Suède - États-Unis (12 février 1980)

 

Jeux Olympiques 1980, première phase, groupe bleu.

Tout comme le Canada, la Suède fait son retour dans le giron olympique après avoir boycotté le tournoi il y a quatre ans en protestation contre les règles du CIO sur l'amateurisme. Celles-ci n'ont pourtant pas changé et les Scandinaves ne peuvent donc pas utiliser leurs professionnels nord-américains : ils jouent donc avec leurs "amateurs" qui évoluent au pays, dont ils savent très bien qu'ils ne sont plus si amateurs que ça. Les intérêts des clubs suédois ont d'ailleurs été à l'origine de désaccords entre la ligue et la fédération : la préparation a été raccourcie avec seulement six entraînements avant le début de ces Jeux olympiques.

Les États-Unis sont bien mieux lotis à ce niveau : ils se préparent ensemble depuis le début de la saison et font tout pour réussir ce tournoi à domicile. Ils sont prêts à toute innovation. Lou Vairo est ainsi dans la tribune avec un talkie-walkie pour faire part de ce qu'il voit de là-haut à l'entraîneur-adjoint Craig Patrick sur le banc.

Dommage que l'Olympic Fieldhouse ne soit remplie qu'à moitié car les absents ratent une première période animée avec des transitions très rapides et un jeu qui va d'une cage à l'autre. Un but est refusé à Buzz Schneider pour hors-jeu, car la passe de Dave Christian a franchi deux lignes. Peu après, une passe en zone neutre du capitaine suédois Mats Waltin est contrée par un patin américain, permettant à Neal Broten de filer en contre. Pelle Lindbergh sort loin de son filet pour lui boucher l'angle de tir, mais Broten récupère le rebond et fait le tour de la cage vide : c'est le barbu Waltin qui rattrape alors son erreur initiale en revenant contrer le palet in extremis. Après onze minutes, Mark Johnson dribble au passage de la ligne bleue offensive mais perd le palet face à Lars Molin, qui lance alors la contre-attaque puis y participe en centrant du revers pour la reprise gagnante du défenseur Sture Andersson devant le but (1-0). Le score est logique car la Suède domine, mais Jim Craig maintient l'équipe américaine dans le match avec 15 arrêts en première période.

Craig a été peu soutenu par sa défense, c'est ce que Herb Brooks dit à la pause... mais de manière bien plus virulente. La violence du discours ne passe pas auprès de Rob McClanahan, qui a pris un tir dans la cheville et joue avec un gros hématome : ulcéré par une remarque de Brooks, McClanahan - qui a provoqué la meilleure occasion américaine de la première période en envoyant Strobel seul au but avec une superbe déviation en zone neutre - se met à poursuivre le coach dans le couloir en lui hurlant dessus. La porte de leur vestiaire étant ouverte, les Suédois sont interloqués par ces cris échangés entre un joueur américain et son entraîneur !

Cette explosion d'émotions est peut-être un mal pour un bien. Absent de la première rotation au retour sur la glace, McClanahan revient ensuite dans l'alignement. L'équipe américaine commence à trouver son rythme, et le public aussi. Alors que la cérémonie d'ouverture n'a lieu que demain, l'ambiance commence à monter avec les "USA, USA" venus des tribunes. Herb Brooks fait tourner ses quatre lignes offensives quand son homologue suédois plus conservateur n'en utilise que trois. Cela explique que les États-Unis patinent plus vite que les Européens. Après quatre bonnes présences consécutives des Américains, la première ligne finit le travail quand elle revient sur la glace : une passe de Mike Ramsey envoie Mark Johnson et Dave Silk en contre-attaque, et Silk égalise de près au-dessus de la mitaine de Pelle Lindbergh (1-1).

Les Américains partent ausi fort au troisième tiers-temps, contraignant la Suède à deux dégagements interdits. Lindbergh s'interpose de la botte sur un tir de Silk. Le capitaine Waltin perd encore un palet en zone neutre, laissant Mark Johnson décocher un lancer croisé puissant au passage de la bleue : poteau ! Dans la continuité de l'action, 36 secondes plus tard, la Tre Kronor marque ! C'est encore un défenseur - Thomas Eriksson - qui se retrouve seul face au but pour rediriger un centre de la droite, de Harald Lückner cette fois (2-1).

Les États-Unis ont plusieurs occasions de revenir. À 4 contre 4 après une petite altercation Eruzione et le buteur Eriksson, une passe de Bob Suter envoie Buzz Schneider au but, mais une soudaine poussée d'altruisme le pousse à une passe-abandon mal avisée. Deux pénalités sont aussi sifflées devant le banc suédois contre Tomas Jonsson, qui a fait trébucher Eruzione, et Jan Eriksson, qui a retenu Johnson, mais la boîte jaune serrée ne laisse rien passer. Näslund part même en contre et subit un cross-check de Morrow. La Suède utilise surtout ces deux minutes pour faire tourner l'horloge, et elle donne l'impression de se retenir même quand elle est installée en zone offensive. Il est dangereux de ne pas enfoncer le clou contre une équipe américaine toujours affamée dans les fins de match. Herb Brooks sort son gardien à 41 secondes de la fin avec une mise au jeu dans la zone suédoise. Mark Pavelich la gagne face à Håkan Eriksson puis sort le palet - après un gros travail de Buzz Schneider dans les bandes - vers Bill Baker dont le slap rasant à 15 mètres fait exploser de joie les joueurs américains et tous leurs supporters (2-2).

Ce point arraché par les Américains est célébré comme une victoire. Ils savent qu'ils jouent le sort de leur tournoi dès leurs premières rencontres et sont prêts à un défi encore plus relevé face à la Tchécoslovaquie.

Étoiles du match Hockey Archives : *** Jim Craig / ** Dave Silk / * Lars Molin

Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Herb Brooks (entraîneur des États-Unis) : "Je ne peux pas vous répéter mon discours à la pause, il y aurait trop de bips... Mais en substance, j'ai dit aux gars qu'il fallait qu'ils se présentent avec un casque et un panier repas [NDLR : symboles de la classe ouvrière américaine]. S'ils ne le faisaient pas, autant qu'ils aillent regarder de vieux messieurs pêcher sous la glace. Je dois dire que, de la façon dont nous avons obtenu cette égalisation, en sortant notre gardien et en mixant nos lignes, nous avons eu de la chance, même si nous avions eu beaucoup d'autres occasions d'égaliser. Ils ont montré la tenacité nécessaire et l'esprit pour continuer à travailler. Ils auraient pu abandonner, ils ne l'ont pas fait."

Suède - États-Unis 2-2 (1-0, 0-1, 1-1)
Mardi 12 février 1980 à 17h30 à la Olympic Fieldhouse de Lake Placid. 7125 spectateurs.
Arbitrage de Viktor Dombrovski (URS) assisté de Kent Stuart (CAN) et Nico Toemen (HOL).
Pénalités : Suède 8' (0', 2', 6'), États-Unis 6' (2', 0', 4').
Tirs : Suède 36 (16, 11, 9), États-Unis 29 (7, 12, 10).

Évolution du score :
1-0 à 11'04" : Andersson assisté de Molin et Lundqvist Berglund
1-1 à 39'32" : Silk assisté de Ramsey et Johnson
2-1 à 44'45" : T. Eriksson assisté de Lückner
2-2 à 59'33" : Baker assisté de Pavelich et Schneider
en noir, le rapport officiel ; en rouge, les corrections de Hockey Archives
 

Suède

Attaquants :
17 Bengt Lundholm - 18 Leif Holmgren - 15 Mats Näslund
12 Mats Åhlberg (-1) - 14 Håkan Eriksson (-1) - 21 Dan Söderström (-1)
8 Per Lundqvist (+1) - 23 Lars Molin (+1) - 19 Bo Berglund
22 Harald Lückner (+1)

Défenseurs :
2 Tomas Jonsson (2') - 4 Ulf Weinstock (A)
6 Jan Eriksson (-1, 2') - 9 Mats Waltin (C, -1, 2')
27 Thomas Eriksson (+1, 2') - 3 Sture Andersson (+1)
7 Tommy Samuelsson

Gardien :
1 Pelle Lindbergh

Remplaçants : 20 William Löfqvist (G), 16 Lennart Norberg.

États-Unis

Attaquants :
24 Rob McClanahan - 10 Mark Johnson (+1) - 19 Eric Strobel (-1)
21 Mike Eruzione (C, -1, 2') - 9 Neal Broten (-1) - 11 Steve Christoff (-1)
25 Buzz Schneider (+1) - 16 Mark Pavelich (+1) - 28 John Harrington
27 Phil Verchota - 15 Mark Wells - 8 David Silk (+2)

Défenseurs :
23 Dave Christian (-1) - 6 Bill Baker (A)
5 Mike Ramsey (+1, 2') - 3 Ken Morrow (+1, 2') ou 20 Bob Suter (-1)

Gardien :
30 Jim Craig [sorti à 59'19"]

Remplaçant : 1 Steve Janaszak (G). Absent : 17 Jack O'Callahan (déchirure partielle du ligament collatéral médial du genou gauche).

 

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