Mémoires de Denis Perez

 

Caen

J'ai débuté à Caen dans l'ancienne patinoire et j'ai fait tout mon mineur là-bas. Il y a eu Vinard, bien sûr, mais il y en a eu d'autres. Un Canadien nommé Zénon Chiasson, par exemple, a été très important pour les joueurs de cette génération. On a vu passer des Canadiens, ça aurait pu être des Tchécoslovaques. L'important, c'est qu'ils ont apporté des connotations différentes. Nous à Caen, on ne savait pas jouer au hockey. Ils ont amené une culture.

Comme tout club, Caen n'a pas pris le temps de se structurer et a voulu aller trop vite, en faisant comme certains présidents. Il aurait fallu monter tranquillement par étapes. En faisant l'ascenseur pas mal de fois, on y a laissé des plumes. Quand je suis parti, Caen jouait dans l'élite de l'époque. Voir ensuite son clubs disparaître des meilleurs clubs français, avec dans l'équipe des gens comme Loïc Sicot et Bruno Marie, ça m'avait fait mal. Pendant vingt ans, en incluant ensuite l'époque Hascoët, ce club n'avait pas la stabilité qu'il a eu aujourd'hui.

Les Français Volants de Paris

C'est Claude Dolbec, l'entraîneur de Caen, qui était en contact avec les Français Volants et qui leur a dit qu'il y avait dans son équipe un jeune qui avait les capacités de faire des choses intéressantes. Si je n'étais pas parti, je ne sais pas si ma carrière aurait été la même. J'ai eu une opportunité, je l'ai saisie, et je suis tombé dans un milieu grisant.

Moi, le régional, j'arrivais à Paris. Dans le vestiaire, on avait un équipement tout payé, des tenues de sport et des blousons à porter en dehors... On n'avait pas de problème de déplacements, on couchait sur place, on était mis dans les meilleures conditions. J'ai vécu les Volants comme tout le monde aurait voulu les vivre. On a fait le journal télé de TF1 en direct avec Anne-Sophie de Kristoffy.

Bien sûr, en déplacement, on représentait le POPB, on représentait Bercy... On parlait aussi d'argent, même si dans le Mont-Blanc aussi certains joueurs avaient des contrats importants. Mais la guerre plaine-montagne, je trouvais ça génial, cela faisait des matches avec un piquant supplémentaire.

L'échec et le titre qui se fait attendre

Je ne vais pas revenir sur les raisons de l'échec, c'est prescrit aujourd'hui. Il y a eu des mauvais choix de faits, peut-être. Mais nous étions tous responsables de cet échec.

L'association du Mont-Blanc n'a pas aidé, bien sûr. Séparées, Saint-Gervais et Megève n'étaient pas des équipes de mauvaise qualité. Ensemble, forcément... Cela n'a pas été fait involontairement, ça a été fait pour nous mettre des bâtons dans les roues. Quand tu mets Bordeleau d'un côté et Péloffy de l'autre, c'est sûr que cela devient plus compliqué de les battre. Tout le monde voulait dézinguer Paris, sportivement ou fédéralement. Il y avait une guerre avec la fédé parce que les Volants organisaient un gros tournoi au même moment que le tournoi du Mont-Blanc, on voyait qu'on gênait. Mais on a quand même fait venir à Bercy des joueurs comme Jiri Lala ou Guy Lafleur, une icône du hockey mondial. Il n'y avait que le président Thierry Lacarrière qui était capable de le faire. C'est vrai qu'on faisait concurrence au tournoi de Noël, mais si on a fait le 13 heures de TF1, c'est grâce à ça. C'est comme ça qu'un club à Paris peut aider tout le hockey en général.

La saison du titre [NDLR : après la disparition du Mont-Blanc], on savait que le club se cassait la binette. Quand vous faites un projet, vous mettez un temps. Des sponsors comme Nike ou Europe 1 venaient pour deux-trois ans, et ils n'étaient pas là pour faire deuxième. Ensuite, il y a des gens qui font des choix. Nous nous sommes fait éjecter de Bercy au profit de spectacles, mais la première année, c'est nous qui avions éjecté le basket.

Rouen

Quand je suis arrivé à Rouen, on a eu le titre tout de suite. C'est un club qui a fait exactement le même chemin, sauf que c'est un club qui a eu des résultats sportifs et qui a eu une patinoire. Et puis, il faut voir le niveau de l'équipe : dans les grandes années, il n'y avait que des étrangers, des "Franco" et des internationaux.

Les sélectionneurs Kjell Larsson et Juhani Tamminen

Avant Larsson, on jouait à l'instinct. Et c'est ce que Kjell a toujours aimé chez nous, on avait le feu dans les yeux. Là-dessus, il nous a amené une culture de haut niveau sur tous les points : alimentation, sommeil, discipline, étirements, lecture de jeu... Et puis, on s'est donné les moyens d'une préparation conséquente. Pendant les quatre années avant les JO d'Albertville, on ne faisait pas une saison de dix mois, on faisait une saison de onze mois. Des stages, des stages, encore des stages...

Tamminen, c'était un motivateur, il était hyper-speed, par moments il te donnait la pèche. Il a amené ce que Kjell n'avait pas, du charisme sur le banc. Mais il ne pouvait pas lui être comparé : en sept ans, Kjell nous avait tout fait découvrir. On était hyper-contents de nos performances aux championnats du monde 1995, mais ce n'était pas la même chose. Les JO, c'est unique, on l'a ressenti à chaque tournoi olympique. Rien ne pourra remplacer Albertville. On en avait parlé pendant quatre ans, on était motivé pour ça. On pensait que l'on aurait un championnat professionnel, et ce fut un pétard mouillé. Le problème, c'est qu'il n'y avait pas la volonté fédérale de mettre des choses en place, pour assainir les clubs, pour asseoir le projet sportif. Il n'y avait pas de volonté d'hommes, il y avait des clans qui se sont affrontés pendant des années.

Mannheim

C'est une super expérience. J'invite tous les bons joueurs français à partir beaucoup plus tôt et beaucoup plus vite parce que sportivement c'est hyper intéressant. Tu es payé pour ne faire que du hockey sur glace, ne penser qu'à cela et si tu ne joues pas bien, c'est toi qui dois trouver les ressources nécessaires pour revenir dans le positif car personne ne t'aide. Les mecs sont là pour te bouffer, déjà à l'intérieur de ton équipe, et après les adversaires sont là pour te détruire en permanence. Pour le hockey français cela serait une très bonne chose ; on le voit avec des mecs qui partent de plus en plus et c'est très bien.

L'ambiance est géniale. Du début à la fin de la saison tu es sous pression. Tu es bien payé pour ce que tu fais. Le public est là du début à la fin, que tu perdes ou que tu gagnes. C'est un vrai championnat. Tu n'as pas le temps de respirer, tu es toujours sous pression. Bon ou mauvais match, tu enchaînes deux jours après, donc tu es obligé d'avancer en permanence.

Anglet

Un projet sympa alliait la reconversion et le sportif. Tout me plaisait. J'y ai passé deux superbes années avant de partir pour des raisons strictement professionnelles. La finale face à Rouen en 2001 prouve que quand on y croit on peut réussir malgré les pronostics du début de saison. Un état d'esprit, un groupe et des vraies valeurs de région et de club ont servi pendant les moments forts. Lorsqu'il fallait se transcender toute l'équipe l'a fait. Le fait de porter le numéro 64 par la suite, comme Lionel Bilbao, était un clin d'œil à ma façon, ironique.

Amiens

Je connaissais tout du club. C'était un adversaire de longue date et les gens qui sont toujours à la tête me plaisaient bien. Le projet était hyper intéressant sportivement, avec des valeurs françaises. C'est une continuité. Le titre de 2004 est l'aboutissement de ce qu'Amiens a voulu faire depuis un bout de temps. Ces challenges ne sont pas faciles, les opportunités du championnat nous ont été favorables et il fallait le faire. C'est un super souvenir. La fin à Rouen est l'aboutissement d'une carrière, le jeu a voulu que cela se fasse à Rouen. C'était mûrement réfléchi, je n'allais pas faire une année de plus. J'avais fait plus que mon temps.

Les cinq Jeux Olympiques

Calgary, c'est surtout un rêve de gosse et un parcours de l'équipe nationale hyper intéressant. Quand on est arrivés il y avait beaucoup de Franco-Canadiens car le niveau des joueurs français n'était pas suffisant. Après il y eut une "guéguerre" sportive, un challenge entre ces joueurs-là et nous pour arriver à plus de Français. On nous a sélectionnés parce qu'on devenait aussi bons voire meilleurs mais on avait besoin de ces joueurs-là parce qu'ils ont maintenu l'équipe nationale pendant des années. Je suis arrivé pour prendre la place d'un mec, c'était clair, après il me fallait la garder du début à la fin. Cette passation de pouvoir s'est bien faite parce que si on a sélectionné plus de Français c'est qu'ils se sont bougés.

Albertville, c'était génial, avec une équipe de France compétitive, Il y avait tout, des joueurs comme Poudrier, Laporte, Ville, Bozon, Pouget. C'était UNE équipe de France, qui savait qu'elle pouvait faire quelque chose. Comme le Français est parfois surprenant, on l'a fait. Cela reste le jeu de référence.

À Lillehammer, on est passés à côté. Le problème c'est que la France est capable du meilleur comme du pire. En 1992 on a vu le meilleur, deux ans plus tard c'était le moins bon.

À Nagano, c'est pareil. Le niveau est de plus en plus dur, avec l'éclatement de la CEI. On peut faire beaucoup mieux mais on était à notre place.

Salt Lake City, c'est aussi une grosse déception, encore plus pour moi car c'est ma dernière campagne en équipe nationale. On aurait pu faire mieux mais il faut beaucoup d'entraînement, de compétition et un championnat beaucoup plus fort. En 1992 on nous a donné les moyens de pouvoir s'entraîner, après ils étaient un peu différents. On était là aussi à notre place, malheureusement.

Propos recueillis par Marc Branchu et Mathieu Hernaz, 2007