Russie - Finlande (12 mai 2007)

 

Demi-finale des championnats du monde 2007.

Duel par élimination

Les Russes ne sont plus qu'à deux matchs d'un titre de champion du monde devant leur public et semblent sur une voie royale. La République tchèque n'a pas proposé d'opposition suffisamment consistante, et la Finlande qui a eu besoin des tirs aux buts pour écarter les Etats-Unis pourrait bien subir le même sort, d'autant qu'elle a une journée de repos en moins. Le match du tour qualificatif entre les deux équipes avait vu la victoire des Russes (5-4).

Seule ombre au tableau - et elle est de taille - côté russe, l'absence du meilleur pointeur Aleksei Morozov, qui était pourtant revenu au jeu après sa blessure lors de la deuxième période du quart de finale. Mais son genou nécessitera une opération. L'arrivée de Brylin - qui cette fois sera aligné - tombe donc à point. Bykov préférant toucher le moins possible ses lignes, Brylin remplacera directement Morozov, tandis qu'Ovechkin reste donc sur une ligne à vocation plus défensive... En revanche, pas de Nabokov qui a prétexté un problème familial urgent, même si beaucoup de Russes croient plutôt qu'il s'est retiré pour ne pas gêner la décision après le bon quart de finale d'Eremenko. À noter que les Finlandais sont eux aussi privés de leur meilleur marqueur : le défenseur Petteri Nummelin ! Lui aussi blessé au genou en quart de finale, il est numériquement remplacé par Koistinen, qui débarque d'AHL, mais son absence laisse un vide en supériorité numérique.

On le remarque tout de suite avec une pénalité de Zinoviev après dix-huit secondes, car la Finlande ne représente une menace guère importante, si ce n'est sur un débordement de Sean Bergenheim qui débouche sur un tir arrêté sans difficulté par Eremenko. La jeune garde russe reprend vite les commandes du jeu avec Ovechkin et Radulov pour inquiéter Lehtonen. Mais le début de match est entaché par une collision spectaculaire entre Bergenheim et Markov, le premier emportant le genou du second dans le choc. Andrei Markov mettra de longues minutes à se relever avant de regagner le vestiaires, aidé par les soigneurs. Vestiaire également pour Sean Bergenheim qui écope d'une pénalité majeure sur l'action et offre une supériorité numérique de trois minutes aux Russes, Kovalchuk ayant pris une mineure pour un cinglage en voulant jouer le justicier. Après une bonne circulation du palet, Evgeni Malkin hérite du palet de Sergei Gonchar sur le côté droit, revient en direction de la cage et envoie un tir croisé en plein dans la lucarne de Lehtonen (1-0, 08'36").

De retour à cinq contre cinq, la Finlande essaie de revenir rapidement au score mais un contre de Ruutu est enrayé par la défense russe. La pénalité majeure de Bergenheim n'a pas calmé les ardeurs des Finlandais qui se montrent très physiques dans les bandes, ce qui provoque une nouvelle victime dans les rangs russes : le capitaine Piotr Schastlivy, touché dans un contact avec Tomi Kallio. Une charge de Koivu dans le dos de Nepryaev est sanctionnée par une méconduite afin d'éviter une escalade de mauvais gestes. L'occasion est belle pour les Russes de doubler la mise mais Ovechkin perd le palet à la ligne bleue, permettant ainsi un contre finlandais. Jukka Hentunen s'échappe, prend de vitesse Gonchar et s'en va battre in extremis Eremenko en plaçant le palet au-dessus de sa jambière (1-1, 12'36"). Sur la fin du jeu de puissance, Malkin tente de forcer le passage dans la défense finlandaise et sert Kharitonov, mais Lehtonen repousse le tir de la jambière. La Finlande arrive enfin à se montrer dangereuse en fin de tiers mais rate une nouvelle opportunité en supériorité numérique. Les Russes, malgré tous leurs efforts, sont limités à quatre tirs pendant le tiers, dont un depuis leur zone de défense, obligeant Lehtonen à un arrêt délicat. L'intensité en revanche ne faiblit pas avec pour finir une spectaculaire mise en échec de Tuomo Ruutu sur Sergei Zinoviev qui se retrouve projeté patins en l'air contre la balustrade.

La Finlande débute la deuxième période en supériorité numérique à cause d'une pénalité de Malkin concédée à la fin du premier tiers. Elle se procure quelques bonnes occasions, notamment par Kallio devant le slot qui tire au-dessus ou encore Pärssinen qui bute sur Eremenko. Kovalchuk teste pour sa part la mitaine de Lehtonen mais le match est tout près de dégénérer sur une succession de charges plus violentes les unes que les autres : Proshkin projette Jarkko Ruutu le long de la balustrade, son frère réagit en infligeant le même sort à Nikulin, avant d'être à son tour séché par Proshkin tandis que Zaripov charge Kontiola. Résultat de ce "carnage" sur la glace : seule la première faute de Proshkin est sanctionnée, offrant ainsi une supériorité aux Finlandais. Jere Lehtinen est d'ailleurs tout près d'en profiter en reprenant un rebond suite à un tir de Kukkonen mais Eremenko ferme la porte.

Encore une fois c'est Malkin qui remet les Russes dans le sens de la marche. Suite à un surnombre finlandais, les Russes parviennent enfin à forcer le verrou et à tirer sur Lehtonen. D'abord par Nikulin de la bleue puis par le trio Ovechkin-Malkin-Kovalchuk, régulièrement aligné en supériorité numérique. Rien n'y fait malgré cinq minutes de domination très nette au cours desquelles Lehtonen va laisser son équipe dans le match grâce à des arrêts décisifs. La pression russe s'estompe dans la seconde moitié du tiers avec peu d'occasions de part et d'autre. Mikko Koivu rappelle l'arrière-garde russe à l'ordre sur une entrée de zone suivie d'un tir sur Eremenko. Mais les Finlandais connaissent beaucoup de difficulté en supériorité numérique, se montrant incapables de s'approcher de la cage russe.

Visiblement, les consignes d'Erkka Westerlund n'ont guère changé au début de la troisième période : la défense avant tout. Une règle appliquée à la lettre par des Finlandais pas très téméraires mais à l'affût du moindre contre. C'est ainsi qu'un tir de Kallio est repoussé de la plaque par Eremenko, mais c'est là une des rares occasions finlandaises du tiers. Malkin, sur une énième échappée sur le côté, Frolov, sur la glace devant les buts mais incapable de reprendre le palet, et enfin Kovalchuk tentent tour à tour de forcer la décision. Ovechkin fait un petit festival dans la zone offensive conclu par un tir de Nepryaev. Mais les actions russes sont de plus en plus solitaires et de moins en moins collectives. Les hommes de Bykov retombent dans leur travers d'individualisme, à l'image d'Ovechkin dont les chevauchées viennent s'échouer régulièrement sur un défense finlandaise bien compacte. Le jeu de puissance perd également de son efficacité. Les deux opportunités du tiers ne sont pas bien exploitées mais les Russes parviennent encore par instant à créer la panique devant la cage finlandaise, comme sur ce tir non cadré de Proshkin dont le rebond repris par Frolov en déséquilibre est bloqué par un Lehtonen impeccable. Zinoviev échouera à son tour sur le portier finlandais et ne pourra éviter la prolongation.

On pense que les Finlandais vont craquer au moins physiquement en disputant leur deuxième prolongation en trois jours. Mais les débats sont plutôt équilibrés sans qu'aucun des deux portiers ne soit vraiment inquiété. Et puis après cinq minutes le match bascule : un tir du revers de Sergei Zinoviev oblige Lehtonen à un arrêt difficile, Kondratiev tire à son tour, Zinoviev encore lui est présent au rebond mais Lehtonen s'en sort par miracle. Sur l'action qui suit, un engagement est gagné par les Finlandais en zone de défense. le palet est remonté en zone d'attaque par Ruutu et Koivu. Le premier tire en direction des buts, Eremenko sort pour dégager le palet mais ne voit pas venir de derrière les buts Koivu avec Nikulin collé à ses basques : au moment de dégager le palet, Koivu lui soulève la crosse laissant ainsi passer le rondelle, ce qui laisse le temps à Koivu de redresser in extremis sa trajectoire dans le but vide (1-2, 65'40", photo de droite). Stupeur dans l'Arena Khodynka : la Finlande est en finale !

Encore une fois les Russes n'ont pas su aller jusqu'au bout du rêve. Cette fois la défaite est encore plus cruelle car proche du but et avec une équipe qui avait les moyens d'être championne du monde. Eremenko risque d'être hanté quelque temps par ce dernier but et l'ombre de Nabokov planera sur lui. Mais si la Russie a perdu ce soir, ce n'est pas à cause de son gardien mais plutôt à cause d'un manque de réalisme offensif nouveau dans ce Mondial. Le jeu collectif russe s'est quelque peu décomposé et l'individualisme a refait surface. Les blessures d'Andrei Markov (même s'il est revenu par la suite pour quelques présences) et de Piotr Schastlivy ont aussi sans doute perturbé les plans de Bykov. Le cas d'Aleksandr Ovechkin, mal utilisé sur le quatrième bloc, soulève quelques interrogations tant la star des Washington Capitals n'a pas évolué à son niveau. Evgeni Malkin a été plus constant mais cela n'a pas suffi, tandis qu'Ilya Kovalchuk s'est montré relativement prévisible. À croire que Morozov est indispensable à son équipe nationale...

Quant à la Finlande, elle a sans doute créé la plus grosse surprise de ce Mondial en se basant sur une défense très solide et un gardien absolument impeccable en la personne de Kari Lehtonen. Il est le grand bonhomme du match et a joué un rôle prépondérant dans cette qualification. La Finlande a montré un visage rugueux, malmenant régulièrement les Russes dans les bandes et protégeant son gardien le mieux possible. La ligne Kallio-Koivu-Ruutu a été la plus en vue ce soir et le talent de Mikko Koivu a d'ailleurs fait la différence. L'expérience de Peltonen et Lehtinen fut encore une fois précieuse mais c'est surtout grâce à sa défense qui rappelle leur parcours à Turin que les Suomi ont gagné leur ticket pour la finale. Reste maintenant à ne pas rendre cet exploit inutile et transformer l'essai.

Désignés meilleurs joueurs du match : Aleksandr Eremenko (Russie) et Kari Lehtonen (Finlande).

Christophe Laparra

Commentaires d'après-match :

Vyacheslav Bykov (entraîneur de la Russie) : "Je m'excuse auprès des fans et j'espère qu'ils comprennent que je crois toujours en cette équipe. Nos joueurs ont tout donné aujourd'hui. C'est difficile à vivre mentalement parce que chacun espérait la victoire aujourd'hui. Mais nous devons nous concentrer pour gagner le bronze. Je ne suis pas d'accord que les joueurs se soient à mis jouer de façon personnelle. L'équipe a continué à jouer son hockey collectif. Difficile de dire si une équipe joue physiquement ou méchamment. Au premier match déjà, les Finlandais avaient joué très agressivement, à la limite de la faute. Les joueurs y étaient prêts. Les supériorités numériques n'ont pas fonctionné parce que Markov et Schastlivy sont vite sortis du match. Plus l'absence de Morozov qui nous a privés de sa ligne. Et dans le hockey actuel, les supériorités ont beaucoup d'importance. À l'entraînement, nous avions essayé Ovechkin à la bleue, parce qu'il a un très fort lancer. C'est pourquoi il y a remplacé Markov blessé. Peut-être a-t-il manqué d'attention. [...] Eremenko a voulu dégager le palet aussi vite que possible. Il a un peu manqué de patience. Tout le monde commet des erreurs. Dans cette équipe chacun sait qu'il a le droit à l'erreur. Je sais qu'il se sent coupable, mais nous ne lui reprochons en aucun cas la défaite. nous le soutenons de toutes les façons possibles. Voyons comment il arrivera à surmonter ce moment. Ce sera probablement difficile. Nous parlerons avec lui. Peut-être que Vassili Koshechkin jouera demain."

Igor Zakharkin (entraîneur-adjoint de la Russie) : "Markov a eu la même blessure que Morozov, son genou s'est bloqué. Les docteurs ont fait une prothèse pour Markov à la pause, mais quand il est revenu sur la glace et qu'il a compris qu'il ne pouvait pas plier sa jambe, il a fallu faire sans lui. En ce qui concerne Schastlivy, Kallio l'a atteint au bras, mais en retombant sur la glace il s'est tordu le genou et les ligaments ont lâché. [...] D'abord Morozov a été blessé, et nous avons perdu une ligne. L'introduction de Brylin ne lui a pas permis de jouer à son niveau. Puis Schastlivy est sorti, et nous avons perdu une autre ligne construite autour de ce centre. Et puis la perte de Markov nous a privés d'un bon jeu de puissance. On savait que les Finlandais tiendraient la zone neutre et densifieraient leur défense où les duels physiques se multiplieraient. Ils ont eu plus de réussite, y compris en prolongation."

Andrei Markov (défenseur de la Russie) : "J'ai essayé de revenir sur la glace, mais cette blessure ne m'a pas permis de finir le match. Je passerai les examens définitifs en rentrant au Canada. Il n'y a même pas à commenter cette action : tout était clair, dans les tribunes et sur les ralentis. J'étais sûr d'éviter la charge de Bergenheim, mais il a visé ma jambe. Ce n'était pas un accident. Il faut jouer physiquement, mais pas salement. Et il faut respecter son adversaire. Avec autant de pertes, n'importe quelle équipe serait affaiblie. Je suis convaincu que les Finlandais ont surtout eu de la chance. Même avec un effectif amoindri, nous les avons dominés."

Ivan Nepryaev (attaquant de la Russie) : "Bergenheim a joué plusieurs matches avec moi au Lokomotiv Yaroslavl en début de saison. De ce que je le connais, c'est plutôt un chic type. De telles actions ne sont pas dans son style. Peut-être était-ce une consigne de l'entraîneur finlandais."

Erkka Westerlund (entraîneur de la Finlande) : "Notre équipe a magnifiquement joué en défense. Nous avons essayé de bâtir une bonne équipe avec une bonne attitude et une bonne discipline. Et c'est tout ce que nous demandons. [...] Non, il n'y a pas eu de consignes pour blesser. Personne n'a voulu sortir du match leur capitaine. Je pense que Kallio ne pensait même pas que sa charge avait pu avoir cet effet."

Tomi Kallio (attaquant de la Finlande) : "Nous avons amené le match où nous voulions et nous n'avons pas donné aux Russes trop d'espaces. C'est fantastique de venir en tant qu'outsider et de gagner. Nous avons entendu qu'ils avaient promis à presque tout le monde qu'ils allaient gagner la médaille d'or, c'est pour cela qu'on voulait venir les battre. Kari a très bien joué dans les filets, mais d'un autre côté les Russes n'ont pas eu autant de vraies occasions qu'ils n'en avaient l'habitude."

Ville Peltonen (capitaine de la Finlande) : "Je suis fier de la façon avec laquelle nous nous relevons toujours après avoir été secoués. Personne ne restait étendu sur la glace. Leur équipe a fait cela dans ce tournoi et ce n'est pas une façon de jouer. Parfois, quelqu'un peut être sérieusement blessé, et il n'est pas correct de le faire quand ce n'est pas le cas. On se doit de respecter ce jeu et respecter les autres joueurs."

 

Russie - Finlande 1-2 après prolongation (1-1, 0-0, 0-0, 0-1)
Samedi 12 mai 2007 à 15h15 à l'Arena Khodynka de Moscou. 12 000 spectateurs.
Arbitrage de Marcus Vinnerborg assisté de Thomas Gemeinhardt et Milan Masik
Pénalités : Russie 14' (8', 6', 0', 0') ; Finlande 47' (2'+10'+5'+20', 6', 4', 0').
Tirs : Russie 30 (4, 13, 12, 1) ; Finlande 19 (5, 8, 4, 2).

Évolution du score :
1-0 à 08'36" : Malkin assisté de Gonchar et Frolov (sup. num.)
1-1 à 12'06" : Hentunen assisté de Kapanen et Laamanen (inf. num.)
1-2 à 65'40" : Koivu assisté de T. Ruutu
 

Russie

Attaquants :
Danis Zaripov - Sergei Zinoviev (4') - Sergei Brylin
Ilya Kovalchuk (-1, 2') - Evgeni Malkin (-1, 2') - Aleksandr Frolov (-1)
Aleksandr Kharitonov (-1, 2') - Piotr Schastlivy (C) - Aleksandr Radulov (-1)
Aleksandr Ovechkin (-1) - Ivan Nepryaev - Nikolai Kulemin

Défenseurs :
Ilya Nikulin (-1) - Vitali Proshkin (-1, 2')
Andrei Markov (A) - Sergei Gonchar (-1)
Denis Grebeshkov - Vitali Atyushov
Maksim Kondratiev - Aleksei Emelin (2')

Gardien :
Aleksandr Eremenko

Remplaçant : Vassili Koshechkin (G). Absents : Konstantin Barulin (G), Aleksei Morozov (ligaments internes et ménisque).

Finlande (4' pour surnombre)

Attaquants :
Ville Peltonen (C) - Jari Viuhkola - Jere Lehtinen
Tomi Kallio (2') - Mikko Koivu (+1, 2'+10') - Tuomo Ruutu (+1, 2')
Antti Miettinen - Niko Kapanen (+1) - Jukka Hentunen (+1)
Sean Bergenheim (5'+20') puis Timo Pärssinen à 05'40" - Mika Pyörälä (2') - Jarkko Ruutu (A)
Petri Kontiola

Défenseurs :
Lasse Kukkonen (+1) - Ville Koistinen (+1)
Pekka Saravo (+1) - Jukka-Pekka Laamanen
Aki-Petteri Berg - Toni Söderholm

Gardien :
Kari Lehtonen

Remplaçant : Fredrik Norrena (G). Absents : Tuukka Mäntylä (genou), Petteri Nummelin (genou).

 

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