Estonie - France (15 avril 2007)

 

Championnats du monde de division I, groupe A, première journée.

La France commence son Mondial par un adversaire qui n'est pas forcément le plus pertinent pour se jauger : l'Estonie, souvent croisée ces dernières années, est en effet trop cyclothymique. Les Bleus ont appris deux forfaits relativement prévisibles dans la semaine. Cristobal Huet, tout d'abord, est revenu de blessure pour le dernier week-end de saison régulière NHL et n'est pas encore entièrement rétabli physiquement. Son absence ne paraît pas préjudiciable, car Eddy Ferhi, dominant dans le championnat français, et Fabrice Lhenry, meilleur gardien des play-offs danois, sont tous deux en forme. Autre absence de dernière minute, celle de Sébastien Bordeleau, qui n'est rentré au jeu qu'au milieu de la finale suisse après sa fracture du pied. Le staff a fait appel pour le remplacer à l'autre expatrié helvétique, de LNB celui-là, Anthoine Lussier.

Les Estoniens abordent la partie de façon prudente en verrouillant la zone neutre. Ils calment ainsi les ardeurs françaises et font savoir qu'ils seront dans le match aujourd'hui. Offensivement, ils s'appuient sur les qualités individuelles d'un Toivo Suursoo très en vue, qui provoque la première pénalité française en perçant dans la neutre entre Besch et Tardif. Les Bleus sont pris dans le faux rythme de leur adversaire et ne se créent aucune vraie occasion. Il faut attendre un quart d'heure de jeu pour voir la première présence française vraiment convaincante, et elle est réussie par la première ligne, avec deux passes de Yorick Treille qui créent le danger. Dans la minute qui suit, c'est son frère Sacha Treille qui va lutter dans le coin et se fait retenir par l'Angevin Lauri Lahesalu. Cette première supériorité numérique est transformée par un lancer de Vincent Bachet peut-être dévié par la crosse de Desrosiers et masqué par Bellemare (0-1, 17'35").

Gênée de plus en plus tôt à cinq contre cinq, la France prend le contrôle du match grâce à son jeu de puissance. Konosev prend sa deuxième pénalité du match, et un centre au second poteau de Luc Tardif est repris au second poteau par Anthoine Lussier. Le défenseur Potsinok est resté immobile et spectateur (0-2, 25'51"). Mais s'en remettre aux supériorités est aléatoire, car elles peuvent arriver dans les deux sens. Bachet a retenu Semjonov, et Aleksandr Petrov arrive à attirer deux joueurs derrière la ligne de fond. Il passe à Andrei Makrov qui conclut tout seul à bout portant, Coqueux n'ayant pu revenir à temps (1-2, 27'20"). C'est alors qu'une barre de fixation entre deux plexis tombe sur la glace. Le jeu est interrompu, les responsables chinois grimpent sur la cage dans un numéro de réparation acrobatique, et l'arbitre américain, déjà sceptique sur l'état de la glace avant le début du tiers, paraît assez sceptique sur les conditions de jeu offertes par la patinoire de Qiqihar...

Le jeu commence avec un cadeau estonien : Petrov perd le palet devant sa cage face à Laurent Meunier (1-3, 28'50"). Les Baltes accumulent les bourdes du même genre et semblent complètement sortis du match à leur habitude. Le problème, c'est que les Français en sont tellement persuadés qu'ils abandonnent à leur tour toute vigilance. En supériorité, Meunier fait une obstruction sur le gardien et on se retrouve à quatre contre quatre. Parti seul contre deux sur un palet envoyé en profondeur, Jevgeni Salagin ne semble pas dangereux, et pourtant il plonge avec détermination pour centrer devant la cage, où le palet est dévié entre les jambières de Ferhi par... la crosse de Julien Desrosiers (2-3, 32'41"). La première ligne estonienne fait le reste, avec deux décalages de Lahesalu et Suursoo qui trouvent Makrov seul devant la cage alors que les Français ont eu un temps de retard tout au long de l'action (3-3, 34'09"). Les Bleus ne sont plus du tout appliqués, et ils finissent d'ailleurs le tiers-temps en infériorité à cause d'un cinglage de Jeff Bonnard alors que le jeu est arrêté.

Plus que vingt minutes pour faire la différence, et même moins que ça. Une pénalité sévère contre Bellemare, une autre de Barin, en grande difficulté défensivement aujourd'hui, qui accroche Makrov, puis encore une obstruction sifflée contre Sacha Treille qui travaillait en fin d'infériorité. Ces pénalités sont tuées mais le temps passe. Reste moins de huit minutes pour prendre les trois points. Un dégagement hors des limites peut présenter une opportunité salutaire : M. Hanson a d'abord estimé qu'il était contré et ordonné un engagement en dehors de la zone, puis il s'est avisé du contraire et a changé la position de la mise au jeu, avant de tardivement informer les Estoniens qu'un des leurs devait sortir. Même l'arbitre contribue à ralentir le rythme de ce match. La supériorité ne donne rien malgré un lancer de Stéphane Barin dévié par Bellemare.il y a bien une nouvelle obstruction de Salagin sur François Rozenthal contre la bande, mais le jeu de puissance français a beaucoup moins de facilité à conclure maintenant. Le travail acharné du trio Hecquefeuille-Bellemare-Desrosiers en fond de zone aboutit à une faute de Filippov et à termine le match en supériorité, mais cela ne sert plus à rien.

La prolongation à quatre contre quatre n'apporte pas plus de solutions. Besch commence par une bonne percée, à laquelle répond aussitôt un contre de Titarenko. Ensuite, l'Estonie se regroupe de nouveau devant son gardien pour contrer et écarter tous les palets sans laisser le moindre espace. Une fin de match frustrante pour les Français, mais pas autant que les tirs au but.

Les Estoniens gagnent le tirage au sort et choisissent de tirer. Déjà double buteur, Andrei Makrov ouvre le bal en feintant parfaitement Eddy Ferhi. Julien Desrosiers égalise cependant en fixant Terentiev et en levant le palet. Toivo Suursoo piège simplement Ferhi entre les jambières, Yorick Treille prend beaucoup d'élan mais sa feinte ne prend pas. Et c'est le capitaine Valiullin qui met fin au suspense en trouvant un trou de souris entre les bottes d'un Ferhi très peu à son avantage sur cette séance.

Outre le petit match de son gardien, la France a perdu le match en faiblissant défensivement alors qu'elle avait toutes les cartes de son côté. Au lieu de se disperser, l'Estonie a repris confiance, et quand elle croit encore qu'il est possible de marquer des points, elle est capable de se consacrer entièrement à défendre. On l'avait vu en 2005 quand ces deux équipes s'étaient séparées sur le même score, sans prolongation à l'époque... Le nouvel entraîneur finlandais Jorma Raisanen a doté l'Estonie d'un jeu plus simple : direct devant, en cherchant au maximum à prendre des lancers pour obtenir des mises au jeu en zone offensive, et bien en place derrière. Elle s'est donc repliée tandis que son gardien Aleksei Terentiev, mieux protégé, était de plus en plus dans son match. Lorsque son sort doit dépendre uniquement de sa réussite sur une fin de match, la France a peu de raisons d'être sûre d'elle tant les buts sont souvent longs à venir dans des matches avec cette physionomie. Tout autant que ces points déjà gâchés, c'est le manque de concentration des Français dans ce match sans intensité qui est inquiétant, car le Kazakhstan ne mettra pas plus de rythme dans la partie... Sauf que lui commet moins d'erreurs que l'Estonie.

Désignés joueurs du match : Andrei Makrov pour l'Estonie et Laurent Gras pour la France.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match (dans L'Équipe)

Pierre Pousse (entraîneur-adjoint de la France) : "On sait qu'on a toujours un match de flottement dans ce genre de compétition. On a grillé notre joker. C'est une grosse désillusion pour ce match, mais pas pour toute la compétition. C'est ce que Dave Henderson a dit dans le vestiaire : 'soit on regarde nos chaussures et on laisse tomber, soit on relève la tête.' [...] On aurait dû fermer le jeu. On s'est trop focalisé sur le porteur du palet et on leur a offert des contre-attaques. On a été trop désordonnés dans les phases défensives."

Eddy Ferhi (gardien de la France) : "Je n'ai pas été à la hauteur, c'est clair. Ma performance est insuffisante. Ce n'était pas un match facile à gérer pour un gardien. Je n'ai pas eu beaucoup de lancers, mais, à chaque fois, ils étaient très difficiles. Je n'ai jamais pu me mettre dans le rythme, me mettre en route. Ensuite, je voulais vraiment faire quelque chose pendant les tirs au but, mais j'ai échoué. C'est frustrant quand on a l'envie d'aider et qu'on n'y arrive pas."

 

Estonie - France 3-3 (0-1, 3-2, 0-0, 0-0) / 3-1 aux tirs au but

Dimanche 15 avril à 17h00 à Qiqihar, Chine. 1145 spectateurs.

Arbitrage de Craig Hanson (USA) assisté de Tao Feng (CHN) et Steve Glines (USA).

Pénalités : Estonie 20' (8', 6', 6', 0'), France 18' (4', 8', 6', 0').

Tirs : Estonie 27 (8, 8, 7, 4), France 39 (7, 7, 16, 9).

Évolution du score :

0-1 à 17'35" : Bachet assisté d'Amar (sup. num.)

0-2 à 25'51" : Lussier assisté de Tardif (sup. num.)

1-2 à 27'20" : Makrov assisté de Petrov (sup. num.)

1-3 à 28'50" : Meunier

2-3 à 32'41" : Makrov

3-3 à 34'09" : Makrov assisté de Suursoo et Lahesalu

Tirs au but :

Estonie : Makrov (réussi), Suursoo (réussi), Valiullin (réussi).

France : Desrosiers (réussi), Y. Treille (arrêté).

 

Estonie

Gardien : Aleksei Terentjev.

Défenseurs : Kaupo Kaljuste - Lauri Lahesalu ; Roman Potsinok (A) - Aleksandr Ossipov ; Jevgeni Salagin - Ilja Urushev.

Attaquants : Andrei Makrov (A) - Aleksandr Petrov - Toivo Suursoo ; Maksim Ivanov - Eduard Valiullin (C) - Aleksandr Kuznetsov ; Janus Sorokin - Aleksei Filippov - Dmitri Raskidajev ; Aleksei Sibirtsev - Maksim Semjonov - Vassili Titarenko ; Deniss Konosev.

Remplaçant : Mark Rajevski (G).

France

Gardien : Eddy Ferhi.

Défenseurs : Vincent Bachet (A) - Baptiste Amar ; Benoît Quessandier - Nicolas Besch ; Jean-François Bonnard (A) - Stéphane Barin ; Nicolas Pousset.

Attaquants : François Rozenthal - Laurent Meunier (C) - Yorick Treille ; Anthoine Lussier - Laurent Gras - Olivier Coqueux ; Kévin Hecquefeuille - Pierre-Édouard Bellemare - Julien Desrosiers ; Sacha Treille - Jonathan Zwikel - Luc Tardif Jr.

Remplaçants : Fabrice Lhenry (G), Clément Masson.

 

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