Canada - Suède (26 avril 1920)

 

Jeux Olympiques 1920, Finale.

Avant cette finale, la journée du 26 avril a vu la tenue du Congrès de la Ligue Internationale de Hockey sur Glace, qui ne s'était pas tenu depuis la guerre. La LIHG a admis en son sein le Canada et les États-Unis par acclamation. Si les Oxford Canadians avaient un temps représenté le Canada en son sens, c'est la première fois que les authentiques réprésentants nord-américains rencontrent leurs homologues européens. Et pour cause, puisque c'est la première fois que des équipes de hockey traversent l'Atlantique, accompagnées par leurs dirigeants. Ce tournoi olympique fait donc pleinement aboutir le projet de Louis Magnus en donnant à la fédération qu'il a créée une stature internationale. Avec l'adoubement olympique, le hockey "canadien" est prêt à conquérir l'Europe, maintenant que la Suède habituée au bandy commence à s'y mettre aussi.

L'issue de cette première finale du hockey olympique ne fait aucun doute, ni pour les spectateurs ni pour les participants. Si le Canada a fait rentrer leur substitut habituel Chris Fridfinnson au poste de "rover" (dont les participants au Congrès ont décidé qu'il devrait être abandonné dans le jeu international comme il l'est progressivement en Amérique du Nord), les débutants suédois ont encore plus modifié leur équipe. Ils savent qu'ils n'ont aucune chance de gagner et préfèrent préserver leurs chances pour les tournois secondaires, où ils devront se disputer les médailles contre les autres équipes battues.

Einar Lundell, blessé à un orteil, est ainsi remplacé par Wilhelm Arwe, un joueur qui est normalement ailier et qui se débrouille comme il peut à un poste de défenseur qui n'est pas le sien. Nils Molander est également absent : il devait être la star de l'équipe suédoise compte tenu de sa connaissance de la forme canadienne du hockey sur glace à Berlin, mais quand ses coéquipiers l'avaient rejoint dans la capitale allemande, ils avaient découvert un joueur diminué, se ressentant des effets d'une récente hémorragie cérébrale. Il avait même fallu le porter pour le faire monter dans le train ! Molander a joué jusqu'ici, mais il n'est pas revenu à son meilleure forme et est donc ménagé. Il est substitué par Hans-Jacob Mattsson, un joueur qu'il avait connu en Allemagne et recommandé. Arrivé directement à Anvers en provenance d'Angleterre, où il vit désormais, Mattsson déçoit et est le plus faible des hockeyeurs suédois sur la glace.

Le Canada inscrit très rapidement les trois premiers buts. Mais la Suède a le mérite de ne pas pratiquer un jeu uniquement défensif et de se lancer à l'attaque dès qu'elle le peut, avec de bonnes montées des ailiers. Elle en est récompensée, avec un peu de chance. Un tir à 10 mètres de distance du grand Einar "Stor-Klas" Svensson touche la crosse du défenseur canadien Konnie Johannesson, juste ce qu'il faut pour que la trajectoire soit modifiée. Le gardien Wallie Byron est si surpris par cette déviation malchanceuse qu'il en tombe. Il aurait bien aimé finir le tournoi sans encaisser de but, et pensait avoir fait le plus dur en blanchissant les Américains. Le public applaudit ce but que les Suédois célèbrent comme une victoire. C'est la première fois qu'une équipe battue inscrit un but dans ce tournoi olympique un peu à sens unique.

Les Canadiens marquent immédiatement après et accélèrent le jeu au deuxième tiers-temps. Lorsque Johannesson se blesse, les Suédois retirent un de leurs joueurs (Mattsson) pour que l'on continue à jouer à 6 contre 6 : les deux équipes anticipent sur le format qui se généralisera dans le hockey. Avec plus d'espaces, le Canada se détache encore plus pour une large victoire 12-1, malgré les beaux efforts du gardien Seth Howander. Si le jeu devient un temps rude, la seule pénalité sifflée par l'arbitre (le capitaine américain Joe McCormick) calme aussitôt tout le monde.

Les joueurs canadiens repartent comme prévu avec la médaille d'or. Ils reçoivent de multiplies télégrames de félicitations et - à l'exception de Frank Fredrickson et du coach Gordon Sigurjonsson partis visiter l'Islande patrie de leurs ancêtres - embarquent au Havre malgré la grève des dockers. Les champions olympiques seront reçus en héros dans leur ville qu'ils ont brillamment représentée (ils ont fait coudre un badge "Winnipeg Falcons" en orange sur fond noir sur les épaules de leur maillot jaune et noir marqué "Canada"). Après une parade à travers les rues dans des automobiles, ils se verront remettre une montre en or en cadeau.

Les Canadiens lèguent aux Européens la vision d'un hockey sur glace de haut niveau et l'exemple à atteindre. Il faudra des années d'instruction pour compenser le différentiel d'entraînement. Les Suédois ont reçu des vainqueurs leurs bâtons de jeu, ce qui leur sera utile pour importer ces accessoires de forme canadienne dans un pays qui ne connaît que les crosses recourbées. Ils ont aussi adopté le masseur canadien - d'origine islandaise comme les joueurs - Gudmundur Sigurjonsson. Il s'occupera d'eux pendant tout le tournoi et sera ensuite engagé comme entraîneur et masseur par l'équipe suédoise d'athlétisme lorsque les Jeux olympiques se poursuivront pendant l'été.

Marc Branchu

Canada - Suède 12-1 (5-1, 7-0)
Lundi 26 avril 1920 à 22h00 au Palais de Glace d'Anvers, Belgique.
Arbitrage de Joe McCormick (USA).
Pénalités : Canada 2' (0', 2'), Suède 0' (0', 0').

1-0 à 01'15" : Halderson
2-0 à 01'55" : Fridfinnson
3-0 à 05'20" : Frederickson
3-1 à 15'58" : Svensson
4-1 à 16'00" : Frederickson
5-1 à 17'35" : Frederickson
6-1 à 23'47" : Goodman
7-1 à 28'09" : Benson
8-1 à 29'15" : Frederickson
9-1 à 29'30" : Frederickson
10-1 à 34'55" : Frederickson
11-1 à 36'20" : Halderson
12-1 à 39'02" : Frederickson

Canada

Attaquants : Magnus Goodman - Frank Fredrickson (C) - Haldor Halderson

Demi : Chris Fridfinnson

Défenseurs : Robert Benson (2') - Konrad Johanneson

Gardien : Walter Byron

Non aligné : Allan Woodman

Suède

Attaquants : Georg Johansson - Hansjakob Mattsson - Erik Burman

Demi : Einar Svensson

Défenseurs : Wilhelm Arwe - Einar Lindqvist (C)

Gardien : Seth Howander

Non alignés : Albin Jansson (G), Einar Lundell, Nils Molander, David Säfwenberg

 

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