Canada - Tchécoslovaquie (24 avril 1920)

 

Jeux Olympiques 1920, quart de finale.

Alors que la Coupe Allan de champion amateur du Canada était détenue depuis trois ans par des équipes de l'Ontario, elle a été gagnée cette année par une équipe venue de Winnipeg, ville où le hockey se pratique à très haut niveau. Les Winnipeg Falcons ont eu une forte adversité dans leur championnat provincial face à Selkirk, le vice-champion national de l'an passé. Ensuite, ils ont déroulé en gagnant le championnat de l'Ouest contre les Fort William Maple Leafs (7-2 et 9-1) puis la grande finale contre l'Université de Toronto (8-3 et 3-2).

Ces "Falcons" sont des immigrés islandais de deuxième génération, nés au Canada. Différents par leur langue, par leur religion, victimes de discrimination par leur accent, ils se sont intégrés par le passage à l'école anglophone, puis leur intégration en bloc dans le 223e Bataillon qui regroupait les Manitobains d'origine scandinave - et qui monta son équipe de hockey pendant la saison 1916-17 avant le départ sur le front. Certains comme le pilote Frank Fredrickson ont été nommés officiers, ce qui était rare ce qui était très rare dans leur communauté (3% des Canadiens d'ascendance islandaise ont eu cet honneur). Robert Benson et le gardien Wally Byron ont ainsi déjà connu la Belgique pour y avoir combattu au sein du 27e Bataillon de Winnipeg. Leurs camarades George Cumbers et Frank Thorsteinson, également membres des Falcons, n'ont pas eu cette chance car ils ont laissé la vie auparavant en France, respectivement par un obus et par une attaque aux gaz chimiques. Les survivants se connaissent depuis longtemps et ont un très fort esprit de groupe, auquel s'est intégré cette saison le renfort Magnus ("Mike") Goodman. Après leur victoire, ils sont partis directement de Toronto pour l'Europe. Les subventions de leur ville et de l'État du Manitoba les ont aidés à s'équiper pour ce long voyage. Les recettes de la Coupe Allan versées au comité olympique canadien.

Est-ce un héritage de leurs lointains ancêtres vikings ? En tout cas aucun de ces hommes nés dans les prairies n'aurait eu le mal de mer sur l'océan ; on les voit ici poser tranquillement sur le pont. Ils ont traversé l'Atlantique du 3 au 12 avril, entre Saint-John et Liverpool, avant une escale de deux jours à Londres sous la pluie. Ils avaient envisagé de prendre l'avion pour aller d'Angleterre en Belgique, mais les conditions météorologiques ne le permettaient pas. Ils sont arrivés par la mer (via Ostende) et ont été accueillis par une récepton le 15 avril. Leur équipement a été retenu une journée par les douanes, ils ont ensuite pu s'entraîner et même joué un match "interne" pour des oeuvres de charité : les attaquants titulaires, avec des joueurs belges prêtés en défense, contre les attaquants remplaçants et les défenseurs titulaires (score 6-9).

Les Canadiens ont vite été admirés par les équipes européennes, et se sont mis à leur donner des cours. Le premier match lui-même est une démonstration. Le Canada joue moins sur la différence individuelle que les Américains ne l'avaient pas fait. Il préfère déployer un beau jeu collectif, et y parvient sans prendre la moindre pénalité, première équipe dans ce cas dans le tournoi.

Le Canada s'adapte même à la dimension inhabituelle de la patinoire (54 mètres sur 18). Constatant que le jeu à six hommes et un gardien est un peu embouteille sur une glace aussi étroite, il utilise un stratagème tactique. Il attire la Tchécoslovaquie dans sa zone pour mieux lancer des contre-attaques fatales à deux joueurs.

William A. Hewitt, qui est le directeur de l'équipe pour le compte de la fédération canadienne, relate aussi ce tournoi olympique pour le Winnipeg Free Press. Il écrit : "Les Tchèques courent sur leurs patins et sont maladroits dans leurs mouvements, leurs tirs ne sont que des mouvements de poignet. Ils semblent n'avoir aucun système, que ce soit en attaque ou en défense, et jouent un jeu entièrement individualiste."

Karel Hartmann, lui, manifeste de l'envie et de l'admiration : "Dans nos modestes équipements, nous nous sentions en haillons face à leur matériel, bardé de cuir, de straps et d'insertions d'aluminium. Nous ne pouvions détacher nos yeux de leurs [patins] Hagen effilés et nous regardions avec envie leurs réserves de crosses. Néanmoins, nous étions encore plus fascinés par la technique de patinage des Canadiens. Ils se déplaçaient sur la glace comme des anges."

Marc Branchu

 

Canada - Tchécoslovaquie 15-0 (7-0, 8-0)
Samedi 24 avril 1920 à 21h30 au Palais de Glace d'Anvers, Belgique.

Buteurs : Halderson 7, Frederickson 4, Goodman 2, Woodman 1, Johannesson 1.

Canada

Attaquants : Magnus Goodman - Frank Fredrickson (C) - Haldor Halderson

Demi : Allan Woodman

Défenseurs : Robert Benson - Konrad Johanneson

Gardien : Walter Byron

Non aligné : Chris Fridfinnson

Tchécoslovaquie

Attaquants : Karel Pešek - Josef Šroubek (C) - Vilém Loos

Demi : Karel Hartmann

Défenseurs : Otakar Vindyš - Jan Palouš

Gardien : Jan Peka

Non alignés : Karel Wälzer (G), Karel Kotrba, Josef Loos

 

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