Kazakhstan - France (21 avril 2007)

 

Championnats du monde de division I, groupe A, cinquième et dernière journée.

Après avoir rendu service à la France en prenant trois points au Kazakhstan, la Pologne a attendu la prolongation pour battre l'Estonie aujourd'hui, et elle ne jouera donc pas les trouble-fête en cas d'égalité à trois. Plus clairement, ce résultat signifie qu'un nul dans le temps réglementaire ne sera pas suffisant en soi pour les Bleus.

Les choses sont donc simples pour ce match décisif : quel que soit le score, quelle que soit la méthode, le vainqueur de ce match, joué devant des tribunes agréablement pleines, s'envolera l'an prochain pour le Canada. Une perspective qui motive les joueurs français, qui n'ont pas envie de se voir priver d'une belle aventure par cette équipe du Kazakhstan, qui leur avait déjà enlevé la qualification olympique.

Il y a tout de même un point rassurant pour les Bleus : maintenant que la fédération russe est revenu à son ancienne réglementation et considère comme étrangers tout joueur évoluant dans une autre sélection nationale, le Kazakhstan se retrouve aussi démuni que dans ses années creuses, quand la France le battait aisément. Il lui manque surtout la clé de ses succès ces dernières années : ses deux portiers Vitali Eremeïev et Vitali Kolesnik. Alors que les gardiens étrangers sont surtaxés et bientôt interdits en Superliga, afin d'enrayer la crise du hockey russe à ce poste, les deux hommes font jouer un autre passeport et ne sont plus disponibles. On a vu le résultat contre la Pologne : Aleksandr Byzov s'est fait sortir à la mi-match après avoir pris trois buts pas terribles, et le junior Sergei Khudyakov a pris un tir de la ligne rouge peu après son entrée... Des deux, c'est donc l'ancien qui est aligné ce soir.

Les intentions affichées des Bleus, presser le Kazakhstan, ont du mal à se traduire dans les faits. À la sixième minute, Ushkov retient Yorick Treille, mais l'équipe de France désorganisée n'arrive pas à s'installer et perd tous ses duels. Par contre, quand Desrosiers fait trébucher Zhailaulov qui sort de sa zone, cette infériorité forge la volonté des Bleus qui pressent mieux l'adversaire. Pour l'instant, celui-ci est parvenu à jouer à son rythme et à prendre son temps d'ajuster ses passes. Reste le talon d'Achille prévisible du Kazakhstan, son gardien. Il reste sonné après avoir été percuté en bout d'action par un Laurent Meunier toujours aussi direct à la cage, et un peu plus tard il est moyennement placé et battu à mi-hauteur côté mitaine par un tir en entrée de zone de Pierre-Édouard Bellemare, auteur d'un bon match (0-1, 13'46"). Yorick Treille donne un cross-check à Komisarov laissé seul devant la cage française, et la France doit tuer une autre pénalité avant la pause.

On sent que le Kazakhstan se sent dans une position moins confortable quand il est mené au score. On recense même un déchet technique inhabituel. Et pourtant, sur une supériorité numérique consécutive à une obstruction de Yorick Treille, un palet envoyé de derrière la cage par Lev Krutokhvostov ricoche sur le patin d'Amar et sur la jambière de Lhenry (1-1, 25'00"). Cette improbable partie de billard à deux bandes relance les joueurs d'Asie centrale au moment où ils commençaient à douter. Le Kazakhstan déroule à nouveau son jeu et est dangereux en transition sur une passe en zone neutre de Yorick Treille interceptée par Yessirkenov. La France subit la maîtrise technique de l'école soviétique, y compris sur de longues passes, et n'arrive que trop rarement à imposer son jeu. Lussier provoque une faute de Savenkov en fin de tiers, mais le jeu de puissance français manque à nouveau de cohérence collective pour amener et garder le palet en zone offensive.

Après ces vingt minutes à l'envers, la France repart d'un meilleur pied avec plus de soutien. Elle est cependant menacée par deux actions individuelles du centre de la quatrième ligne Aleksandr Filippov, un tir en entrée de zone puis une bonne percée où il feinte Besch mais croise trop sa tentative. Aussitôt, le premier bloc français remet la pression avec une bonne séquence. François Rozenthal manque d'abord une cage ouverte, mais les actions françaises sont maintenant mieux suivies, et finalement, le but vient dans la continuité, sur un lancer de Jean-François Bonnard que Byzov repousse sur le dos de Quessandier, en écran juste devant lui. La rondelle retombe et file doucement entre ses bottes (1-2, 44'08").

Ogorodnikov passe derrière Lhenry et est pénalisé pour obstruction, mais sur l'avantage numérique, alors que la France s'efforce de s'installer, Besch est mis en échec par Kovalenko et tombe à la renverse. Son patin atteint le visage d'Andrei Gavrilin, qui reste étendu sur la glace. L'arbitre arrête logiquement le jeu un peu plus tard. Il n'a rien vu de l'action qui est allée trop vite et va consulter ses juges de ligne. La quantité de sang qui s'échappe de l'attaquant du Kazakhstan influence-t-elle la décision. Toujours est-il que le trio arbitral "déduit" qu'il y a eu une crosse haute et exclut Besch. La résistance physique et mentale des Français est à l'épreuve pendant ces cinq minutes d'infériorité, et le test est réussi. Mais Yorick Treille est pénalisé pour une obstruction sur Lakiza en reculant en zone neutre, et il faut donc repasser l'examen pour Lhenry et les siens. Ce Kazakhstan aura décidément usé les nerfs de la France... Mais à trente secondes de la fin, Laurent Meunier part en contre et ajuste Byzov au premier poteau côté mitaine (1-3, 59'29"). Les scènes de joie préfigurent déjà celles qui auront lieu à la sirène.

Rarement Marseillaise n'aura été hurlée avec tant de joie. Les joueurs français avaient hâte de remonter, et c'est sûrement le meilleur moment pour le faire. Parce que les Mondiaux du centenaire seront un évènement spécial, parce qu'il fallait en finir avec ce complexe kazakh, et parce que le hockey français est un peu plus mûr.

Qu'on ne s'y trompe pas, il ne va pas retrouver le niveau de l'élite du jour au lendemain. Mais de toute façon, ce n'est pas en jouant contre la Chine qu'il s'en rapprochera. La perspective de frotter aux meilleurs du monde pourra réveiller le tempérament de guerriers de ces Bleus, et en premier lieu celui de leur capitaine Laurent Meunier. Il a vraiment pris une autre dimension cette semaine, et sa saison en LNA a clairement réveillé ses qualités naturelles : il avait déjà cette détermination, cette envie de finir ses actions, mais en la mettant en pratique au quotidien, il est capable de les exprimer avec une constance admirable. Il est ainsi celui qui donne le ton, qui remet la France dans le bon sens. Il a effectué un gros travail en infériorité, point fort des Bleus ce soir, contrairement au jeu de puissance qui s'est décomposé.

Il reste donc du travail d'ici l'an prochain. Le grand chantier qui va s'ouvrir concerne la défense. S'appuyer sur la faible moyenne de buts encaissés en division I mondiale serait une illusion. Les arrières français limitent leur participation au jeu offensif et essaient de rester compacts, mais aucun d'entre eux n'atteint le haut niveau mondial. Stéphane Barin a reporté sa retraite, mais il a joué son dernier match ce soir avec cette belle victoire, et Jean-François Bonnard, qui n'a pas connu son meilleur Mondial, aura bientôt fait son temps. La défense bleue, qui avait volé en éclats à Prague en 2004, devra donc se présenter à Québec ou à Halifax avec un nouveau rajeunissement, l'intégration de Quessandier cette année n'étant qu'un premier pas. Or, la liste des sélectionnés potentiels est toujours restreinte et on n'ose imaginer ce qui se passerait si un Amar ou un Bachet venait à se blesser. Pour que ce second retour en élite soit mieux réussi, le compte à rebours commence...

Désignés joueurs du match : Konstantin Kassatkin pour le Kazakhstan et Fabrice Lhenry pour la France.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Kazakhstan - France 1-3 (0-1, 1-0, 0-2)

Samedi 21 avril à 20h30 à Qiqihar, Chine. 3210 spectateurs.

Arbitrage de Craig Hanson (USA) assisté de Steve Glines (USA) et Chris de Haan (CAN).

Pénalités : Kazakhstan 8' (2', 4', 2'), France 37' (4', 6', 5'+20').

Tirs : Kazakhstan 30 (8, 10, 12), France 28 (9, 10, 9).

Évolution du score :

0-1 à 13'46" : Bellemare assisté de Besch

1-1 à 25'00" : Krutokhvostov assisté de E. Koreshkov (sup. num.)

1-2 à 44'08" : Quessandier assisté de Bonnard

1-3 à 59'29" : Meunier

 

Kazakhstan

Gardien : Aleksandr Byzov.

Défenseurs : Artemy Lakiza - Evgeni Mazunin ; Andrei Savenkov - Evgeni Fadeev ; Sergei Yakovenko - Aleksei Korshkov ; Oleg Kovalenko - Evgeni Ushkov.

Attaquants : Andrei Ogorodnikov - Andrei Troshchinsky - Vadim Rifel ; Talgat Zhailauov - Maksim Komissarov - Aleksandr Koreshkov ; Evgeni Koreshkov - Konstantin Kassatkin - Lev Krutokhvostov ; Doszhan Yessirkenov - Aleksandr Filippov - Andrei Gavrilin.

Remplaçant : Sergei Khudyakov (G).

France

Gardien : Fabrice Lhenry.

Défenseurs : Vincent Bachet (A) - Baptiste Amar ; Nicolas Besch [puis Nicolas Pousset à 48'31"] - Stéphane Barin ; Jean-François Bonnard (A) - Benoît Quessandier.

Attaquants : François Rozenthal - Laurent Meunier (C) - Yorick Treille ; Anthoine Lussier - Laurent Gras - Olivier Coqueux ; Kévin Hecquefeuille - Pierre-Édouard Bellemare - Julien Desrosiers ; Sacha Treille - Jonathan Zwikel - Luc Tardif Jr ; Clément Masson.

Remplaçant : Eddy Ferhi (G).

 

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