Lettonie - États-Unis (13 mai 2006)

 

Championnats du monde 2006, deuxième tour, groupe E.

L'envie n'a pas suffi

Comme aux Jeux Olympiques, Lettons et Américains sont adversaires directs pour une place en quart de finale. À Turin, le match de nul n'avait pas suffi aux Baltes. Cette fois, forts de leur point pris face aux Tchèques, cela préserverait leurs chances, en revanche une défaite serait éliminatoire.

L'arbitre slovaque Peter Jonak a la lourde tâche d'arbitrer ce match deux jours après les malheurs de son collègue Rick Looker lors de Lettonie-Canada. Il arrive à faire abstraction du contexte et n'hésite pas à siffler d'entrée les crosses hautes de Daugavins et de Semjonovs. Les Lettons serrent les rangs devant Naumovs mais ont des difficultés pour sortir le palet sur la première infériorité. Elle y arrive mieux sur la seconde et oblige même Reasoner à un bon retour défensif pour intercepter une contre-attaque. Incompréhension dans la patinoire quand l'arbitre part revêtir le casque comme pour faire appel à la vidéo alors qu'aucune occasion de but n'a eu lieu. Puisqu'il fait retourner Semjonovs en prison, il s'avère qu'il y avait simplement eu un mauvais enregistrement de la pénalité qui devait être de 2'+2'. Meyer cherche le trou entre les jambières de Sergejs Naumovs, en vain.

Après sept minutes passées presque entièrement en infériorité, les Lettons se retrouvent donc dans la configuration inverse après un surnombre américain puis de façon plus prolongée après un cross-check de Gill sur Darzins. On comprend alors pourquoi la Lettonie a le plus mauvais jeu de puissance du tournoi, même si elle cadre enfin son premier tir après dix minutes de jeu. On n'a pas le temps de revenir à cinq que Malone charge Pantelejevs qui regagnait son banc. Nouvel avantage numérique, mais Semjonovs ne parvient pas à reprendre la passe devant la cage de Nizivijs et quelques beaux rebonds ne sont pas exploités. Par contre, le rugueux Hal Gill charge encore dans le dos un adversaire avec sa crosse. Le geste est logiquement sanctionné mais les Baltes font inutilement durer la pénalité différée et ont donc moins de trente secondes de double supériorité, dont ils ne font rien.

Au retour à cinq, le cadet Kaspars Daugavins fait le show : il prend le palet à Orpik en zone neutre, passe Komisarek en un contre un et parvient jusqu'au gardien. Face à tant de culot, les Américains jouent maintenant sur les talons. Stals a une cage ouverte sur un rebond et Joe Corvo le plaque de façon plus ou moins licite. Un débordement de Hall, retenu par Saviels, permet aux Américains de finir le tiers en avantage numérique alors qu'ils ne sont plus trop dans le match. L'ultime occasion à la sirène est d'ailleurs pour Cipulis.

Une grande déconvenue attend la Lettonie à la reprise : un lancer de Mark Cullen dévié par la trajectoire de Ryan Malone bondit sur l'épaule de Naumovs et atterrit dans les filets malgré Jerofejevs qui essaie de dégager le palet (0-1, 20'59"). L'égalisation balte est immédiate et méritée, car elle suit la tendance de la fin de première période : Corvo qui tergiverse dans sa zone, et des Lettons plus hargneux qui arrachent le palet, pour un tir ras glace immédiat de Lauris Darzins (1-1, 22'12"). Le public de l'Arena Riga prouve alors qu'il peut être encore plus bruyant pour fêter un but que pour conspuer un arbitre. Le record de décibels d'avant-hier est battu (108).

Les États-Unis oscillent entre manque d'agressivité et engagement mal maîtrisé, comme cette charge incorrecte de Brown sur Nizivijs. La mitaine de Craig Anderson attrape la bonne déviation de Herberts Vasiljevs. La tension monte dans ce match à enjeu et les gestes répréhensibles se multiplient après le coup de sifflet. Dustin Brown est à nouveau pris par la patrouille, et il n'a clairement plus le contrôle de ses nerfs : quand il sort de prison, il se prend une mise en échec tout à fait correcte de Rekis et cherche à se venger en chargeant le Letton dans le dos devant son banc. Il échappe à la pénalité mais pas à un sermon de Mike Eaves en revenant s'asseoir sur le banc.

Ryan Malone déborde Pujacs qui le fait trébucher. D'abord devancés dans les duels, les Américains finissent par s'installer dans les trente dernières secondes de la pénalité. Les Baltes ont pour une fois un peu élargi leur boîte, et Dustin Brown placé derrière la cage repique devant la cage et marque contre le cours du jeu (1-2, 34'39"). Après avoir été de tous les mauvais coups durant toute la période, l'attaquant des Kings de Los Angeles sera-t-il finalement le buteur décisif ? La Lettonie passe près de la catastrophe quand un lancer de Mike Komisarek frappe les deux poteaux (!) avant de ressortir, comme le confirme le recours à la vidéo. Gill part encore en prison pour avoir retenu le bras de Galvins (36'59"), mais Saviels fait obstruction à Kesler sur la contre-attaque (37'36"). Richard Park perce la défense et est fait trébucher par Galvins (39'00"), et la Lettonie joue à trois... mais Dustin Brown commet une obstruction pour faciliter le passage de la bleue de son coéquipier (39'15").

On reprend donc le jeu à quatre contre quatre. Le fantastique espoir Kaspars Daugavins entre en zone face à trois défenseurs et parvient quand même à conserver ce palet pour le laisser à son capitaine Aleksandrs Semjonovs, qui tire dans le trafic et égalise (2-2, 41'00"). Après une échauffourée Kessel/Pujacs, Darzins prend une pénalité pour crosse haute et laisse ses coéquipiers à trois contre quatre. Andrew Alberts ferme la zone et tente une passe transversale que Janis Sprukts croit pouvoir intercepter pour s'échapper. Mais il rate son contrôle du palet qui file derrière lui et donne un 3 contre 1 aux États-Unis. Mark Cullen sert alors le joker arrivé quatre heures avant le match, Patrick O'Sullivan, pour le but inévitable (2-3, 42'27").

Le jeu gagne en vitesse ce qu'il perd en fluidité et en précision. Les transitions sont brouillonnes de part et d'autre. Stastny part en contre en infériorité et est retenu par Nizivijs. Pendant cette pénalité, Ryan Suter remonte le palet et prend un lancer... qui passe entre les jambières de Naumovs (2-4, 49'50"). La seule chance de la Lettonie maintenant, c'est que Dustin Brown distribue encore une mauvaise charge près de la bande. Mais peut-elle vraiment créer le jeu pour remonter deux buts ? Elle ne semble pas y croire elle-même. Son jeu de puissance est vraiment trop pauvre (le but égalisateur a été officiellement marqué en supériorité, mais à une seconde près car il a été en réalité inscrit à quatre contre quatre). Dans ces dernières minutes, les Lettons réussissent tout de même une belle construction en zone neutre, mais la défense américaine couvre le rebond sur le lancer de Vasiljevs.

Le début de match avait été idéal pour les Américains, avec trois supériorités et 10 tirs à 0 en sept minutes. Mais ils ont ensuite vu les Lettons prendre peu à peu l'ascendant, sur leur détermination sans faille, illustrée par Kaspars Daugavins, un étonnant gratteur de palets qui à 17 ans a éclipsé le n°1 annoncé de la prochaine draft Phil Kessel ce soir. Mais quand l'écart est passé à deux buts, la volonté n'a pas suffi, et l'équipe de Piotr Vorobiev a souffert de ses carences dans la construction offensive. Il n'y aura donc pas d'exploit dans son Mondial à domicile pour la Lettonie, éliminée des quarts de finale et qui visera une bonne place d'honneur en battant la Norvège.

Désignés joueurs du match : Lauris Darzins pour la Lettonie et Ryan Suter pour les États-Unis.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Mike Eaves (entraîneur des États-Unis) : "C'était un des environnements les plus difficiles dans lesquels je me sois jamais retrouvé impliqué. Nos joueurs ont mis du temps à s'habituer et à s'adapter à ce bruit. Nous avons persévéré cependant. Je suis content de notre victoire et de notre qualification."

Patrick O'Sullivan (attaquant des États-Unis) : "J'ai essayé de garder mon jeu aussi simple que possible. Marquer n'a pas été difficile, le plus difficile a été d'accepter le fait de devoir jouer au hockey après le voyage. Mais les gars ont été super et m'ont fait me sentir le bienvenu."

Ryan Suter (défenseur des États-Unis) : "Il ne fait pas de doute que c'est spécial de marquer un but aux championnats du monde. Bien sûr on veut toujours en marquer autant que possible, et j'espère que c'est le premier d'une longue série pour moi dans les championnats du monde. C'est un but dont je me souviendrai certainement parce qu'il s'est produit dans un match où la foule était plus bruyante que tout ce que j'avais entendu jusqu'ici."

 

Lettonie - États-Unis 2-4 (0-0, 1-2, 1-2)

Samedi 13 mai 2006 à 20h15 à l'Arena Riga. 9083 spectateurs.

Arbitrage de Peter Jonak (SVK) assisté de Milan Novak (SVK) et Leo Takula (SUE).

Pénalités : Lettonie 22' (8', 6', 8'), États-Unis 24' (8', 8', 8').

Tirs : Lettonie 24 (7, 8, 9), États-Unis 27 (11, 10, 6).

Évolution du score :

0-1 à 20'59" : Malone assisté de Cullen et Brown

1-1 à 22'12" : Darzins

1-2 à 34'39" : Brown assisté de Kessel (sup. num.)

2-2 à 41'00" : Semjonovs assisté de Daugavins (sup. num.)

2-3 à 42'27" : O'Sullivan assisté de Cullen (sup. num.)

2-4 à 49'50" : Suter (sup. num.)

 

Lettonie

Gardien : Sergejs Naumovs.

Défenseurs : Arvids Rekis - Agris Saviels ; Atvars Tribuncovs (A) - Maris Jass ; Guntis Galvins - Georgijs Pujacs ; Aleksandrs Jerofejevs.

Attaquants : Grigorijs Pantelejevs - Janis Sprukts (A) - Martins Cipulis ; Aleksandrs Semjonovs (C) - Leonids Tambijevs - Kaspars Daugavins ; Aleksandrs Nizivijs - Aleksejs Širokovs - Mikelis Redlihs ; Lauris Darzins - Herberts Vasiljevs - Juris Stals.

Remplaçants : Edgars Masalskis (G), Viktors Blinovs. Absent : Kaspars Astašenko.

États-Unis

Gardien : Craig Anderson.

Défenseurs : Hal Gill (A) - Ryan Suter ; Frederick Meyer - Michael Komisarek ; Joe Corvo - Brooks Orpik ; Andrew Alberts.

Attaquants : Dustin Brown - Phil Kessel - Ryan Malone (A) ; Yan Stastny - Ryan Kesler - Patrick O'Sullivan ; Andy Hilbert - Mark Cullen - Richard Park (C) ; James Slater - Martin Reasoner - Adam Hall ; Drew Stafford.

Remplaçant : Jason Bacashihua (G).

 

Retour aux championnats du monde