est plus vraiment partie prenante de l'action car la relance a déjà commencé. Cette pénalité sévère est lourde de conséquences, punie d'un lancer balayé de Brad Stuart que Jason Williams dévie entre les jambières de Naumovs grâce à l'écran de Shanahan (0-1, 05'41"). Darzins accroche Crosby, encore à distance du palet. Puis la jeune star remonte encore la patinoire et le peu mobile Astasenko l'attend en zone neutre en préparant un chausse-trappes logiquement sanctionné. À cinq contre trois, la pression sur Naumovs envoie le palet dans les filets, mais l'arbitre avait sifflé avant. Ce n'est que partie remise, car quelques secondes plus tard, une reprise en cage ouverte de Crosby sur un excellent service de Williams ne laisse aucune chance au gardien (0-2, 08'49"). Alors, impressionnés par l'ambiance, les jeunes Canadiens ? Pas vraiment. Au contraire, Sidney Crosby illumine la glace à chacune de ses apparitions par sa maîtrise du palet.

Ce sont plutôt les Baltes qui sont à la peine. C'est encore une supériorité numérique qui amène le troisième but, un tir du poignet en lucarne de Brad Boyes (0-3, 14'40"). Naumovs, encore en difficulté sur une sortie derrière sa cage, est sorti par Martins Raitums. Celui-ci est immédiatement accueilli par... une nouvelle pénalité de Rekis. Le jeune gardien sert de barycentre au parfait jeu en triangle canadien. Crosby et Boyes en forment la base derrière le but, et Patrice Bergeron le troisième sommet qui trompe le gardien à mi-hauteur côté plaque (0-4, 17'43").

L'obstruction de Stals de Pettinger sur la mise au jeu est la goutte qui fait déborder le vase des supporters lettons. Des milliers de pouces baissés sanctionnent M. Looker, et des objets variés - dont une chaussure - tombent sur la glace. La bronca dépasse les 100 décibels de façon permanente, et la fédération canadienne a bien fait d'équiper les familles des joueurs de boules quiès pour leurs oreilles ! L'arbitre renvoie tout le monde aux vestiaires avec deux minutes d'avance pour faire nettoyer la glace (18'00").

Dans ce deuxième tiers-temps de vingt-deux minutes, la Lettonie bénéficie de sa première supériorité numérique complète pendant un cinglage de Schultz, mais elle n'en profite. Et après un autre coup de crosse de Saviels, c'est au contraire le Canada qui creuse l'écart quand Jason Williams feinte un joueur et sert du revers son capitaine Brendan Shanahan devant la cage (0-5, 25'58"). Les Baltes paraissent quand même retrouver des couleurs et se procurent plusieurs rebonds dangereux en fin de période.

La berezina n'en est que plus rapide au troisième tiers-temps. Il est à peine commencé qu'une une reprise directe de Jeff Carter passe entre les jambières de Raitums (0-6, 40'24"). Inédit : c'est la première fois de la soirée que le Canada marque à égalité numérique, en l'occurrence à quatre contre quatre. C'est par contre à cinq contre trois qu'arrive le but suivant, une passe transversale devant la cage de Metropolit pour Pettinger alors que Tribuncovs baille aux corneilles (0-7, 41'18"). La Lettonie n'y est plus du tout, et le duo d'avenir des Flyers de Philadelphie est à la parade : Jeff Carter centre pour Mike Richards, et de huit (0-8, 42'24").

Le capitaine letton Aleksandrs Semjonovs commet un cinglage sur Crosby, une des fautes les plus indiscutables de toutes, mais les tribunes ne l'ont pas forcément vue, et la dangereuse pluie de pièces recommence. Au total, on aura ramassé ce soir l'équivalent de 17 lats - plus de vingt euros - en menue monnaie sur la glace de la Riga Arena. De nouveau, après de longs palabres, l'arbitre ordonne aux équipes de regagner leurs vestiaires. Quelques minutes plus tard, Janis Sprukts revient sur la glace et utilise le micro de la table de marque : il explique aux supporters que les joueurs comprennent et partagent leur colère mais les supplie de laisser le match se terminer.

Dès le retour des vestiaires, Rick Looker, qui n'a peur de rien, redonne une pénalité différée, mais heureusement le Canada abrège grâce à un tour de cage de Kyle Calder (9-0, 45'59"). Il ajoute ensuite le premier but à cinq contre cinq de la soirée, avec une cage grande ouverte tant les Lettons sont sortis du jeu, gardien compris. Calder ne lève même plus les bras pour fêter son but (0-10, 46'31"). Après une dernière obstruction de Galvins, un lancer de Scott Hartnell tape le fond de la cage, et le résultat de l'appel à la vidéo ne provoque pas la moindre réaction sur les bancs (0-11, 50'17"). On n'a qu'une hâte, que ça se termine. Vorobievs aligne beaucoup son junior Kaspars Daugavins (17 ans), qu'il félicitera particulièrement pour son match. cela aura été une entrée en matière très spéciale dans un championnat du monde pour lui, quand même. Les supporters lettons tiennent encore à soutenir leur équipe et à reprendre "Lat-vi-ja, Lat-vi-ja" alors qu'elle cherche à mettre un but pour sauver l'honneur.

Mais les Canadiens protègent leur gardien, se couchent sur les lancers et conservent leurs réflexes défensifs. Marc Denis termine donc avec un blanchissage, alors qu'il a tout de même eu 26 tirs à arrêter ! Rarement un total de lancers relativement équilibré aura donné lieu à un écart au score aussi grand, mais il est vrai qu'entre des tirs en angle fermé et des cages ouvertes, il y a un monde.

Devenu la tête de turc du hockey allemand quelques mois à peine après son engagement comme arbitre professionnel par la DEL, parce qu'il avait de l'avis général "décidé à lui seul" du sort de la demi-finale Cologne-Düsseldorf sur une pénalité exagérée, Rick Looker s'est maintenant fait de nouveaux amis en Lettonie...

En tribune, les organisateurs avaient l'air atterrés, vingt-quatre heures après le problème de glace lors de Suède-Suisse. On espère que ce match n'aura pas de répercussions pour la bonne tenue de ce championnat du monde, mais il ne peut pas ne pas avoir altéré l'image des supporters lettons. Autrefois aussi enclins que tout le monde à les complimenter pour leur soutien indéfectible, même les commentateurs de la télévision canadienne les ont cette fois qualifiés de "hooligans" qui ont "transformé en un grand foutoir le plus grand évènement que leur pays ait jamais accueilli".

Compte-rendu signé Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Piotr Vorobiev (entraîneur de la Lettonie) : "Nos joueurs ne sont pas prêts à ce niveau et je n'ai pas pu trouver les mots pour qu'ils jouent mieux. Les Canadiens savent jouer avec un tel arbitre, pas nous. Quand ils ont pris l'avantage, ils n'ont même plus touché nos joueurs. Je n'aime pas ce style de hockey. Je ne dis pas que les spectateurs ont eu raison mais je peux comprendre leur réaction. À un moment, Raitums a arrêté de jouer... Je ne suis pas allé dans le vestiaire. J'avais des choses à dire après le match contre la Finlande où certains n'avaient pas joué, mais aujourd'hui, je ne dois rien leur dire, ils doivent y réfléchir eux-mêmes."

Sergejs Naumovs (gardien de la Lettonie) : "Je peux comprendre la première interruption, sous le coup de l'émotion. La seconde était inacceptable. On ne devrait pas être aussi peu respectueux du match."

Jason Williams (attaquant du Canada) : "Nous savions que leurs supporters les aideraient dans ce match. Ils étaient enthousiastes. Je n'ai pas eu peur pour ma sécurité, avant tout ils aiment le hockey. Ils ne veulent pas voir leur équipe se faire écraser. C'était dur à voir, mais ce genre de match arrive. On ne veut pas alourdir le score, mais on ne peut pas développer de mauvaises habitudes. Quand on se relâche, c'est là qu'on se blesse où qu'on se retrouve dans de mauvaises situations."

Sidney Crosby (attaquant du Canada) : "Les supporters lettons sont toujours passionnés par leur équipe, et nous ne leur en voulons pas. En junior j'avais déjà connu des matches où des objets étaient lancés sur la glace, mais pas à cette échelle avec deux interruptions de jeu. L'arbitre a fait ce qu'il avait à faire en renvoyant les équipes aux vestiaires, et à part un peu d'attente, il ne s'est rien passé de terrible. Nous avons utilisé notre avantage de vitesse pour forcer les Lettons à commettre des fautes. Nous patinions excellemment et il ne leur restait qu'à nous accrocher ou à nous retenir. Si ça n'avait pas été le cas, nous nous serions aussi créé des occasions à cinq contre cinq."

Lettonie - Canada 0-11 (0-4, 0-1, 0-6)

Jeudi 11 mai 2006 à 20h15 à l'Arena Riga. 8389 spectateurs.

Arbitrage de Rick Looker (USA) assisté d'Ales Lesnjak (SLO) et Roman Pouzar (TCH).

Pénalités : Lettonie 32' (16', 10', 6'), Canada 16' (4', 8', 4').

Tirs : Lettonie 26 (5, 11, 10), Canada 40 (9+7, 11, 13).

Évolution du score :

0-1 à 05'41" : Williams assisté de Stuart (sup. num.)

0-2 à 08'49" : Crosby assisté de Williams (double sup. num.)

0-3 à 14'40" : Boyes assisté de Williams (sup. num.)

0-4 à 17'43" : Bergeron assisté de Boyes et Crosby (sup. num.)

0-5 à 25'58" : Shanahan assisté de Williams et Cammalleri (sup. num.)

0-6 à 40'24" : Carter assisté de Calder et Schultz

0-7 à 41'18" : Pettinger assisté de Metropolit et Daley (double sup. num.)

0-8 à 42'24" : Richards assisté de Carter et Stuart (sup. num.)

0-9 à 45'59" : Calder (sup. num.)

0-10 à 46'31" : Calder assisté de Hamhuis et Richards

0-11 à 50'17" : Hartnell assisté de Metropolit (sup. num.)

Gardiens : Sergejs Naumovs puis Martins Raitums à 15'20".

Défenseurs : Arvids Rekis - Agris Saviels ; Atvars Tribuncovs (A) - Maris Jass ; Guntis Galvins - Georgijs Pujacs ; Aleksandrs Jerofejevs - Kaspars Astašenko.

Attaquants : Kaspars Daugavins - Janis Sprukts (A) - Martins Cipulis ; Leonids Tambijevs - Aleksandrs Semjonovs (C) - Aleksandrs Nizivijs ; Aleksejs Širokovs - Viktors Blinovs - Mikelis Redlihs ; Lauris Darzins - Herberts Vasiljevs - Juris Stals.

Absent : Grigorijs Pantelejevs

Gardien : Marc Denis.

Défenseurs : Nick Schultz - Stéphane Robidas (A) ; Brad Stuart - Brent Seabrook ; Dan Hamhuis - Micki DuPont ; Trevor Daley.

Attaquants : Jason Williams - Mike Comrie - Brendan Shanahan (C) ; Bradley Boyes - Sidney Crosby - Patrice Bergeron ; Kyle Calder - Mike Richards (A) - Jeff Carter ; Scott Hartnell - Glen Metropolit - Matt Pettinger ; Mike Cammalleri.

Remplaçant : Alexander Auld (G).

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