Mémoires de Vincent Bachet

 

La découverte du hockey et la formation

J'ai grandi à Dammarie-Les-Lys, j'ai découvert le sport en club avec le judo puis le basket. Je n'ai pas vraiment accroché et j'étaos à la recherche d'un autre sport. Une institutrice de mon école primaire a conseillé à mes parents de tenter l'expérience hockey sur glace. À 7 ans j'ai donc eu cette opportunité de commencer une initiation au patinage et au hockey. Une chance d'avoir une patinoire sur sa commune.

Mon grand frère, de 18 mois mon aîné, m'a suivi un an plus tard. Ensuite, apprentissage, travail, progression. Lors d'un tournoi sur Cholet où j'étais surclassé avec les cadets, mes parents sont entrés en contact avec un dirigeant du club de Reims. S'offrait alors à moi l'opportunité de rejoindre le sport-étude rémois et d'intégrer ainsi un club formateur de grande qualité. Rentrée en seconde au lycée Arago, les horaires aménagés nous permettait de nous entraîner tous les jours de 15h30 à 17h00.

Nous étions peu nombreux (6 joueurs sans gardien), mais j'ai eu la chance d'être formé par Vladimir Kovine, incroyable personnage qui m'a rapidement fait progresser dans tous les domaines. Ensuite, les étapes se sont enchaînées naturellement : un championnat d'Europe avec l'équipe de France U18 et 3 championnats du monde avec l'équipe de France U20. Premiers entraînements avec l'équipe pro vers 16 ans. À 17 ans, j'ai eu la chance de "profiter" de la blessure de [Jari] Grönstrand (une oeuvre d'Antoine Richer lors d'une rencontre face à Amiens) pour réellement avoir du temps de jeu en défense et marquer mon premier but. Sorti d'un petit club peu structuré, le club de Reims m'a donné les moyens de basculer vers le haut niveau.

L'aventure américaine (1997-1998)

Mon Bac ES en poche, je me suis inscrit en première année de fac d'économie. Je commençais à avoir du temps de jeu avec les pros mais il m'est vite apparu que le modèle français ne permettait pas de concilier les études et le haut niveau. Depuis lors, force est de constater que les institutions se sont améliorées de très belle manière. Une fois ce constat fait, il paraissait évident que la meilleure alternative était de partir en université américaine.

Mais pour y entrer, il faut se faire repérer aux États-Unis et les universités n'investissent dans les joueurs que lorsqu'elles ont des certitudes. Je pars donc au mois de juin pour faire deux camps d'entraînement USHL à DesMoines et à Minneapolis. Le premier camp à DesMoines fut une réussite, ils m'ont selectionné dans leur équipe et j'ai tout de suite accepté car l'organisation était bien meilleure qu'à Minneapolis.

La saison avec les Buccaneers fut une expérience vraiment riche et fructueuse. Nous avons joué, matchs de pré-saison inclus, près de 90 matchs : une ligue avec des organisations très professionnelles, pas de salaire à verser pour les joueurs mais de gros moyens sur le staff et les équipements. Des patinoires pleines et un championnat de très haut niveau. Un style très américain, rugueux et physique qui m'a demandé quelques mois d'adaptation. À DesMoines, l'arena était garnie d'au moins 3000 personnes à chaque match.

Sur le plan sportif, cela a été une année riche, nous avons gagné le championnat régulier, perdu en finale contre Lincoln mais gagné les finales nationales dans le Montana au mois de juin. J'avais des contacts avec des scouts mais ils me demandaient de refaire une saison pour confirmer. Suite à un transfert décidé par mes coachs dans une autre organisation beaucoup moins intéressante, j'ai décidé à l'époque de rejoindre Caen.

La période caennaise (1998-2000)

Un projet porté par une organisation ambitieuse et un partenaire solide financièrement (Bayer). Une première saison avec des joueurs français ayant participé à la montée du club au plus haut niveau et quelques joueurs étrangers. Une équipe coachée par Heikki Leime, coach qui me lancera réellement dans le haut niveau.

Mes deux années à Caen restent de très grands souvenirs pour moi, j'ai progressé avec un temps de jeu croissant aux côtés notamment de Jean-Christophe Filippin. J'ai connu mes premières sélections en équipe de France et la deuxième année, le sponsor principal a mis le paquet pour construire avec Heikki une très belle équipe : une victoire en demi-finale contre Rouen en 5 matchs, dans une série incroyable. Puis une défaite en finale contre Reims en aller et retour. Heureusement, le gain de la Coupe de France a consacré cette très belle saison.

Je conclus cette saison par ma première participation aux championnats du monde de Saint-Pétersbourg. Le projet caennais n'a pas trouvé les ressources financières pour continuer à nourrir ses ambitions et c'est ainsi que je pris la direction de Reims.

Le titre avec Reims (2000-2002)

J'étais parti de Reims après avoir bénéficié de sa formation de haut niveau, il était normal que j'y revienne pour donner au club qui avait investi sur mon développement. De plus, de nombreux Rémois constituaient une ossature importante de l'équipe de France : Anthony Mortas, Gérald Guennelon, Arnaud Briand, Jonathan Zwikel...

J'ai passé deux très bonnes saisons avec une équipe construite autour de joueurs cadres français. L'ambiance était excellente sur et en dehors de la glace. Un titre la saison 2001-2002 pour finir en apothéose avant le disparition du club, encore pour des raisons financières.

La longévité amiénoise

Sans club, Amiens m'a contacté par l'intermédiaire d'Hervé Petit. Amiens souhaitait également recruter Anthony Mortas. En équipe de France, j'étais très proche de Denis Perez, alors c'était une opportunité de le rejoindre dans une des meilleures organisations françaises. Cela me permettait aussi de rejoindre les frères Chauvel avec qui j'avais évolué à Caen.

C'est donc tout naturellement qu'Anthony et moi nous sommes engagés avec ce club qui souhaitait construire son équipe autour de joueurs français. Sous la présidence de Patrick Letellier et l'encadrement d'Antoine Richer, les premières années ont été très prolifiques : finale en 2003, victoire en 2004 avec un seul joueur étranger dans l'équipe.

Pour moi cette saison fut une réussite incroyable, des internationaux français autour d'une génération d'Amiénois champions de France junior et un gardien de but charismatique, Antoine Mindjimba, qui nous a permis de ramener un second titre à Amiens. Cette ville de hockey a su fêter le titre sans commune mesure avec ce que j'avais vécu à Reims : tour de la ville en bus à impériale, réception au balcon de l'hôtel de ville et une place noire de supporters. Grand moment.

Ensuite, une saison 2004/2005 ratée mais une nouvelle finale en 2005/2006, perdue contre Rouen. Les derbys contre Rouen étaient vraiment des matchs avec une incroyable intensité. Après 2006 et le départ du Président Patrick Letellier, le club a connu les plus grandes difficultés à construire une équipe performante. Désillusion, exode de nombreux joueurs français, recrutements par défaut. Les résultats n'ont pas suivi, à mon grand regret...

J'ai posé mon sac au Coliséum en août 2002 et je suis fier d'avoir pu finir ma carrière dans ce club en mars 2014. Ma longévité à Amiens tient en ma fidélité à ce club et à ses valeurs. J'y suis d'ailleurs maintenant investi dans l'association pour accompagner les entraîneurs dans la mise en place du projet sportif.

L'équipe de France

L'équipe de France, c'est une seconde famille. Je me rappelle ma première rencontre avec Laurent Meunier à un stage de sélection à Mulhouse quand j'avais 16 ans et lui 15. Il est devenu mon roommate et on a partagé cette aventure si riche toutes ces années.

J'ai commencé par un championnat d'Europe en U18 suivi de trois championnats du Monde en U20, un premier championnat du Monde sénior (1999) manqué à cause d'une blessure et puis les débuts d'une longue série de championnats du monde (2000-2013). Le premier fut impressionnant en Russie avec tous les fastes du Groupe A et la première désillusion de la descente dans le Groupe B. Ensuite, un long chemin de croix pour remonter et s'installer durablement dans le Groupe A.

L'équipe de France, ce sont des stages qui ponctuent votre saison, des moments où vous retrouvez les copains autour de nombreux voyages. Des matchs de haut niveau où vous travaillez pour préparer l'échéance à venir : qualification olympique, Championnats du Monde, JO... Vous êtres pris en charge de A à Z et vous n'avez qu'à penser Hockey. Merci d'ailleurs aux managers qui oeuvrent pour nous offrir les meilleures conditions, merci Patrick Francheterre !

C'est un peu comme une famille. Vous avez les grands frères : pour moi c'était Denis Pérez, Philippe Bozon, Jeff Bonnard. Vous arrivez et ils vous prennent sous leurs ailes. Il y a aussi les frangins : Baptiste Amar, Laurent Meunier, Yorick Treille, Stéphane Barin, Fab Lhenry, Cristobal Huet. Des gars avec qui vous commencez et qui partagent ces moments forts. Et enfin les petits frères, qu'on accueille et qui grandissent : Pierre-Édouard Bellemare, Kévin Hecquefeuille, Stéphane Da Costa, Damien Fleury, et qu'on est fier de voir réussir et prendre à leur tour le leadership.

L'équipe de France, c'est surtout une fierté de faire partir d'un groupe, de représenter son pays. À chaque fois une grande émotion d'entendre raisonner la Marseillaise et de la chanter ensemble, en équipe. Et une chance de pouvoir se frotter à de grands joueurs internationaux, de se jauger et de voir le travail qu'il nous reste à accomplir pour grimper les échelons du hockey mondial. Mon aventure en sélection, j'ai décidé d'y mettre un terme en 2013 à Helsinki. Je sentais mon influence décliner, et non qualifiés pour les Jeux, j'ai souhaité laisser la place aux jeunes.

Les jeux de Salt Lake City (2002)

Les Jeux, de la bouche des anciens, c'était un événement incroyable. Il faut le vivre pour prendre conscience de cet événement majeur dans la vie d'un sportif. Déjà c'est une récompense car le chemin pour y participer n'est pas simple.

Salt Lake, février 2002, juste après les attentats de septembre 2001 : sécurité maximale dans le village olympique. Une expérience sportive que je souhaite à chaque athlète. Notre lucidité ne nous laissait pas espérer de grandes espérances sur le plan sportif, et nous avons vraiment profité de ces Jeux pour prendre du plaisir dans le jeu sans pression, de découvrir la vie au village olympique et au sein de la délégation française.

On a eu la chance d'assister à de nombreuses épreuves mais le moment phare restera pour moi la cérémonie d'ouverture. Beaucoup d'émotions dans ce stade où enfin on prend conscience d'être acteur de ce grand moment de sport qui s'ouvre.

Les rencontres les plus marquantes

Il y en a beaucoup à relever :

Laurent Meunier, mon partenaire de chambre durant toutes ces années en équipe de France. Un guerrier qui donne tout, un grand capitaine qui je l'espère entraînera...

Baptiste Amar, mon meilleur concurrent au poste de défenseur en EDF et un ami exemplaire.

Jean-Christophe Filippin, qui m'a transmis sa science de garder la ligne bleue défensive.

Denis Perez, qui m'a accueilli en EDF, que j'ai retrouvé en club comme co-équipier puis comme entraîneur.

Heikki Leime, qui m'a lancé à Caen. Ancien défenseur, il m'a transmis la culture finlandaise du travail, ses speechs d'avant-match sont puissants et vous hérissent le poil !

Antoine Richer, un monument pour les Gothiques. C'est grâce à lui que j'ai commencé, je l'ai eu comme assistant-coach à Saint-Pétersbourg en 2000 puis à Amiens à partir de 2002.

Anthony Mortas (photo). Dès 2000 et mon retour à Reims, j'ai eu la chance de jouer avec le centre de ma vie. Ça a dû fonctionner puisqu'on ne s'est plus quitté jusqu'à la fin de sa carrière. Toujours associés, on se connaît parfaitement. Mon centre de coeur.

Dave Henderson, qui m'a coaché en équipe de France U18 et que j'ai eu le plaisir de retrouver de 2004 à 2013 en équipe de France. Il sait comment construire un groupe et trouver les bons équilibres.

Cristobal Huet, en plus de son talent, une humilité et une générosité de tous les instants. La classe !

Pierre-Édouard Bellemare, je me rappelle encore ses premiers championnats du monde aux Pays-Bas où il démontrait déjà son caractère dans le vestiaire. Travail, détermination, sacrifice, hygiène de vie. Quel exemple et quel parcours.

Enfin Stéphane Da Costa. Formé dans le 77 à Dammarie-les-Lys comme moi. J'ai été privilégié de pouvoir l'accueillir en équipe de France. Un diamant brut, du talent à l'état pur.

Le mot de la fin : le meilleur souvenir en carrière

Suisse 2009 : l'équipe de France venait de se maintenir à Québec dans la douleur. La sélection était composée uniquement de joueurs formés en France. J'avais retardé mon opération des ligaments croisés pour disputer ces championnats du monde, et pour une fois tout s'est bien passé avec un sauvetage en phase de poule. L'incroyable victoire d'un groupe.

Et puis je ne peux pas ne pas évoquer la victoire contre la Russie (2013) championne du monde sortante. J'étais de plus capitaine pour ce match, cette performance collective incroyable avec une mention spéciale pour Flo Hardy. #Wecanbeheroes

Propos recueillis par Sebastien Bernard, 2017

 

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