Suède - URSS (24 février 1980)

 

Jeux Olympiques 1980, poule pour le titre.

Le tournoi olympique se termine par un match à l'enjeu clair : le vainqueur aura la médaille d'argent, et le perdant se contentera de la médaille de bronze. Un match nul serait favorable aux Soviétiques, qui garderaient leur deuxième place à la différence de buts. Mais on se doute qu'ils ne s'en contenteront pas. La défaite inattendue face aux Américains a été un véritable affront sportif et politique. Viktor Tikhonov a certainement dit à ses hommes de se racheter. L'entraîneur russe semble têtu puisqu'il aligne Myshkin dans les cages et non pas Tretiak, qu'on lui avait reproché d'avoir remplacé avant-hier...

Au coup d'envoi, le capitaine et ailier droit Boris Mikaïlov se place le long de la balustrade, une position dont la Suède aurait dû se méfier : il sert de relais dans une combinaison qui envoie ses éternels partenaires Valeri Kharlamov et Vladimir Petrov à 2 contre 1. Si le message n'est pas encore passé, il est répété sur l'engagement avec deux gros lancers des défenseurs. Puis c'est Kharlamov qui revient chercher le palet dans sa zone et traverse toute la glace : son tir passe au-dessus du filet mais il prend lui-même le premier rebond avant le revers gagnant de Petrov face à la cage ouverte. 36 secondes jouées, déjà cinq tirs et 1-0 au tableau d'affichage ! Certains évoquent que ce pourrait être le dernier match international de la ligne de légende Kharlamov-Petrov-Mikhaïlov, mais elle ne semble pas avoir l'intention d'être mise au rebut, même si le centre paraît un peu à la traîne de ses deux ailiers à cause de sa lenteur de patinage.

C'est toute l'équipe d'URSS qui domine nettement. Helmut Balderis est accrroché en position de tir par Bengt Lundholm. Cette première pénalité est exploitée par une action individuelle de Sergei Makarov qui dribble Ulf Weinstock en un contre un et place son revers en angle dans l'espace entre les jambes de Pelle Lindbergh (2-0). Les Suédois sont dépassés en vitesse de jeu par les quatre lignes soviétiques. Le quatrième bloc s'invite d'ailleurs à la fête quand Aleksandr Maltsev dévie dans le filet désert un service idéal de Zinetula Bilyaletdinov (3-0). Lindbergh ferme les jambières sur un breakaway de Balderis, mais il ne fait que retarder l'échéance. À 4 contre 4, la Suède n'arrive pas à relancer dans sa zone face au pressing rouge. Jan Eriksson perd le palet face à Vassili Pervukhin et Kharlamov fait alors une passe parfaite pour Mikhailov au poteau opposé (4-0).

La deuxième période commence aussi à 4 contre 4. Valeri Vassiliev part de sa zone, remonte toute la glace et bat Lindbergh d'un tir croisé du revers (5-0). La démonstration n'est pas finie. Le sixième but est un chef-d'œuvre, une longue passe de Pervukhin pour Vladimir Krutov qui dribble le gardien pour s'ouvrir le filet en grand (6-0). Le septième suit une minute plus tard, un tir de la ligne bleue de Pervukhin dévié par Aleksandr Skvortsov (7-0). Les Suédois essaient bien de sauver l'honneur, mais toutes leurs offensives restent vaines. Peu après avoir bloqué un tir de Weinstock, Skvortsov dirige la contre-attaque de main de maître et sert Zhlutkov entre les cercles qui marque au-dessus de la mitaine de Lindbergh (8-0). Onze secondes plus tard, Per Lundqvist ne peut contrôler une relance aveugle de Sture Andersson (sous pression de Makarov) : Vyacheslav Fetisov se saisit du palet, s'avance au but et démontre à son tour les difficultés qu'a Pelle Lindbergh à lire les tirs russes du revers (9-0). Les Suédois sont terriblement frustrés, et plus encore quand un slap lointain de Tomas Jonsson frappe le poteau.

Le troisième tiers-temps passera un peu de pommade sur les plaies de la Tre Kronor. Une passe aveugle de Sergei Makarov en zone neutre est interceptée par Mats Näslund, et la contre-attaque permet au vétéran Mats Åhlberg de débloquer enfin le compteur scandinave, par un tir de près dans le haut du filet (9-1). L'ambiance devient assourdissante, aussi étonnant que cela puisse paraître : l'Olympic Fieldhouse applaudit à tout rompre ce but suédois, comme si elle voulait revivre les émotions d'avant-hier. Le pressing d'Åhlberg provoque aussi la perte de palet de Sergei Starikov qui aboutit au dernier but, inscrit dans le slot par Leif Holmgren au rebond d'un tir de Näslund (9-2).

Les erreurs de cette dernière période ne font pas oublier les 40 minutes de totale maîtrise de l'Union Soviétique, qui faisait passer le palet de crosse en crosse en combinant une perfection technique individuelle et collective. Cette équipe a rappelé son vrai potentiel... mais deux jours trop tard.

Étoiles du match Hockey Archives : *** Vassili Pervukhin / ** Valeri Kharlamov et Vladimir Krutov / * Aleksandr Skvortsov

Marc Branchu

Commentaires (souvenirs recueillis par gazeta.ru)

Valeri Vassiliev (défenseur de l'URSS) : "Nous ne nous attendions pas à l'élimination des Tchèques, que nous considérions comme nos rivaux majeurs pour la médaille d'or. Après cette tournure inattendue des évènements, l'équipe a commencé à se préparer à recevoir les plus hautes récompenses gouvernementales, dont l'Ordre de Lénine. Les journaux américains ont appelé leur victoire sur l'URSS le miracle sur glace, mais je ne suis pas d'accord, c'était le mirage sur glace. Je ne comprends toujours pas comment nous avons pu perdre contre les Américains. C'est comme si ce mirage s'était déroulé dans notre sommeil. Nous ne les avons pas simplement pris au sérieux. Nous sommes entrés dans ce match contre la Suède avec le désir de prouver à tous que cette défaite était un hasard et que nous étions la meilleure équipe. Nous savions que nous n'avions pas le droit de perdre une seconde fois. Je me souviens avoir vu dans la tribune après le match [les célèbres chanteurs] Leshchenko et Kobzon et m'être tourné vers eux en prononçant sur mes lèvres des mots d'excuse. Ils ont souri et m'ont applaudi... Mais il n'y a eu aucune sorte de répression de la part des dirigeants. Qu'auraient-ils pu faire, les récompenses n'étaient prévues qu'en cas de médaille d'or, donc il n'y a eu aucune action contre nous."

 

Suède - URSS 2-9 (0-4, 0-5, 0-2)
Dimanche 24 février 1980 à 14h30 à la Olympic Fieldhouse de Lake Placid. 8500 spectateurs.
Arbitrage de Bernie Haley (CAN) assisté de Stefan Enciu (ROU) et Andrzej Kapolka (POL).
Pénalités : Suède 8' (6', 2', 0'), URSS 12' (6', 2', 4').
Tirs : Suède 26 (5, 8, 13), URSS 28 (15, 7, 6).

Évolution du score :
0-1 à 00'36" : Petrov assisté de Kharlamov
0-2 à 05'52" : Makarov assisté de A. Golikov (sup. num.)
0-3 à 10'31" : Maltsev assisté de Bilyaletdinov et Pervukhin Krutov
0-4 à 17'38" : Mikhailov assisté de Kharlamov et Pervukhin
0-5 à 20'33" : Vassiliev
0-6 à 27'18" : Krutov assisté de Pervukhin
0-7 à 28'14" : Skvortsov assisté de Pervukhin et Balderis
0-8 à 34'51" : Zhlutkov assisté de Balderis et Skvortsov
0-9 à 35'02" : Fetisov
1-9 à 49'17" : Åhlberg assisté de Weinstock et Holmgren Näslund
2-9 à 54'21" : Holmgren assisté de Näslund
en noir, le rapport officiel ; en rouge, les corrections et compléments de Hockey Archives
 

Suède

Attaquants :
18 Leif Holmgren (-1) - 15 Mats Näslund (-2) - 12 Mats Åhlberg (-2, 2')
16 Lennart Norberg (-2) - 14 Håkan Eriksson (-2) - 21 Dan Söderström (-4)
17 Bengt Lundholm (-1, 2') - 23 Lars Molin (-1) - 8 Per Lundqvist (-1, 2')

Défenseurs :
4 Ulf Weinstock (A, -1) - 2 Tomas Jonsson
6 Jan Eriksson (-4) - 9 Mats Waltin (C, -3)
27 Thomas Eriksson (-2, 2') - 3 Sture Andersson (-2)

Gardien :
1 Pelle Lindbergh

Remplaçants : 20 William Löfqvist (G), 7 Tommy Samuelsson, 22 Harald Lückner. En réserve : 19 Bo Berglund.

URSS

Attaquants :
17 Valeri Kharlamov (+2) - 16 Vladimir Petrov (+2, 2') - 13 Boris Mikhaïlov (C, +3)
19 Helmut Balderis (+2) - 22 Viktor Zhlutkov (+2) - 26 Aleksandr Skvortsov (+2)
23 Aleksandr Golikov (-1, 2') - 25 Vladimir Golikov (-1) - 24 Sergei Makarov (-1)
9 Vladimir Krutov (+2, 2') - 11 Yuri Lebedev (+2) - 10 Aleksandr Maltsev (+2)

Défenseurs :
2 Vyacheslav Fetisov (+1, 4') - 7 Aleksei Kasatonov (+2)
12 Sergei Starikov (+1) - 6 Valeri Vassiliev (A, +2, 2')
5 Vassili Pervukhin (+4) - 14 Zinetula Bilyaletdinov (+2)

Gardien :
1 Vladimir Myshkin

Remplaçant : 20 Vladislav Tretiak.

 

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